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Un nouveau sondage examine les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie

Pour Mary Bartram (Ph. D.), directrice des politiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), il est essentiel de mieux comprendre les réalités des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie pour améliorer les résultats en matière de santé mentale.

« Pendant beaucoup trop longtemps, aucune donnée sur ces fournisseurs de soins essentiels n’a été recueillie, a expliqué Mme Bartram. Alors que nous nous préparons à une pandémie parallèle de problèmes de santé mentale, nous devons comprendre la main-d’œuvre invisible appelée à y faire face. »

Mme Bartram a noté que, si des données détaillées sont régulièrement recueillies sur les médecins et le personnel infirmier, nous n’avons qu’une compréhension superficielle des psychologues et des travailleurs sociaux et ne savons presque rien de tous les autres types de travailleurs en santé mentale et toxicomanie, des psychothérapeutes aux conseillers en toxicomanie.

Mary Bartram

« Pour répondre à l’augmentation des problèmes de santé mentale et de toxicomanie que nous observons en raison de la pandémie, il faut savoir exactement quels sont les outils dont nous disposons, a déclaré Mme Bartram. Pourtant, nous ne savons pas où travaille cette main-d’œuvre, combien d’heures de services ces travailleurs fournissent, quelles populations ils desservent, ou quels sont leurs domaines d’expertise. » Ce manque de connaissances est préoccupant, étant donné la position unique de ces travailleurs pour répondre à ces besoins émergents pendant la pandémie.

Faire la lumière sur les lacunes en matière de soins
Heureusement, ce manque de compréhension commence à changer, selon un récent sondage mené par la CSMC et le Réseau canadien des professionnels de la santé, qui visait précisément à établir un aperçu de ce paysage encore inexploré.

Pour Mme Bartram, les chiffres révélés par le sondage sur la capacité de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie face à la COVID-19 ont déclenché des signaux d’alarme sur plusieurs fronts.

« Ce sondage révèle la nature à deux vitesses de notre système de santé. Bien que nous aimions vanter les mérites des soins de santé universels, la réalité est que 31 % des fournisseurs interrogés ne reçoivent aucun financement public pour les services qu’ils offrent. Leurs clients doivent plutôt payer de leur poche ou par une assurance privée offerte par leur employeur. »

Selon Mme Bartram, il n’est pas surprenant que les répercussions de la pandémie au chapitre des problèmes de santé mentale et de toxicomanie aient été pires parmi les populations à faible revenu. Ces personnes n’avaient pas accès à une assurance privée avant la pandémie et ont pu avoir l’impression qu’elles n’avaient aucun moyen d’atténuer leurs problèmes de santé mentale tout au long de la crise.

Comme l’a noté Mme Bartram dans un récent article d’opinion publié dans The Hill Times, alors que les deux tiers de la population ont accès à des prestations de maladie complémentaires, « le reste de la population paie de sa poche, doit faire face à de longues attentes pour des services limités financés par l’État, s’aventure dans le brave nouveau monde des services virtuels si la large bande le permet, ou s’en passe ».

En effet, les résultats du sondage indiquent que, bien que 33 % des fournisseurs en santé mentale et toxicomanie aient diminué leur capacité en raison des mesures de distanciation sociale, presque autant (28 %) ont déclaré que cette diminution était attribuable aux problèmes rencontrés par les clients relativement aux soins virtuels.

Des inégalités sur plusieurs fronts
Selon Mme Bartram, bien que l’explosion des options de soins virtuels comme le portail Espace Mieux‑être Canada soit un signe positif, nous devons nous préparer à l’importante courbe d’apprentissage chez de nombreuses personnes et comprendre aussi que cette forme de soins ne répondra pas aux besoins de tous.

« L’équité est une énorme pièce du casse-tête, a-t-elle dit. Il ne s’agit pas seulement de savoir si les gens sont à l’aise d’utiliser des services virtuels. Il faut aussi se demander si les gens ont un service à large bande et s’ils sont en sécurité à la maison. »

Une division entre les genres dans les réponses au sondage souligne également l’importance de comprendre comment les fournisseurs de soins de différents genres s’en sortent.

Dans l’ensemble, les praticiennes (qui représentent près de 80 % de l’échantillon du sondage) ont davantage diminué leur prestation de services, les « responsabilités personnelles supplémentaires » figurant parmi les principales raisons.

En revanche, un plus grand nombre de praticiens masculins ont été en mesure d’augmenter leur prestation de services en offrant des services bénévoles et en profitant d’un nouveau financement.

Selon Mme Bartram, ces chiffres concordent avec les résultats d’un récent sondage de Léger commandé par la CSMC et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), qui souligne l’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes.

« Les femmes assumaient davantage les soins et les responsabilités domestiques avant la pandémie, explique-t-elle. La COVID a amplifié cette disparité et ainsi, les femmes, en particulier celles qui ont de jeunes enfants à la maison, ont eu moins de temps libre et une moins bonne santé mentale que leurs homologues masculins. »

La voie à suivre
Même si certains praticiens ont pu augmenter leurs services, la demande continue de dépasser largement l’offre. Les premiers résultats d’un récent sondage conjoint de la CSMC et du CCDUS ont révélé que seulement 18 à 20 % des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie ont eu accès à des services au cours du mois de février.

Pour remédier à ce déséquilibre, souligne Mme Bartram, nous devrons continuer d’étudier les fournisseurs qui offrent ces services. Les résultats de ce sondage, financé par une subvention d’exploitation des Instituts de recherche en santé du Canada, seront abordés lors d’un dialogue sur les politiques en juin. Il convient de noter que nous avons besoin de beaucoup plus qu’un sondage pour disposer du type de données nécessaires à la planification fondée sur les besoins de la population.

« Les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie ont été négligées pendant trop longtemps, a précisé Mme Bartram. Nous espérons que de les mettre en lumière nous permettra de satisfaire davantage les besoins de tous les Canadiens, y compris les fournisseurs eux-mêmes, maintenant et longtemps après la pandémie. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

La formation des premiers répondants L’esprit au travail offre aux policiers un nouveau type de protection. 

Beth Milliard

La sergente-chef Beth Milliard n’est pas étrangère à l’impact de la maladie mentale sur le travail des policiers. Issue d’une famille de policiers, elle a commencé sa carrière en s’engageant à faire de la santé mentale une priorité, pour elle-même et ses collègues.

