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Renforcez vos capacités d’autocompassion pendant la crise de la COVID-19
La COVID-19 a mis notre monde sens dessus dessous comme un enfant qui agite une boule à neige, et il est difficile de garder nos repères alors que nous avons été catapultés hors de notre zone de confort en pleine tempête et sans savoir quand ceci prendra fin.
Nous abordons chaque journée dans un brouillard d’incertitude, et l’anxiété menace de détruire tous les plans que nous mettons au point pour tenter de nous acclimater à cette « nouvelle vie normale » imprévisible. Mon conseil immédiat pour chacun d’entre nous est de renoncer à nos anciennes attentes, de laisser derrière nous nos anciennes façons de penser et de faire, et de vivre le moment présent dans un esprit de compassion et de pardon.
L’une des leçons les plus difficiles que j’ai apprises, après plusieurs décennies d’essais et d’erreurs, c’est que nous devons d’abord faire preuve d’empathie envers nous-mêmes avant de pouvoir nous tourner vers les autres pour la partager.
Cela paraît si simple à dire, mais le faire n’est pas si facile.
Je siège au conseil d’administration du refuge The Gathering Place, à St. John’s, T.-N.-L. Je suis régulièrement en contact avec ses dirigeants, et j’ai le cœur brisé en pensant aux défis auxquels ils doivent faire face. Ils s’occupent des plus vulnérables. Les sœurs au grand cœur et le personnel exceptionnellement dévoué qui assurent le bon fonctionnement de l’organisation ont peine à garder leurs portes ouvertes et à répondre aux besoins de personnes qui éprouvent des difficultés à se nourrir et à se loger, et dont plusieurs vivent avec de graves maladies mentales ou des dépendances.
De temps à autre, après une longue journée de travail et un important manque de contacts humains, je suis envahie par un sentiment de tristesse; je me retrouve submergée par un manque profond de la vie normale dont nous avons toutes et tous tant soif. Et puis une pensée finit par s’imposer à moi : Qui suis-je pour me plaindre tandis que tant de gens n’arrivent même pas à combler leurs besoins humains les plus primaires?
Mais il y a un problème avec cette façon de penser. Il n’est pas très avisé de nier ce que nous avons perdu et les défis auxquels nous faisons face simplement parce que quelqu’un d’autre vit une situation pire que la nôtre. Évidemment, il est utile de mettre les choses en perspective. Mais refuser de reconnaître nos propres blessures n’est pas altruiste.
C’est tout le contraire.
Avec ce que nous vivons présentement, hiérarchiser nos souffrances est bien la dernière chose à faire. Nous devons nous approprier notre tristesse et nous donner du temps et de l’espace pour ressentir les nombreuses pertes, grandes ou petites, que nous subissons chaque jour. Le fait que quelqu’un souffre plus que nous n’est pas d’un grand réconfort. Ironiquement, discréditer nos propres sentiments peut en fait endurcir nos cœurs face à la souffrance des autres.
Si vous vous sentez irritable, si vous n’arrivez pas à dormir ou à vous concentrer ou si vous ressentez une fatigue accablante, c’est que votre corps vous envoie un signal. Le deuil peut prendre des formes diverses. Et ne vous y méprenez pas, nous vivons tous une forme de deuil présentement, que nous le disions clairement ou non.
Il est facile de se laisser aller à un dialogue intérieur négatif lorsque nous sommes brusques avec un proche, laissons la lessive s’accumuler ou n’arrivons pas à atteindre les normes post-COVID que nous nous étions fixées. Nous devons réaliser, accepter et composer avec le fait que l’énergie que nous voudrions utiliser pour faire les choses comme avant est monopolisée par nos cerveaux qui tentent de saisir une nouvelle réalité qui change à la vitesse de l’éclair. Si l’école à la maison est un échec, si souper revient à manger un simple sac de croustilles et si s’habiller rime avec porter son survêtement préféré, ainsi soit-il. Si la barre est plus haute chez vous… eh bien tant mieux pour vous, mais évitez de vous en vanter.
Nous devons nous rappeler qu’un deuil est un deuil, qu’une perte est une perte, et que la tristesse n’est rien d’autre que la tristesse. Notre empathie s’arrête là où nous nous la refusons à nous-mêmes.
Si vous souhaitez développer une nouvelle compétence pendant la pandémie de COVID-19, la meilleure que je puisse vous suggérer est l’autocompassion. Tirez profit de ce traumatisme mondial et servez-vous-en comme d’un outil pour émousser la lame de votre autocritique et pour faire taire la petite voix intérieure qui vous répète sans cesse que vous n’en faites pas assez. Voyez vos échecs perçus comme des tremplins vers le type de croissance personnelle qui ne se fait pas simplement en recommençant à pratiquer un passe-temps, mais qui s’atteint plutôt grâce à la difficile pratique de l’amour de soi : s’aimer non pas malgré ses imperfections, mais à cause de celles-ci.
Hier soir, je me suis donné le droit de pleurer toutes les personnes et toutes les choses qui me manquent. Je me suis assise avec ma tristesse et avec ma colère, et j’ai mis un nom sur toutes ces pertes que j’ai subies. Cela peut souvent ouvrir une porte sur nos blessures et nos traumatismes passés, et nous pouvons avoir l’impression que le monde entier pèse sur nos épaules. Mais ce que je trouve intéressant, et qui en dit long sur la résilience de l’esprit humain, a été confirmé par des chercheurs : souvent, si nous nous autorisons à ressentir pleinement les émotions qui nous habitent pendant 90 secondes, c’est suffisant pour rétablir notre équilibre.
Se sentir désolé pour soi-même est mal vu, à tort. Allez-y. Autorisez-vous à être désolés pour vous-mêmes. Cela pourrait bien être la chose la plus productive que vous aurez faite aujourd’hui.
