Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Un terme plus large permet de saisir la grande diversité au sein des communautés. Pourquoi utilisons-nous « ACN » au lieu de « Noir »?

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

Au début de 2021, la Commission de la santé mentale du Canada a modifié ses lignes directrices linguistiques et a commencé à utiliser les termes « Africain, Caribéen et Noir » (ACN) pour désigner les membres de la diaspora qui étaient souvent regroupés sous l’appellation « Noirs ». Avant ce changement, le terme « Noir » s’appliquait de manière générale à toute personne à la peau foncée, quels que soient son patrimoine ou son identité culturelle. Imaginez les différences d’expériences et de perceptions entre un Néo-Écossais Noir dont la famille vit au pays depuis plusieurs générations et un nouvel arrivant de Gambie.

Bien que ma famille soit originaire de la Barbade, je suis née à Londres (Angleterre) et j’ai grandi à Montréal. Je m’identifie comme une femme Noire, une Canadienne et une Caribéenne, et je ne ressens aucun conflit entre ces titres croisés. À d’innombrables reprises, des gens ont tenté de m’altériser par des commentaires ou des questions que l’on appelle maintenant des microagressions. « Vous parlez si bien », m’a dit un jour l’un d’entre eux, surpris comme si, malgré le fait que je fréquente les mêmes écoles et reçoive la même éducation que les autres depuis l’âge de trois ans, le fait d’être Noire allait miner mes apprentissages. Ma préférée demeure la question suivante : « D’où venez-vous vraiment? », car Montréal et Londres ne correspondent pas à la réponse attendue.

Language Matters

Mes origines caribéennes m’ont souvent servi de refuge face à cette insistance à croire que je n’étais pas Canadienne. J’imagine que pour les personnes qui sont nées et qui ont grandi au Canada, dont les parents et les grands-parents ont le même vécu qu’eux, ces questions seraient plus que frustrantes. Si vous pouvez passer toute votre vie dans un endroit, être scolarisé dans les mêmes écoles que vos concitoyens, manger la même nourriture qu’eux et être quand même considéré comme un étranger, c’est comme si vous étiez resté bloqué sur le bateau d’esclaves ancestral, n’appartenant ni au Nouveau ni à l’Ancien Monde.

Nos identités sont formées d’un vaste éventail de petites et de grandes choses qui nous définissent et nous procurent une assise. Le nom que l’on nous donne est important. Ces noms font plus qu’identifier la couleur de notre peau. Ils reflètent notre parcours et nos connaissances. Je n’ai aucune idée de ce que ce serait d’arriver à l’âge adulte dans un nouveau pays et de devoir m’intégrer dans une culture différente, souvent peu accueillante. Je n’ai pas non plus envie de manœuvrer à travers les attentes des personnes qui supposent que c’est ma réalité. Que nous soyons ici par choix ou de naissance, nous sommes Canadiens. À l’instar de mes concitoyens d’origine italienne, allemande ou autre, je suis fière de profiter des richesses de mon histoire caribéenne.

Donner le ton
Je ne blâme pas les gens qui se sentent confus ou même frustrés par l’évolution des termes à employer. Ces changements sont légion et s’accompagnent souvent d’une palette d’explications déroutantes et (parfois) contradictoires. J’ai passé de nombreuses années à expliquer à mes amis et voisins que je n’étais pas « de couleur », mais « Noire ». Puis, un collectif bien intentionné a décidé que l’expression « personne de couleur » était acceptable. Des années plus tard, après que les termes « minorité visible » et « communautés racialisées » sont passés à l’usage, le mouvement Black Lives Matter a fait irruption dans les médias avec le terme « personnes Noires, autochtones et de couleur » (BIPOC, en anglais). À ce moment, il était devenu plus important de reconnaître qu’un nombre disproportionné de personnes de couleur et d’Autochtones étaient incarcérées et attaquées par la police ou se voyaient refuser l’accès aux soins de santé (la liste des discriminations est longue), que leurs réalités étaient différentes de celles des autres. Le débat sur le bien-fondé du « N » majuscule dans le mot « Noir » s’alimente à la même source. L’utilisation de la majuscule initiale est une tentative de reconnaître l’histoire commune de violence, d’oppression, de créativité et de triomphe. On pourrait croire qu’il s’agit d’une simple question grammaticale, mais son utilisation couvre en fait une multitude d’expériences jusque-là ignorées ou niées.

Ces conversations reflètent une dynamique sociale complexe et en constante évolution. On ne peut pas simplement affirmer que les opinions varient ou que les esprits ont changé. Au fond, elles reflètent des connaissances nouvelles et une prise de conscience croissante. De plus en plus de voix se font entendre, ce qui se traduit par l’adoption de nouvelles mesures et la collecte de nouveaux renseignements. On peut par exemple penser qu’il est difficile de parler de la violence disproportionnée de la police à l’encontre des personnes ACN lorsque les autorités refusent de consigner la couleur de la peau dans leurs rapports. Il a fallu un collectif de journalistes intrépides travaillant à l’échelle nationale pour recueillir, compiler et suivre le nombre de personnes ACN abattues par la police avant que ces chiffres ne forcent les autorités à reconnaître la réalité. Forts de ces faits – les preuves des effets du racisme – les gens pouvaient soudainement être entendus lorsqu’ils disaient « Ne m’appelez pas comme ça. Ne me confondez pas avec les membres d’un grand groupe. Mon vécu est différent. »

Le choix des mots est important. Le terme ACN (si vous préférez), plutôt que Noir, n’est pas une nouvelle expression politiquement correcte. Il s’agit d’un reflet respectueux des parcours très réels et très différents de personnes qui peuvent n’avoir en commun que des teintes de peau similaires.

Auteure: est spécialiste de la communication; elle travaille et vit à Ottawa.

Après s’être penchée sur le sujet pour rédiger cet article, Debra Yearwood, leader certifiée en santé, a dressé une liste de lecture de rap conscient. Elle signe régulièrement des articles dans Le Vecteur.

Vous avez un éclair de génie?

Le programme d’application des connaissances SPARK guide ceux et celles qui désirent améliorer la recherche et la pratique en matière de santé mentale, d’usage de substances ou de dépendances. Nous vous présentons un coup d’œil sur le projet Grand Council Treaty #3, qui a été une bouée de sauvetage pour 28 communautés touchées par des enjeux de santé mentale.

Dès les premiers jours de la pandémie de COVID-19, Darlene Curci prenait note des difficultés rencontrées à Kenora, à Fort Frances et à Dryden. Elle est coordonnatrice des systèmes autochtones pour le projet Grand Council Treaty #3 qui regroupe 28 communautés des Premières Nations sur plus de 142 000 km² dans le nord-ouest de l’Ontario et le sud-est du Manitoba.

« Il s’est passé beaucoup de choses sur le terrain pendant le confinement, se souvient-elle. Notre équipe de professionnels de la santé a été déployée pour aider les communautés à traverser la pandémie en leur fournissant diverses ressources. »

Dans le cadre de son travail, Darlene a pu observer l’évolution des besoins, ainsi que les difficultés des communautés à faire face à la pandémie. « Certaines communautés sont isolées et disposent de peu de ressources, lesquelles doivent ensuite être partagées sur une vaste étendue géographique », explique-t-elle. « Nous ne disposons pas de ressources spécialisées pour traiter les problèmes de santé mentale ou de dépendances. Les psychiatres sont contraints de faire le trajet en avion depuis Toronto, ou alors les gens doivent se rendre à Winnipeg pour obtenir des services spécialisés. »

Ces services sont certes ancrés dans la pratique clinique, mais il existe dans les communautés visées par le Traité no 3 des approches traditionnelles, d’autres axées sur le territoire, ou une combinaison des deux, qui incluent des modèles occidentaux de santé et de bien-être. Alors que Darlene  cherchait un moyen d’établir un lien entre ces approches et les communautés visées par le Traité no 3, elle a remarqué un article dans les médias sociaux sur le programme  de la Commission de la santé mentale du Canada. Après avoir constaté le gage de réussite qu’est le programme SPARK, lequel comprend 16 heures de formation en atelier et un an de mentorat complémentaire, elle s’y est inscrite pour donner vie à son idée.

Combler les lacunes
Le programme d’application des connaissances SPARK vise à fournir les outils et les ressources nécessaires pour établir un lien entre ce que nous savons et ce que nous faisons dans les secteurs de la santé mentale et du traitement de l’usage de substances. Il donne aux personnes qui ont une idée en tête – un éclair de génie – les moyens de favoriser des changements positifs au sein de leur communauté. Comme le montrent les études, ce processus prend souvent plusieurs années. Cependant, le cadre de travail De l’innovation à l’application (I-A) du programme SPARK peut réduire considérablement ce délai.

