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La mobilisation de l’ensemble de la communauté scolaire (parents, pairs, éducateurs) peut atténuer les effets néfastes à long terme de l’intimidation. Voici un tour d’horizon des modèles prometteurs permettant de créer des environnements plus accueillants pour les enfants.
L’intimidation, notamment la cyberintimidation, est un phénomène de plus en plus répandu et inquiétant. Un enfant sur trois a déjà été victime d’intimidation à un moment de sa vie, mais les conséquences à long terme sur les jeunes et les adultes sont parfois dévastatrices. De plus en plus de données attestent de ses effets néfastes sur la santé mentale et physique. Des études montrent également qu’il peut y avoir des répercussions durables sur le plan social et financier.
« La vie est ainsi faite »
Contrairement aux attitudes sociales qui perdurent, nous savons aujourd’hui que l’intimidation ne fait pas partie intégrante de la croissance et n’est pas un rite de passage anodin. Les enfants et les adolescents qui subissent de l’intimidation sont beaucoup plus susceptibles de développer des symptômes psychosomatiques que ceux qui y échappent. Parmi les problèmes liés à l’intimidation couramment signalés figurent une santé fragile, une perte d’appétit, des troubles du sommeil, des maux de tête, des douleurs abdominales, des difficultés respiratoires et de la fatigue.
Pour Eric, l’intimidation a commencé à l’école primaire : les intimidateurs qui le prenaient pour cible ont mené une incessante et pénible offensive contre lui. Il se souvient des effets de cette intimidation : de l’anxiété, des maux de tête, des nausées, une perte de poids et une dégradation complète de son estime de soi. Mais il ne s’agissait pas là des seuls soucis d’Eric. Après deux ans, sans espoir à l’horizon, il a atteint son point de rupture : « Je me fichais de vivre ou de mourir », dit-il. Sa famille, qui cherchait désespérément de l’aide, s’est tournée vers un psychiatre, lequel a décidé de retirer Eric de l’école et de lui faire suivre un traitement intensif. Heureusement, après un certain temps, le vent a changé pour lui. En fait, il est devenu en quelque sorte le défenseur des laissés-pour-compte parmi ses camarades. Aujourd’hui, Eric se dit « chanceux ».
Les jeunes victimes d’intimidation peuvent se sentir isolés, avoir du mal à faire confiance aux gens et être privés d’amitiés positives. Les jeunes qui en viennent à croire qu’ils ne peuvent rien faire pour changer leur situation peuvent tout simplement baisser les bras. Ce sentiment d’échec peut également conduire au désespoir et à la certitude qu’il n’y a pas d’issue, souvent parce qu’ils estiment que le fait d’en parler à quelqu’un ne changera rien. Ils pourraient aussi choisir de souffrir en silence plutôt que de risquer d’aggraver la situation ou encore s’imaginer que l’intimidation finira par cesser s’ils se taisent.
Lorsque les jeunes victimes d’intimidation deviennent des adultes, ils sont susceptibles d’avoir des difficultés relationnelles et d’éviter les interactions sociales. Les problèmes d’estime de soi et de confiance envers les autres peuvent miner les relations personnelles importantes ainsi que leur vie sociale et professionnelle. Les victimes d’intimidation présentent également un risque accru de troubles émotionnels à l’âge adulte, notamment de troubles dépressifs et anxieux, de troubles paniques, d’anxiété généralisée et de suicide.
« Selon les données probantes, un grand nombre d’épreuves vécues pendant l’enfance ont des effets négatifs à long terme sur la santé mentale et physique, a déclaré le Dr Keith Dobson, professeur de psychologie clinique à l’Université de Calgary. De plus, la littérature récente démontre un lien étroit entre l’intimidation et la dépression et d’autres problèmes de santé ultérieurs. »
Modèles de comportement
Pourquoi y a-t-il encore de l’intimidation? De nombreux experts dénoncent l’absence d’une approche systématique du problème à l’école. Longtemps, c’est aux enseignants que revenait la tâche de lutter contre les comportements d’intimidation, mais ils devaient d’abord en être témoins. Par ailleurs, la responsabilité de signaler le problème incombait souvent à l’étudiant, de sorte qu’une grande partie du problème ne faisait jamais l’objet d’un signalement.
C’est là qu’intervient la prévention proactive de l’intimidation.
Il existe de nombreuses recherches consacrées aux interventions contre l’intimidation, et plusieurs programmes scolaires ont fait l’objet d’une évaluation scientifique. Certains, comme le programme KiVa en Finlande, se concentrent sur la mobilisation des témoins d’actes d’intimidation. Ils s’appuient sur le pouvoir de la réaction des pairs pour inhiber ou encourager ce type de comportement.
D’autres programmes cherchent plutôt à créer activement un environnement scolaire plus agréable. Le plus réputé d’entre eux, le programme Olweus pour la prévention de l’intimidation, est également le plus éprouvé. Mis au point par le regretté psychologue suédois et norvégien Dan Olweus, il repose sur l’idée que l’intimidation découle souvent de la tolérance générale et culturelle à l’égard de la victimisation. Dans cette optique, le programme aborde l’intimidation du point de vue de l’ensemble de l’écosystème des écoles.
Le programme Olweus agit donc en changeant le climat social entourant l’intimidation : en sensibilisant les étudiants, en adoptant des normes contre l’intimidation et en faisant en sorte que les enseignants communiquent clairement leurs positions contre l’intimidation. Mais le programme va bien au-delà de la simple dynamique entre étudiants et enseignants. En effet, tous les adultes de l’école reçoivent une formation élémentaire sur l’intimidation, pas seulement les éducateurs et les administrateurs, mais aussi les membres du personnel de la cafétéria, les conducteurs d’autobus, les concierges, etc.
Le programme est efficace lorsque tous ces adultes agissent comme des modèles positifs, renforcent les bons comportements et refusent la victimisation. Dans le cadre de ce processus, des attentes claires quant aux comportements acceptables, ainsi que les conséquences du non-respect de ces attentes, sont établies. En rompant avec la culture du secret qui entoure les actes d’intimidation, chaque personne contribue à favoriser un
milieu où il est approprié et souhaitable de signaler ces agissements. Lorsque la lutte contre l’intimidation devient la responsabilité de chacun, la culture de l’école s’en trouve rapidement imprégnée.
Les recherches confirment le succès des programmes scolaires visant à réduire les comportements d’intimidation. De fait, une étude récente portant sur 69 essais cliniques randomisés a conclu que ces interventions réduisent non seulement l’incidence de l’intimidation et de la victimisation, mais améliorent de surcroît la santé mentale des étudiants.
Une communauté bienveillante
Si les parents s’engagent dans la prévention de l’intimidation, et surtout s’ils y participent activement, le programme scolaire connaîtra encore plus de succès. Les parents sont à même de donner le bon exemple en se mobilisant, en sensibilisant et en appuyant les mesures de lutte contre l’intimidation.
Mais comme l’intimidation ne se limite pas aux corridors de l’école et à la cour de récréation, et que les enfants victimes d’intimidation ne sollicitent pas forcément de l’aide, les parents et les éducateurs doivent également être à l’affût des signes avant-coureurs. Il peut s’agir notamment de blessures inexpliquées, de vêtements, de livres, d’appareils électroniques ou de bijoux perdus ou endommagés, de maux de tête ou d’estomac fréquents, de symptômes de maladie ou de prétextes pour les simuler, ou encore de changements dans les habitudes alimentaires (comme le fait de soudainement sauter des repas ou de faire des excès de nourriture). Dans cette situation, il est possible que les jeunes rentrent de l’école le ventre vide parce qu’ils n’ont pas mangé le repas du midi. Ils peuvent également éprouver des difficultés à dormir ou faire souvent des cauchemars, voir leurs résultats scolaires baisser, perdre tout intérêt pour les travaux scolaires (ou ne plus vouloir aller à l’école), perdre soudainement leurs amis ou éviter les situations sociales, ressentir de l’impuissance ou une baisse de l’estime de soi, ou adopter des comportements autodestructeurs comme faire une fugue ou se mutiler.
Par ailleurs, il est possible pour les parents de donner à leurs enfants les moyens de tenir tête aux intimidateurs. Commencez par aborder la question de l’intimidation et la nature des amitiés saines. De leur côté, les enfants apprendront à signaler les cas d’intimidation dont ils sont témoins. Dans ce cas, il est essentiel que les parents les aident à comprendre pourquoi ils ne doivent pas assister passivement à ce genre de situation et leur offrent des conseils pratiques sur la manière de gérer la situation. De telles actions peuvent faire toute la différence dans l’issue du conflit.
Des programmes comme LA TÊTE HAUTE, offerts par la Commission de la santé mentale du Canada, peuvent également jouer un rôle crucial pour favoriser des milieux scolaires sains en fournissant aux étudiants et aux jeunes les outils, la confiance et l’inspiration nécessaires pour devenir des leaders en matière de santé mentale et de bien-être au sein de leur école et leur communauté.
Si l’intimidation peut avoir des effets négatifs à long terme, ce n’est pas forcément le cas, selon le Dr Dobson. L’important est d’agir et d’intervenir pour le bien des autres et de soi-même. Si vous connaissez un enfant victime d’intimidation, essayez de comprendre ce qui se passe et intervenez si la situation l’exige. Si vous avez été victime d’intimidation et que vous en subissez les conséquences, des ressources sont disponibles pour vous aider à vous rétablir.
Nicole Chevrier
Passionnée de santé mentale, elle est aussi une écrivaine enthousiaste et une photographe de talent. Nicole a récemment publié son premier livre, qui s’adresse aux enfants vivant de l’intimidation. Quand elle n’est pas à son bureau, elle partage ses temps libres entre le yoga, la méditation, la danse de salon, la randonnée pédestre et la photographie des merveilles de la nature. Elle collectionne aussi les couchers de soleil.