Ce matin, à mon réveil, je me sentais rafraîchie, revigorée et prête à aider les autres.
En cette époque particulièrement troublée, faire preuve de bonté envers nous-mêmes et panser nos propres blessures avec tendresse est la meilleure façon d’ouvrir nos cœurs et nos esprits aux autres et de les aider à combler leurs besoins.
Louise Bradley
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Comprendre les conséquences psychologiques liées à une perte d’emploi pendant la pandémie de COVID-19
La COVID-19 a dévasté un grand nombre d’emplois au Canada et à l’étranger. À ce jour au pays, près de six millions de personnes ont présenté une demande de prestation d’urgence gouvernementale pour soulager leur fardeau financier. C’est presque l’équivalent de l’ensemble de la population de la région du Grand Toronto.
Mais le soutien financier ne suffit pas à combler le vide qu’engendre le fait de se retrouver sans emploi.
Il suffit de demander à Elizabeth Fulton, une photographe professionnelle qui a bâti à elle seule une entreprise florissante au cours de la dernière décennie. « J’ai choisi ce métier en partie parce qu’il me permet d’atteindre un meilleur équilibre entre prendre soin de mes enfants et poursuivre une carrière. Et j’ai tenu bon grâce aux relations que j’ai établies avec mes clients. Ils sont devenus, à bien des égards, comme ma famille élargie », a-t-elle déclaré.
« Je rencontre leurs bébés seulement quelques jours après leur naissance; et j’ai le privilège de les voir grandir. Donc, lorsque mon entreprise s’est brusquement arrêtée de fonctionner, ce n’est pas seulement mon revenu que j’ai perdu. J’ai aussi perdu toute forme de structure dans ma journée et j’ai également perdu le contact constant avec mes clients. D’une certaine manière, j’estime que c’est un peu comme si ma propre identité s’était envolée », a-t-elle expliqué. « Je ne dirais pas que j’ai tout perdu. Mais je me sens plutôt ébranlée en ce moment. »
Il n’est donc pas surprenant que la perte d’un emploi soit souvent associée à la dépression, à l’anxiété et même à des pensées suicidaires. Cependant, en nous attaquant aux conséquences psychologiques associées au chômage, nous pouvons contribuer à atténuer les répercussions sur la santé mentale et transformer les difficultés en occasion de développer une certaine résilience.
Bill Howatt, chef des recherches sur la productivité du personnel au Conference Board du Canada, dit que la COVID-19 a ajouté des strates supplémentaires de complications à une perte d’emploi. « Pour les personnes qui œuvrent dans le secteur hôtelier et qui n’ont plus d’emploi, la solution pour retrouver du travail n’est pas la même qu’elle était auparavant. Elles ne peuvent plus simplement mettre à jour leur curriculum vitæ et se rendre au restaurant le plus proche pour avoir la chance d’exercer à nouveau leur métier. Quant aux professionnels comme les dentistes et les chiropraticiens, ils subissent un niveau de stress aggravé par des comptes à payer, comme le loyer et les salaires des employés, alors qu’aucun revenu n’entre dans les coffres. Tout cela peut faire en sorte que l’on se sente rapidement désespéré. »
Après une perte majeure, il est naturel de ressentir du chagrin. Perdre un emploi n’est pas tellement différent que de traverser d’autres sortes de deuils. Pour beaucoup de gens, leur travail leur procure un sentiment d’avoir un objectif à atteindre, et le fait de perdre cela peut avoir une incidence profonde sur leur bien-être mental.En plus de fournir une raison d’être, le travail d’une personne est souvent étroitement lié à son identité. L’une des premières questions que nous posons en apprenant à connaître quelqu’un est : « Que faites‑vous dans la vie? » Lorsque la réponse à cette question disparaît du jour au lendemain, un sentiment d’inutilité peut même s’installer.« Je dis aux gens que la chose la plus importante à faire, dès le moment où ils se retrouvent dans cette situation, est de planifier leur journée du mieux qu’ils le peuvent. Levez-vous, habillez-vous, adoptez une routine et essayez de la suivre quotidiennement », a déclaré M. Howatt, qui note que le fait de réaliser que l’on contrôle encore certaines choses peut s’avérer un bon moyen de se sentir plus autonome et utile.
Madame Fulton est d’accord avec cette idée. « La routine est essentielle pour moi. Je mange des aliments sains, je fais de l’exercice chaque jour et j’essaie de trouver des moyens créatifs de dialoguer avec mes clients. »
Pour M. Howatt, la routine que Mme Fulton s’est construite inconsciemment est en quelque sorte un entrainement – qu’il enseigne d’ailleurs de façon formelle – pour garder une « bonne forme mentale ». « Il est très important de prendre soin de votre santé physique, mais la planification pour la période post-COVID est aussi essentielle. Si les gens peuvent regarder cette situation et se dire : « Comment puis-je en ressortir plus fort, en étant mieux préparé à travailler, et en bénéficiant de meilleures relations? », cela leur donnerait un sentiment d’espoir et d’utilité. »
Il conseille également aux gens de mettre en pratique le recadrage ou la reformulation cognitive. « Demandez-vous ce que le pire des scénarios pourrait être. Imaginez-le et laissez-le film se dérouler au complet dans votre tête. N’ayez pas peur d’imaginer le pire. Posez-vous ensuite la question : quel est le plus beau scénario qui puisse m’arriver? Parfois, notre cerveau est coincé dans une boucle de pensées négatives, et nous devons le déjouer et lui montrer comment remettre les choses en contexte. »
Si vous souhaitez soutenir une personne qui a récemment perdu son emploi, mais vous ignorez comment procéder, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) propose un Guide sur l’écoute active qui peut vous aider à participer à des dialogues avec plus d’assurance. Parfois, la peur de dire la mauvaise chose nous empêche de dire quoi que ce soit. Mais il est important de se rappeler que la personne qui vient de perdre son emploi peut se sentir mal à l’aise ou incertaine quant à la façon de demander de l’aide. Contactez-la et dites-lui que vous êtes disponible pour l’écouter, puis rappelez-lui que l’on n’estime pas sa valeur en se basant sur sa situation professionnelle.