Parmi les plus récents diplômés du programme (appelés SPARKies), citons le Collectif des écrivains du Canada, un organisme de bienfaisance qui organise des ateliers pour les groupes sous‑représentés de la société. L’organisme s’est associé à des organisations d’anciens combattants pour offrir des ateliers d’écriture expressive en guise d’intervention de santé non clinique. Un autre organisme caritatif, Body Brave, a également travaillé avec le programme SPARK en vue de remédier aux lacunes des services offerts aux personnes qui recherchent du soutien face à des troubles de l’alimentation.

Le programme SPARK invite les participants à réfléchir à un problème qu’ils souhaitent résoudre et leur propose un accompagnement et du mentorat tout au long des sept étapes du programme I-A :

  1. détermination de l’objectif;
  2. sélection d’une innovation;
  3. précisions sur les acteurs et les pratiques;
  4. détermination des agents de changement;
  5. conception du plan d’application des connaissances;
  6. mise en œuvre;
  7. évaluation.

Pour Darlene, « l’exercice confère une rigueur qui aiguise l’esprit, tout en permettant un équilibre entre l’agilité et l’adaptabilité en travaillant avec différentes communautés, spécialités et expertises et en communiquant de diverses façons. Lors du processus de demande, j’ai dû rédiger mon intention, ce qui m’a aidé à me concentrer sur la direction que je voulais donner à mon idée. »

Dans le cadre du programme, elle a conçu un outil essentiel, le guide de survie en santé mentale du Grand Council Treaty #3, qui sert maintenant de bouée de sauvetage en santé mentale à l’ensemble des communautés des Premières Nations.

Spark session

Séance de planification SPARK organisée en février 2020.

« C’était tout un défi d’offrir une grande valeur à la communauté en analysant un important volume d’informations et en les transmettant de manière à ce qu’elles leur soient utiles, a-t-elle déclaré. Au final, ce processus m’a aidé à renouer avec les gens d’une manière moins intrusive et plus stimulante. »

Le guide d’une cinquantaine de pages comprend des conseils pratiques sur la façon de réagir en cas de crise, des lignes directrices pour interagir avec les Aînés, des listes pratiques de numéros de téléphone à afficher sur le frigo, des pages à colorier, des feuilles de travail pour surmonter les périodes de stress, ainsi que des conseils adaptés pour interagir avec les gens en tenant compte de leur situation. Par exemple, une section consacrée aux jeunes aborde la question des limites à ne pas dépasser, offre des conseils sur l’expression créative favorisant le bien-être, et présente des exemples de relations saines.

Le guide est fondé sur le concept thérapeutique Ga-nan-da-wis (bonne santé) issu des approches de guérison traditionnelles et culturelles qui visent à atteindre l’équilibre émotionnel et mental, tant sur le plan culturel que spirituel. On y trouve également des conseils de santé mentale pour les parents, des suggestions d’activités pour les Aînés, comme se promener ou faire de l’exercice en compagnie de personnes de son entourage, ainsi que des pistes de réflexion pour les personnes qui doivent composer avec les effets cumulatifs et collectifs des traumatismes antérieurs (ou intergénérationnels). L’usage de substances, les dépendances, la violence familiale et la prévention du suicide, de même que l’isolement, la solitude et la quête d’équilibre dans l’utilisation de la technologie, sont autant de sujets abordés.

Le projet de Darlene s’inscrit dans le prolongement de la stratégie Minobimaadziwin (citée ci-dessous) élaborée par des organisations du Traité no 3, des Aînés et des membres de la communauté, et a été lancé comme cadre d’orientation en décembre 2019. Ses 13 valeurs constituent un fil conducteur reliant le savoir autochtone, le bien-être, ainsi que les réalités actuelles liées à la COVID-19.

Stratégie Minobimaadziwin du Grand Council Treaty #3

  1. Approche unifiée
  2. Mobilisation des Aînés
  3. Promotion du mode de vie culturel
  4. Promotion de l’anishinaabemowin comme mécanisme de guérison
  5. Établissement de partenariats et de réseaux
  6. Résolution des causes profondes des problèmes de santé mentale
  7. Renforcement des capacités communautaires
  8. Accent sur l’éducation et la prévention
  9. Formation et outils adaptés au Traité no3 (promotion de l’éducation et sensibilisation aux pratiques de prévention de la COVID-19)
  10. Prestation de services sécuritaires sur le plan culturel
  11. Guérison ancrée dans les connaissances traditionnelles et approche axée sur le territoire
  12. Respect des relations et des droits issus des traités
  13. Chaque porte est la bonne porte

Ces principes directeurs s’appuient sur les traditions issues du Traité no 3. « Nous sommes très forts et très axés sur nos modes de vie traditionnels, » a déclaré Darlene. « Nous avons élaboré notre propre loi en matière de soins aux enfants, de santé et de ressources naturelles, Manito Aki Inakonigaawin, la structure qui régit notre façon de faire les choses. »

Sa trousse d’outils servant de guide de survie a été lancée pendant la Semaine de la santé mentale en mai 2021. Après la réception par les 28 communautés d’une première boîte de guides, une demande accrue a mené à une réimpression subséquente de 2 000 autres exemplaires. Les gens apprécient beaucoup son contenu et utilisent souvent ses diverses ressources pour répondre à leurs besoins particuliers. Ils détachent des pages pour les afficher près de leur bureau ou prennent des photos des sujets qui les aident le plus dans les périodes difficiles.

« Dans les moments de détresse, lorsque les problèmes semblent insurmontables, cette méthode permet de faire le point sur sa propre situation », a indiqué Darlene. En plus d’avoir créé le guide, elle utilise elle-même les outils. « C’est relaxant », dit-elle en faisant référence aux pages à colorier, ainsi qu’aux activités comme « 10 minutes pour réfléchir à sa journée (et renforcer son estime de soi) » ou encore « Mes humeurs ».

Les travailleurs sociaux apprécient également les conseils rapides pour aider les personnes aux prises avec des pensées suicidaires en discutant des facteurs de risque et de protection et en offrant des services de consultation téléphonique, en plus de conseils traditionnels sur le deuil et la perte. L’avant‑propos du guide, rédigé par le Grand Chef, souligne le caractère unique des besoins de chacun en matière de santé mentale. Plutôt que de mettre de l’avant des clichés bien intentionnés ou des descriptions simplistes, son message porte sur l’importance de demander de l’aide en cas de besoin « puisqu’il y a toujours une lueur d’espoir pour des jours nouveaux et meilleurs ».

Pour en savoir plus sur le projet Grand Council Treaty #

Auteure:

Fateema Sayani revoit régulièrement sa relation avec la technologie. Elle est gestionnaire du contenu à la Commission de la santé mentale du Canada.

Lorsqu’on emploie un langage stigmatisant, le climat risque de s’assombrir.

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

« Je déteste cette température bipolaire », s’exclame mon amie. « Une minute il fait beau et la suivante il pleut. Je ne sais jamais quoi porter le matin.  Je lève les yeux au ciel », puis elle s’excuse. « Je suis désolée. J’ai oublié. » Elle n’est pas la première à utiliser mon diagnostic pour décrire quelque chose de négatif, et elle ne sera pas la dernière, mais ça fait mal chaque fois.

Les gens empruntent très souvent une terminologie clinique pour illustrer leurs expériences. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un dire qu’il souffre d’un TOC alors qu’en réalité il veut confirmer qu’il est très organisé? Il n’est certes pas rare d’entendre une personne réagir à une situation farfelue en disant « C’est complètement débile! C’est de la pure folie! » Nous avons tous entendu de pareilles expressions (voire les avons nous-même prononcées). Mais ce n’est pas parce qu’une chose est courante qu’elle est acceptable. L’utilisation de ce genre de langage outrancier minimise la gravité des maladies mentales tout en causant du tort aux personnes qui doivent vivre avec ces difficultés. De plus, cela affecte notre perception des problèmes de santé mentale.

Le phénomène d’activation associative survient lorsque nous attachons inconsciemment une émotion à une idée. En général, ce processus se produit tellement rapidement que nous n’avons même pas conscience du lien qui est établi. Pourtant, notre cerveau travaille sans relâche pour réagir aux mots que nous employons et entendons. Lorsque mon amie évoque le temps qu’il fait, elle associe simultanément une émotion négative au trouble bipolaire. Ce rapprochement peut sembler tout à fait anodin, mais ses effets sont tenaces. Et il constitue un des facteurs qui contribuent à répandre le langage stigmatisant.