C’est cette volonté de créer un environnement plus favorable qui l’a amenée à suivre la formation L’esprit au travail pour les premiers intervenants. Alors qu’au départ elle cherchait simplement à explorer des options pour son propre service, la police régionale de York, elle est finalement devenue formatrice principale dans le cadre du programme.

« Les policiers sont très sceptiques et très honnêtes, et pourtant, lorsque nous avons mis ce cours à l’essai dans le service, presque tous les commentaires étaient extrêmement positifs, a-t-elle déclaré, ajoutant en riant que les quelques commentaires négatifs concernaient des éléments comme la difficulté de trouver un stationnement. Après avoir reçu les premiers commentaires, il est devenu évident que nous devions rendre le cours obligatoire pour tous les membres du service. »

Le cours interactif, qui a récemment été adapté au format virtuel (jusqu’à ce qu’il soit sécuritaire de revenir à l’apprentissage en personne), vise à sensibiliser à la santé mentale, à réduire la stigmatisation, et à favoriser la résilience. À l’aide d’une approche fondée sur des données probantes, les participants apprennent à s’auto-évaluer et à parler de leur santé mentale, en plus d’utiliser des stratégies pour les aider à composer avec les difficultés et des ressources à solliciter lorsqu’ils ont besoin de soutien.

Reconnaître l’importance de la santé mentale
Bien qu’il ait fallu plus de deux ans pour former tous les membres de la police régionale de York, Beth Milliard n’est pas la seule à considérer que cet investissement en valait la peine. « Les gens qui étaient là bien avant le lancement du programme ont commencé à se demander où était ce programme il y a 10 ans. »

Le programme a connu un tel succès que la police régionale de York l’a rendu obligatoire. De plus, il a été intégré au programme du Collège de police de l’Ontario, l’organisme de formation responsable de tous les nouveaux agents de la province.

Pour Beth Milliard, cette priorité accordée à la santé mentale chez les policiers est encourageante. « Lorsque j’ai fait mes études au Collège de police, nous avions peut-être une heure de formation en santé mentale axée sur la gestion des personnes en crise. Cette situation a non seulement exacerbé la fausse idée voulant que la maladie mentale soit un problème tout blanc ou tout noir, c’est-à-dire soit vous êtes en crise soit vous allez bien, mais nous n’avons jamais appris à reconnaître nos propres signes d’avertissement, encore moins à savoir quoi faire à cet égard. »

Parler un langage commun
Pour Beth Milliard, le Modèle du continuum en santé mentale est l’un des éléments les plus importants du cours, lequel apprend aux utilisateurs à évaluer leur santé mentale à tout moment à l’aide d’une échelle de couleur : vert (en santé), jaune (en réaction), orange (blessé) et rouge (malade).

« Le continuum permet à tout le monde de parler de santé mentale en utilisant le même langage, dit‑elle, ajoutant que la police régionale de York a franchi un pas de plus en enseignant le modèle à ses psychologues, travailleurs sociaux et autres membres du personnel, favorisant la communication dans l’ensemble de l’organisation. Maintenant, lorsqu’une personne cherche une aide professionnelle dans son milieu de travail, elle n’a qu’à dire qu’elle croit être dans la zone orange pour que tous comprennent immédiatement ce que cela signifie. »

Une culture qui évolue
Lorsque Beth Milliard réfléchit au changement de culture entourant la santé mentale dont elle a été témoin tout au long de sa carrière, elle ne peut pas s’empêcher de penser à son père, un policier à la retraite ayant plus de 30 ans d’expérience. « Mon père a passé les 15 dernières années de sa carrière à s’occuper d’accidents de voiture mortels, explique-t-elle. Et pendant ces 15 années, personne ne lui a jamais demandé comment il allait ou s’il avait besoin d’un peu de repos. Pas une seule fois. »

Heureusement, dit-elle, la culture du silence et de la stigmatisation a fait du chemin, et grâce à des cours comme L’esprit au travail pour les premiers intervenants, elle s’améliore sans cesse.

« J’aime utiliser l’analogie du gilet pare-balles, dit-elle. Avant 1980, les gilets pare-balles n’étaient pas obligatoires sur le terrain. Aujourd’hui, tous les policiers diraient qu’il est impensable de sortir sans cette protection. Je pense qu’il en va de même pour ce cours. Maintenant que nous l’avons, il est presque impossible d’imaginer faire le travail sans elle. C’est une couche de protection supplémentaire. »

Pour en savoir plus sur les avantages de la formation L’esprit au travail pour les premiers intervenants pour votre organisation, écrivez-nous à l’adresse solutions@changerlesmentalites.org

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Amber St. Louis

La Commission de la santé mentale du Canada publie une nouvelle ressource pour les parents et les aidants

C’est dans la nature humaine d’éviter les conversations difficiles, surtout celles qui touchent des circonstances pénibles et des sujets délicats. Mais nous devons parfois nous attaquer à ces problèmes de plein fouet.

C’est certainement le cas pour plusieurs communautés qui participent à l’initiative de prévention du suicide Enraciner l’espoir de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

« Une série tragique de suicides est survenue » dans l’une de ces communautés du nord, a affirmé Nitika Rewari, la directrice intérimaire des initiatives de prévention et de promotion de la CSMC. « Il peut être angoissant pour les parents, les grands-parents et les aidants d’aborder des sujets aussi douloureux. Alors, les gens nous incitaient souvent à créer une ressource pour de telles situations; une ressource qui ferait ressortir le besoin de soutenir les enfants de façon compatissante, sécuritaire et appropriée. »

Ceci dit, elle a ajouté qu’il est naturel qu’un aidant auprès d’un enfant affecté par le suicide se sente dépassé et ne sache pas comment agir.

Par où commencer
« Alors nous avons créé Parler aux enfants d’un suicide, un outil de conversation qui vise à aider les parents, les enseignants et autres à parler aux enfants, étape par étape. Puisqu’il s’agit d’une tâche difficile, nous avons voulu expliquer aux aidants comment se préparer mentalement, à quoi s’attendre (ou ne pas s’attendre), et comment répondre avec un langage approprié », a expliqué Mme Rewari.

Pour Michel Rodrigue, le nouveau président-directeur général de la CSMC, la nouvelle ressource touche une corde profondément sensible du point de vue personnel.