Si vous avez récemment perdu votre emploi, la CSMC dispose d’outils qui peuvent vous aider à évaluer votre santé mentale et à commencer l’élaboration d’un plan d’action visant à l’améliorer. Le programme L’esprit au travail a créé le Guide de prise en charge de sa santé mentale pour bâtir sa résilience. Vous pouvez utiliser ce Guide pour évaluer où vous vous situez sur un continuum de santé mentale et intégrer les autosoins à vos stratégies d’adaptation.
Pour des ressources supplémentaires, le gouvernement fédéral a lancé Espace mieux-être Canada, un portail conçu pour mettre en contact les gens au pays qui sont en mesure d’offrir un soutien en matière de santé mentale et de consommation de substances.
Il est également important de se rappeler que, même si la perte d’un emploi peut faire en sorte que vous vous sentiez isolé, vous n’êtes pas seul. Communiquez avec vos proches, qu’il s’agisse d’anciens collègues aux prises avec le même problème, ou d’amis et de membres de la famille en qui vous avez confiance et sur lesquels vous pouvez compter. Verbaliser vos pensées et vos émotions peut également vous aider à les accepter et à vous sentir plus en contrôle de la situation.
« J’essaie d’être gentille avec moi-même en ce moment », a déclaré Mme Fulton. « Aussi, j’essaie de réfléchir à une chose à faire, chaque jour, qui est liée à mon travail. Que ce soit pour contacter un client et lui dire bonjour ou pour publier un message sur les réseaux sociaux et offrir des conseils gratuits sur la façon de prendre de meilleures photos à la maison, je dois trouver des moyens de rester connectée et de me sentir utile. »
M. Howatt confirme qu’elle est sur la bonne voie. « Il est certain qu’il s’agit d’une grande épreuve mentale à traverser, mais le fait de réussir à avancer de quelques pas chaque jour peut nous apporter de belles récompenses au sortir de cette situation. Et ne vous inquiétez pas, nous y arriverons. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
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Comment deux députés servent leurs électeurs en cette ère de COVID‑19
S’il y a un emploi qui mise sur la puissance des liens interpersonnels, c’est bien celui de député. Il suffit de poser la question à Matt Jeneroux, un défenseur de longue date de la cause de la santé mentale et député de Edmonton Riverbend.
Au cours d’une entrevue téléphonique réalisée à partir de chez lui, il explique que comme tous ses concitoyens albertains et canadiens, il apprend à naviguer dans ce nouveau contexte. Dans son cas, il essaie de trouver la meilleure façon d’aider ses électeurs.
« Si vous m’aviez dit il y a un mois que je ferais de la publicité pour les entreprises locales, je ne vous aurais pas cru », dit-il en riant. M. Jeneroux travaille aussi à distance alors qu’il s’occupe avec sa conjointe du petit dernier de la famille. « Notre bébé a deux mois, et je fais de mon mieux pour travailler de la maison. J’utilise les médias sociaux comme jamais auparavant… Et d’une certaine façon, j’ai l’impression que durant cette période d’incertitude collective, nous nous découvrons des dénominateurs communs comme jamais avant. »
En fait, M. Jeneroux reconnaît que la COVID-19 a vu naître de belles collaborations. « Je travaille avec mon homologue (Don Davies, critique du NPD en matière de santé) pratiquement tous les jours. Nous avons tous le même objectif : nous voulons que nos travailleurs de la santé aient accès à l’équipement de protection dont ils ont besoin, nous voulons aider les gens qui ont perdu leur emploi et nous voulons nous assurer que les personnes les plus vulnérables ne soient pas oubliées. »
Durant la phase de distanciation physique actuelle, M. Jeneroux admet qu’une grande partie de la partisanerie qui était présente avant la COVID‑19 a été remplacée par du partenariat. « Lors des réunions de comités virtuelles, vous voyez vos collègues à leur domicile, vous êtes invités dans leur espace personnel », explique-t-il. « Voir leurs photographies, leurs livres et leurs souvenirs permet de réaliser que nous sommes tous humains. »
Mais même en concédant qu’il y a certains bons côtés à la crise, comme l’arbre humoristique qu’il voit lors de sa promenade matinale, conçu pour faire sourire les passants, il passe beaucoup de temps à s’inquiéter de la façon dont les électeurs de sa circonscription s’en tirent.
« Pour être honnête, j’en ai perdu le sommeil. Je m’inquiète de ceux qui ont perdu leur emploi, qui ont perdu tous leurs mécanismes d’adaptation et qui sont aux prises avec la colère. Je m’inquiète de ceux qui, comme mon grand-père de 95 ans, ne savent pas comment utiliser la technologie pour rester en contact avec les autres ou pour se tenir au courant des dernières informations. Je m’inquiète des nouvelles mamans, évidemment, comme ma femme qui a accouché au début de février. »
M. Jeneroux n’est pas le seul député à s’être fait propulser dans une nouvelle réalité. Lloyd Longfield, qui représente Guelph, compare la situation à la construction d’un avion pendant qu’il est en vol.