Pourquoi en faire tout un plat? Faut-il vraiment être aussi pointilleux? Ce ne sont que des mots.

Talking illustration

Or, ces mots ont un grand retentissement sur les gens. Réfléchissez à un moment où quelqu’un vous a lancé des propos blessants. Comment vous êtes-vous senti? Si vous vivez avec des problèmes de santé mentale, il peut être décevant de vous rendre compte qu’une personne que vous considériez comme une alliée a inconsciemment nourri des idées négatives à votre égard. Il peut aussi être frustrant de constater que l’on minimise votre diagnostic pour faire une blague ou pour dramatiser une situation. Bien sûr, les personnes qui ont entendu notre conversation sur la météo ont pu s’en inspirer pour forger leur propre opinion négative sur le trouble bipolaire. Comment réagiraient-elles si elles-mêmes ou un de leurs proches recevaient un diagnostic de maladie mentale?

Le langage évolue constamment, pendant que nous nous efforçons de mieux comprendre la santé mentale et de nous améliorer dans ce domaine. Ce n’est peut-être pas toujours facile, mais c’est tout à fait possible de suivre l’évolution du vocabulaire jugé acceptable. Ainsi, vous pourriez commencer par vous renseigner sur le langage stigmatisant et les solutions de remplacement possibles.

Par ailleurs, essayez d’éviter les réactions défensives si quelqu’un vous demande de corriger votre langage. Cela signifie probablement que cette personne se soucie suffisamment de vous pour vous éviter de commettre à nouveau la même erreur. Nous sommes nombreux à résister d’instinct à l’idée de supprimer des mots de notre vocabulaire, mais il faut savoir que cette tâche se simplifie avec la pratique. Et comme le choix de nouveaux mots est l’un des moyens les plus simples de contribuer à réduire la stigmatisation entourant la santé mentale, l’effort en vaut la chandelle.

Mon amie et moi avons rangé nos parapluies. Le soleil perçait désormais les nuages et illuminait nos visages. « Ce que je voulais dire, c’est que la température est imprévisible en ce moment. J’aurais dû formuler cela différemment. J’ai parlé sans réfléchir. Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois. » Et, depuis ce jour lointain, c’est une promesse qu’elle a su tenir.

Consultez les autres articles de la série : Langage axé sur la personne d’abord.

Auteure:

Le chanteur belge Stromae, dont les succès européens mêlent des thèmes lourds à des rythmes dansants, aborde les complexités de la santé mentale dans son récent album Multitude. À l’approche de la tournée nord-américaine de l’artiste, Florence K, animatrice à CBC Music, chanteuse, auteure de trois livres sur la santé mentale et candidate au doctorat en neuropsychologie, se penche sur les paroles et les nuances de l’album.

On le lit partout. On le voit partout. On le dit partout : il n’y a pas de honte, pas de culpabilité à avoir lorsque la souffrance psychique frappe à notre porte. Il n’y a aucune raison valable de maintenir la stigmatisation entourant la santé mentale. Il en aura fallu des prises de parole, des campagnes de sensibilisation, des interventions d’experts et des témoignages pour que le propos soit diffusé haut et fort, pour qu’il fasse un bout de chemin dans une société qui est encore enfermée dans ses tabous. C’est le travail de dizaines d’années.

Mais il n’aura fallu qu’une seule chanson, que quelques phrases de Stromae pour qu’une génération entière soit interpellée. Stromae n’avait pas besoin d’en dire plus :

J’suis pas tout seul à être tout seul…Dire que plein d’autres y ont d’jà pensé, mais malgré tout, j’me sens tout seul. Du coup, j’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier…Ces pensées qui me font vivre un enfer.

Stromae est un homme de peu de mots, même si les mots sont son métier. Il rappe lentement, ne cherchant pas à enfiler le plus de texte possible dans un même couplet. Mais comme ses mots sortent du lot, ils peignent des images si précises qu’elles nous accrochent inévitablement. On ne peut que les voir.

Stromae ne s’est pas caché derrière des métaphores pour raconter ses problématiques de santé mentale, ni pour décrire la honte qui l’a affligé bien malgré lui : « J’ai parfois eu des pensées suicidaires, et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui me font vivre un enfer ». L’écho de ce refrain a résonné dans des millions et des millions de cœurs, leur ont fait du bien, les ont libérés de la solitude, ont validé leur souffrance psychique. Combien sont-ils ceux qui se sont dit : « si même Stromae a souffert de dépression, peut-être ne suis-je pas coupable de ce qui m’arrive? ».

Ce message est important. Car même s’il ne fait aucun doute que la dépression est un trouble de santé mentale dont les causes sont biopsychosociales et que la science démontre depuis des décennies que de nombreux mécanismes complexes tant neurochimiques que neurophysiologiques, génétiques que psychologiques et environnementaux sont à l’origine de cette souffrance psychique, celle-ci est encore malheureusement trop étiquetée comme étant un signe de faiblesse, de paresse. Rien ne pourrait être plus faux. Pour preuve : personne ne pourrait être moins paresseux ou « faible » qu’un artiste qui a su se construire une carrière aussi prolifique que celle de Stromae.

Florence Khoriaty

Florence Khoriaty

En s’ouvrant de la sorte sur son vécu, Stromae crie haut et fort qu’un trouble de santé mentale n’est pas un choix et qu’il ne sélectionne pas ses victimes selon leur classe socioéconomique, leur niveau d’éducation, leur portefeuille, leur succès. Et force est d’admettre qu’il rejoint beaucoup plus de gens à la fois qu’une campagne de lutte contre la stigmatisation. C’est la magie de la chose. Avec son album Multitude, il fait avancer la cause à grandes enjambées.

Outre son titre coup-de-poing « L’enfer », les autres chansons de l’album forment un compte-rendu assez précis de l’état de notre société. Le groupe rap N.W.A., véritable pionnier du genre, disait « Our raps are documentary. We don’t take sides ». C’est ainsi que l’on perçoit l’album de Stromae. C’est un portrait honnête qui ne se cache ni dans la positivité toxique ni dans un pessimisme au parfum de fin du monde.

Ce que raconte Stromae n’a pas de parti pris, il ne cherche pas à se faire le porte-étendard d’une cause sociale en particulier, ni à s’autoproclamer défenseur de tous ceux qui souffrent. Mais ses textes mordent là où il le faut. Dans « Déclaration », il dénonce l’hypocrisie de ceux qui se targuent d’être féministes, alors que la vérité, celle qui choque, est que la bataille est loin d’être gagnée et que les mentalités changent trop lentement : « T’inquiète pas, ça va aller, faudra bien que ça change. Ça prendra quelques années vu que ça nous arrange ». Ce sarcasme cache une bienveillance que Stromae répand à travers tout son album. Cela s’entend également dans son titre « Santé », où, au lieu de faire l’éloge du « bling-bling », il met en valeur les travailleurs de l’ombre. Dans « La solassitude », il décortique la vraie solitude. Une solitude qui n’est guère tributaire du fait d’être entouré ou de ne pas l’être, mais plutôt d’un vide intérieur qui nous suivrait comme une ombre, où qu’on aille.

Stromae ne dépeint pas la vie comme si elle était clivée entre le bon et le mauvais. Il l’embrasse telle qu’elle est, avec ses côtés les plus sombres comme ses plus lumineux. Il le démontre dans les deux pièces consécutives sur l’album, « Mauvaise journée » et « Bonne journée », où chacun d’entre nous saura se reconnaître d’une manière ou d’une autre. Parce que nous avons tous des hauts et des bas. Nous connaissons tous une multitude d’états et nous voyons nos vies sous une multitude d’angles. Stromae nous le rappelle, et par le fait même, nous rassemble.

Même quand il ne se sent pas bien, Stromae trouve le moyen de tendre la main. Avec Multitude, il la tend vers le haut lorsqu’il appelle à l’aide, mais il la tend aussi vers le bas, vers ceux qui en ont peut-être encore plus besoin. Avec sa musique, Stromae crée des liens, comme dans une belle grande chaîne humaine à laquelle nous avons envie de nous joindre.

La tournée nord-américaine de Stromae commence le 21 octobre à Vancouver.

Auteure: est chanteuse, pianiste, et anime chaque semaine l’émission « C’est formidable » sur CBC Radio et CBC Music. Auteure de trois livres portant sur la santé mentale, elle est aujourd’hui candidate au doctorat en neuropsychologie à l’UQAM.
Photo: Matthew Eisman/Getty Images

Y a-t-il une bonne manière de vivre un deuil… et combien de temps cela doit-il durer? Avec la pandémie de COVID-19, le processus de deuil prend un tout nouveau sens.