« Un proche de ma famille est décédé par suicidé, et cette perte tragique est survenue lorsque ses enfants étaient très jeunes. À l’époque, nous n’étions pas éclairés sur l’importance d’engager une conversation ouverte. Je sais maintenant que le meilleur chemin vers la guérison consiste à créer un espace pour le deuil, reconnaître ces émotions et permettre aux enfants de poser des questions délicates », a-t-il affirmé. 

La gestionnaire de programme Julie McKercher, qui a travaillé intensivement dans le cadre d’interventions d’urgence communautaires, a créé la ressource et a demandé à huit experts de réviser et de valider ses approches. Comme elle l’indique, l’élément clé de ce processus consiste à obtenir des informations précises. « Nous ne sommes pas nés en sachant comment soutenir un enfant en deuil, et nous avons peut-être peur qu’une conversation sur le suicide puisse implanter des idées dans la tête de l’enfant ou créer encore plus d’angoisse. Ce sont pourtant des mythes : ces idées sont simplement fausses. »

Toucher la corde sensible
L’outil Parler aux enfants d’un suicide sert non seulement à dissiper certains mythes, mais également à montrer aux aidants de simples techniques pour atténuer la pression qu’ils peuvent ressentir durant ces conversations délicates.

« Certaines petites choses sont tellement plus sensées, comme s’asseoir côte à côte avec la personne, mais on ne sait pas toujours automatiquement comment les faire », a affirmé M. Rodrigue, en faisait allusion à la technique de « conversation côte à côte » pour éliminer la pression du contact visuel qui peut permettre de parler de façon plus naturelle, soit en marchant ou en s’engageant dans une activité calme côte à côte. « Cette technique peut ouvrir l’espace permettant de dissiper la gêne. »

La ressource elle-même n’est pas si simple. « La première tâche est de vous préparer à agir en tant que soutien », a affirmé McKercher. « Et cette préparation vous demande de faire face aux sentiments que vous pourriez avoir, et de les mettre de côté pour offrir une écoute bienveillante et sans jugement. »

Chaque enfant vit le deuil de façon différente, a-t-elle ajouté, et la compréhension de la mort se développe à mesure que les enfants grandissent. Mais peu importe la réaction de l’enfant, il est très important que l’aidant puisse délicatement réaffirmer à l’enfant qu’il n’est pas responsable de ce suicide.

Une longue conversation
Non seulement les enfants se rendent-ils compte des humeurs, mais ils entendent des conversations et échangent des idées avec leurs pairs. « Alors nous devons outiller les enfants avec de l’information appropriée à leur âge et à leur niveau de développement, et nous devons nous laisser guider par leurs questions », a déclaré Mme Rewari. « Lorsqu’il s’agit de parler d’un suicide, il ne faut pas s’attendre à ce qu’une seule conversation suffise. »

Une ressource comme celle-ci est importante, a affirmé M. Rodrigue, car elle met en lumière l’évolution de la compréhension des enfants au fil du temps. Par exemple, un enfant qui, à un très jeune âge, a perdu un être cher par suite de suicide peut soudainement agir de façon plus mature et sembler mieux comprendre la finalité de la mort.

Mme Rewari a ajouté : « Qu’il s’agisse de colère, de frustration, de culpabilité, d’insomnie, de troubles de concentration ou même si aucun signe n’est visible, le deuil ne se conforme pas à un tableau et ne peut s’inscrire sur un graphique. Quand bien même personne ne peut prévoir la forme que prendra ce deuil, nous pouvons toutefois offrir aux aidants une feuille de route pour engager une conversation avec un enfant si le besoin se fait sentir. »

M. Rodrigue partage cet avis. « On n’oublie jamais un suicide. On apprend à vivre avec. Et si nous témoignons de l’empathie, de l’ouverture d’esprit et de la compréhension, nos enfants apprendront, au fil du temps, à agir de la même façon. Il s’agit d’un effet d’entraînement qui pourrait se traduire par des changements transformationnels liés à notre façon de parler du suicide et d’intervenir en cas de suicide au sein de notre communauté et de notre famille. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Le pompier Steve Jones parle des bienfaits du programme de formation L’esprit au travail, premiers intervenants

Lorsque le pompier Steve Jones a complété son cours afin de devenir formateur pour L’esprit au travail, premiers intervenants (EATPI), on lui a demandé de partager certaines notions apprises avec son équipe.

« La conversation qui devait durer 15 minutes a duré trois heures », a déclaré Steve, le chef de peloton par intérim au service d’incendie de Burlington. « Les gars ont parlé ouvertement de sérieux problèmes de santé mentale à leur sujet et dans leur famille, des problèmes dont j’ignorais totalement l’existence. J’ai compris à ce moment-là que nous connaissons tous quelqu’un dans le besoin. »

L’EATPI, qui a récemment été mis à jour et adapté à un format virtuel (jusqu’à ce que l’apprentissage en personne puisse reprendre son cours de façon sécuritaire), est conçu pour accroître la sensibilisation, réduire la stigmatisation, renforcer la résilience, et favoriser les conversations sur la santé mentale parmi les premiers répondants.

Les participants sont initiés à des outils comme le continuum de la santé mentale à code couleur pour accroître la conscience de soi, et on leur présente également des stratégies d’adaptation et des ressources pour mieux prendre soin d’eux-mêmes et des autres.

Steve remarque que même si le matériel est en apparence très simple, ses répercussions se font sentir bien au-delà de la salle de classe. « La trajectoire est un des concepts les plus importants. Une brève conversation sur la santé mentale, ou le courage de dire “j’ai besoin d’aide” peut modifier la trajectoire d’une personne de façon permanente. Voilà pourquoi ce cours est si important. »

Une série de deux poids deux mesures
La trajectoire change en partie parce que le cours insiste sur la réduction de la stigmatisation qui, comme l’indique Steve, se manifeste souvent de façon arbitraire en présence de la maladie mentale.

« Lorsqu’un employé retourne au travail après avoir subi une blessure au dos, on ne se questionne pas à savoir s’il est apte à remplir ses tâches. Nous faisons confiance au processus qui le déclare apte à retourner au travail et nous tournons la page. Mais lorsqu’un employé retourne après une blessure psychologique, cette confiance implicite fait défaut. »

Selon lui, l’autostigmatisation qui se manifeste lorsque quelqu’un admet avoir des problèmes ou demande de l’aide est encore plus généralisée; et c’est un point qu’il tient à préciser en tant qu’animateur.