« Cette crise comporte tellement de couches », explique-t-il la voix clairement tendue par les appels incessants passés pendant qu’il travaille à la maison. « Au début, il s’agissait seulement de savoir comment s’adapter, comment s’assurer que tout le monde avait de la nourriture sur sa table, comment veiller à offrir du soutien financier à ceux qui en avaient besoin. Maintenant, je joue un rôle de coordination – je travaille avec les entreprises locales pour maintenir la chaîne d’approvisionnement, et je collabore avec celles qui sont passées à la production de matériel de protection. »
M. Longfield admet que l’adaptation à la nouvelle technologie, tout en faisant du travail politique, amène son lot d’enjeux. « Zoom, FaceTime – tout cela, c’était nouveau et c’était un peu intimidant au début. Mais je réalise qu’avec ces technologies, nous devons être davantage présents. Vous ne pouvez pas consulter vos courriels pendant un appel vidéo. Et c’est peut-être quelque chose que nous retiendrons une fois cette crise passée : nous porterons plus attention à la façon dont nous communiquons. »
Il mentionne aussi qu’il devrait suivre son propre conseil en lien avec la protection de la santé mentale. « J’implore les gens de réduire leur consommation de nouvelles. Je pense que c’est très important. J’encourage aussi les gens à se concentrer seulement sur ce qu’ils peuvent contrôler. S’inquiéter de ce que font les autres pays est aussi futile que de s’inquiéter de ce que font nos voisins. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas être de bons citoyens du monde, mais pour y arriver il faut commencer dans notre propre cour. »
Alors que M. Longfield est toujours confronté à une longue liste d’inquiétudes, notamment en ce qui a trait à la manière de relancer de façon responsable l’économie tout en répondant aux besoins des travailleurs de la santé, il est rassuré par la façon dont les Canadiens s’entraident.
« Des entreprises qui mettent au point des solutions canadiennes, à la collaboration entre les provinces et jusqu’au portail de soutien en matière de santé mentale Espace mieux-être Canada créé par notre gouvernement, je suis très fier de notre réponse à cette crise en tant que pays. Nous nous efforçons de rendre notre société plus autonome et empreinte d’humanité. Chaque Canadien devrait considérer cela comme un accomplissement dont nous pouvons être fiers. »
M. Longfield conclut l’appel en disant qu’il doit ménager sa voix pour un événement Facebook qui a lieu au cours de la soirée.
« Je veux m’assurer d’être à l’aise avec la technologie, et je veux être prêt à donner mon maximum quand je ferai face à un public difficile. »
M. Longfield ne faisait pas référence au parlement virtuel. Ce soir-là, il devait lire une histoire aux enfants de son quartier à l’heure du coucher. « Nous apprenons tous à être plus présents les uns pour les autres. Et quand mes petits-enfants penseront à cela, j’espère que c’est ce dont ils se souviendront. Que les adultes dans leur vie étaient présents et là pour eux. C’est ce qui compte vraiment. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
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Réflexion sur le leadership en pleine pandémie mondiale
Je reçois beaucoup de questions sur la façon de diriger une organisation en cette période trouble sans perdre de vue la santé mentale des employés.
En tant qu’organisation dont le bien-être mental est au cœur du mandat, nous nous efforçons de toujours protéger la santé psychologique de notre personnel avec la même vigueur que nous le faisons pour sa sécurité physique.
Mais seuls les insensés se vanteraient en ce moment.
L’heure n’est pas à l’autocongratulation, mais à la réflexion. Et je serai honnête. J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir, car, moi aussi, je pratique la distanciation physique, et je vis seule.
Normalement, mon horaire chargé est tel que j’accueille la solitude. Lors de mes rares vacances, je recherche la douce quiétude du sommet des montagnes et des rives des bassins nichés au creux de canyons.
Il est étonnant de constater à quelle vitesse ces sentiments s’évanouissent quand la date et l’heure de notre prochain engagement social est… On n’en sait rien.
Ces derniers jours, j’ai réfléchi longuement et sérieusement à ce qu’être un leader signifie en ce moment. Très franchement, c’est terrifiant.
J’ai eu du mal à l’admettre.
Mon travail consiste à stabiliser le navire dans les mers agitées et, pour cela, je dois notamment me montrer confiante.
Mais la confiance, dans le contexte actuel, est de l’anxiété déguisée en bravoure.
La leçon de sagesse la plus chèrement acquise au cours des dernières années est que la vulnérabilité est notre plus grande force.
Pendant des années, j’ai passé sous silence mon expérience personnelle par rapport aux problèmes de santé mentale. J’avais honte. Pourtant, la honte entrave notre croissance émotionnelle et mine notre potentiel. Quand nous la chassons, nous créons de l’espace pour les sentiments plus utiles, les sentiments qui peuvent nous guider vers la vérité de notre valeur et qui nous permettent de tisser des liens significatifs avec les autres.
Mon conseil aux leaders en ce moment serait donc le suivant : n’ayez pas honte si vous avez peur. Notre économie est sérieusement malmenée, et notre manière même de vivre est bouleversée. Pourtant, la première chose à faire pour diriger avec authenticité et honnêteté est de dire à nos employés que nous aussi, nous avons peur.
Si la honte nous muselle, l’expression de nos inquiétudes partagées fait place à la compassion. C’est fou ce qui peut arriver quand on se demande ce qui nous inquiète le plus.
Nommer notre peur nous donne un problème à résoudre.
Personnellement, j’ai peur de perdre le contact avec mes équipes. Je suis inquiète pour les employés qui doivent jongler avec de jeunes enfants et un travail à temps plein. Je crains que nos meilleurs employés ne s’épuisent à force de s’adapter au contexte en constante évolution.
Taire ces craintes ne les fait pas disparaître. Cela signifie simplement qu’elles ne seront abordées qu’au moment où frappera la crise déclenchée par le fait de les avoir ignorées.
Je demande donc à mes propres leaders ce qui les inquiète et les effraie, puis je leur fais part de mes propres craintes. Ce dialogue est la première étape vers l’élaboration d’un plan qui anticipe les difficultés avant qu’elles ne surviennent.
Être un leader, ce n’est pas être parfait. Ce n’est pas non plus avoir toutes les réponses.
C’est avoir peur et être prêt à diriger malgré tout.