Madame B., âgée de 65 ans, vit un deuil intense depuis que son mari est décédé d’un arrêt cardiaque. Non seulement elle ne peut retenir ses larmes lorsqu’elle se rappelle à quel point il était merveilleux, mais elle va jusqu’à éviter certains souvenirs de lui (des photos, des endroits qu’ils ont visités) pour éviter de sombrer encore plus profondément dans le désespoir. Elle vit aussi de la colère en lien avec son décès et ne peut s’empêcher de repenser à des erreurs que les médecins, selon elle, ont commises. De plus, elle a l’impression que l’église à laquelle elle appartient ne peut plus rien pour elle, puisque personne ne peut ramener son mari à la vie, et elle oublie souvent de prendre ses médicaments contre l’hypertension, même si elle sait que c’est dangereux pour elle.

Considéreriez-vous que ce que Mme B. traverse est normal, ou qu’elle devrait être traitée au moyen d’une psychothérapie ou de médicaments? Votre réponse dépendrait-elle du temps qui s’est écoulé depuis le décès de son mari?

Depuis mars 2022, alors que la troisième vague prenait de l’ampleur, ces questions ont commencé à pousser les cliniciens à se questionner à ce sujet pour la première fois. Pourquoi? Parce que c’est à ce moment que l’American Psychiatric Association (APA) a officiellement classé le deuil lié à un décès parmi les pathologies dans sa plus récente version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5-TR).

Réfléchissons à ce que cela signifie. Le DSM est l’autorité par excellence pour les diagnostics et la recherche sur les troubles mentaux au Canada, aux États-Unis et en Australie. Depuis la publication du DSM-III, en 1980, le Manuel a adopté un modèle biomédical et neurologique des maladies mentales qui a pour but d’inciter les psychiatres et les psychologues cliniciens à considérer les symptômes et les maladies mentales d’une manière similaire à celle dont les médecins considèrent les troubles physiques. Malgré le fait que les scientifiques n’ont toujours pas trouvé de « cause biologique aux. . . troubles mentaux », il serait difficile de surestimer l’influence des classifications et des catégories de diagnostics du DSM sur la manière dont les cliniciens traitent les gens qui viennent leur demander de l’aide.

12 millions de personnes
Avant de nous intéresser aux raisons pour lesquelles l’APA a inclus le deuil lié à un décès dans le DSM-5-TR sous le nom de trouble du deuil prolongé (TDP), examinons d’abord ses effets possibles dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Selon les données de l’Université John Hopkins, en septembre 2022, à l’échelle internationale, le nombre de décès liés à la COVID-19 atteignait près de 6,5 millions. Chaque décès affectant environ neuf autres personnes (les répercussions sont appelées « multiplicateurs de deuil »), nous pouvons présumer que près de 60 millions de personnes ont vécu un deuil lié à un décès associé au virus.

Ce nombre de 6,5 millions de décès est déjà assez ahurissant en temps normal. Mais les restrictions visant les établissements de soins, les hôpitaux et les rassemblements intérieurs ont fait en sorte que la proximité physique habituelle lorsqu’une personne est sur le point de décéder et les rituels de deuil sont devenus difficiles ou impossibles. Un tel isolement a assurément alourdi encore davantage le fardeau de ceux qui restent et qui doivent composer avec la perte d’un être cher. L’APA l’a elle-même affirmé, estimant que le taux habituel (5 à 10 %) de deuil plus intense et prolongé associé au TDP pourrait avoir doublé dans le contexte de la pandémie pour passer à 20 %.

Faisons un calcul rapide : à l’échelle planétaire, cela porterait le nombre de personnes touchées par un TDP à environ 12 millions de personnes.

Quoi qu’il en soit, la pandémie est devenue doublement pertinente pour distinguer le deuil normal du deuil pathologique. Étant donné que la psychothérapie de courte durée constitue actuellement le « traitement de choix », la décision d’inclure le TDP dans le DSM-5 à titre de trouble psychiatrique a eu – et aura – pour effet d’accroître la demande de manière inédite pour les services des professionnels de la santé mentale, qui sont déjà surchargés.

Complications culturelles
L’APA considère que le TDP fait partie des troubles liés aux traumatismes et au stress, et qu’il se caractérise par « un désir ou une nostalgie intense envers la personne décédée (souvent accompagnés d’un désespoir et d’une douleur émotionnelle vive), ainsi que par inquiétude suscitée par des pensées ou des souvenirs du défunt ». Étant donné qu’en cas de deuil « normal », ces émotions perdent habituellement de leur intensité au fil du temps (6 à 12 mois), l’APA affirme que l’on peut considérer qu’une personne est atteinte d’un TDP lorsque la durée du deuil d’une personne « excède les normes sociales, culturelles ou religieuses attendues ». Autrement dit, les cliniciens doivent seulement considérer que les symptômes de deuil sont pathologiques (c’est-à-dire qu’ils nécessitent un diagnostic et un traitement) une fois cette période « conforme aux normes attendues » écoulée.

Mais le feront-ils? Le fait d’accorder une telle importance au jugement des cliniciens quant à ce qui constitue des normes sociales, culturelles et religieuses suscite assurément des questions. L’une des préoccupations concerne l’application d’une norme laïque universelle à des normes qui contiennent elle-mêmes un jugement de valeur sur ce qui représente un deuil normal ou pathologique. Kaori Wada, psychologue agréée et directrice de la formation pour le programme de psychologie de l’orientation de l’Université de Calgary, cite une étude menée auprès d’étudiants de premier cycle canadiens qui montre que les femmes religieuses participantes vivant un deuil sont plus susceptibles de considérer comme saines les réactions de deuil que le DSM juge désormais pathologiques.

L’adoption par l’APA d’une « période de deuil normale » définie selon des normes sociales, culturelles et religieuses constitue aussi un problème. Arthur Kleinman, psychiatre et médecin anthropologue de l’Université Harvard, a remis ce concept en question dans The Lancet au cours de la préparation du DSM-5. Comme il l’a souligné, « il n’existe aucune preuve scientifique concluante de ce qui constitue une durée de deuil normale. À travers le monde, les sociétés n’ont pas toutes la même conception de ce qu’est un deuil normal. »

Madame Wada insiste aussi sur le caractère nouveau du critère « trop de lourdeur pendant trop longtemps » du DSM-5-TR, qui est en porte-à-faux avec de nombreuses cultures et attentes, par exemple celles qui considèrent que le sens de l’honneur et la profondeur morale se manifeste par un deuil délibéré et prolongé et une douleur émotionnelle intense. Elle pense donc que nous devrions reconnaître l’importante transformation qui se produit lorsque nous commençons à adapter ce qui était autrefois « compris en dehors du langage médical à un trouble traitable en nous appuyant sur une logique de diagnostic et de traitement ». Ce faisant, selon elle, le DSM-5-TR « officialise (l’idée selon laquelle) si votre deuil est trop long ou trop lourd, vous souffrez d’un trouble mental ».

Madame Wada est également préoccupée par le fait que les normes sociales, culturelles et religieuses sont conçues pour restreindre l’évaluation et le traitement du TDP. Pour elle, non seulement ces normes sont diversifiées et complexes, mais elles sont aussi éloignées de l’expertise d’un psychiatre ou d’un thérapeute. Selon elle, l’instruction de l’APA d’appliquer ces normes « fait peser un fardeau énorme sur les épaules des cliniciens ». Et puisque la plupart des Canadiens dépendent de (courtes visites à) leur médecin de famille pour répondre à leurs besoins en matière de santé mentale, elle doute que de telles évaluations soient susceptibles d’être utilisées couramment en pratique.

À quoi pouvons-nous nous attendre lorsque les cliniciens échoueront à cette tâche ou l’ignoreront tout simplement parce qu’ils ne se sentent pas bien préparés? Le résultat le plus probable serait la suppression de toute période de grâce avant de recommander des interventions thérapeutiques ou de prescrire des médicaments.