« J’ai demandé aux membres de mon groupe de lever leur main s’ils croient que les membres de leur équipe s’adresseraient à eux pour parler de leurs problèmes, et la plupart des mains se sont levées. Alors, j’ai renversé la situation, et j’ai demandé lesquels d’entre eux s’adresseraient à un coéquipier pour partager leurs problèmes, et la réponse a été très différente. Les premiers répondants veulent aider les gens, mais demander de l’aide est une autre paire de manches. »

Sauver des vies commence à la station

Steve Jones wearing his fire fighter uniform

Steve Jones

Steve est devenu formateur pour l’EATPI en partie parce qu’il a réalisé que la stigmatisation nuisait aux membres de son propre département. Depuis lors, tous les membres du département d’incendie de Burlington ont suivi le cours, ce qui a entraîné un véritable changement de culture (et une utilisation accrue des programmes d’aide aux employés et à leur famille) qui a incité les autres départements à demander des conseils. 

L’enthousiasme de Steve pour l’EATPI s’explique en grande partie par son incidence positive sur les membres de son département, mais c’est surtout la transformation qu’il observe chez ses participants qui continue d’alimenter sa passion. « Il n’y a rien de plus gratifiant que lorsque quelqu’un vient me trouver à la fin du cours pour me dire : “J’en avais vraiment besoin’’ », a-t-il expliqué.

« Je crois vraiment avoir sauvé plus de vies dans mes cinq années en tant que formateur pour l’EATPI qu’en 20 ans de carrière comme pompier. »

Ce sentiment a été exprimé plus tôt lors du cours au département d’incendie de Burlington par un conférencier d’honneur surprise : un chef du service d’incendie à la retraite qui avait demandé à parler au groupe au début de la session.

« Il nous a rappelé qu’en tant que pompier, nous consacrons des heures à la formation qui assurera notre sécurité au travail. Il existe des exercices pour toutes sortes de situations, alors lorsque le plancher se dérobe sous vos pieds, vous n’avez qu’à envoyer un signal de détresse et vous serez sauvés… Mais lorsque vous êtes aux prises avec des problèmes de santé mentale, et que vous vous sentez en perte de contrôle, il n’y a pas de “signal de détresse’’. Nous sauvons des vies grâce à cette formation qui vise à protéger la santé mentale. »

Steve se souvient que tout le monde dans la pièce a été touché. Le chef à la retraite était un mentor hautement respecté, il a vu les conséquences de la négligence de la santé mentale durant sa carrière, notamment la perte d’un coéquipier par suicide.

« Après ce jour-là, il est revenu et a parlé à tous les groupes de formation avant le début du cours. Peu importe le nombre de fois que je l’ai entendu, ses mots ont touché une corde sensible et ma trajectoire a changé un peu plus. »

Pour en apprendre davantage sur les bénéfices d’EATPI virtuel pour votre organisation, contactez solutions@changerlesmentalites.org

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Amber St. Louis

Un acte de jonglerie impossible

Étant donné que les effets de la pandémie se font sentir de différentes façons, la Commission de la santé mentale du Canada, tourne son attention vers les populations touchées de façon disproportionnée — notamment les femmes.

« Les femmes représentent la majorité de notre organisation », a affirmé Karla Thorpe, vice-présidente des affaires publiques et du rendement organisationnel de la CSMC. « Tous les jours au cours de la dernière année, nous avons reçu entre autres des témoignages d’employées qui doivent jongler avec un nombre impossible de tâches, et nous devons reconnaître que ces réalités ont des conséquences sur la santé mentale. »

Mme Thorpe elle-même connait trop bien le fardeau mental émanant des tensions liées à la COVID.

« Cette dernière année a été personnellement la plus difficile à affronter. J’ai dû envoyer mes parents âgés dans une maison de soins au plus fort de l’épidémie. Lorsque je passais de longues journées à tenir des réunions sur Zoom, suivies par des visites en tant qu’aidante vêtue d’un ÉPI de la tête au pied, la normalité semblait parfois bien loin », se souvient-elle. « Je reconnais cependant ma bonne fortune. La situation est encore plus complexe pour celles ayant dû s’absenter du travail pendant une longue période sans avoir droit aux congés payés. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui ne disposent pas des ressources pour solliciter l’appui dont elles ont besoin. »

Un fardeau disproportionné
Les femmes connaissent bien le rôle des principaux fournisseurs de soins, voilà pourquoi jusqu’à un tiers des mères sur le marché du travail ont envisagé de quitter leur emploi depuis le début de la COVID. Et quitter le marché du travail peut être lourd de conséquences.

C’est pour cette raison que la CSMC a créé un mini-guide conçu spécialement pour favoriser le mieux-être mental des femmes qui ont été écartées du marché du travail, notamment à cause des fermetures d’entreprises dues à la pandémie, pour prodiguer des soins, ou pour assumer d’autres responsabilités.

Liz Horvath, gestionnaire de l’équipe de la santé mentale en milieu de travail de la CSMC, était prête à soutenir cette ressource dès le départ. « J’ai vécu cette expérience », a-t-elle affirmé, faisant allusion à une période sombre où cette mère célibataire travaillait comme serveuse pour subvenir aux besoins de son enfant. « J’étudiais, je travaillais et j’assumais mon rôle parental, mais je sentais toujours que ces contributions n’étaient pas appréciées, qu’elles n’en valaient pas la peine. J’étais considérée comme «juste» — juste une serveuse. Je me sentais broyée dans un engrenage.

Mais lorsqu’en quête de sens j’ai quitté ce travail, j’ai été confrontée à des obstacles importants malgré les connaissances et les compétences précieuses acquises en tant que mère célibataire, serveuse et étudiante », a-t-elle expliqué. « Cette lutte constante a affaibli ma résilience et j’ai alors été en proie à une grave dépression, à une époque où la stigmatisation était très répandue et l’accès aux services de soutien vraiment limité. »

Rajuster le tir pour le mieux-être mental
Mme Horvath a indiqué qu’il existe trois façons de se retrouver au chômage sans perdre confiance en soi et le contact avec l’extérieur. Il existe également trois façons de créer un espace pour l’autogestion de sa santé, même lorsque la balance penche lourdement vers les réalités du monde du travail. 