Louise Bradley
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L’importance de renforcer nos liens pendant la pandémie du coronavirus
Presque du jour au lendemain, les termes « éloignement physique » sont apparus dans le lexique des Canadiens. Désormais, nous savons tous que nous devons nous éloigner des autres pour ralentir la propagation de la COVID-19. Mais l’éloignement physique ne veut pas nécessairement dire que nous devons réduire nos contacts sociaux. Si nous sommes davantage conscients de nos pensées et de nos actions, les mesures de santé publique qui nous séparent auront le pouvoir de nous rapprocher.
Aujourd’hui, nous avons plus de temps que jamais de nous concentrer sur nos relations. Plusieurs travaillent à la maison, font moins d’heures, et d’autres ne travaillent pas du tout. C’est une dure réalité que personne n’a vue venir, mais en passant moins de temps à travailler et à se déplacer, nous avons plus de temps pour texter un ami, appeler un membre de notre famille, ou même jaser avec un voisin, à bonne distance, bien sûr.
La fermeture des lieux de rassemblement et des événements publics signifie aussi moins de distractions. N’échangez pas de textos uniquement dans les moments de calme volés entre des priorités concurrentes : la conversation peut être la priorité. Les parents qui passent habituellement leurs soirées à transporter les enfants d’une activité à l’autre peuvent profiter de cette pause pour se rapprocher en tant que famille ou rattraper le temps perdu ensemble.
Nous avons également davantage de points communs avec un cercle plus large de personnes. Personne n’est à l’abri des impacts de la pandémie du coronavirus, qu’ils soient économiques, mentaux, physiques ou tout autre. Alors que certaines situations sont plus graves que d’autres, nous faisons tous face à beaucoup d’inconnus. Nous aurons presque tous une réponse à la question « Que crains-tu le plus? »
Confier nos craintes à quelqu’un peut approfondir nos relations tout en nous aidant à gérer et à réduire notre anxiété. Alors que bon nombre d’entre nous sont dépassés par la situation, et qu’un tourbillon d’inquiétudes se disputent la première place dans notre tête, nos amitiés peuvent faire contrepoids à la réaction de notre corps au stress, renforçant au bout du compte notre capacité de surmonter l’incertitude. Puisque le stress chronique peut affaiblir le système immunitaire et nous rendre plus vulnérables à la COVID-19, prioriser notre mieux-être mental est une façon de protéger notre santé physique.
Des relations positives peuvent aussi être une distraction appréciée des manchettes inquiétantes. Apprenez à mieux connaître un collègue, communiquez avec un proche de qui vous n’avez pas eu de nouvelles depuis longtemps, ou repensez aux bons moments en compagnie de vieux amis. Lorsque la période d’auto-isolement sera terminée, les liens que nous avons bâtis demeureront alors que nous nous rajustons à la vie de tous les jours.
Aujourd’hui nous rappelle sobrement que la vie est fragile. Mais nous avons également la chance de faire le point sur nos priorités et de valoriser les relations qui comptent vraiment. Le renforcement de nos liens sociaux nous aidera à traverser la tempête et nous en ressortirons encore plus liés après la crise.
Amber St. Louis
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Double tâche : comment la COVID-19 affecte les proches aidants des personnes vivant avec une maladie mentale
Le mardi 7 avril marque la Journée nationale des proches aidants, créé pour rendre hommage aux millions de personnes au Canada qui fournissent des soins non rémunérés à des êtres chers qui sont aux prises avec des handicaps, des maladies ou d’autres besoins spéciaux. Cette année, au beau milieu de la pandémie de coronavirus, cette journée revêt une importance supplémentaire, car ces proches aidants font face à des difficultés sans précédent.
Pour beaucoup de proches de personnes vivant avec des maladies mentales et des problèmes associés à la santé mentale, les difficultés qu’entraîne la COVID-19 s’ajoutent à une charge déjà lourde. Comme la directrice générale de AMI-Québec, Mme Ella Amir l’explique, « Le fardeau des proches aidants s’alourdit en ce moment. Ils doivent composer avec les mêmes préoccupations que les non-aidants naturels, en plus de cette responsabilité supplémentaire. Cela peut faire beaucoup à gérer en même temps. » L’organisation sans but lucratif de Mme Amir aide les familles à faire face aux répercussions de la maladie mentale par le biais de groupes offrant du soutien, des formations, une orientation et des conseils juridiques.
Cependant, la directive voulant qu’une distanciation physique soit appliquée constitue un réel défi, car cela complique la tâche des proches aidants de fournir des soins et d’assurer la sécurité de leurs proches. Des exemples de soutien pratique, comme faire la lessive, cuisiner ou aider dans les aspects financiers sont rendus presque impossibles à cause de la distanciation. Compter principalement sur le téléphone pour offrir un soutien psychologique représente également un défi. Par exemple, si le proche aidant est âgé ou s’il souffre de conditions physiques sous-jacentes, sa vulnérabilité accrue dans le contexte pourrait l’obliger à devoir éliminer tout contact physique, afin de mieux protéger sa propre santé.
Même si les proches aidants vivent sous le même toit que le membre de leur famille, les défis demeurent néanmoins grands. Comme c’est le cas pour plusieurs problèmes de santé mentale, un stress élevé peut entraîner une escalade des symptômes, laissant les proches aidants à eux‑mêmes pour gérer leur propre anxiété, en plus de la condition précaire d’un être cher. Puisque le système de soins de santé est de plus en plus sollicité, ils en sont à se demander si des services d’urgence seraient disponibles pour s’occuper du membre de leur famille s’il venait à se trouver en situation de crise.
Les mesures de distanciation sociale ont également mené à la fermeture temporaire de nombreux services de santé mentale externes. Alors que les soins aux patients hospitalisés ont toujours cours, la réduction des heures de visite créée un obstacle pour les proches aidants qui tentent de visiter leurs êtres chers dans les hôpitaux psychiatriques ou d’autres programmes pour patients hospitalisés.