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Les premiers intervenants des Premières Nations réconfortent des individus et renforcent des communautés.
Les personnes qui enseignent les premiers soins en santé mentale dans les communautés des Premières Nations ont un savoir expérientiel des traumatismes. L’histoire de Roger Chum en est un exemple frappant.
« J’ai une histoire personnelle », a déclaré Chum, membre de la Première Nation crie d’Omushkego Moose, près de la baie James, et survivant des pensionnats. « J’ai aussi essayé de mettre fin à mes jours, quand j’étais jeune, à cause de tous les traumatismes que je subissais. »
Chum a été sauvé avec l’aide d’autres personnes. Aujourd’hui, des années plus tard, il est conseiller au First People’s Centre du Canadore College à la baie North. Il se rend également dans des communautés de partout au Canada pour coanimer des séances dans le cadre du programme Premiers soins en santé mentale (PSSM), Premières Nations de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), et constate à quel point la douleur des autres résonne avec la sienne.
« Les thèmes communs à toutes les formations que j’ai données, dans des communautés allant de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse, en passant par l’Île-du-Prince-Édouard et l’Ontario, semblent être le suicide, le racisme et la discrimination auxquels les gens sont confrontés lorsqu’ils essaient de s’adapter à deux mondes, vivre dans la société canadienne en général, mais tout en conservant leur identité culturelle et autochtone, d’y trouver un équilibre », a déclaré Chum.
Il estime avoir formé environ 2 700 personnes pour devenir des secouristes en santé mentale depuis le milieu des années 2010, lorsqu’il a terminé la formation pour devenir coanimateur du cours PSSM, Premières Nations. À leur tour, ces secouristes ont offert du soutien à des milliers de personnes dans leurs communautés. Lorsque les personnes qui bénéficient d’un soutien pour les aider à vivre avec leurs propres troubles psychologiques se mettent à aider les autres, cela crée un cycle de soutien qui renforce des communautés entières.
Ce qui fait la marque distinctive de la formation PSSM, Premières Nations
Aujourd’hui, environ 70 coanimateurs originaires des Premières Nations offrent la formation PSSM dans l’ensemble du Canada, principalement dans les communautés des Premières Nations, mais également ailleurs. Citons l’exemple de Chum qui continue à organiser des séances de formation pour les membres des Services de police du Grand Sudbury, dont la plupart ne sont pas autochtones.
La formation PSSM est comme une série d’actions que les secouristes peuvent prendre pour aider les personnes qui traversent une crise ou voient leur santé mentale se détériorer. La Commission offre divers programmes de PSSM. Toutefois, aucun n’est comparable à celui des PSSM, Premières Nations.
La CSMC procède à des révisions régulières du cours. La formation PSSM, Premières Nations a des objectifs plus larges qui vont au-delà de la formation PSSM régulière. Ces objectifs sont particulièrement axés sur les compétences que les participants pourraient utiliser et les actions qu’ils pourraient prendre pour soutenir une personne qui vit des problèmes de santé mentale.
Certains segments du cours PSSM, Premières Nationsportent maintenant principalement sur le renforcement du sentiment d’appartenance à la communauté. Le cours poursuit cet objectif au moyen d’activités qui mobilisent le groupe dans son ensemble et qui abordent les problèmes systémiques qui ont eu un impact plus direct sur les peuples des Premières Nations, comme les déterminants sociaux de la santé, le racisme systémique et la colonisation.
Apprendre à former des secouristes en santé mentale
Le succès continu du programme repose sur deux maîtres formatrices des Premières Nations, Amanda Petit et Mary Wabano-McKay. Elles forment les membres des Premières Nations afin qu’ils deviennent des coanimateurs du cours PSSM, qui à leur tour forment les membres de la communauté à devenir des secouristes en santé mentale.
« Je n’aurais jamais imaginé suivre un cours comme les PSSM, Premières Nations, dispensé par une personne non autochtone », a déclaré Wabano-McKay, une Mushkegowuk (Cri de la Première Nation Attawapiskat), qui vit à Sault Ste. Marie et qui travaille pour l’Université Algoma en tant que vice-présidente de Nyaagaaniid — Réussite des étudiants et initiatives des Anishinaabe. « Comment pourraient-ils faire référence au savoir expérientiel et aux expériences de vie des membres des Premières Nations sans avoir vécu ces expériences? »
Elle a ajouté que les maîtres-formateurs autochtones « montrent l’exemple dans les communautés, parmi nos pairs et nos collègues, pour démontrer que nous n’avons pas seulement hérité des pertes, des deuils et des traumatismes, mais que nous avons aussi hérité de la résilience, de la force et de la détermination. Ces choses sont ancrées dans le cœur des coanimateurs qui dispensent le cours PSSM, Premières Nations dans l’ensemble du pays. »
Pour devenir coanimateurs, les candidats suivent 20 heures de formation en groupe, puis passent deux jours à travailler de façon individuelle avec des maîtres-formateurs pour approfondir leurs connaissances et démontrer qu’ils peuvent dispenser le cours PSSM, Premières Nations. Pour être accrédités à titre de coanimateurs, ils doivent remplir d’autres conditions dans un délai d’un an.
Impacts, obstacles, perspectives d’avenir
Le contenu du cours pour devenir coanimateur peut être déroutant, a souligné Wabano-McKay. En plus de passer en revue les séquelles du colonialisme dans les hôpitaux pour tuberculeux, les pensionnats, la rafle des années 1960 et d’autres traumatismes intergénérationnels, il aborde « la manière dont tous ces événements continuent d’avoir de graves répercussions sur les membres des Premières Nations, sur le bien-être général, sur la santé mentale, allant de l’anxiété et de la dépression à la consommation de substances et aux troubles psychotiques. »
« Ce genre de contenu peut souvent susciter des émotions chez ceux qui suivent le cours » dit-elle. C’est pour cette raison que des coanimateurs sont présents sur place lors des ateliers PSSM, Premières Nations. Les aînés de la communauté sont également invités à apporter un soutien supplémentaire aux participants, si nécessaire.
Un autre obstacle potentiel à la formation des coanimateurs est que les candidats doivent dépasser leurs propres préjugés sur la santé mentale et comprendre que tout le monde est concerné.
Le cours a été une révélation pour la coanimatrice Laurie Belcourt, une employée des Nations visées par le traité no 8 de l’Alberta de la Nation crie de Bigstone.
« Cela m’a transformée », affirme-t-elle. « La façon dont je pense aux autres, la façon dont j’interagis avec les autres, tout est différent. Je suis beaucoup plus compréhensive. Je suis beaucoup plus empathique. Le cours m’a aidée à comprendre que les gens vivent avec des problèmes de santé mentale. Ils ne cherchent pas seulement à attirer l’attention. Ils ne savent tout simplement pas comment faire face à ce qu’ils vivent. »
Dans le cadre du cours PSSM, Premières Nations, Belcourt transmet cette empathie et cette compréhension pour aider les secouristes à apprendre à reconnaître les problèmes de santé mentale chez les membres de leur communauté, et éventuellement chez les membres de leur propre famille ou au sein de leurs cercles d’amis. « Vous êtes le pont entre l’endroit où ils se situent actuellement et l’endroit où ils doivent se rendre », a-t-elle déclaré.
Le mandat des coanimateurs n’est pas de fournir des soins professionnels. Leur tâche consiste plutôt à écouter et à apporter un soutien instantané, un peu comme les premiers soins physiques. Selon Wabano-McKay, l’étape suivante consiste à « mettre la personne en contact avec une aide professionnelle appropriée et à explorer les autres mesures de soutien dont elle peut bénéficier au sein de sa communauté ». Nous leur apprenons que leur rôle de secouristes en santé mentale est de servir d’intermédiaires, d’offrir à une personne l’ouverture nécessaire pour qu’elle puisse dire : « Je ne vais pas bien et j’ai besoin d’aide ».
Toutes ces interactions se font dans le respect de chaque tradition et de chaque culture étant donné que chaque communauté des Premières Nations a sa propre histoire. Comme le dit Chum, nous allons toujours découvrir que « leur nourriture est différente, leurs modes de connaissance sont différents, leur culture est différente. Nous sommes un peuple très diversifié qui occupons cet endroit que nous appelons Turtle Island. »
Les premiers soins en santé mentale sont dispensés à une personne qui est aux prises avec un problème de santé mentale, qui traverse une situation de crise de santé mentale ou dont l’état de santé mentale s’aggrave. Plus de 500 000 Canadiens ont été formés en premiers soins en santé mentale depuis 2007 et vous pouvez aussi l’être. Trouvez un cours des PSSM en ligne ou en personne.
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Utiliser le langage axé sur la personne d’abord pour marquer une différence significative
Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.
Lorsqu’il s’agit de parler de santé mentale, le langage que nous utilisons entre dans deux grandes catégories : celle axée sur la personne d’abord ou celle axée sur l’identité d’abord. À la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), nous utilisons et recommandons généralement le langage axé sur la personne d’abord, mais il est possible que cette option ne s’applique pas dans toutes les situations.
Quelle différence cela fait-il?Le langage axé sur l’identité d’abord met l’accent sur la maladie ou le problème de santé de la personne concernée et non sur la personne qui en fait l’expérience. Par exemple : En désignant une personne par les termes « personne schizophrène », on utilise le terme « schizophrénie » pour la décrire avant de faire référence à l’individu. À l’opposé, le langage axé sur la personne d’abord se concentre sur l’individu, tout en minimisant l’importance de sa maladie ou de son problème de santé. Ainsi, dans cet exemple, en utilisant le langage axé sur la personne d’abord, vous pourriez dire « un individu vivant avec la schizophrénie. »
Le langage utilisé pour parler de la santé mentale ou de l’usage de substances joue un rôle important dans la réduction ou l’augmentation de la stigmatisation. En mettant l’accent sur l’individu, le langage axé sur la personne d’abord souligne le fait qu’un diagnostic constitue uniquement un élément de l’être global d’un individu. Employer ce langage, c’est respecter l’autre en tant que personne, plutôt que de le qualifier d’« anormal », de « dysfonctionnel » ou de « handicapé ». Pour cette raison, il est considéré comme étant moins stigmatisant et est parfois préféré dans le domaine de la santé mentale et de l’usage de substances.