Prenez cette pilule et. . .
Bien qu’aucun traitement pharmaceutique n’ait été approuvé pour le deuil, la recherche donne des résultats très positifs. En effet, lorsque le DSM-5-TR a établi le TDP, l’APA a aussi appliqué un changement au deuil compliqué, une catégorie précédente exclue du DSM-IV parce que les preuves étaient insuffisantes et que les surdiagnostics étaient préoccupants, en trouble du deuil complexe persistant (TDCP). Ce faisant, elle a aussi défini le TDCP comme une condition nécessitant un examen approfondi (plutôt qu’un trouble en soi). Grâce à ce changement, des possibilités de nouvelles recherches ont été approuvées, y compris des études visant à établir un traitement pharmacologique pour le TDP.

woman sits on medication

Jusqu’à maintenant, le meilleur médicament est la naltrexone, qui est actuellement utilisée pour traiter les troubles de consommation d’alcool et d’opioïdes. Certains experts ont trouvé surprenant le choix de cet antagoniste opioïde. De fait, la base sur laquelle s’appuie cette théorie est que le TDP constitue un état de dépendance — dans le cas présent, une dépendance au deuil lui-même. Donc, comme avec les opioïdes et l’alcool, la naltrexone a pour but de réduire la connexion de la personne endeuillée avec la personne décédée. Mais puisque cette médication ne discrimine pas quelles connexions sociales sont affectées, les psychologues affirment que c’est une erreur de restreindre ces liens à un moment où les relations avec les autres sont si importantes. Ils insistent également sur le fait que l’approche pharmaceutique en elle-même néglige le contexte impliqué dans le deuil, par exemple la relation de la personne endeuillée avec le défunt, les qualités de cette relation et le type de décès impliqué (p. ex. naturel ou inattendu).

Donna Schuurman, qui est une experte possédant plusieurs années d’expérience avec les enfants, les adolescents et les familles endeuillés à la suite de décès non naturels, se montre beaucoup plus critique et considère les efforts consacrés à l’élaboration d’une « pilule du deuil » comme entièrement déconnectés du contexte humain : « Si vous vous languissez ou vous ennuyez trop longtemps de votre enfant, votre conjoint ou votre ami décédé, vous pourriez être dépendant au deuil, selon la plus récente version du DSM. » Il s’avère que la route qui a mené à la possibilité d’une pilule du deuil, bien qu’elle soit pavée de bonnes intentions, inclut une transformation assez spectaculaire. Mais pour la voir, il faut examiner un peu le contexte.

Un élément important à l’appui de la nouvelle position du DSM-5-TR à propos du deuil est le rôle joué par le trouble dépressif majeur (TDM). Le TDM a commencé à être distingué du deuil au cours des années 1990 grâce aux travaux de Holly Prigerson, qui était alors professeure au département de psychiatrie de Harvard. Après avoir constaté la difficulté avec laquelle certaines personnes traversent leur deuil lié à un décès, quelques collègues et elle ont commencé à faire valoir que cette situation méritait d’être considérée comme un nouveau trouble. L’idée est que la justification initiale de ce qui allait devenir le TDP était la découverte de symptômes de deuil qui semblaient distincts de ceux du TDM.

Vous vous rappelez Mme B., dans notre description liminaire? Son cas était inclus dans un article publié en 2010 par des collègues de Mme Prigerson dans le but d’offrir un aperçu de cette distinction, étant donné que les symptômes de Mme B. ne répondaient pas aux critères du TDM (tout comme ses comportements ne correspondaient pas à un trouble de stress post-traumatique [TSPT]).

Pourtant, Mme Wada croit qu’un argument en défaveur de la surconsommation de médicaments, que Mme Prigerson et ses collègues avaient mis de l’avant pour justifier la distinction entre le deuil et le TDM, est désormais invalide. L’une de leurs principales justifications pour cette distinction était « d’éviter aux gens d’être médicamentés à tort ». Mais aujourd’hui, alors que le TDCP est devenu une condition nécessitant un examen approfondi, certains des médicaments utilisés pour traiter le TDM qui étaient inefficaces pour traiter le deuil sont maintenant considérés comme des solutions potentielles pour traiter le TDP. Bien que Mme Prigerson elle-même convient que les antidépresseurs ne sont pas efficaces pour traiter le deuil, elle croit qu’il est important de continuer à en apprendre davantage sur le deuil sur le plan psychiatrique pour aider les gens qui vivent ce type de douleur.

La voie à suivre
Les défenseurs de la médication (peut-être avec la thérapie) pour les personnes ayant reçu un diagnostic de TDM insistent sur le fait que « personne ne souhaite médicaliser un processus normal et évolutif ». Il n’en demeure pas moins que l’évaluation de normes sociales, culturelles et religieuses comme unique contrainte n’inspire pas confiance dans le fait qu’un tel souhait puisse se réaliser. C’est également le cas du retrait contesté de « l’exclusion liée au deuil » du DSM-IV, qui accordait au moins une période de grâce de deux mois avant que les cliniciens soient censés considérer les symptômes ressentis pendant un deuil lié à un décès comme une indication d’une dépression majeure. Même si ces modifications ont été apportées dans le but de soulager la souffrance et les préoccupations quant au risque de négliger une telle dépression, Mme Wada indique que le fait « d’établir une catégorie de troubles permet et même favorise les nouvelles recherches sur les interventions pharmaceutiques ».

Bien qu’au niveau politique, le cœur du débat repose sur les valeurs associées à la surconsommation de médicaments, la voie dégagée dans le DSM-5-TR pour l’élaboration d’une pilule du deuil est difficile à nier. Peu importe où nous mènera la nouvelle conception du deuil de l’APA, à la lumière des millions de personnes vulnérables qui vivent un deuil plus long et plus intense en raison de la COVID-19 (ou du prochain traumatisme de masse), ce nouveau cadre de diagnostic suscitera sans aucun doute un intérêt plus durable et plus soutenu.

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La mobilisation de l’ensemble de la communauté scolaire (parents, pairs, éducateurs) peut atténuer les effets néfastes à long terme de l’intimidation. Voici un tour d’horizon des modèles prometteurs permettant de créer des environnements plus accueillants pour les enfants.

L’intimidation, notamment la cyberintimidation, est un phénomène de plus en plus répandu et inquiétant. Un enfant sur trois a déjà été victime d’intimidation à un moment de sa vie, mais les conséquences à long terme sur les jeunes et les adultes sont parfois dévastatrices. De plus en plus de données attestent de ses effets néfastes sur la santé mentale et physique. Des études montrent également qu’il peut y avoir des répercussions durables sur le plan social et financier.

« La vie est ainsi faite »
Contrairement aux attitudes sociales qui perdurent, nous savons aujourd’hui que l’intimidation ne fait pas partie intégrante de la croissance et n’est pas un rite de passage anodin. Les enfants et les adolescents qui subissent de l’intimidation sont beaucoup plus susceptibles de développer des symptômes psychosomatiques que ceux qui y échappent. Parmi les problèmes liés à l’intimidation couramment signalés figurent une santé fragile, une perte d’appétit, des troubles du sommeil, des maux de tête, des douleurs abdominales, des difficultés respiratoires et de la fatigue.

Pour Eric, l’intimidation a commencé à l’école primaire : les intimidateurs qui le prenaient pour cible ont mené une incessante et pénible offensive contre lui. Il se souvient des effets de cette intimidation : de l’anxiété, des maux de tête, des nausées, une perte de poids et une dégradation complète de son estime de soi. Mais il ne s’agissait pas là des seuls soucis d’Eric. Après deux ans, sans espoir à l’horizon, il a atteint son point de rupture : « Je me fichais de vivre ou de mourir », dit-il. Sa famille, qui cherchait désespérément de l’aide, s’est tournée vers un psychiatre, lequel a décidé de retirer Eric de l’école et de lui faire suivre un traitement intensif. Heureusement, après un certain temps, le vent a changé pour lui. En fait, il est devenu en quelque sorte le défenseur des laissés-pour-compte parmi ses camarades. Aujourd’hui, Eric se dit « chanceux ».

Les jeunes victimes d’intimidation peuvent se sentir isolés, avoir du mal à faire confiance aux gens et être privés d’amitiés positives. Les jeunes qui en viennent à croire qu’ils ne peuvent rien faire pour changer leur situation peuvent tout simplement baisser les bras. Ce sentiment d’échec peut également conduire au désespoir et à la certitude qu’il n’y a pas d’issue, souvent parce qu’ils estiment que le fait d’en parler à quelqu’un ne changera rien. Ils pourraient aussi choisir de souffrir en silence plutôt que de risquer d’aggraver la situation ou encore s’imaginer que l’intimidation finira par cesser s’ils se taisent.