Heureusement, certains programmes de soutien destinés aux personnes aux prises avec une maladie mentale (et à leurs proches aidants) ont fait un virage virtuel pour continuer d’offrir leurs services. AMI-Québec, par exemple, a transféré tous ses programmes, notamment les groupes de soutien, les ateliers et le counseling individuel, vers des plateformes téléphoniques ou de vidéoconférences, lesquelles permettent aux familles de continuer de recevoir les soins dont elles ont besoin. Pour obtenir un soutien virtuel en santé mentale dans votre région, communiquez avec votre division locale de l’Association canadienne pour la santé mentale.
Pour Mme Amir, il est prioritaire de s’assurer que les groupes de soutien aux familles et les autres programmes se poursuivent sans interruption. « Personne ne comprend mieux le fardeau d’un proche aidant qu’un autre proche aidant. Le soutien qu’ils peuvent s’offrir réciproquement en ce moment est inestimable. »
En plus de se soutenir mutuellement et d’aider leurs proches, il est essentiel que les proches aidants prennent du temps pour eux-mêmes. Selon Cynthia Clark, présidente du réseau Ontario Family Caregivers’ Advisory Network, « Les proches aidants doivent se rappeler que prendre soin de soi n’est pas un luxe. Il s’agit d’un élément qui est fondamental pour être en mesure de soutenir efficacement une autre personne. »
Pour plus de renseignements pour des aidants pendant la COVID-19, consultez la liste organisée par la Commission de la santé mentale du Canada.
Bien que la pandémie de coronavirus nous affecte tous, nous pourrions également prendre du temps pour réfléchir aux défis auxquels sont confrontés les proches aidants. Ils ont plus que jamais besoin de notre compréhension et de notre compassion. S’il y a un proche aidant dans votre entourage, le plus beau geste que vous puissiez poser est de communiquer avec lui, affirme Mme Amir. « Les proches aidants sont déjà un groupe isolé, dans le meilleur des cas. Le simple fait de leur tendre la main et de leur passer un coup de fil peut faire toute la différence du monde. »
Amber St. Louis
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Semaine National de prévention de suicide (QC)
Depuis 30 ans maintenant, l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) consacre la première semaine de février à encourager les conversations sur la prévention du suicide.
Pourtant, pendant que vous lisez ceci en prenant votre café matinal, aujourd’hui, trois Québécois décèderont par suicide et 11 autres seront hospitalisés.
Ce sont nos amis, nos proches, nos collègues, nos voisins.
Beaucoup de choses ont changé depuis 30 ans, et grâce aux efforts de pionniers comme l’AQPS, à mesure que notre compréhension s’améliore, nous avons dissipé de nombreux mythes.
Nous savons maintenant, par exemple, que le simple fait de demander à une personne si elle a des pensées suicidaires ne « l’incitera pas à se suicider ».
Mais il nous reste toutefois encore beaucoup de travail à abattre, notamment au chapitre de la sensibilisation.
De nombreuses études ont démontré que presque toutes les personnes qui décèdent par suicide avaient rencontré leur médecin de famille au cours des six mois précédents.
Or, quelles sont donc les questions que les prestataires de soins primaires ne posent pas et pourquoi? Et comment pouvons-nous mieux les outiller pour répondre aux besoins de santé mentale de leurs patients?
Au-delà de la sensibilisation des professionnels de la santé, nous savons aujourd’hui qu’il est essentiel de sensibiliser le grand public — un rôle qui incombe aux gouvernements et a la société civile, mais également aux médias.
Or, quoique nous ne pensons plus qu’il soit constructif d’exiger que les médias gardent le silence sur les cas de suicide, nous reconnaissons qu’il est crucial d’aborder le sujet de façon responsable.
Entre éviter une couverture sensationnaliste et faire preuve de retenue quant à la révélation des méthodes utilisées, il existe des moyens d’encadrer un dialogue public sur le suicide qui a terme vont permettre de sauver des vies.
Aujourd’hui nous savons, avant tout, que, si le suicide résulte d’une convergence complexe de facteurs sociaux et biologiques, nous pouvons ensemble travailler à forger une société où la prévention est une priorité commune.
La Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a depuis longtemps fait de la prévention du suicide un élément important de son travail, et est toujours reconnaissante des occasions qu’elle a de collaborer avec ses partenaires du Québec et d’apprendre de leur expériences.
Grâce à l’expansion d’Enraciner l’espoir, un projet communautaire de prévention du suicide, la CSMC touche environ 1,8 million de personnes dans huit communautés a l’échelle du Canada et confirme que les solutions doivent tenir compte du contexte local et être axées sur la communauté.
Le Dr Brian Mishara, chercheur principal d’Enraciner l’espoir, expert de renommée internationale sur le suicide, professeur à l’Université du Québec à Montréal et cofondateur de l’AQPS, l’a très bien dit lors du lancement du programme en septembre 2019.
Décrivant les efforts des psychiatres et des psychologues qui se sont rendus au Rwanda dans la foulée du génocide, il a expliqué que leurs interventions avaient fait plus de mal que de bien. En fait, leur approche globale face au traumatisme, de l’isolement des patients, à leur traitement dans des salles de consultation, en passant par le fait de leur faire revivre leurs expériences, était aux antipodes de ce qui était adapté d’un point de vue culturel. Pour se sentir en sécurité, les patients avaient besoin d’être dehors au soleil, entourés de leur famille, se rappelant des moments heureux.
Pour ainsi dire, même si les stratégies de prévention du suicide diffèrent peut-être selon la communauté, nous partageons avec nos partenaires du Québec et de partout au Canada la ferme résolution de réduire les ravages du suicide et un plan pour mettre à contribution les forces qu’ils connaissent le mieux.