Cela dit, il est important de ne pas oublier que cette préférence n’est pas universelle. Comme l’a expliqué une amie, « Je ne vis pas avec un trouble bipolaire. Il n’est pas mon compagnon de chambre. » Pour elle, utiliser un langage axé sur l’identité d’abord, « je suis bipolaire », représente mieux jusqu’à quel point ce problème de santé est inextricablement lié à tous les aspects de sa vie, alors que le langage axé sur la personne d’abord a un effet atténuant.
Pour d’autres personnes, le langage axé sur l’identité d’abord est ancré dans la relation entre leurs identités personnelle et culturelle et leur problème médical. Par exemple, la surdité, qui s’accompagne d’une riche culture qui est unique aux personnes partageant cette expérience, souligne souvent les aptitudes au-delà des invalidités. Dans ce cas, « une personne sourde » serait préférée à « une personne vivant avec la surdité. »
Comment choisir?
Dans une enquête menée par l’American Psychological Association auprès de 3 000 personnes vivant avec une gamme de problèmes de santé, 70 % ont choisi « Personne vivant avec une invalidité » comme expression les décrivant le mieux. Seulement 8 % ont choisi l’expression « Personne handicapée ».
À l’écrit, le langage axé sur la personne d’abord est celui que la CSMC recommande en premier, à moins de savoir qu’un individu ou un groupe se décrit autrement. Lorsque vous vous adressez à une personne ayant un savoir expérientiel passé ou présent, écoutez le langage qu’elle emploie ou demandez-le-lui. Le procédé n’est pas parfait, mais il s’agit tout de même d’un pas dans la bonne direction. Il s’agit d’écouter, d’apprendre, et de se faire le champion d’un usage respectueux et non stigmatisant du langage, peu importe la forme que ceci prend.
Amber St. Louis
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Les éducateurs jouent un grand nombre de rôles et sont de plus en plus sollicités pour offrir aux jeunes un soutien en matière de santé mentale. Les organisations réagissent en offrant aux enseignants la formation et les outils sur les premiers soins en santé mentale.
Au Canada, la maladie mentale touche environ 1,2 million d’enfants et de jeunes. D’ici que ces derniers atteignent 25 ans, ce nombre aura grossit plus de six fois pour atteindre 7,5 millions. Ces chiffres montrent simplement jusqu’où les premières années de vie posent le fondement de la santé mentale et de la résilience tout au long de la vie d’une personne. Depuis le début de la pandémie, les préoccupations à propos du bien-être mental des jeunes, en particulier la perturbation de leur routine, ont constitué de plus en plus un sujet de discussion.
Pourtant, à mesure que les jeunes naviguaient entre l’école en ligne et le retour en classe en personne, l’énorme pression ressentie par les enseignants pour développer des compétences supplémentaires en vue de gérer cette crise de santé mentale a également affecté leur bien-être. Selon un sondage réalisé en juin 2021 par l’Université de la Colombie-Britannique, environ 80 % des enseignants ont déclaré être aux prises avec une détresse psychologique modérée (56,7 %) ou grave (22,9 %).
Par conséquent, le Conseil scolaire du district de Toronto (TDSB) et le gouvernement de la Saskatchewan investissent depuis un certain temps dans la formation en santé mentale afin de doter les enseignants des outils nécessaires pour préserver leur propre bien-être mental et celui de leurs élèves.
« En tant que travailleurs du secteur de l’éducation, nous œuvrons à éduquer les futures générations du Canada, » a affirmé Mara Boedo, une cadre du Toronto Education Workers (TEW), dont les 17 000 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), incluant 4 400 membres locaux comprennent des employés du TDSB. « Ceci signifie que le moindre changement positif que nous pouvons aider nos membres à apporter aura un impact sur les soins offerts aux élèves, et ce changement positif perdurera avec eux pour le reste de leur vie. »
Le TDSB, qui dessert près de 250 000 élèves à travers le district, investit depuis 2018 dans L’esprit au travail (EAT). Le cours, dont le point central porte sur la réduction de la stigmatisation, est conçu pour promouvoir la santé mentale en offrant aux participants les outils pour évaluer leur propre bien-être psychologique, identifier les signes et les symptômes et élaborer des stratégies d’adaptation saines.

Mara Boedo
Former les enseignants
Le rétablissement des suites d’une détresse psychologique d’une participante à l’EAT est devenu évident aux yeux des autres, y compris de son médecin de famille, qui lui a demandé « que fais-tu de différent? » « J’ai une nouvelle vision de moi-même », répondit-elle. À travers le cours, les participants travaillent à changer leurs habitudes et attitudes à l’égard de la maladie mentale en discutant de résilience, en s’investissant dans leur bien-être mental et en passant en revue les comportements stigmatisants.
La participante était en train de partager cette histoire avec son animatrice EAT, Cherill Hiebert, ce qui l’a conduite à faire remarquer qu’il est important d’enseigner aux autres les petites mesures que toute personne peut prendre pour améliorer son bien-être mental, plutôt que d’attendre jusqu’à ce qu’il atteigne un point où la personne devra recevoir une aide professionnelle.
« Cela a été le message le plus puissant que j’ai entendu, » a laissé entendre Hiebert. « Sans le programme, cette personne n’aurait eu aucune vision, car elle n’avait aucun espoir. »
Pour ces organisations, l’EAT est synonyme d’approche proactive envers le bien-être psychologique de leurs membres. Mais qu’est-ce qui se passe lorsqu’il est trop tard pour prendre des mesures proactives? Comment les enseignants peuvent-ils se préparer à faire face à une crise de santé mentale qui survient devant eux? Ces questions, le gouvernement de la Saskatchewan se les pose depuis longtemps.
Se préparer à faire face à une crise
En décembre 2020, la Saskatchewan a annoncé un engagement de 400 000 $ pour offrir la formation Premiers soins en santé mentale (PSSM) à au moins un membre de personnel dans chaque école de la province. Les premiers soins en santé mentale consistent à apporter de l’aide à une personne qui commence à manifester un problème de santé mentale ou dont le problème de santé mentale s’aggrave, ou encore qui traverse une situation de crise de santé mentale. Tout comme une personne pourrait offrir les premiers soins physiques à des personnes blessées en l’attente d’un traitement médical, les PSSM sont prodigués en attendant qu’un traitement approprié soit trouvé, ou que la crise se résorbe.
Lorsque ce financement a fait l’objet d’une annonce, le ministre de l’Éducation, Dustin Duncan a encouragé toutes les commissions scolaires de la province à aider à briser la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale. Un tel soutien fort de la part du ministre pave le chemin pour une coordination de la formation dans 733 écoles et au profit de 926 membres de personnel. Chaque commission scolaire dispose maintenant de répondants PSSM, qui possèdent les connaissances spécifiques pour soutenir les jeunes en cas de besoin.

Cherill Hiebert
Un avenir rempli d’espoir
Ces efforts pour offrir une approche plus inclusive et plus durable de la santé mentale dans les environnements éducatifs ne s’arrêtent pas là. La Norme nationale du Canada sur la santé mentale et le bien-être pour les étudiants du postsecondaire, créée par le Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), aide les établissements d’enseignement à mieux soutenir leurs étudiants et à faire une place à la santé mentale dans leurs services et leurs systèmes. Une trousse de démarrage a été élaborée en vue d’aider les établissements d’enseignement à harmoniser leurs politiques à la Norme et à réaffirmer leur engagement à l’égard de la santé mentale des étudiants. La trousse a maintenant été téléchargée plus de 2000 fois, dans des établissements de toutes les tailles au pays. La Norme a également aidé les établissements d’enseignement à continuer à mettre l’accent sur les voix et les perspectives des étudiants, comme nous le verrons dans une série vidéo cet automne dans laquelle les étudiants discuteront de la santé mentale dans les établissements d’enseignement postsecondaire.
La santé mentale et le bien-être des étudiants, des enseignants et du corps professoral sont à l’avant-garde de la gamme des ressources élaborées par la CSMC pour le secteur de l’éducation. Un autre exemple de formation disponible pour les individus et les établissements est L’esprit curieux, postsecondaire; il s’agit d’un programme de formation fondé sur des données probantes et qui vise à promouvoir la santé mentale et à réduire la stigmatisation entourant la maladie mentale.
Mettre les bons outils dans les mains des personnes qui éduquent la jeunesse canadienne permettra d’étendre cet impact. En réfléchissant à la formation et aux commentaires faits par les participants, Mara fait remarquer : « Nous ne changeons pas seulement la vie des gens, mais nous apprenons aussi à changer la façon dont nous appréhendons les situations qui sont hors de notre contrôle. »
Les programmes de formation de la CSMC sont conçus dans le but d’améliorer les connaissances sur la santé mentale, réduire la stigmatisation et offrir les aptitudes et les connaissances pour gérer des problèmes de santé mentale potentiels ou émergents. Pour trouver des cours et en apprendre davantage, veuillez visiter la page de la CSMC Formation sur la santé mentale.