Lorsque les jeunes victimes d’intimidation deviennent des adultes, ils sont susceptibles d’avoir des difficultés relationnelles et d’éviter les interactions sociales. Les problèmes d’estime de soi et de confiance envers les autres peuvent miner les relations personnelles importantes ainsi que leur vie sociale et professionnelle. Les victimes d’intimidation présentent également un risque accru de troubles émotionnels à l’âge adulte, notamment de troubles dépressifs et anxieux, de troubles paniques, d’anxiété généralisée et de suicide.

« Selon les données probantes, un grand nombre d’épreuves vécues pendant l’enfance ont des effets négatifs à long terme sur la santé mentale et physique, a déclaré le Dr Keith Dobson, professeur de psychologie clinique à l’Université de Calgary. De plus, la littérature récente démontre un lien étroit entre l’intimidation et la dépression et d’autres problèmes de santé ultérieurs. »

Modèles de comportement
Pourquoi y a-t-il encore de l’intimidation? De nombreux experts dénoncent l’absence d’une approche systématique du problème à l’école. Longtemps, c’est aux enseignants que revenait la tâche de lutter contre les comportements d’intimidation, mais ils devaient d’abord en être témoins. Par ailleurs, la responsabilité de signaler le problème incombait souvent à l’étudiant, de sorte qu’une grande partie du problème ne faisait jamais l’objet d’un signalement.

Teacher talking to student

C’est là qu’intervient la prévention proactive de l’intimidation.

Il existe de nombreuses recherches consacrées aux interventions contre l’intimidation, et plusieurs programmes scolaires ont fait l’objet d’une évaluation scientifique. Certains, comme le programme KiVa en Finlande, se concentrent sur la mobilisation des témoins d’actes d’intimidation. Ils s’appuient sur le pouvoir de la réaction des pairs pour inhiber ou encourager ce type de comportement.

D’autres programmes cherchent plutôt à créer activement un environnement scolaire plus agréable. Le plus réputé d’entre eux, le programme Olweus pour la prévention de l’intimidation, est également le plus éprouvé. Mis au point par le regretté psychologue suédois et norvégien Dan Olweus, il repose sur l’idée que l’intimidation découle souvent de la tolérance générale et culturelle à l’égard de la victimisation. Dans cette optique, le programme aborde l’intimidation du point de vue de l’ensemble de l’écosystème des écoles.

Le programme Olweus agit donc en changeant le climat social entourant l’intimidation : en sensibilisant les étudiants, en adoptant des normes contre l’intimidation et en faisant en sorte que les enseignants communiquent clairement leurs positions contre l’intimidation. Mais le programme va bien au-delà de la simple dynamique entre étudiants et enseignants. En effet, tous les adultes de l’école reçoivent une formation élémentaire sur l’intimidation, pas seulement les éducateurs et les administrateurs, mais aussi les membres du personnel de la cafétéria, les conducteurs d’autobus, les concierges, etc.

Le programme est efficace lorsque tous ces adultes agissent comme des modèles positifs, renforcent les bons comportements et refusent la victimisation. Dans le cadre de ce processus, des attentes claires quant aux comportements acceptables, ainsi que les conséquences du non-respect de ces attentes, sont établies. En rompant avec la culture du secret qui entoure les actes d’intimidation, chaque personne contribue à favoriser un 

milieu où il est approprié et souhaitable de signaler ces agissements. Lorsque la lutte contre l’intimidation devient la responsabilité de chacun, la culture de l’école s’en trouve rapidement imprégnée.

Les recherches confirment le succès des programmes scolaires visant à réduire les comportements d’intimidation. De fait, une étude récente portant sur 69 essais cliniques randomisés a conclu que ces interventions réduisent non seulement l’incidence de l’intimidation et de la victimisation, mais améliorent de surcroît la santé mentale des étudiants.

Une communauté bienveillante
Si les parents s’engagent dans la prévention de l’intimidation, et surtout s’ils y participent activement, le programme scolaire connaîtra encore plus de succès. Les parents sont à même de donner le bon exemple en se mobilisant, en sensibilisant et en appuyant les mesures de lutte contre l’intimidation.

Mais comme l’intimidation ne se limite pas aux corridors de l’école et à la cour de récréation, et que les enfants victimes d’intimidation ne sollicitent pas forcément de l’aide, les parents et les éducateurs doivent également être à l’affût des signes avant-coureurs. Il peut s’agir notamment de blessures inexpliquées, de vêtements, de livres, d’appareils électroniques ou de bijoux perdus ou endommagés, de maux de tête ou d’estomac fréquents, de symptômes de maladie ou de prétextes pour les simuler, ou encore de changements dans les habitudes alimentaires (comme le fait de soudainement sauter des repas ou de faire des excès de nourriture). Dans cette situation, il est possible que les jeunes rentrent de l’école le ventre vide parce qu’ils n’ont pas mangé le repas du midi. Ils peuvent également éprouver des difficultés à dormir ou faire souvent des cauchemars, voir leurs résultats scolaires baisser, perdre tout intérêt pour les travaux scolaires (ou ne plus vouloir aller à l’école), perdre soudainement leurs amis ou éviter les situations sociales, ressentir de l’impuissance ou une baisse de l’estime de soi, ou adopter des comportements autodestructeurs comme faire une fugue ou se mutiler.

Par ailleurs, il est possible pour les parents de donner à leurs enfants les moyens de tenir tête aux intimidateurs. Commencez par aborder la question de l’intimidation et la nature des amitiés saines. De leur côté, les enfants apprendront à signaler les cas d’intimidation dont ils sont témoins. Dans ce cas, il est essentiel que les parents les aident à comprendre pourquoi ils ne doivent pas assister passivement à ce genre de situation et leur offrent des conseils pratiques sur la manière de gérer la situation. De telles actions peuvent faire toute la différence dans l’issue du conflit.

Des programmes comme LA TÊTE HAUTE, offerts par la Commission de la santé mentale du Canada, peuvent également jouer un rôle crucial pour favoriser des milieux scolaires sains en fournissant aux étudiants et aux jeunes les outils, la confiance et l’inspiration nécessaires pour devenir des leaders en matière de santé mentale et de bien-être au sein de leur école et leur communauté.

Si l’intimidation peut avoir des effets négatifs à long terme, ce n’est pas forcément le cas, selon le Dr Dobson. L’important est d’agir et d’intervenir pour le bien des autres et de soi-même. Si vous connaissez un enfant victime d’intimidation, essayez de comprendre ce qui se passe et intervenez si la situation l’exige. Si vous avez été victime d’intimidation et que vous en subissez les conséquences, des ressources sont disponibles pour vous aider à vous rétablir.

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Les premiers intervenants des Premières Nations réconfortent des individus et renforcent des communautés.

Les personnes qui enseignent les premiers soins en santé mentale dans les communautés des Premières Nations ont un savoir expérientiel des traumatismes. L’histoire de Roger Chum en est un exemple frappant.

« J’ai une histoire personnelle », a déclaré Chum, membre de la Première Nation crie d’Omushkego Moose, près de la baie James, et survivant des pensionnats. « J’ai aussi essayé de mettre fin à mes jours, quand j’étais jeune, à cause de tous les traumatismes que je subissais. »

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Chum a été sauvé avec l’aide d’autres personnes. Aujourd’hui, des années plus tard, il est conseiller au First People’s Centre du Canadore College à la baie North. Il se rend également dans des communautés de partout au Canada pour coanimer des séances dans le cadre du programme Premiers soins en santé mentale (PSSM), Premières Nations de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), et constate à quel point la douleur des autres résonne avec la sienne.

« Les thèmes communs à toutes les formations que j’ai données, dans des communautés allant de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse, en passant par l’Île-du-Prince-Édouard et l’Ontario, semblent être le suicide, le racisme et la discrimination auxquels les gens sont confrontés lorsqu’ils essaient de s’adapter à deux mondes, vivre dans la société canadienne en général, mais tout en conservant leur identité culturelle et autochtone, d’y trouver un équilibre », a déclaré Chum.

Il estime avoir formé environ 2 700 personnes pour devenir des secouristes en santé mentale depuis le milieu des années 2010, lorsqu’il a terminé la formation pour devenir coanimateur du cours PSSM, Premières Nations. À leur tour, ces secouristes ont offert du soutien à des milliers de personnes dans leurs communautés. Lorsque les personnes qui bénéficient d’un soutien pour les aider à vivre avec leurs propres troubles psychologiques se mettent à aider les autres, cela crée un cycle de soutien qui renforce des communautés entières.

Ce qui fait la marque distinctive de la formation PSSM, Premières Nations
Aujourd’hui, environ 70 coanimateurs originaires des Premières Nations offrent la formation PSSM dans l’ensemble du Canada, principalement dans les communautés des Premières Nations, mais également ailleurs. Citons l’exemple de Chum qui continue à organiser des séances de formation pour les membres des Services de police du Grand Sudbury, dont la plupart ne sont pas autochtones.