Dans 30 ans, j’espère que les cas de suicides seront parmi les événements les plus rares parce que nous aurons réussi à encourager des conversations ouvertes et attentionnées, et à mettre en place des mesures de soutien et des ressources pour sauver des vies.
Aujourd’hui, au Canada, 11 personnes décèderont par suicide. Demain, ensemble, nous pouvons faire en sorte que cela ne soit plus le cas.
Cet article a paru à l’origine dans Le Droit du 11 février 2020.
Louise Bradley
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Exploration des services de soutien spécialisés pour les travailleurs de première ligne
En ce mois de mars, nous célébrons le Mois national du travail social et soulignons la contribution des travailleurs sociaux. Chacune de leurs journées est unique, qu’il s’agisse d’orienter une personne ayant des antécédents de consommation de substances vers un logement supervisé, d’aider une survivante de violence sexospécifique à trouver des solutions accessibles pour la garde de ses enfants ou d’élaborer des politiques de santé mentale pour les étudiants de niveau postsecondaire. Mais chaque journée exige d’eux un altruisme que peu de professions nécessitent.
Évidemment, l’altruisme comporte son propre lot d’écueils. Les travailleurs sociaux sont confrontés à des situations de pauvreté infantile, d’agression sexuelle, sont témoins des inégalités structurelles de notre monde. De telles expériences les exposent à des traumatismes indirects continus et entraînent souvent de l’usure de compassion. Partout, comme le fait remarquer Polly Leonard, gestionnaire de programme à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et travailleuse sociale autorisée, « un certain stoïcisme peut apparaître chez les travailleurs sociaux, qui ont l’impression que leur détresse est dérisoire en comparaison avec celle de leurs clients. »
Par exemple, vers qui les travailleurs sociaux peuvent-ils se tourner pour obtenir du soutien lorsque leurs amis et collègues jouent aussi le rôle des thérapeutes qu’ils sont encouragés à consulter ? « Si vous décidez de demander une aide extérieure, vous devez chercher plus loin que votre cercle immédiat pour éviter de vous adresser à un ami ou un collègue œuvrant aussi comme thérapeute personnel », affirme Mme Leonard.
Louise Bradley, présidente et directrice générale de la CSMC, abonde dans le même sens. « Les travailleurs sociaux sont les héros cachés des professions de soins de santé. Pendant que les pompiers et les policiers font la une pour leurs démonstrations de courage, les travailleurs sociaux doivent puiser profondément en eux-mêmes pour trouver de la compassion tous les jours. Non seulement ils se portent à la défense de personnes sous-desservies et vulnérables, mais ils sont aussi régulièrement exposés à des traumatismes indirects pouvant causer des blessures de stress opérationnel qu’on associe souvent à d’autres premiers intervenants. »
Mme Leonard résume parfaitement la situation : « Après avoir discuté entre nous des cas dont nous nous occupons, on dirait que tous les autres sujets sont futiles. »
C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux encourage les travailleurs sociaux autorisés à bien comprendre les répercussions de leur travail sur leur bien-être.
Peu de gens seront surpris d’entendre que les travailleurs de la santé et d’autres premiers intervenants font face à des difficultés semblables à celles des travailleurs sociaux.
Le stress chronique et l’épuisement sont communs dans le domaine de la santé ; en effet, de nombreux travailleurs déclarent souffrir de troubles liés au stress, comme la dépression, l’anxiété et les troubles liés à la consommation de substances. Les outils Prendre soin des travailleurs de la santé de la CSMC peuvent aider les organisations de santé à cerner les secteurs préoccupants et à améliorer la santé et la sécurité psychologiques de leurs employés.
Les ambulanciers paramédicaux, les pompiers et les policiers, qui souffrent de TSPT à un taux deux fois plus élevé que la population générale, sont également plus à risque de souffrir de dépression, de consommer des substances et d’avoir des pensées suicidaires.
Pour les paramédicaux, qui affichent les taux de maladie mentale les plus élevés au pays, le Groupe CSA a élaboré la Norme pour les paramédicaux, dont les normes spécifiques au milieu de travail peuvent aider à faire la lumière sur la stigmatisation, à déterminer les risques d’ordre psychologique et à promouvoir le bien-être mental.
Pour les travailleurs actifs dans d’autres services d’intervention en cas d’urgence, la formation L’esprit au travail Premiers intervenants (EATPI) est conçue pour promouvoir le bien-être mental, renforcer la résilience et réduire la stigmatisation entourant la maladie mentale. Basé sur le modèle du continuum en santé mentale, le cours EATPI enseigne aux premiers intervenants à reconnaître les blessures psychologiques chez leurs pairs et chez eux-mêmes. Un complément destiné aux familles est également offert pour faciliter l’amorce d’un dialogue constructif et éclairé au sein des familles.
Heureusement, grâce à des outils soigneusement élaborés, ces travailleurs de première ligne ont accès à des ressources en santé mentale aussi uniques que les situations auxquelles ils sont confrontés, qu’ils soient à la une du journal ou dans les faits divers.
Amber St. Louis
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Améliorer l’accès aux services de psychothérapie et encourager les femmes à embrasser des carrières scientifiques
Quand la Dre Patricia Lingley Pottie était sur le point d’obtenir son diplôme d’études secondaires, sur la rive sud de la Nouvelle-Écosse, au début des années quatre-vingt, elle a passé un nouveau test d’aptitude informatique qu’elle qualifie d’« ancêtre primitif de l’intelligence artificielle d’aujourd’hui, bien qu’avant-gardiste à cette époque ».
« Les résultats de l’évaluation indiquaient trois options de plan de carrière qui me convenaient », dit-elle, fraîchement débarquée de l’avion en provenance des Territoires du Nord-Ouest. L’Institut des familles solides (IFS), dont elle est présidente, chef de la direction et cofondatrice, vient tout juste de recevoir des fonds du gouvernement des T. N.-O. et de Bell cause pour la cause afin d’élargir son offre de services.