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Une ligne téléphonique nationale de prévention du suicide, dont le lancement est prévu en novembre 2023, permettra d’offrir du soutien à toutes et à tous 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Vous êtes une mère monoparentale résidant au centre-ville d’Ottawa, qui a dû arrêter le travail en raison de la COVID-19 et vous vous sentez en détresse de ne pas pouvoir honorer votre loyer et les frais alimentaires de votre famille. Vous êtes un adolescent autochtone dans le nord de l’Alberta et vous essayez de vous échapper d’une relation violente. Vous êtes un homme d’âge moyen qui vit au Nouveau-Brunswick et vous n’avez parlé à personne de l’ampleur de la dépression que vous traversez, et vous sentez que vous ne pouvez plus vous battre contre les pulsions suicidaires qui vous assaillent. Vous êtes un réfugié dans une petite ville ontarienne, et vous ne parlez pas l’anglais et les images refoulées des scènes de guerre traumatisantes vous tourmentent. Vous êtes un membre du personnel infirmier à Vancouver, dont le moral est au plus bas à cause des cris des antivaccins à votre encontre alors que vous rendez au travail; et déjà, votre santé mentale et vous-même ne tenez plus qu’à un petit bout de fil en raison de la pénurie de main-d’œuvre.
Qui appelez-vous?
Si vous avez de la chance, vous aurez l’oreille compatissante d’un conseiller d’une ligne d’urgence bien formé au sein de votre communauté. La personne vous écoutera lui raconter votre histoire, cernera votre niveau de risque suicidaire, s’efforcera de réduire votre stress, et vous mettra en contact avec les ressources dont vous avez besoin pour passer au travers de cette période difficile de votre vie et emprunter la voie de solutions durables et de meilleurs moments.
Cependant, vu l’état d’esprit dans lequel vous êtes, il est possible que vous ne sachiez pas quelle direction prendre. Il se peut que vous ressentiez de la honte ou ayez du mal à reconnaître que vous avez besoin d’aide; ou pire, il se peut que vous ayez des pensées suicidaires. Il se pourrait que vous vous sentiez tellement mal que vous ne pouvez chercher un numéro de téléphone au format 1-800-… Peut-être que vous n’avez pas facilement accès à Internet et que vous ignorez quelles mesures de soutien sont disponibles immédiatement.
Mais qu’en serait-il si nous disposions d’un numéro de téléphone d’urgence national à trois chiffres pour la prévention du suicide que tout le monde connaîtrait aussi bien que le 911?
Cette idée fait l’objet d’une exploration et d’une planification sérieuses depuis plusieurs années au Canada, et reçoit un soutien spontané parmi les experts en prévention du suicide, les professionnels de la santé mentale, et les politiciens de tous les paliers de gouvernement. Des pays comme les Pays-Bas et les États-Unis ont mis en place un numéro à trois chiffres, et c’est au tour du Canada de mettre en service un numéro d’urgence de prévention du suicide, le 9-8-8, qui sera disponible partout au pays d’ici la fin de 2023.
Selon Statistique Canada, environ 11 personnes par jour, soit 4000 personnes par an, s’ôtent la vie dans ce pays. Certes, les causes et les circonstances varient, mais chaque décès par suicide est une tragédie qui, pour une multitude de raisons singulières et complexes, n’a pas été évitée.
À mesure que la pandémie faisait rage, les centres d’aide et d’écoute de partout au Canada rapportaient des nombres plus élevés de personnes qui appelaient pour demander de l’aide. Ces demandes d’aide portaient sur les dépendances, les pertes d’emploi, les effets de l’inflation sur le coût de la vie et l’insécurité alimentaire. Pour toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de la prévention, maintenant plus que jamais, il sied d’avoir un numéro national d’urgence de prévention du suicide.
« Le concept est largement accepté, » affirme Sean Krausert, directeur général de l’Association canadienne pour la prévention du suicide (ACPS). Basé à Canmore, en Alberta, Sean était l’un des nombreux experts du domaine de la prévention du suicide au Canada (et à l’étranger) à être consulté par les auteurs de Considérations entourant la mise en œuvre d’une ligne de prévention du suicide à trois chiffres au Canada, un document d’orientation de la CSMC de 2021 qui a examiné la littérature et les renseignements pertinents sur le sujet.
« Ce sont plus les questions logistiques de la mise en place qui vont mettre du temps, » a-t-il affirmé. « Il faut un haut degré de sensibilisation du public et un financement solide pour mettre en place un service à l’échelle nationale. »
Compte tenu de l’immensité du territoire canadien et de la grande diversité de la population du pays, mettre en place et faire fonctionner une ligne téléphonique à trois chiffres pour la prévention du suicide représente une tâche complexe. Non seulement un tel service doit être mis en place sur la base de principes d’équité et d’inclusion culturelle, mais il doit aussi disposer d’une infrastructure technologique conséquente.
Par exemple, pour que le 9-8-8 soit opérationnel d’un océan à l’autre, il faut qu’un numéro à 10 chiffres soit en place dans les endroits où la norme est encore un numéro à 7 chiffres, comme à Terre-Neuve-et-Labrador, au nord de l’Ontario et à Yellowknife. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) affirme qu’un délai allant jusqu’en novembre 2023 pourra être nécessaire pour passer à un numéro à 10 chiffres dans ces localités. Lorsque le système du 9-8-8 sera prêt et fonctionnel, tous les appels et les textes placés au 9-8-8 seront dirigés vers un service d’urgence de santé mentale et de prévention du suicide, et ce, sans frais.
Par ailleurs, l’accès à des conseillers bien formés doit aussi être assuré 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans chaque région du pays afin de répondre aux besoins variés et de s’assurer que les gens reçoivent l’aide dont ils ont besoin, qu’ils résident dans un centre urbain ou dans une région éloignée, qu’ils soient jeunes ou vieux, qu’ils parlent anglais, français ou une autre langue, ou soient confrontés à des dépendances, à de la violence ou à une maladie mentale. Cela signifie qu’il y a un seul numéro que toute personne en situation de crise suicidaire peut appeler, peu importe le milieu dont il est issu, ou ses circonstances.
« Comme beaucoup de gens, j’ai toujours pensé que peu importe ce à quoi j’étais confronté dans ma vie, je devrais y faire face seul, » a laissé entendre Érick Légaré, dans une vidéo de 2019 réalisée par I’Association québécoise de prévention du suicide. Érick, qui a maintenant 50 ans, a tenté de mettre fin à ses jours à l’âge de 45 ans et est reconnaissant pour l’aide qu’il a reçue lorsqu’il traversait cette période difficile. Aujourd’hui, il a un message urgent pour toutes les personnes qui ont des pensées suicidaires : « Si vous avez besoin d’aide, sachez qu’elle est disponible. Il vous faut juste laisser passer les choses et les accepter. Parlez à quelqu’un. »
De toute évidence, une ligne téléphonique nationale de prévention du suicide représente un apport considérable aux mesures de soutien déjà en place à l’échelle locale et régionale au Canada. « Quel que soit le service qu’elle va offrir, il est essentiel d’offrir des mesures de soutien de santé mentale immédiates 24 heures sur 24 aux personnes en détresse qui appellent à cette ligne, a affirmé Andrea Poncia du Réseau communautaire de prévention du suicide d’Ottawa, qui a également souligné que, pour qu’une ligne téléphonique nationale soit efficace, “le financement doit être élargi et maintenu à long terme.”
Leslie Scott, gestionnaire de médias et communications auprès des Centres d’aide et d’écoute d’Ottawa et de ses régions environnantes, soutient qu’une ligne téléphonique nationale d’urgence à trois chiffres est une bonne idée, qui pourrait permettre de relâcher la pression sur les centres locaux d’aide et d’écoute à but non lucratif.
« La COVID-19 a été intense, » a affirmé Leslie, avec plus d’appels placés auprès des services d’aide et d’écoute que jamais auparavant. Pour réussir, un service national aura besoin d’une « vaste campagne de marketing » pour s’assurer que les gens connaissent son existence et comprennent ce qu’il offre. Comme Andrea, Leslie pense que le financement est capital pour former les personnes qui répondront au téléphone, afin qu’elles soient compétentes à utiliser les pratiques exemplaires pour aider une personne qui traverse une crise suicidaire. Les conseillers téléphoniques dans les centres d’aide et d’écoute au Canada reçoivent maintenant la Formation appliquée en techniques d’intervention face au suicide (FATIFS), qui leur permet d’offrir « les premiers soins de prévention du suicide » à toute personne qui en a besoin. Les conseillers auprès des lignes d’écoute nationale auront également besoin de cette formation, en plus d’avoir une solide connaissance des services qui sont disponibles pour toutes les personnes qui appellent, peu importe où elles se trouvent. Cela leur permettra de faire un tri et d’orienter les gens vers le soutien approprié, aussi bien dans le court que le long terme. Un adolescent autochtone en Alberta aura besoin de quelque chose de différent qu’un homme d’âge moyen qui vit au Nouveau-Brunswick, qu’un ainé agriculteur dans une zone rurale de l’Ontario, ou qu’un nouveau réfugié de guerre aux prises avec un TSPT dont la première langue n’est pas l’anglais.
« Il faut des gens qui savent faire preuve d’une écoute active, » a affirmé Leslie. « Vous devez être en mesure d’évaluer l’état d’esprit des gens, d’aller dans les détails avec eux. Vous devez réussir à pénétrer jusqu’au cœur de leur histoire. »
La mise en place d’une ligne d’écoute d’urgence nationale pour la prévention du suicide pourrait aussi servir un autre objectif majeur : celui de réduire le sentiment de stigmatisation que peuvent ressentir les gens concernant le fait de demander de l’aide ou d’admettre qu’ils sont confrontés à un problème de santé mentale. Leslie fait remarquer qu’il est possible que les personnes qui font le premier pas en vue d’obtenir de l’aide intériorisent le langage et les points de vue stigmatisants.
« Malheureusement, certaines personnes pensent encore que si elles appellent pour obtenir de l’aide, elles seront prises et internées dans un asile psychiatrique. Mais évidemment, ce ne sera pas le cas, » a laissé entendre Leslie. Savoir qu’il existe un numéro de téléphone que n’importe qui peut utiliser, à tout moment, devrait contribuer à la sensibilisation selon laquelle tout être humain traverse des moments de combat, une aide est disponible et vous n’êtes pas seul.