« Il semble banal de demeurer en contact avec l’extérieur, mais il s’agit toutefois d’un élément très important », a-t-elle affirmé. « Peu importe votre domaine de travail, qu’il s’agisse de service de première ligne ou de travail de bureau, il existe des groupes ou des forums en ligne, des possibilités de bénévolat, des services d’orientation professionnelle, et des tests d’aptitudes en ligne. J’ai adhéré à ces types de contacts lorsque j’en ai eu la chance, et ils m’ont été très utiles. »

Mme Thorpe est d’accord et ajoute qu’« en ce qui concerne les femmes, la confiance peut être une pierre d’achoppement, surtout en périodes de chômage. Voilà une raison en particulier pour laquelle nous avons conçu cette ressource afin d’aider les femmes à remanier leur façon de penser. Une période creuse dans un CV offre une chance de démontrer l’expérience acquise à l’extérieur du milieu de travail. Certaines compétences que nous avons acquises dans un domaine peuvent s’appliquer à un autre domaine — car l’important c’est notre capacité à apprendre et à nous épanouir.

Ce mini-guide est un guide de référence facile à utiliser et offre des conseils pratiques et des ressources dans tous les domaines, du soutien en santé mentale jusqu’à la culture financière.

« Cet hiver, la CSMC a créé une fiche de conseils pour aider les employeurs à soutenir et à bien accueillir les femmes qui retournent au travail après une absence », a déclaré Mme Horvath. « Nous réalisons toutefois qu’il reste une lacune importante à combler. Qu’en est-il de la santé des femmes pendant cette période sans travail? Comment pouvons-nous leur assurer un soutien? »

Se soutenir mutuellement
Pour Mme Thorpe, une femme qui exerce un rôle de dirigeante doit endosser une responsabilité supplémentaire. « En tant que femme dirigeante, je veux contribuer à faire tomber les obstacles systémiques qui nuisent constamment aux femmes en milieu de travail. Il arrive trop souvent que les femmes ne posent pas leur candidature pour un emploi. Ou bien qu’elles ne participent pas à un programme de mentorat, ou qu’elles ne parviennent pas à négocier une augmentation salariale. En tant que dirigeants, hommes ou femmes, nous avons la responsabilité de changer nos systèmes, nos processus et nos cultures au travail pour accommoder les réalités de la vie des femmes et obtenir les meilleurs talents possible. »

Mme Horvath partage ce point de vue et espère que les ressources, comme ce mini-guide, aideront les femmes à envisager leur avenir d’un bon œil. « Le fait de s’absenter du marché du travail pose de nombreux défis, mais offre également de nouveaux débouchés. Grâce à un soutien adéquat, la fin d’un chapitre peut mener à un avenir meilleur. Ce fut mon cas. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

La CSMC accueille son nouveau président-directeur général, Michel Rodrigue

Michel Rrodrigue

Michel Rodrigue

Le changement n’est jamais facile, concède Louise Bradley, présidente-directrice générale sortante de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

« Mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas nécessaire », a-t-elle déclaré depuis son bureau à Terre-Neuve, où elle a travaillé tout au long de la pandémie.

J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir lors de mes promenades matinales. La décision de quitter la CSMC n’a pas été prise à la légère, mais une fois qu’elle a été prise, j’ai eu l’impression de me décharger d’un grand poids. »

Mme Bradley s’est fait la championne de l’avancement de la santé mentale tout au long de sa carrière, depuis ses premiers jours en tant qu’infirmière dans une unité psychiatrique. « Les gens ont exprimé leur sympathie, laissant entendre que je n’étais pas à la hauteur pour un vrai travail d’infirmière, dit-elle en riant. Je peux maintenant y voir de l’humour, mais à l’époque, c’était difficile. »

Pendant plus d’une décennie, elle a offert son expertise en matière de prestation directe de soins et d’administration à la table de direction de la CSMC, et ces efforts ont porté leurs fruits.

« Je regarde où nous en sommes aujourd’hui, et mon cœur se remplit de fierté devant nos réalisations collectives. À vrai dire, c’est à ce moment-là que j’ai su qu’il était temps de céder ma place. Je n’ai jamais voulu laisser un travail inachevé, et grâce à un nouveau plan stratégique, à des dirigeants et à un personnel profondément dévoués, et à des partenariats exemplaires, il est temps de passer le relais à quelqu’un qui est prêt à affronter les 10 prochaines années ».

Passer le relais
Chuck Bruce, président du conseil d’administration de la CSMC, a avoué que la décision de Louise Bradley l’avait pris par surprise … au début. « Mais j’ai ensuite réfléchi à ce que cela signifie d’être PDG pendant une décennie complète. Et Louise a fait bien plus que diriger l’organisation. Elle s’est fait un devoir de s’adresser à d’innombrables publics au Canada, et dans le monde entier, pour changer les esprits et ouvrir les cœurs et les portes. Et c’est ce niveau de dévouement qui figure dans le plan stratégique envisagé par le conseil d’administration. 

Il est donc approprié que l’architecte du nouveau plan Répondre à l’appel soit la personne qui assumera le rôle de président-directeur général à compter du 24 mars. En tant que vice-président des affaires publiques et du rendement organisationnel, Michel Rodrigue a marché d’un même pas avec Mme Bradley au cours des cinq dernières années. Au cours de cette période, il a contribué à créer une culture d’innovation visionnaire qui a mené à des percées importantes comme la promotion de l’initiative de santé mentale en ligne Modèle de soins par paliers 2.0 et le rapprochement des communautés au nom de la prévention du suicide dans le cadre du programme Enraciner l’espoir.