L’IFS redéfinit les soins de santé mentale de qualité. Il propose des solutions rentables aux obstacles souvent associés à l’accès aux soins de santé mentale et qui entraînent d’excellents résultats. Les formateurs de l’IFS sont hautement qualifiés pour offrir aux familles des programmes éprouvés et fondés sur les compétences, dans le confort de leur foyer (par téléphone et Internet).
« Je ne saurais trop insister sur l’importance d’une telle flexibilité », a déclaré Patricia. « De nombreuses familles qui font appel à nous s’approchent du seuil de pauvreté, alors s’absenter du travail n’est pas une option. L’approche adoptée par l’IFS permet aux clients de ne pas manquer le travail. De plus, poursuit-elle, son irrépressible passion remontant à la surface, notre approche axée sur le client est offerte sans liste d’attente et sans fardeau financier ! »
À la lumière des premiers résultats du test d’aptitude, Patricia n’aurait jamais imaginé la tournure que prendrait sa carrière. « À ce moment-là, dit-elle, mes trois meilleurs choix de carrière étaient : femme au foyer, coiffeuse et infirmière. » Se questionnant à voix haute sur le rôle du sexe et du genre dans cette boule de cristal informatisée, Patricia souligne qu’« il y a tant d’autres portes ouvertes aux femmes aujourd’hui, et nous en voyons de plus en plus dans le domaine scientifique. »
Son début de carrière comme infirmière à l’hôpital SickKids de Toronto, en grande partie dans l’unité de néphrologie, a atteint un tournant décisif lorsque l’une de ses plus jeunes patientes, une petite fille nommée Judy, est décédée d’une maladie génétique rare après avoir subi 28 chirurgies douloureuses et trois greffes.
« Au cours des trois années où j’ai pris soin de Judy, je l’ai regardée endurer plus que la plupart des gens dans toute une vie. C’est elle qui m’a incitée à vouloir guérir les gens, plutôt qu’à prendre soin d’eux » a expliqué Patricia. « En tant qu’infirmière, je pouvais soulager la souffrance, ce qui est essentiel. Mais en tant qu’étudiante qui avait toujours adoré la chimie, les mathématiques et les sciences, une grande partie de moi voulait faire de la recherche, où je sentais qu’il y avait une possibilité d’en apprendre davantage sur la façon de prévenir et de guérir les maladies. »
Trois décennies plus tard — au cours desquelles elle a atteint de nombreux objectifs impressionnants que son test d’aptitude n’aurait jamais laissé présager —, Patricia est une chercheuse de renommée mondiale au Centre de santé IWK, à Halifax, et professeure adjointe en psychiatrie à l’Université Dalhousie. En collaboration avec le co-chercheur et Dr Patrick McGrath (cofondateur et président du conseil d’administration de l’IFS), Patricia est en bonne voie de transformer complètement le modèle de prestation des services de santé mentale.
« L’innovation est importante, et c’est la raison pour laquelle je suis si fière de la façon dont nous avons conçu la technologie pour offrir un enseignement à distance de haute qualité et de la formation en compétences comportementales pour une fraction du coût des programmes traditionnels. »
Patricia parle d’IRIS, une plate-forme logicielle novatrice si sophistiquée et intégrée au fonctionnement de l’IFS qu’« elle » est considérée comme un membre à part entière de l’équipe. « IRIS peut répondre à toutes nos questions, car nous l’avons entièrement créée pour être l’outil le plus réactif, convivial et utile que nous pouvions imaginer. »
Nous avons fait tellement de chemin depuis les débuts de l’intelligence artificielle que nous comprendrions si vous croyiez qu’IRIS était un être humain qui pense et éprouve des sentiments. Bien que l’enthousiasme de Patricia soit à son apogée quand elle décrit les capacités d’IRIS, elle souligne que l’exploitation d’une telle plate-forme n’est pas une mince affaire pour un organisme sans but lucratif.
Ayant attiré les programmeurs avec la promesse d’« un travail qui changera la face du monde », elle espère que sa petite équipe de scientifiques informatiques concevra bientôt une application qui sera la clé de voûte du modèle de soins par paliers de l’IFS.
« Si je gagnais à la loterie demain, nous créerions une application que les gens pourraient utiliser en ligne et hors ligne, non seulement les habitants des collectivités rurales et éloignées du Canada, mais aussi le personnel militaire outre-mer », s’est réjouie Patricia (son plus grand défi est d’expliquer aux bailleurs de fonds potentiels à quel point IRIS est coûteuse à maintenir et à faire progresser). « J’utiliserais aussi ces fonds pour assurer un accès équitable à nos programmes pour tous les Canadiens ! »
Le succès de l’IFS est dû en grande partie au caractère indomptable de Patricia. Quand on lui demande ce qui la stimule, elle s’exclame : « Les données ! Les informations que nous déterrons valent plus que de l’or ! Avec les données, nous pouvons rendre compte des résultats à nos clients et bailleurs de fonds, et nous savons quels changements sont nécessaires pour répondre aux besoins de nos clients ! »
La générosité qui anime Patricia teinte ses moindres gestes. Sa seule frustration est d’être incapable d’aider toutes les familles qui frappent à sa porte.
Mais là où elle peut provoquer des changements, elle le fait. Patricia offre du mentorat à presque tous les leaders potentiels qui passent à l’IFS. Elle croit au pouvoir d’investir dans la prochaine génération d’innovateurs et conseille aux jeunes qui cherchent leur voie :
« Trouvez un mentor dont les croyances, la vision et les aspirations correspondent aux vôtres, puis demandez-lui de vous rencontrer. Vous serez étonné de voir combien accepteront. Rien n’arrête les jeunes d’aujourd’hui. Ils ne se limitent pas aux piètres résultats d’un test d’aptitude. »
Et il s’avère que Patricia non plus.
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.