Karen Letofsky, une éminente experte de la prévention du suicide au Canada, récipiendaire de l’Ordre du Canada en 2007 en reconnaissance de ses années de service dans le domaine, a affirmé que l’idée d’une ligne téléphonique nationale de prévention du suicide est quelque chose pour laquelle les leaders du secteur des centres d’aide et d’écoute ont plaidé depuis plusieurs années, à commencer par la formation des partenariats en vue de pousser l’idée à devenir une réalité en 2015. « Nous savions qu’il nous fallait un plan raisonnable, et de l’argent pour un projet pilote. Une fois que nous avions cela, nous pouvions commencer à nous organiser. Renforcer les capacités était un objectif ambitieux. Si vous élargissez l’accès à un service comme celui-ci, cela signifie qu’il vous faut des ressources suffisantes et du personnel adéquat pour garantir la réussite. »
C’était « un travail colossal d’offrir l’accès universel à un numéro national de prévention du suicide, » a-t-elle ajouté, « mais c’est absolument un but qui en vaut la peine et qui permettra de normaliser la demande d’aide. » Bien que les nombreux détails entourant le financement, l’infrastructure technologique, la connexion des services, et la formation partout dans le pays sont toujours en discussion, Karen est optimiste que les organisations partenaires trouveront le meilleur modèle pour le Canada.
Ci-dessous les organisations travaillant avec la CSMC et L’ACPS : l’Association canadienne pour la santé mentale, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), l’Agence de la santé publique du Canada, Anciens Combattants Canada, et Jeunesse, J’écoute. Ensemble, elles ont aussi consulté des organisations comme 113 Prévention du suicide aux Pays-Bas et la Substance Abuse and Mental Health Services Administration aux États-Unis, qui dispose d’un modèle hybride permettant aux gens de choisir soit de texter ou de téléphoner au numéro à trois chiffres.
Plus que tout, a affirmé Karen, la clé pour offrir un service de qualité consistera à s’assurer que les personnes qui répondent aux appels téléphoniques soient des « répondants bien formés à écouter. »
C’est précisément ce lien de personne à personne établi entre un être humain compatissant et un autre être humain en détresse qui est capital. « Ne nous égarons pas dans les nombres, les statistiques et les algorithmes. Chaque personne est unique. Nous ne voulons pas perdre l’histoire personnelle. »
La CSMC offre des webinaires, des trousses d’outils, des modules de formation, et un éventail d’autres ressources sur sa page Prévention du suicide.
Moira Farr
Journaliste, auteure et professeure primée, est diplômée de l’Université Ryerson et de l’Université de Toronto. Ses écrits ont été publiés notamment dans The Walrus, Canadian Geographic, Châtelaine et The Globe and Mail, et abordent des thèmes comme l’environnement, la santé mentale et les enjeux de genre. Outre l’enseignement et l’édition, elle travaille à son compte en tant qu’auteure, et a également été rédactrice universitaire dans le cadre du programme de journalisme littéraire du Banff Centre for Arts and Creativity.
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D’une maison pleine à un nid vide
L’une des principales ironies du rôle des parents en tant qu’éducateurs est que votre travail consiste à vous rendre insignifiant. Les bébés naissent, les enfants sont élevés et grandissent, puis un jour — finalement — la plupart sont suffisamment indépendants pour quitter le foyer familial.
Auparavant, c’était une trajectoire typique au Canada. Aujourd’hui, la transition n’est pas toujours aussi linéaire. Les défis économiques tels que le coût élevé du logement et la précarité de l’emploi, ainsi que les changements sociodémographiques comme le besoin de poursuivre des études postsecondaires plus poussées, font que les fameux enfants « boomerang » partent et reviennent, parfois à plusieurs reprises.
Pour les parents qui restent derrière, que ce soit de façon temporaire ou définitive, ce passage à la phase suivante de la vie peut être difficile à gérer. Pourtant, en tant que parent, c’est aussi l’occasion de renouveler ses relations avec soi-même, son partenaire, ses amis et sa famille — incluant avec les enfants qui sont en train de faire leur saut dans la vie adulte.
Ma femme et moi sommes à l’aube de ce changement : nos filles jumelles entreront à l’université cet automne. Pour nous préparer à ce double départ, Lisa et moi passons beaucoup de temps à discuter avec des amis, des voisins et des collègues dont les enfants ont déjà quitté la maison ou sont sur le point de le faire.
Une amie nous a dit que le départ de ses enfants avait changé sa vie plus profondément qu’à leur naissance. Un autre, dont le beau-père a emménagé chez lui après que ses filles soient allées à l’université, a évoqué le vent de changement qui souffle dans son foyer, notamment le fait de s’occuper de parents âgés, avec l’incidence que ceci a également sur la configuration de sa maisonnée. Ma propre mère m’avait prévenu que notre maison pourrait ressembler à une gare ferroviaire pendant un certain temps : vous ne saurez pas qui vient ou part, ni combien de temps la personne restera.
Prochain arrêt
Bien que l’éventail des réactions et des circonstances varie grandement, dans l’ensemble, ce que les gens nous ont dit reflète les résultats des recherches et les conseils des professionnels de la santé mentale. Pour Barbara Mitchell, professeure de gérontologie et de sociologie à l’Université Simon Fraser, le « stéréotype du syndrome du nid vide a été largement démystifié en tant que mythe culturel ». Elle adopte un point de vue objectif sur ce phénomène et sur d’autres changements majeurs dans la vie. Il s’agit d’aborder la phase du nid vide comme l’un des nombreux carrefours du cours linéaire normal de l’existence, tout en restant attentif et prêt à faire face à tout ce qui pourrait suivre.

Vélo de montagne dans Charlevoix, au Québec : L’auteur, avec Daisy, Lisa Gregoire et Maggie. Passer d’une maison pleine à un nid vide est l’occasion de renouveler les relations avec soi-même, son partenaire, ses amis et sa famille — surtout avec les enfants qui font le saut dans la vie adulte.
« La plupart des parents trouvent que c’est une expérience positive », affirme Mme Mitchell. « Ils ont fait leur travail et sont maintenant libérés des responsabilités quotidiennes. Ils ont construit les bases pour leurs enfants — et des ailes — afin qu’ils puissent devenir des adultes autonomes. »
Malgré cette tendance générale, si elles sont ancrées dans un rôle traditionnel de femme au foyer, certaines femmes, tout comme bien sûr certains hommes, ressentent un fort sentiment de perte lorsque les enfants partent. Bien que cette tristesse et cette désorientation (communément désignées « syndrome du nid vide ») soient souvent de courte durée, Mme Mitchell souligne qu’environ 20 % des parents y sont confrontés et que, dans les cas extrêmes, cela peut nécessiter une intervention.
Mme Mitchell, qui mène des recherches sur les transitions familiales depuis le temps où elle était étudiante de cycle supérieur au milieu des années 1980, et qui est peut-être la seule spécialiste au Canada à posséder cette expertise, note que le nid vide est un phénomène relativement récent en Amérique du Nord. Historiquement, au moins un enfant restait régulièrement auprès des parents vieillissants, surtout dans les régions rurales. Mais avec l’urbanisation de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et l’essor de la classe moyenne aisée après la Seconde Guerre mondiale, les mères et les pères se sont retrouvés de plus en plus seuls durant leurs vieux jours.
Bien sûr, les parents issus de ce qu’elle décrit comme des « groupes culturels collectivistes » ont souvent des expériences totalement différentes, comme le fait de rester au sein d’un foyer multigénérationnel ou de considérer le départ d’un enfant pour ses études ou son mariage comme un signe de réussite. « Le contexte de l’environnement familial est important », déclare Mme Mitchell. « Il existe de nombreuses complexités potentielles ».
Parmi ces complexités, il y a les facteurs de stress aggravants comme les problèmes de santé ou la retraite, qui peuvent exacerber les émotions négatives.
Au Canada, la santé mentale et le bien-être sont en fait influencés par de nombreux facteurs, notamment l’expérience de vie, le milieu de travail et l’environnement familial, ainsi que les conditions sociales et économiques qui ont un impact fondamental sur notre bien-être.
Loriann Quinlan, psychologue à Edmonton, qui se spécialise dans le traitement des adultes aux prises avec de l’anxiété et ayant aidé des clients vivant avec le syndrome du nid vide et confrontés à d’autres transitions de la vie, sait que chaque personne et chaque famille vit ce changement différemment. Et comme ce changement peut s’accompagner de toute une gamme d’émotions, allant de la tristesse et du chagrin à l’excitation et à la joie, elle conseille à ses clients d’aborder le processus sans jugement, d’accepter le malaise et de prendre soin d’eux-mêmes.
Prendre le temps de mieux se connaître, de mieux connaître son partenaire et les autres membres de son entourage peut être une bonne démarche, dit-elle, car, en tant que parents, nous investissons énormément de temps et d’énergie dans nos relations avec nos enfants. Il n’est donc pas étonnant que nous soyons désorientés et nous sentions vides lorsque nous n’arrivons plus à définir clairement une partie aussi importante de notre identité — construite pendant tant d’années.
En tant que parents, nous investissons énormément de temps et d’énergie dans nos relations avec nos enfants. Il n’est donc pas étonnant que nous soyons désorientés et nous sentions vides lorsque nous n’arrivons plus à définir clairement une partie aussi importante de notre identité — construite pendant tant d’années. —
Un virage vers le mieux
Ce changement est aussi l’occasion d’apprécier l’avis des jeunes adultes qui partent et qui prennent leur indépendance.
« C’est une occasion extraordinaire pour les parents et les enfants de se voir mutuellement à travers un nouveau prisme », dit Mme Quinlan, « et de changer la dynamique et, espérons-le, de se connecter à un niveau plus profond. »
Pour y parvenir, elle recommande de garder les lignes de communication ouvertes. Parler de ses pensées et de ses craintes nous aide à comprendre d’où viennent les autres. Ne pas fuir les conversations sur le bien-être nous aide également à savoir quand il est temps de demander de l’aide. Il peut s’agir d’une simple discussion avec un ami ou d’un contact avec une ressource plus formelle en matière de santé mentale.