La formation PSSM est comme une série d’actions que les secouristes peuvent prendre pour aider les personnes qui traversent une crise ou voient leur santé mentale se détériorer. La Commission offre divers programmes de PSSM. Toutefois, aucun n’est comparable à celui des PSSM, Premières Nations.

La CSMC procède à des révisions régulières du cours. La formation PSSM, Premières Nations a des objectifs plus larges qui vont au-delà de la formation PSSM régulière. Ces objectifs sont particulièrement axés sur les compétences que les participants pourraient utiliser et les actions qu’ils pourraient prendre pour soutenir une personne qui vit des problèmes de santé mentale.

Certains segments du cours PSSM, Premières Nationsportent maintenant principalement sur le renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté. Le cours poursuit cet objectif au moyen d’activités qui mobilisent le groupe dans son ensemble et qui abordent les problèmes systémiques qui ont eu un impact plus direct sur les peuples des Premières Nations, comme les déterminants sociaux de la santé, le racisme systémique et la colonisation.

Apprendre à former des secouristes en santé mentale
Le succès continu du programme repose sur deux maîtres formatrices des Premières Nations, Amanda Petit et Mary Wabano-McKay. Elles forment les membres des Premières Nations afin qu’ils deviennent des coanimateurs du cours PSSM, qui à leur tour forment les membres de la communauté à devenir des secouristes en santé mentale.

« Je n’aurais jamais imaginé suivre un cours comme les PSSM, Premières Nations, dispensé par une personne non autochtone », a déclaré Wabano-McKay, une Mushkegowuk (Cri de la Première Nation Attawapiskat), qui vit à Sault Ste. Marie et qui travaille pour l’Université Algoma en tant que vice-présidente de Nyaagaaniid — Réussite des étudiants et initiatives des Anishinaabe. « Comment pourraient-ils faire référence au savoir expérientiel et aux expériences de vie des membres des Premières Nations sans avoir vécu ces expériences? »

Elle a ajouté que les maîtres-formateurs autochtones « montrent l’exemple dans les communautés, parmi nos pairs et nos collègues, pour démontrer que nous n’avons pas seulement hérité des pertes, des deuils et des traumatismes, mais que nous avons aussi hérité de la résilience, de la force et de la détermination. Ces choses sont ancrées dans le cœur des coanimateurs qui dispensent le cours PSSM, Premières Nations dans l’ensemble du pays. »

Pour devenir coanimateurs, les candidats suivent 20 heures de formation en groupe, puis passent deux jours à travailler de façon individuelle avec des maîtres-formateurs pour approfondir leurs connaissances et démontrer qu’ils peuvent dispenser le cours PSSM, Premières Nations. Pour être accrédités à titre de coanimateurs, ils doivent remplir d’autres conditions dans un délai d’un an.

Impacts, obstacles, perspectives d’avenir
Le contenu du cours pour devenir coanimateur peut être déroutant, a souligné Wabano-McKay. En plus de passer en revue les séquelles du colonialisme dans les hôpitaux pour tuberculeux, les pensionnats, la rafle des années 1960 et d’autres traumatismes intergénérationnels, il aborde « la manière dont tous ces événements continuent d’avoir de graves répercussions sur les membres des Premières Nations, sur le bien-être général, sur la santé mentale, allant de l’anxiété et de la dépression à la consommation de substances et aux troubles psychotiques. »

« Ce genre de contenu peut souvent susciter des émotions chez ceux qui suivent le cours » dit-elle. C’est pour cette raison que des coanimateurs sont présents sur place lors des ateliers PSSM, Premières Nations. Les aînés de la communauté sont également invités à apporter un soutien supplémentaire aux participants, si nécessaire.

Un autre obstacle potentiel à la formation des coanimateurs est que les candidats doivent dépasser leurs propres préjugés sur la santé mentale et comprendre que tout le monde est concerné.

Le cours a été une révélation pour la coanimatrice Laurie Belcourt, une employée des Nations visées par le traité no 8 de l’Alberta de la Nation crie de Bigstone.

« Cela m’a transformée », affirme-t-elle. « La façon dont je pense aux autres, la façon dont j’interagis avec les autres, tout est différent. Je suis beaucoup plus compréhensive. Je suis beaucoup plus empathique. Le cours m’a aidée à comprendre que les gens vivent avec des problèmes de santé mentale. Ils ne cherchent pas seulement à attirer l’attention. Ils ne savent tout simplement pas comment faire face à ce qu’ils vivent. »

Dans le cadre du cours PSSM, Premières Nations, Belcourt transmet cette empathie et cette compréhension pour aider les secouristes à apprendre à reconnaître les problèmes de santé mentale chez les membres de leur communauté, et éventuellement chez les membres de leur propre famille ou au sein de leurs cercles d’amis. « Vous êtes le pont entre l’endroit où ils se situent actuellement et l’endroit où ils doivent se rendre », a-t-elle déclaré.

Le mandat des coanimateurs n’est pas de fournir des soins professionnels. Leur tâche consiste plutôt à écouter et à apporter un soutien instantané, un peu comme les premiers soins physiques. Selon Wabano-McKay, l’étape suivante consiste à « mettre la personne en contact avec une aide professionnelle appropriée et à explorer les autres mesures de soutien dont elle peut bénéficier au sein de sa communauté ». Nous leur apprenons que leur rôle de secouristes en santé mentale est de servir d’intermédiaires, d’offrir à une personne l’ouverture nécessaire pour qu’elle puisse dire : « Je ne vais pas bien et j’ai besoin d’aide ».

Toutes ces interactions se font dans le respect de chaque tradition et de chaque culture étant donné que chaque communauté des Premières Nations a sa propre histoire. Comme le dit Chum, nous allons toujours découvrir que « leur nourriture est différente, leurs modes de connaissance sont différents, leur culture est différente. Nous sommes un peuple très diversifié qui occupons cet endroit que nous appelons Turtle Island. »

Les premiers soins en santé mentale sont dispensés à une personne qui est aux prises avec un problème de santé mentale, qui traverse une situation de crise de santé mentale ou dont l’état de santé mentale s’aggrave. Plus de 500 000 Canadiens ont été formés en premiers soins en santé mentale depuis 2007 et vous pouvez aussi l’être. Trouvez un cours des PSSM en ligne ou en personne.

Utiliser le langage axé sur la personne d’abord pour marquer une différence significative

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

Lorsqu’il s’agit de parler de santé mentale, le langage que nous utilisons entre dans deux grandes catégories : celle axée sur la personne d’abord ou celle axée sur l’identité d’abord. À la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), nous utilisons et recommandons généralement le langage axé sur la personne d’abord, mais il est possible que cette option ne s’applique pas dans toutes les situations. 

Quelle différence cela fait-il?
two people talking graphicLe langage axé sur l’identité d’abord met l’accent sur la maladie ou le problème de santé de la personne concernée et non sur la personne qui en fait l’expérience. Par exemple : En désignant une personne par les termes « personne schizophrène », on utilise le terme « schizophrénie » pour la décrire avant de faire référence à l’individu. À l’opposé, le langage axé sur la personne d’abord se concentre sur l’individu, tout en minimisant l’importance de sa maladie ou de son problème de santé. Ainsi, dans cet exemple, en utilisant le langage axé sur la personne d’abord, vous pourriez dire « un individu vivant avec la schizophrénie. »

Le langage utilisé pour parler de la santé mentale ou de l’usage de substances joue un rôle important dans la réduction ou l’augmentation de la stigmatisation. En mettant l’accent sur l’individu, le langage axé sur la personne d’abord souligne le fait qu’un diagnostic constitue uniquement un élément de l’être global d’un individu. Employer ce langage, c’est respecter l’autre en tant que personne, plutôt que de le qualifier d’« anormal », de « dysfonctionnel » ou de « handicapé ». Pour cette raison, il est considéré comme étant moins stigmatisant et est parfois préféré dans le domaine de la santé mentale et de l’usage de substances.

Cela dit, il est important de ne pas oublier que cette préférence n’est pas universelle. Comme l’a expliqué une amie, « Je ne vis pas avec un trouble bipolaire. Il n’est pas mon compagnon de chambre. » Pour elle, utiliser un langage axé sur l’identité d’abord, « je suis bipolaire », représente mieux jusqu’à quel point ce problème de santé est inextricablement lié à tous les aspects de sa vie, alors que le langage axé sur la personne d’abord a un effet atténuant.