Un regard vers l’avenir
« Lors de l’élaboration de ce nouveau plan, je ne savais pas ce que nous réservait l’avenir, mais je savais que le conseil avait une vision audacieuse et ambitieuse qui s’appuyait sur les piliers fondamentaux que Louise a intégrés à notre culture organisationnelle, a indiqué Michel. Et maintenant, alors que nous entamons la prochaine décennie, nous pouvons utiliser les connaissances que nous acquérons, année après année, et accroître nos progrès. »

Michel, comptable professionnel agréé de formation ayant une vaste expérience du leadership exécutif, croit que son plus grand atout est la curiosité. « Je suis quelqu’un qui aime apprendre, qui aime se mettre au défi et qui adore relever des défis. Je suis retourné à l’école sur le tard pour obtenir une maîtrise en administration des affaires et devenir comptable professionnel agréé, et j’ai trouvé cette expérience stimulante. Trop souvent, nous nous retranchons dans nos identités, mais je pense que nous devons constamment revoir notre façon de penser. »

Entre de bonnes mains
Mme Bradley pense que l’ouverture d’esprit de Michel lui servira fort. « Le paysage de la santé mentale évolue constamment. De nouvelles pratiques exemplaires en santé mentale émergent continuellement. Vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir une vision statique, et Michel est prêt à écouter les experts et n’a pas peur de changer de cap. »

Chuck est d’accord. « Nous avions une liste exemplaire de candidats, comme nous pouvions nous y attendre pour une organisation aussi respectée que la CSMC. Mais Michel s’est montré à la hauteur à maintes reprises au cours du processus. Non seulement il comprend la culture organisationnelle et a contribué à nous montrer la voie de la prochaine décennie, mais il a aussi le genre d’esprit interrogateur qui va de pair avec une confiance tranquille. Vous ne pouvez pas diriger cette organisation sans une volonté d’apporter un esprit d’apprentissage au travail tous les jours.

Alors que la CSMC entreprend un nouveau plan de travail avec un nouveau président-directeur général à sa tête, Mme Bradley, pour sa part, s’interroge.

« Je me demande quelles seront les prochaines grandes choses qu’accomplira l’organisation. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Une conversation avec Stephanie Knaak, Ph. D., chercheuse en matière de stigmatisation structurelle

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak étudie la stigmatisation structurelle depuis près d’une décennie. Elle est spécialiste des politiques, des lois et des pratiques fondamentales de notre système de soins de santé qui désavantagent les personnes aux prises avec une maladie mentale.

« Mais cela ne signifie pas que j’ai toutes les réponses », a-t-elle déclaré depuis son bureau à Golden, en Colombie-Britannique, où elle travaille depuis le début de la pandémie. « Parfois, je me sens dépassée. C’est un véritable défi à relever puisque certaines personnes ne voient pas la stigmatisation structurelle, alors que d’autres suffoquent sous son poids. Tout dépend de votre situation. »

Lorsqu’on lui demande comment s’attaquer à un phénomène aussi invisible pour certains et aussi évident pour d’autres, elle marque une pause. « Dans les milieux de soins de santé, si vous ne le mesurez pas, il n’a tout simplement aucune importance. Nous devons montrer aux fournisseurs de soins et aux administrateurs le coût réel de ces angles morts en leur donnant des outils qui les mettent en lumière. Ensuite, nous devons utiliser les preuves de ces lacunes pour plaider en faveur de leur élimination. »

Nouvelles frontières
Mme Knaak et ses collègues de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) explorent de nouveaux territoires. Par exemple, ils schématisent la topographie à laquelle les personnes vivant avec une maladie mentale doivent faire face lorsqu’elles cherchent à obtenir des soins de santé physique de base.

« La santé mentale d’une personne peut n’avoir aucun lien avec la raison de sa visite, mais elle devient un énorme obstacle à l’obtention d’un diagnostic et d’un traitement appropriés et opportuns parce que les affections physiques sont souvent rejetées ou vues uniquement sous l’angle de leur diagnostic de santé mentale, explique-t-elle. Le système n’a pas les freins et les contrepoids nécessaires pour s’assurer que ces angles morts sont décelés. C’est l’équivalent d’une montagne, et nous devons l’indiquer sur un schéma pour pouvoir la pointer du doigt et nous demander comment nous allons bien pouvoir l’escalader. »

Contrairement aux premiers explorateurs qui étaient aveugles à leurs propres limites, Mme Knaak aborde ce nouveau corpus de recherche avec l’humilité née de l’expérience.

« Nous découvrons de nouvelles choses tous les jours. Ce domaine d’étude est énorme. Il est presque intimidant de mettre en place des jalons puisque la situation évolue constamment devant vos yeux. Mais quelqu’un doit être le premier à le faire. Quelqu’un doit dire haut et fort que nous devons nous améliorer parce que les gens subissent les conséquences de l’inertie du système. Nous devons faire bouger les choses. Même si nous devons faire marche arrière et recommencer, nous devons passer à l’action. »

Si vous l’élaborez … ils l’adopteront
Mme Knaak pense qu’en imposant un changement de politique dans les milieux de soins de santé, une attitude différente suivra. « Prenez le lavage des mains, par exemple. Parce qu’il existe des normes pour savoir quand, où et comment le faire, les hôpitaux en font l’évaluation afin de respecter les protocoles. Si nous voulons que les choses changent pour les personnes vivant avec une maladie mentale, nous devons rédiger des protocoles qui nomment et traitent explicitement les comportements qui se manifestent par la stigmatisation structurelle. »

« D’une certaine manière, il est plus facile de changer l’attitude d’une seule personne, a déclaré Mme Knaak, qui a travaillé à l’élaboration de nombreux programmes de formation sur la lutte contre la stigmatisation Changer les mentalités de la CSMC. Mais ce qui me passionne, c’est l’effet d’entraînement qui se produit lorsque vous faites des efforts pour changer l’ensemble de la culture des soins. Il a la capacité d’améliorer l’expérience de chaque personne qui franchit la porte. »

Poser des jalons
Le prochain objectif de Mme Knaak et de l’équipe chargée de lutter contre la stigmatisation structurelle : créer les outils qui aideront les organisations à tracer la voie vers l’amélioration des soins. Il pourrait s’agir de bulletins de rendement sur la stigmatisation structurelle, d’enquêtes sur la satisfaction des clients ou d’autres outils d’évaluation.