Tandis que l’internet facilite l’accès, l’évolution rapide des technologies de communication et d’autres phénomènes récents, tels que la pandémie et le resserrement du marché du logement, influencent également la façon dont les parents gèrent le départ de leurs enfants, note Mme Mitchell, qui souhaite effectuer davantage de recherches sur l’impact de « ces facteurs qui se chevauchent ». D’un côté, les jeunes adultes entrent dans un monde de plus en plus incertain ; de l’autre, vous pouvez passer un appel vidéo avec eux, où qu’ils soient. Du moins en théorie.
Mon amie Eleanor Fast, qui accompagnera son fils à l’université lorsque mes filles partiront l’automne prochain, avoue avoir « traqué » son fils aîné en ligne pendant qu’il était à l’université aux États-Unis ces deux dernières années. Il ne répond pas toujours à ses textos, et il peut être difficile de planifier des appels vidéo, alors elle vérifie son compte Instagram — « pour avoir une preuve de vie » — et voir s’il a affiché des itinéraires de course récents sur l’application Strava.
« Le monde est peut-être plus difficile maintenant qu’il ne l’était lorsque j’ai quitté la maison à l’âge de 18 ans », déclare Mme Fast, « mais les enfants ont toujours besoin de sortir. Ils ont été isolés ces deux dernières années à cause de la pandémie et ont manqué beaucoup de choses. »
La pandémie était la plus grande inquiétude de Mme Fast lorsque son fils a quitté la maison — elle craignait qu’il se sente seul à suivre des cours en ligne alors qu’il était confiné dans un dortoir — mais il s’est avéré que tout allait bien. Et bien qu’elle et son mari étaient vraiment heureux d’avoir une maison pleine, ils ont trouvé très agréable de pouvoir se concentrer sur un seul enfant. Ils prévoient déjà des activités qu’ils pourront faire en couple, comme de longues randonnées à vélo.
« J’aime mes enfants et j’aime être avec eux », dit Mme Fast, « mais je veux qu’ils aient leur propre vie, et faire des plans pour l’avenir aide à contrecarrer la tristesse qu’occasionne leur départ ».
Cela résume l’état d’esprit dans lequel Lisa et moi nous trouvons lorsque nous réfléchissons au passé et préparons notre prochain chapitre. Dans deux mois, l’une de nos filles déménagera dans un endroit qui se trouve à une distance de plusieurs provinces, et même si l’autre ira à l’université dans la ville où nous vivons, et qu’elle a récemment décidé de rester à la maison la première année au lieu d’aller en résidence universitaire, nous sommes conscients du fait qu’il s’agit simplement d’un nouveau rythme à expérimenter.
Nos enfants ne sont plus des enfants. Ils — et nous aussi — sommes à la fois excités et nerveux face au parcours qui nous attend. Et comme très souvent au cours des 18 dernières années, nous pouvons apprendre beaucoup d’eux.
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Combler les lacunes dans les systèmes de soins de santé mentale

Fabiola Phillipe
Fabiola Phillipe, une mère, une sœur et une amie, était gentille, compatissante, généreuse et humble. Elle était également aux prises avec des problèmes de santé mentale consécutifs à des expériences de solitude et d’isolement social pendant sa jeunesse. En proie à la dépression, elle a commencé à consommer des substances en guise de réconfort et de substitut au soutien et à la compréhension dont elle avait besoin.
Avant son décès en 2017, Fabiola avait été aux prises avec la dépendance aux substances durant près de deux décennies. Certes, toutes ces années étaient parsemées de périodes de hauts et de bas, mais l’aide semblait toujours hors de sa portée.
Pendant plusieurs années, elle s’est adressée à différentes institutions. Mais, elle a eu des difficultés à accéder aux services ou a été refusée parce que ses besoins étaient considérés comme dépassant le cadre des soins. En raison de ces expériences, Fabiola a commencé à refuser catégoriquement tout traitement, malgré l’insistance des membres de sa famille, qui se sentaient mal équipés et impuissants à la soutenir tout en essayant de s’orienter eux-mêmes dans des systèmes de soins de santé complexes.
Considérant les lacunes qu’elles ont constatées dans le système, la sœur de Fabiola, Marie Philippe-Remy, et sa fille, Lydia Philippe, ont lancé la Fondation Fabiola pour la sensibilisation et le soutien en toxicomanie et santé mentale (FAMHAS) en 2018 pour promouvoir la sensibilisation et réclamer des changements dans les soins de santé mentale pour les communautés africaines, caraïbéennes et noires (ACN).
Les morceaux manquants

La sœur de Fabiola, Marie Philippe-Remy
Selon un article du département de psychiatrie de l’Université Columbia, la communauté noire adulte est moins disposée à demander de l’aide, même si le risque pour ses membres de vivre avec de graves problèmes de santé mentale est de 20 % plus élevé que pour les autres communautés. Les jeunes adultes noirs (âgés de 18 à 25 ans) ont également été décrits comme présentant « des taux plus élevés de problèmes de santé mentale et des taux plus faibles d’utilisation des services de santé mentale par rapport aux jeunes adultes blancs et aux adultes noirs plus âgés ». Les raisons pour lesquelles ces taux d’accès aux services sont plus faibles dans les communautés ACN sont nombreuses. Toutefois, une étude de Santé publique Ottawa en 2020 a mis en évidence trois raisons communes : le coût, les temps d’attente et la difficulté à trouver des fournisseurs ayant les compétences culturelles appropriées et une identité et une expérience communes. En rendant l’accès aux soins plus difficile, ces obstacles exacerbent leurs problèmes de santé mentale.
En apportant son soutien à Fabiola, Marie a commencé à en apprendre de plus en plus sur les systèmes de soins de santé mentale. Pourtant, en tant que sa principale championne, elle se sentait souvent épuisée lorsqu’elle ne parvenait pas à trouver les soins dont sa sœur avait besoin. Elle était également régulièrement frustrée de se sentir elle-même incapable de comprendre comment Fabiola se sentait piégée par sa dépression et sa dépendance aux substances. « Comment pouvez-vous ne pas vouloir aller mieux? » se rappelle-t-elle s’être demandé à un moment donné. Les proches aidants qui doivent faire face à des problèmes de santé mentale lorsqu’ils soutiennent un proche en crise expriment souvent de tels sentiments. Toutefois, la question de Marie permettrait de définir l’objectif de la FAMHAS : aborder les obstacles à l’accès aux soins et combattre la stigmatisation tout en offrant des soins complexes, nuancés et axés sur la communauté aux personnes ACN qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Accès et compréhension

Fabiola Phillipe
Dès le lancement de la fondation FAMHAS, il n’en a pas fallu longtemps à Marie et Lydia pour se rendre compte que les communautés ACN avaient peu de connaissances formelles sur la santé mentale. Même après une recherche approfondie, il était impossible d’ignorer cette lacune flagrante. Elles se sont donc demandé où étaient les recherches, les informations et les organisations axées sur la santé mentale dans ces communautés. Sans réponse en vue, elles ont décidé d’utiliser leur propre savoir expérientiel et de faire appel à leur réseau.
« La meilleure façon d’apprendre à connaître la communauté et d’atteindre ses membres était de s’adresser directement à eux », a déclaré Marie. Elle a expliqué que le fait d’entrer en contact avec des personnes ayant vécu des situations similaires était essentiel pour créer des liens, sensibiliser et promouvoir la compréhension. Les questions de santé mentale se manifestent au travers de nombreux visages et de nombreuses histoires, mais si l’on ne rencontre pas ces personnes et que l’on n’entend pas leurs histoires, comment pourrait-on dépasser quelque chose comme la stigmatisation?
Des thèmes clés avaient émergé de quelques conversations seulement. Ainsi, il était de plus en plus évident que le travail de la fondation était devenu urgent. Par exemple, Marie et Lydia ont constaté que les personnes qu’elles ont rencontrées voulaient briser ce qu’elles considéraient comme un tabou. Le simple fait d’avoir une conversation ouverte sur la santé mentale et de reconnaître qu’elle constitue une priorité a permis aux personnes des communautés ANC de s’exprimer plus librement. Sans avoir à s’expliquer ou à se défendre, des gens s’étaient engagés rapidement dans des conversations significatives, ce qui a eu un effet domino. Lorsque la FAMHAS a présenté son premier atelier L’expérience des hommes noirs, seulement deux participants s’y étaient présentés. Mais, au fur et à mesure que la nouvelle s’est répandue, le nombre des participants est passé à 15, puis à 20. L’atelier Vraie conversation : jeunes noirs a connu le même parcours.
« Il y a tant de personnes qui souffrent en silence, et le simple fait de savoir qu’il existe de l’aide peut changer la vie d’une personne », a déclaré Marie, en soulignant la nécessité d’offrir du soutien aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et tout autre problème. Elle milite ainsi, par l’intermédiaire de la FAMHAS, pour la création de systèmes de soutien qui s’étendent dans tous les réseaux et les communautés, et ce, conformément au contexte culturel. Elle reconnaît toutefois la complexité et la pluralité de ces communautés ACN qui comprennent de nombreuses religions, cultures, langues et ethnies au-delà de leur expérience historique commune en tant que Noirs.
Ainsi, plus d’efforts doivent être faits pour traiter les personnes de ces communautés qui ont des problèmes de santé mentale. Une étude récente de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a révélé que lorsqu’une personne en quête de soins estime qu’un professionnel de la santé peut comprendre son expérience, cela renforce la confiance. Qu’il s’agisse des effets profondément enracinés du racisme envers les Noirs, des traumatismes intergénérationnels ou des préjugés culturels, le fait d’avoir des choses en commun facilite la création d’un lien de confiance entre les patients et les fournisseurs de soins. Malheureusement, peu de psychothérapeutes issus des communautés ACN sont disponibles au Canada aujourd’hui.