Pour d’autres personnes, le langage axé sur l’identité d’abord est ancré dans la relation entre leurs identités personnelle et culturelle et leur problème médical. Par exemple, la surdité, qui s’accompagne d’une riche culture qui est unique aux personnes partageant cette expérience, souligne souvent les aptitudes au-delà des invalidités. Dans ce cas, « une personne sourde » serait préférée à « une personne vivant avec la surdité. »

Comment choisir?
Dans une enquête menée par l’American Psychological Association auprès de 3 000 personnes vivant avec une gamme de problèmes de santé, 70 % ont choisi « Personne vivant avec une invalidité » comme expression les décrivant le mieux. Seulement 8 % ont choisi l’expression « Personne handicapée ».

À l’écrit, le langage axé sur la personne d’abord est celui que la CSMC recommande en premier, à moins de savoir qu’un individu ou un groupe se décrit autrement. Lorsque vous vous adressez à une personne ayant un savoir expérientiel passé ou présent, écoutez le langage qu’elle emploie ou demandez-le-lui. Le procédé n’est pas parfait, mais il s’agit tout de même d’un pas dans la bonne direction. Il s’agit d’écouter, d’apprendre, et de se faire le champion d’un usage respectueux et non stigmatisant du langage, peu importe la forme que ceci prend.

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Les éducateurs jouent un grand nombre de rôles et sont de plus en plus sollicités pour offrir aux jeunes un soutien en matière de santé mentale. Les organisations réagissent en offrant aux enseignants la formation et les outils sur les premiers soins en santé mentale.

Au Canada, la maladie mentale touche environ 1,2 million d’enfants et de jeunes. D’ici que ces derniers atteignent 25 ans, ce nombre aura grossit plus de six fois pour atteindre 7,5 millions. Ces chiffres montrent simplement jusqu’où les premières années de vie posent le fondement de la santé mentale et de la résilience tout au long de la vie d’une personne. Depuis le début de la pandémie, les préoccupations à propos du bien-être mental des jeunes, en particulier la perturbation de leur routine, ont constitué de plus en plus un sujet de discussion. 

Pourtant, à mesure que les jeunes naviguaient entre l’école en ligne et le retour en classe en personne, l’énorme pression ressentie par les enseignants pour développer des compétences supplémentaires en vue de gérer cette crise de santé mentale a également affecté leur bien-être. Selon un sondage réalisé en juin 2021 par l’Université de la Colombie-Britannique, environ 80 % des enseignants ont déclaré être aux prises avec une détresse psychologique modérée (56,7 %) ou grave (22,9 %).

Par conséquent, le Conseil scolaire du district de Toronto (TDSB) et le gouvernement de la Saskatchewan investissent depuis un certain temps dans la formation en santé mentale afin de doter les enseignants des outils nécessaires pour préserver leur propre bien-être mental et celui de leurs élèves.

« En tant que travailleurs du secteur de l’éducation, nous œuvrons à éduquer les futures générations du Canada, » a affirmé Mara Boedo, une cadre du Toronto Education Workers (TEW), dont les 17 000 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), incluant 4 400 membres locaux comprennent des employés du TDSB. « Ceci signifie que le moindre changement positif que nous pouvons aider nos membres à apporter aura un impact sur les soins offerts aux élèves, et ce changement positif perdurera avec eux pour le reste de leur vie. »

Le TDSB, qui dessert près de 250 000 élèves à travers le district, investit depuis 2018 dans L’esprit au travail (EAT). Le cours, dont le point central porte sur la réduction de la stigmatisation, est conçu pour promouvoir la santé mentale en offrant aux participants les outils pour évaluer leur propre bien-être psychologique, identifier les signes et les symptômes et élaborer des stratégies d’adaptation saines.

Mara Boedo

Mara Boedo

Former les enseignants
Le rétablissement des suites d’une détresse psychologique d’une participante à l’EAT est devenu évident aux yeux des autres, y compris de son médecin de famille, qui lui a demandé « que fais-tu de différent? » « J’ai une nouvelle vision de moi-même », répondit-elle. À travers le cours, les participants travaillent à changer leurs habitudes et attitudes à l’égard de la maladie mentale en discutant de résilience, en s’investissant dans leur bien-être mental et en passant en revue les comportements stigmatisants.

La participante était en train de partager cette histoire avec son animatrice EAT, Cherill Hiebert, ce qui l’a conduite à faire remarquer qu’il est important d’enseigner aux autres les petites mesures que toute personne peut prendre pour améliorer son bien-être mental, plutôt que d’attendre jusqu’à ce qu’il atteigne un point où la personne devra recevoir une aide professionnelle.

« Cela a été le message le plus puissant que j’ai entendu, » a laissé entendre Hiebert. « Sans le programme, cette personne n’aurait eu aucune vision, car elle n’avait aucun espoir. »

Pour ces organisations, l’EAT est synonyme d’approche proactive envers le bien-être psychologique de leurs membres. Mais qu’est-ce qui se passe lorsqu’il est trop tard pour prendre des mesures proactives? Comment les enseignants peuvent-ils se préparer à faire face à une crise de santé mentale qui survient devant eux? Ces questions, le gouvernement de la Saskatchewan se les pose depuis longtemps.

Se préparer à faire face à une crise
En décembre 2020, la Saskatchewan a annoncé un engagement de 400 000 $ pour offrir la formation Premiers soins en santé mentale (PSSM) à au moins un membre de personnel dans chaque école de la province. Les premiers soins en santé mentale consistent à apporter de l’aide à une personne qui commence à manifester un problème de santé mentale ou dont le problème de santé mentale s’aggrave, ou encore qui traverse une situation de crise de santé mentale. Tout comme une personne pourrait offrir les premiers soins physiques à des personnes blessées en l’attente d’un traitement médical, les PSSM sont prodigués en attendant qu’un traitement approprié soit trouvé, ou que la crise se résorbe.

Lorsque ce financement a fait l’objet d’une annonce, le ministre de l’Éducation, Dustin Duncan a encouragé toutes les commissions scolaires de la province à aider à briser la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale. Un tel soutien fort de la part du ministre pave le chemin pour une coordination de la formation dans 733 écoles et au profit de 926 membres de personnel. Chaque commission scolaire dispose maintenant de répondants PSSM, qui possèdent les connaissances spécifiques pour soutenir les jeunes en cas de besoin.

Cherill Hiebert

Cherill Hiebert

Un avenir rempli d’espoir
Ces efforts pour offrir une approche plus inclusive et plus durable de la santé mentale dans les environnements éducatifs ne s’arrêtent pas là. La Norme nationale du Canada sur la santé mentale et le bien-être pour les étudiants du postsecondaire, créée par le Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), aide les établissements d’enseignement à mieux soutenir leurs étudiants et à faire une place à la santé mentale dans leurs services et leurs systèmes. Une trousse de démarrage a été élaborée en vue d’aider les établissements d’enseignement à harmoniser leurs politiques à la Norme et à réaffirmer leur engagement à l’égard de la santé mentale des étudiants. La trousse a maintenant été téléchargée plus de 2000 fois, dans des établissements de toutes les tailles au pays. La Norme a également aidé les établissements d’enseignement à continuer à mettre l’accent sur les voix et les perspectives des étudiants, comme nous le verrons dans une série vidéo cet automne dans laquelle les étudiants discuteront de la santé mentale dans les établissements d’enseignement postsecondaire.

La santé mentale et le bien-être des étudiants, des enseignants et du corps professoral sont à l’avant-garde de la gamme des ressources élaborées par la CSMC pour le secteur de l’éducation. Un autre exemple de formation disponible pour les individus et les établissements est L’esprit curieux, postsecondaire; il s’agit d’un programme de formation fondé sur des données probantes et qui vise à promouvoir la santé mentale et à réduire la stigmatisation entourant la maladie mentale.

Mettre les bons outils dans les mains des personnes qui éduquent la jeunesse canadienne permettra d’étendre cet impact. En réfléchissant à la formation et aux commentaires faits par les participants, Mara fait remarquer : « Nous ne changeons pas seulement la vie des gens, mais nous apprenons aussi à changer la façon dont nous appréhendons les situations qui sont hors de notre contrôle. »

Les programmes de formation de la CSMC sont conçus dans le but d’améliorer les connaissances sur la santé mentale, réduire la stigmatisation et offrir les aptitudes et les connaissances pour gérer des problèmes de santé mentale potentiels ou émergents. Pour trouver des cours et en apprendre davantage, veuillez visiter la page de la CSMC Formation sur la santé mentale.