« Tout cela a pour but de recenser les obstacles et les pièges qui peuvent créer des expériences décourageantes et dommageables pour les gens lorsqu’ils sont vulnérables et qu’ils en ont le plus besoin, dit-elle. Essentiellement, nous demandons aux gens qui travaillent dur au sein d’un système imparfait de désapprendre ce qu’ils ont été conditionnés à croire et d’être ouverts à faire les choses différemment, pas seulement en tant que professionnels, mais aussi en tant que personnes. »

Elle fait référence à la façon dont la stigmatisation est gravée dans l’ADN des organisations, ainsi que dans le nôtre. « C’est comme si la stigmatisation se situait au niveau cellulaire, littéralement. Elle vibre constamment sous la surface, et peut éclater à tout moment, entraînant des résultats désastreux. »

Quand le travail devient personnel
Stephanie Knaak sait de quoi elle parle. Elle a vu un de ses proches tenter d’obtenir de l’aide d’un système qui n’est pas conçu pour répondre efficacement aux besoins d’une personne aux prises avec une maladie mentale.

« C’est ironique, mais l’heure de vérité avait sonné pour mon travail. Toutes les choses que je documentais en tant que chercheuse ont été mises à nu. J’avais des points de données, des entrevues auprès d’informateurs clés et des rapports d’une centaine de pages. Ils disaient tous que le système est défaillant. Mais quand vous le vivez de près, vous voyez bien qu’il gêne le processus de guérison plus qu’il ne l’aide. . . . Pour moi, ce travail est devenu plus personnel, et plus impératif, comme jamais il ne l’avait été auparavant. »

Lorsqu’on lui demande à quoi ressemble le succès, sa réponse est étonnamment simple. « J’entends souvent les membres de ma famille qui ont eu un cancer faire l’éloge du système pour les soins rapides, efficaces et bienveillants qu’ils ont reçus. Tout ce que je veux, c’est la même chose lorsqu’une personne est aux prises avec une maladie mentale.

Est-ce trop demander? »


Cet article est le troisième d’une série au sujet de la stigmatisation structurelle. Auparavant, nous avons parler avec un fournisseur de soins et un utilisateur de service.

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

La CSMC lance un cours virtuel — pour les premiers répondants, par des premiers répondants 

Pauline Meunier

Pauline Meunier

Pauline Meunier, ambulancière depuis 26 ans, a dû consulter un allergologue pour mettre un nom sur son anxiété.

« Ce que je croyais être des réactions allergiques était en fait des crises de panique », dit-elle. « Avant que l’on me parle d’anxiété, il ne m’était jamais venu à l’esprit que le problème venait de ma santé mentale. »

Cette difficulté que nous avons à reconnaître nos propres blessures psychologiques ou maladies mentales est répandue chez les premiers répondants, explique-t-elle, tout comme la crainte de la stigmatisation ou l’autostigmatisation, qui peuvent empêcher certaines personnes de demander l’aide dont elles ont besoin.

Aujourd’hui, à titre de spécialiste de la formation et de la prestation auprès de l’équipe L’esprit au travail de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et d’animatrice de la toute nouvelle formation L’esprit au travail premiers intervenants (EATPI) virtuelle, Mme Meunier aide à briser ce cycle.

« Les premiers intervenants savent que prendre soin de leur santé physique est essentiel pour être à leur meilleure forme », dit-elle. « Par le biais de cette formation, nous voulons leur faire comprendre qu’il est tout aussi important de prendre soin de leur santé mentale. »

Cette formation fraîchement repensée est actuellement offerte en format virtuel (jusqu’à ce qu’il soit de nouveau sécuritaire de la dispenser en personne). Mettant à profit une approche fondée sur des données probantes, elle permet aux premiers répondants d’acquérir les connaissances nécessaires pour s’autoévaluer ainsi que pour parler de santé mentale, notamment en leur fournissant des stratégies pour les aider à faire face aux défis qu’ils rencontrent et des ressources vers lesquelles se tourner lorsqu’ils ont besoin de soutien. Afin d’optimiser la résonance du matériel de formation, les mises en situation et la terminologie utilisées sont spécifiquement conçues en fonction de chaque groupe pertinent (p. ex. ambulanciers, pompiers, policiers), et les animateurs de ces formations ont tous été premiers répondants eux-mêmes.

Prendre le pouls de la santé mentale
Pour ceux qui exercent une profession d’aide, et plus particulièrement dans les situations extrêmes vécues par les premiers répondants, il peut être plus facile de reconnaître la détresse des autres que de reconnaître la leur. Toutefois, le modèle de continuum de la santé mentale sur lequel la formation s’appuie est conçu pour les aider à le faire. Ce modèle leur permet d’associer une gamme de pensées, d’attitudes et de comportements à une échelle de couleurs : vert (en bonne santé), jaune (en état de réaction), orange (blessé), et rouge (malade).

Ce continuum — sous la forme d’une carte de format portefeuille — a été à l’origine du déblocage personnel de Mme Meunier.

« Pendant une présentation, je regardais le continuum de la santé mentale posé devant moi sur la table et cela m’a soudain frappée : j’étais littéralement dans l’orange et j’avais besoin d’aide », raconte-t-elle. « En tant qu’ambulanciers, nous avons de la difficulté à penser à nous en premier. Mais comme je l’ai moi-même découvert, le continuum peut être un outil efficace pour permettre aux premiers répondants de faire un bilan personnel et de reconnaître les moments où ils ont besoin davantage de soutien. »

Mettre le langage à profit
L’un des nouveaux éléments de la formation mise à jour est l’accent qui est mis sur le langage. En s’appuyant notamment sur le guide Le choix des mots est important de la CSMC, les participants apprennent qu’il est important de parler à la première personne (lorsque cela est approprié); il s’agit d’une excellente façon de réduire la stigmatisation qui entoure la maladie mentale et la consommation de substances.

Des recherches ayant montré que les étiquettes comme « fou » ou comme « accro » peuvent perpétuer la stigmatisation et empêcher les personnes de demander de l’aide, les participants sont encouragés à utiliser un langage qui illustre mieux la réalité en mettant la personne au premier plan et le problème en deuxième, comme dans la phrase : « Cette personne vit avec une maladie mentale ou une dépendance ».

« Dans notre domaine, nous utilisons souvent ce genre d’étiquettes comme raccourcis pour simplifier la communication », explique Mme Meunier. « Mais si nous faisons un effort pour utiliser un langage respectueux, nous pouvons aider à enrayer la stigmatisation plutôt que d’y contribuer ».

La voie à suivre
Bien que nous ayons encore beaucoup de pain sur la planche pour réduire la stigmatisation et établir la parité entre la santé mentale et la santé physique chez les premiers répondants, Mme Meunier a confiance en l’avenir.