Étant donné que la représentation, la compétence culturelle et les questions d’accessibilité financière constituent d’importants enjeux, tout comme les longues listes d’attente, Marie considère qu’appuyer le travail en santé mentale en tant que parcours professionnel viable pour les membres des communautés ACN est une étape importante pour relever ce défi. En attendant, d’autres mesures sont en train d’être prises et figurent dans le projet Arguments en faveur de la diversité de la CSMC, une compilation des pratiques prometteuses qui fonctionnent dans les communautés du pays.
À ce jour, la fondation FAMHAS à elle seule a pu offrir 1 629 heures de counseling gratuitement, dans sept provinces et territoires et en neuf langues, à 701 personnes en quête de soins grâce à un réseau de professionnels de la santé mentale qui ont consacré leur temps personnel au succès de sa mission. Une vingtaine de professionnels provenant des communautés ACN ont pu recevoir plus de 400 personnes en quête de soins en trois mois, le temps d’attente étant de deux semaines au maximum seulement.
Marie a l’intention d’agrandir le répertoire de la fondation afin de permettre à davantage de personnes d’accéder à ces services. Les consultations gratuites sont suspendues jusqu’à ce que la FAMHAS relance ses événements de collecte de fonds. Un gala est prévu pour mai 2023, ce qui aidera la fondation à générer des fonds, tout en rassemblant les communautés et les organisations ACN pour célébrer les œuvres artistiques et les contributions de la communauté à la sensibilisation à la santé mentale.
La fondation est déterminée à continuer à cultiver l’esprit communautaire, en particulier le sentiment d’identité, d’appartenance et les liens qui engendrent un sens de sûreté, de sécurité et de bonheur, en d’autres termes, toutes les choses qui font que nous nous sentons tous soutenus et moins seuls.
Aishah Khan
Une nouvelle étudiante en rédaction et communications qui affirme de plus en plus son intérêt pour les domaines du féminisme, de la sensibilisation à la santé mentale et de la rédaction. Elle est une lectrice passionnée et une grande consommatrice de médias. L’un de ses livres préférés est A Tree Grows in Brooklyn. Aishah passe son temps libre à dessiner ou à peindre pendant l’hiver, et à faire du camping, du canoë et de la natation l’été.
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Échanges avec les travailleurs essentiels, de première ligne et de la vente au détail de leurs expériences de la pandémie.
Pour les employés, les deux dernières années ont été un véritable tourbillon. Après avoir semé un sentiment de désarroi, la COVID-19 a forcé tout le monde à se débrouiller face à l’inconnu et à s’adapter à de nouveaux environnements de travail.

Megan Di Lucca
Au fil des mois, nous sommes passés des jours de congé à se prélasser sur le canapé et à déguster des bières dans nos allées tout en respectant la distanciation physique avec les voisins à la léthargie, à la solitude et à la frustration à mesure que les cycles de confinement faisaient peser tout le poids de leur rouleau compresseur sur nous. Les vagues, les unes après les autres, continuaient à s’écraser sur nous, mais nous nous en sommes sortis, même si nous nous sentions emprisonnés dans nos maisons jour après jour.
En tout cas, c’était le cas pour au moins certains d’entre nous.
Cette expérience de la COVID-19 ne constitue pas un fait universel. Se prélasser sur le canapé et se vautrer dans l’allée est une option si l’on a un abri. Mais, la réalité montre que de nombreuses personnes n’ont pas le temps libre ou l’espace nécessaire pour jouir de ces privilèges. Les plaintes relatives à la « fatigue du Zoom » peuvent sembler insignifiantes si vous êtes un travailleur de première ligne effectuant un travail essentiel et que vous n’avez jamais eu la possibilité de travailler à domicile.
Pourtant, ceci représente le cas de la grande majorité des employés canadiens qui maintiennent le fonctionnement de notre société, qu’ils travaillent dans les secteurs de la vente au détail, de la fabrication ou de la construction ou à titre de personnel médical, de travailleurs sociaux ou de chauffeurs-livreurs.
Citons, entre autres, l’exemple de Megan Di Lucca, caissière chez Save-On-Foods à Victoria. En repensant à ces premiers jours frénétiques de 2020, elle se souvient du comportement inhabituel de certains clients, notamment la façon dont ils évacuaient leur stress en s’en prenant les uns aux autres ou aux membres du personnel.
« Comme tout le monde achetait autant que possible du papier toilette, des conserves et des produits aléatoires (comme de la levure), tout ce que je pouvais faire était de saluer leurs choix inhabituels avec un sourire et de faire de mon mieux pour aider à soulager leur stress en les écoutant. Le fait de prêter une oreille attentive aux clients les a non seulement aidés, mais cela m’a également permis de réaliser qu’il était important de ne pas laisser les affaires personnelles des autres m’affecter. »
Di Lucca était pourtant suffisamment expérimentée pour pouvoir se frayer un chemin dans de telles situations difficiles. Toutefois, cela n’est pas toujours le cas pour les nouveaux sur le marché du travail. Comme l’a souligné Shane Bennett, directeur de la chaîne de cinémas d’Ottawa, « de nombreuses personnes occupant des postes de première ligne et de vente au détail sont jeunes et inexpérimentées ou essaient de concilier des problèmes personnels tout en travaillant dans des environnements en constante évolution. » Au-delà de ces défis, la plupart de ces postes sont en moyenne moins bien rémunérés que les autres emplois et sont classés dans la catégorie des emplois contractuels ou ponctuels qui offrent peu ou pas d’avantages sociaux ou de congés. En raison de l’impossibilité de tels employés de travailler à domicile lorsqu’ils sont malades ou qu’ils craignent d’être exposés au virus, leur choix est aussi dur que simple : aller travailler ou sacrifier une journée de salaire.
Facteurs aggravants
En discutant avec des amis et des collègues qui occupent des fonctions essentielles, il apparaît clairement qu’ils essaient de composer avec les changements intervenus dans leur vie pendant la pandémie. Nombre d’entre eux sont aux prises avec des problèmes personnels, aggravés par des facteurs stressants tels que la menace de contracter une maladie, les difficultés financières, l’insécurité de l’emploi et la détérioration de la santé mentale.

Shane Bennett
Les travailleurs de première ligne ont non seulement dû faire face à des congédiements et à l’incertitude de leur emploi, mais ils sont également plus exposés au virus. Beaucoup rentrent chez eux auprès de membres de leur famille qui sont immunodéficients après avoir dû travailler avec un équipement de protection individuelle inadéquat.
En plus de gérer leur propre stress, ces travailleurs ont également été contraints de faire face au stress d’innombrables autres personnes chaque jour. Ce phénomène n’est peut-être pas nouveau pour les personnes qui travaillent déjà au service à la clientèle, mais la situation s’est certainement aggravée pendant la pandémie. En outre, ces travailleurs ont été chargés de faire respecter des mandats de santé publique en constante évolution. Ces mesures de sécurité sont nouvelles pour tout le monde, y compris pour eux-mêmes. Lorsque leurs employeurs s’attendent à ce qu’ils surveillent les actions visant à assurer la sécurité des clients et la leur, les travailleurs de première ligne subissent le poids de la frustration des clients qui refusent d’obtempérer. Étant confrontés à tant d’autres facteurs stressants dans leur vie, ils endossent une énorme responsabilité qui a fait croitre les niveaux d’abus, de harcèlement, des menaces et de la violence auxquels ils font face. Selon M. Bennett, ses cinémas ont été contraints d’appeler la police à plusieurs reprises pour les aider à faire face à de tels incidents.
En raison de l’impossibilité des employés de travailler à domicile lorsqu’ils sont malades ou qu’ils craignent d’être exposés au virus, leur choix est aussi dur que simple : aller travailler ou sacrifier une journée de salaire. —
Voies d’accès au soutien
Les travailleurs de première ligne effectuent des tâches qui sont généralement sous-évaluées et qui exigent beaucoup d’énergie physique et émotionnelle. Citons l’exemple de « Sabrina », technicienne vétérinaire dans un hôpital pour animaux situé à l’est du Canada, et qui travaillait dans le domaine des soins d’urgence et des soins intensifs ainsi que dans celui de la chirurgie spécialisée. L’hôpital était le seul établissement ouvert 24 heures sur 24 dans sa région. Il acceptait également des cas provenant de régions éloignées (notamment le Nunavut et Terre-Neuve-et-Labrador), ce qui le rend essentiel pour les habitants et les clients de cette vaste région.
Au début de la pandémie, le lieu de travail de Sabrina offrait un espace de dialogue et soutenait les employés qui devaient s’occuper de leurs enfants, qui étaient eux-mêmes malades ou qui éprouvaient des réserves à l’idée de transmettre le virus à des membres de leur famille qui sont immunodéficients. Mais, après quelques mois, cette approche d’ouverture semblait avoir changé. Malgré tout, elle a fait ses quarts de travail habituels et est souvent restée plus longtemps pour s’assurer que le travail était fait correctement. Elle passait de 10 à 12 heures debout tout en remplaçant d’autres personnes qui avaient quitté la clinique. Comme la demande ne cessait d’augmenter, Sabrina travaillait des heures supplémentaires pendant de nombreuses fins de semaine. Et elle a fini par s’épuiser. Animée d’un sentiment de désillusion, elle a décidé de partir.
Comme c’est le cas pour beaucoup de soignants qui traversent une situation pareille, sa décision a été difficile à prendre. Elle se sentait coupable de ce qui pourrait arriver à la qualité des soins à la clinique si elle partait, ce qui ne lui laissait pas beaucoup de temps pour s’occuper de sa propre santé. Lorsqu’elle s’est lancée sur la voie de la résolution de ces problèmes, elle a baissé les bras, découragée par l’ampleur de la tâche. « Vous devez entreprendre beaucoup de démarches pour obtenir l’aide dont vous avez besoin, ce qui peut vous décourager de le faire. Lorsque vous êtes épuisé physiquement et mentalement, la dernière chose que vous souhaitez faire c’est de chercher comment faire pour vous aider vous-même », a-t-elle expliqué.

“Sabrina”
Parfois, cet aspect bureaucratique devient un obstacle. C’est particulièrement vrai pour les travailleurs de première ligne occupant des postes à court terme ou contractuels, qui doivent endurer de longs délais d’attente et terminer leurs périodes probatoires avant d’accéder aux soins. Devoir changer d’emploi et négocier de nouveaux contrats peut également donner l’impression qu’il y a trop d’obstacles à franchir, surtout lorsque vous devez également faire face à des difficultés financières et à d’autres facteurs stressants.
Parallèlement, ces expériences lancent le débat sur les changements à opérer dans les milieux de travail pour soutenir les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels, au-delà de toute platitude. Par exemple, les employeurs aident les membres de leur personnel à mettre en place un système d’écoute empathique dans leurs interactions. Autrement, tout comme l’a fait M. Bennett pour ses cinémas, ils peuvent investir dans L’esprit au travail, une formation fondée sur des données probantes de la Commission de la santé mentale du Canada qui aide les participants à surmonter la stigmatisation liée à la maladie mentale. « L’esprit au travail a pour but de donner aux gestionnaires les outils nécessaires pour observer les changements qui peuvent se manifester chez leurs employés et les situer sur la position de ces derniers sur le continuum de santé mentale », a-t-il déclaré. « Il nous offre un modèle pour encadrer les conversations difficiles et apprendre à être attentifs à la santé mentale des membres de nos équipes. » Une fois que les gestionnaires auront acquis les compétences et les outils dont ils ont besoin, son entreprise a l’intention de déployer la formation L’esprit au travail à l’ensemble de ses employés. « J’espère que cela permettra de discuter plus facilement de la santé mentale en milieu de travail, a-t-il ajouté, et que cela permettra à nos travailleurs de se sentir mieux soutenus. »
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Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle des aliments réconfortants : le sucre, le sel et les glucides nous procurent rapidement un regain de saveur et de familiarité. Plaider en faveur d’aliments réconfortants nourrissants pour l’esprit et le corps.
Nous avons toutes et tous entendu cet adage « Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es ». L’adage vise à nous pousser à faire des choix plus sains, mais il ne reflète pas tous les liens qui existent entre l’alimentation et la santé, notamment les rapports entre le régime alimentaire et des maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité et l’accident vasculaire cérébral. De même, il ne fait aucunement cas des recherches de ces 50 dernières années qui montrent à quel point nos choix nutritionnels influencent notre cerveau et notre santé mentale; ceci est tellement frappant que nous devrions probablement ajouter à l’adage l’expression « Une bonne alimentation pour un esprit sain ».

Dre Bonnie J. Kaplan
Les recherches sur les liens entre la nutrition et la santé mentale ont commencé en 1972, lorsque Bonnie Kaplan, alors étudiante de deuxième cycle en psychologie expérimentale, a commencé à étudier les répercussions physiologiques et psychologiques de la malnutrition pendant la grossesse et les premières années de vie. Lorsqu’elle a publié « Malnutrition and Mental Deficiency » dans le Psychological Bulletin cette même année, ses résultats ont eu une onde de choc. Elle a été submergée par des demandes de réimpressions de son rapport sur ses recherches révolutionnaires, qui est devenu le précurseur dans le domaine de la psychologie nutritionnelle. Le principal enseignement de l’article résonne : « Nous ne pouvons pas contrôler nos gènes, mais nous pouvons contrôler ce que nous mangeons, de sorte à mieux nourrir nos cerveaux et notre santé mentale, » a écrit Bonnie J. Kaplan, Ph. D, psychologue en recherche maintenant à la retraite.
Tout récemment, elle a écrit The Better Brain : Overcome Anxiety, Combat Depression, and Reduce ADHD and Stress with Nutrition conjointement avec Julia Rucklidge, Ph. D. Le livre a une approche qui accorde la priorité à la nutrition en matière de santé mentale, et ce, en lien avec la résilience, et l’accent est mis sur le tryptophane, un acide aminé essentiel contenu dans les nutriments que nous consommons, et les liens qu’il entretient avec la sérotonine, « l’hormone du bien-être » qui peut affecter notre humeur. Un court article comme celui-ci ne pourrait jamais expliquer entièrement le processus des enzymes, les cofacteurs, et les réactions chimiques qui y sont impliquées; mais un effet fondamental décrit par Kaplan dans ses cours a conduit ses étudiants à réaliser à quel moment ils peuvent voir ces relations et avoir l’inspiration pour améliore leur alimentation.
Les suggestions pour une alimentation saine contenues dans le livre sont maintenant bien connues — aliments entiers (et non hautement transformés), moins de glucides, moins de sel et de graisses saturées, et une préférence pour la cuisine à la manière méditerranéenne — et proviennent de l’essai « SMILE » (2017). Dans cette étude, des participants vivant avec une dépression grave ont été placés de façon aléatoire dans deux groupes, l’un recevant un soutien social et l’autre des conseils nutritionnels qui recommandaient l’adoption d’un régime alimentaire méditerranéen composé de fruits, de légumes, de légumineuses, de fruits de mer, d’huile d’olive, et de graines. Bien que les symptômes se soient améliorés dans les deux groupes après 12 semaines, les personnes qui faisaient partie du groupe à qui on a recommandé l’adoption d’un régime alimentaire méditerranéen enregistraient une plus grande amélioration, avec 32 % des participants qui présentaient des symptômes de dépressions en état de rémission (contre 8 % pour le groupe ayant reçu un soutien social).
Vous semblez être « en colère »
J’ai demandé à Kaplan : Pouvez-vous me donner une idée de comment s’est produit? Eh bien, explique-t-elle, « Nous ne pouvons pas ingérer de la sérotonine par la nourriture, n’est-ce pas? » Comme un grand étudiant, j’ai noté le point clé : « Il n’existe pas d’aliments qui contiennent l’hormone du bien-être, par conséquent nous devons consommer des aliments qui permettent à notre organisme de fabriquer lui-même la sérotonine e les autres nutriments indispensables ».
Tout d’un coup, j’ai senti un petit creux. Et j’ai eu envie de manger des croustilles – hum, tout ce sel qui procure de la satisfaction, le croquant bourré d’énergie. Sauf que je venais tout juste aussi d’apprendre que nous avons besoin au moins de 30 différents micronutriments pour soutenir adéquatement le métabolisme de notre cerveau, qui fonctionne chaque minute de chaque jour. De tels aliments hautement transformés peuvent remplir notre ventre, mais ils affament aussi notre cerveau, car ils sont dépourvus de vitamines et de minéraux. Pour le cerveau, c’est l’équivalent d’être en colère, lorsque tu attends trop longtemps avant de manger. Kaplan appelle cet état « la fin cachée du cerveau », qui se produit lorsque nous manquons constamment des nutriments essentiels, de sorte que le cerveau ne dispose pas de ce dont il a besoin pour fonctionner de façon optimale et soutenir notre santé mentale. Pourquoi cette faim est-elle « cachée »? Parce que les effets qui en découlent ne sont pas toujours directement ressentis.
Ces derniers jours, remplir les garde-manger avec de tels aliments est devenu un défi difficile pour un grand nombre de personnes à cause des hausses des prix consécutives à l’inflation. —
Il n’existe pas de réponses faciles
Il s’avère que notre cerveau est en fait l’organe le plus gourmand de notre organisme : bien qu’il ne représente que tout juste 2 % de notre poids corporel, il absorbe au moins 20 % de tous les nutriments que nous consommons, affirme Kaplan. Nourrir ce monstre revient à nourrir le cerveau avec des micronutriments. Le récent guide alimentaire canadien en bref nous montre ce à quoi cela pourrait ressembler : remplir la moitié de notre assiette avec une variété de fruits et de légumes, et chacune des 2 portions restantes avec des protéines et des grains entiers.
Si seulement c’était aussi simple.
Ces derniers jours, remplir les garde-manger avec de tels aliments est devenu un défi difficile pour un grand nombre de personnes à cause des hausses des prix consécutives à l’inflation. D’après la revue Food in Canada, les prix de l’épicerie ont bondi de plus de 7 % au cours de la dernière année, soit l’augmentation la plus rapide en 13 ans. Le Rapport annuel sur les prix alimentaires au Canada prévoit que les hausses les plus significatives pour 2022 porteront sur la catégorie d’aliments sains, incluant les produits laitiers et les légumes. Cela signifie qu’en moyenne, une famille de quatre personnes déboursera environ 15 000 $ pour se nourrir cette année, soit presque 1000 $ de plus qu’en 2021. Un accès limité aux aliments frais constitue également un problème, en particulier pour ceux qui vivent dans les déserts alimentaires, et qui doivent débourser encore plus, avec les temps et les déplacements supplémentaires qu’une telle situation implique.
Nous pouvons être tentés, vu les résultats de Kaplan, à dresser facilement des parallèles entre un changement de régime alimentaire et l’humeur; cependant, la dépression est un état complexe pour ceux qui en font l’expérience. Nous devrions également garder à l’esprit que les changements à notre alimentation uniquement ne remplacent en aucun cas une consultation chez notre médecin ou thérapeute et la prise des médicaments qui nous ont été prescrits. Néanmoins, à mesure que la psychologie nutritionnelle progresse, il est utile de voir que les recommandations qu’elle fait sont prises en considération dans le cadre d’une thérapie intégrative ou alternative contre les défis de santé mentale, une réalité que vit une personne sur cinq au Canada.
Les opinions et les points de vue exprimés dans le présent article ne représentent pas nécessairement ceux de la Commission de la santé mentale du Canada.