« S’il y a un groupe qui a à cœur d’exceller au travail, c’est bien celui des premiers répondants », dit-elle, ajoutant que grâce aux formations comme l’EATPI virtuelle, l’idée selon laquelle le bien-être mental est un facteur de succès gagne du terrain.

« Ce que je trouve le plus gratifiant quand j’anime ces formations, c’est quand je reçois des messages de participants qui me disent des choses comme “Maintenant je comprends” ou “Ça explique tant de choses”. Ces moments de révélation peuvent changer notre vie. Ça a changé la mienne. »

Pour en apprendre davantage sur les avantages de l’EATPI virtuelle pour votre organisation, envoyez un courriel à l’adresse suivante : solutions@changerlesmentalites.org

Auteur:

Amber St. Louis

De nouvelles ressources de la CSMC pour épauler les femmes qui étaient restées en marge du monde du travail

Avant même l’apparition de la COVID-19, les statistiques dressaient le portrait d’une division inégale chronique du travail, où les femmes effectuent une plus grande part de travaux ménagers non rémunérés et assument davantage de responsabilités liées aux soins que les hommes.

Les mesures de quarantaine n’ont fait qu’alourdir le fardeau porté par les femmes, tant à la maison qu’au travail. Une récente étude a révélé que les mères étaient plus de deux fois plus susceptibles que les pères de craindre que l’évaluation de leur rendement professionnel soit compromise en raison de leurs responsabilités de pourvoyeuses de soins.

« Les chiffres sont frappants, mais ils n’ont pourtant rien de surprenant dans le contexte actuel, affirme Louise Bradley, présidente et directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Je m’inquiète non seulement de voir anéantis — du jour au lendemain, littéralement — les progrès durement gagnés au fil des décennies, mais je crains aussi pour le bien-être mental des femmes, qui sont forcées de faire un choix impossible. »

Selon une récente enquête nationale, le tiers des travailleuses ont songé à quitter leur emploi parce qu’elles avaient du mal à concilier l’école à la maison, les tâches domestiques et leur rôle parental avec leurs responsabilités professionnelles.

Et pour celles qui choisissent de quitter leur poste, le retour sur le marché du travail peut être un jeu de rattrapage sans issue.

Une nouvelle ressource
Au moment de réintégrer le monde du travail, les femmes sont confrontées à des difficultés émotionnelles et pratiques dont leurs homologues masculins ont rarement à se soucier. En appui aux employeurs qui souhaitent aider les femmes à effectuer un retour en force au travail — tout en gardant la santé mentale au premier plan de leurs préoccupations — la CSMC a mis au point une nouvelle ressource.

Ses recommandations portent sur l’importance de la flexibilité, de la gestion de la charge de travail et de l’empathie, entre autres, quelle que soit la raison pour laquelle un congé est nécessaire. 

« Peu de ressources pour le milieu de travail prennent en considération les défis propres aux femmes, et c’est problématique, soutient Tiana Field-Ridley, spécialiste de la mise en œuvre et membre de l’équipe de Santé mentale en milieu de travail de la CSMC, qui a elle-même vécu ces difficultés.

Ma mère souhaite retourner au travail après avoir consacré ses années les mieux rémunérées à s’occuper de ses parents âgés. Ce n’est qu’un exemple qui illustre que les femmes pourraient avoir besoin d’aide pour réintégrer le marché du travail à plus d’une reprise au cours de leur vie. On pense spontanément aux congés de maternité, mais il faut élargir notre vision afin de couvrir toute la vie professionnelle des femmes. »

En plus de soutenir le bien-être mental des femmes lors de ces transitions, la nouvelle ressource invite les employeurs à prendre conscience de préjugés implicites pouvant restreindre leur bassin de recrutement et à raffermir leurs politiques afin d’améliorer les chances des femmes.

« Par exemple, nous devons rééduquer les employeurs en ce qui concerne les trous dans les CV, indique Liz Horvath, gestionnaire de l’équipe de Santé mentale en milieu de travail. Ces trous ne devraient pas automatiquement faire lever un drapeau rouge. La personne pourrait avoir utilisé ce temps pour explorer et acquérir de nouvelles compétences, tout en s’occupant d’une autre personne. L’aide prodiguée à un proche malade peut générer une croissance extraordinaire de la compassion et des compétences organisationnelles chez la personne. »

Comme Mme Horvath le souligne, la capacité à recadrer l’expertise d’une femme à la suite d’une absence revêt une grande valeur, particulièrement si on considère que 62 % des emplois perdus en février et mars 2020 étaient occupés par des femmes.

« De nombreux postes dans des écoles, des garderies, des hôtels, des restaurants et des magasins étaient spécifiques au sexe. Mais cela ne diminue en rien les aptitudes requises pour les exercer », précise-t-elle.

Pour commencer, faites preuve de transparence
Pour les employeurs, l’ouverture aux femmes effectuant un retour au travail peut aussi passer par les nouvelles offres d’emploi. 

« En manifestant de la transparence dans les offres d’emploi, les employeurs peuvent faciliter le recrutement de candidates de qualité. Ils peuvent par exemple mentionner leur souci de la diversité ou mettre l’accent sur leur flexibilité, poursuit Mme Horvath. Ils peuvent aussi offrir des formations de perfectionnement, reconnaissant ainsi que les femmes se sortent souvent de la course avant même qu’elle commence. »

« J’ai été témoin de cela tout au long de ma carrière, renchérit Mme Bradley. L’adage selon lequel une femme en recherche d’emploi choisira de ne pas présenter sa candidature parce qu’elle possède seulement 80 % des qualifications alors qu’un homme tentera sa chance même s’il en possède beaucoup moins est galvaudé, mais vrai. Comme organisations, nous avons donc la responsabilité de nous montrer aussi inclusifs que possible, faute de quoi nous tournerons le dos à des collaborateurs et des collaboratrices remarquables. »

Avant tout, ajoute Mme Field-Ridley, le meilleur moyen de soutenir une femme qui retourne sur le marché du travail est de bâtir sa confiance. « Il faut beaucoup d’assurance pour reprendre le travail après une absence, explique-t-elle. En adoptant la bonne approche, les employeurs peuvent créer un environnement qui aide les femmes à s’épanouir et à réaliser leur plein potentiel. »

Auteur:

Amber St. Louis

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