Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

La CSMC accueille son nouveau président-directeur général, Michel Rodrigue

Michel Rrodrigue

Michel Rodrigue

Le changement n’est jamais facile, concède Louise Bradley, présidente-directrice générale sortante de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

« Mais cela ne veut pas dire qu’il n’est pas nécessaire », a-t-elle déclaré depuis son bureau à Terre-Neuve, où elle a travaillé tout au long de la pandémie.

J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir lors de mes promenades matinales. La décision de quitter la CSMC n’a pas été prise à la légère, mais une fois qu’elle a été prise, j’ai eu l’impression de me décharger d’un grand poids. »

Mme Bradley s’est fait la championne de l’avancement de la santé mentale tout au long de sa carrière, depuis ses premiers jours en tant qu’infirmière dans une unité psychiatrique. « Les gens ont exprimé leur sympathie, laissant entendre que je n’étais pas à la hauteur pour un vrai travail d’infirmière, dit-elle en riant. Je peux maintenant y voir de l’humour, mais à l’époque, c’était difficile. »

Pendant plus d’une décennie, elle a offert son expertise en matière de prestation directe de soins et d’administration à la table de direction de la CSMC, et ces efforts ont porté leurs fruits.

« Je regarde où nous en sommes aujourd’hui, et mon cœur se remplit de fierté devant nos réalisations collectives. À vrai dire, c’est à ce moment-là que j’ai su qu’il était temps de céder ma place. Je n’ai jamais voulu laisser un travail inachevé, et grâce à un nouveau plan stratégique, à des dirigeants et à un personnel profondément dévoués, et à des partenariats exemplaires, il est temps de passer le relais à quelqu’un qui est prêt à affronter les 10 prochaines années ».

Passer le relais
Chuck Bruce, président du conseil d’administration de la CSMC, a avoué que la décision de Louise Bradley l’avait pris par surprise … au début. « Mais j’ai ensuite réfléchi à ce que cela signifie d’être PDG pendant une décennie complète. Et Louise a fait bien plus que diriger l’organisation. Elle s’est fait un devoir de s’adresser à d’innombrables publics au Canada, et dans le monde entier, pour changer les esprits et ouvrir les cœurs et les portes. Et c’est ce niveau de dévouement qui figure dans le plan stratégique envisagé par le conseil d’administration. 

Il est donc approprié que l’architecte du nouveau plan Répondre à l’appel soit la personne qui assumera le rôle de président-directeur général à compter du 24 mars. En tant que vice-président des affaires publiques et du rendement organisationnel, Michel Rodrigue a marché d’un même pas avec Mme Bradley au cours des cinq dernières années. Au cours de cette période, il a contribué à créer une culture d’innovation visionnaire qui a mené à des percées importantes comme la promotion de l’initiative de santé mentale en ligne Modèle de soins par paliers 2.0 et le rapprochement des communautés au nom de la prévention du suicide dans le cadre du programme Enraciner l’espoir.

Un regard vers l’avenir
« Lors de l’élaboration de ce nouveau plan, je ne savais pas ce que nous réservait l’avenir, mais je savais que le conseil avait une vision audacieuse et ambitieuse qui s’appuyait sur les piliers fondamentaux que Louise a intégrés à notre culture organisationnelle, a indiqué Michel. Et maintenant, alors que nous entamons la prochaine décennie, nous pouvons utiliser les connaissances que nous acquérons, année après année, et accroître nos progrès. »

Michel, comptable professionnel agréé de formation ayant une vaste expérience du leadership exécutif, croit que son plus grand atout est la curiosité. « Je suis quelqu’un qui aime apprendre, qui aime se mettre au défi et qui adore relever des défis. Je suis retourné à l’école sur le tard pour obtenir une maîtrise en administration des affaires et devenir comptable professionnel agréé, et j’ai trouvé cette expérience stimulante. Trop souvent, nous nous retranchons dans nos identités, mais je pense que nous devons constamment revoir notre façon de penser. »

Entre de bonnes mains
Mme Bradley pense que l’ouverture d’esprit de Michel lui servira fort. « Le paysage de la santé mentale évolue constamment. De nouvelles pratiques exemplaires en santé mentale émergent continuellement. Vous ne pouvez pas vous permettre d’avoir une vision statique, et Michel est prêt à écouter les experts et n’a pas peur de changer de cap. »

Chuck est d’accord. « Nous avions une liste exemplaire de candidats, comme nous pouvions nous y attendre pour une organisation aussi respectée que la CSMC. Mais Michel s’est montré à la hauteur à maintes reprises au cours du processus. Non seulement il comprend la culture organisationnelle et a contribué à nous montrer la voie de la prochaine décennie, mais il a aussi le genre d’esprit interrogateur qui va de pair avec une confiance tranquille. Vous ne pouvez pas diriger cette organisation sans une volonté d’apporter un esprit d’apprentissage au travail tous les jours.

Alors que la CSMC entreprend un nouveau plan de travail avec un nouveau président-directeur général à sa tête, Mme Bradley, pour sa part, s’interroge.

« Je me demande quelles seront les prochaines grandes choses qu’accomplira l’organisation. »

Une conversation avec Stephanie Knaak, Ph. D., chercheuse en matière de stigmatisation structurelle

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak

Stephanie Knaak étudie la stigmatisation structurelle depuis près d’une décennie. Elle est spécialiste des politiques, des lois et des pratiques fondamentales de notre système de soins de santé qui désavantagent les personnes aux prises avec une maladie mentale.

« Mais cela ne signifie pas que j’ai toutes les réponses », a-t-elle déclaré depuis son bureau à Golden, en Colombie-Britannique, où elle travaille depuis le début de la pandémie. « Parfois, je me sens dépassée. C’est un véritable défi à relever puisque certaines personnes ne voient pas la stigmatisation structurelle, alors que d’autres suffoquent sous son poids. Tout dépend de votre situation. »

Lorsqu’on lui demande comment s’attaquer à un phénomène aussi invisible pour certains et aussi évident pour d’autres, elle marque une pause. « Dans les milieux de soins de santé, si vous ne le mesurez pas, il n’a tout simplement aucune importance. Nous devons montrer aux fournisseurs de soins et aux administrateurs le coût réel de ces angles morts en leur donnant des outils qui les mettent en lumière. Ensuite, nous devons utiliser les preuves de ces lacunes pour plaider en faveur de leur élimination. »

Nouvelles frontières
Mme Knaak et ses collègues de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) explorent de nouveaux territoires. Par exemple, ils schématisent la topographie à laquelle les personnes vivant avec une maladie mentale doivent faire face lorsqu’elles cherchent à obtenir des soins de santé physique de base.

« La santé mentale d’une personne peut n’avoir aucun lien avec la raison de sa visite, mais elle devient un énorme obstacle à l’obtention d’un diagnostic et d’un traitement appropriés et opportuns parce que les affections physiques sont souvent rejetées ou vues uniquement sous l’angle de leur diagnostic de santé mentale, explique-t-elle. Le système n’a pas les freins et les contrepoids nécessaires pour s’assurer que ces angles morts sont décelés. C’est l’équivalent d’une montagne, et nous devons l’indiquer sur un schéma pour pouvoir la pointer du doigt et nous demander comment nous allons bien pouvoir l’escalader. »

Contrairement aux premiers explorateurs qui étaient aveugles à leurs propres limites, Mme Knaak aborde ce nouveau corpus de recherche avec l’humilité née de l’expérience.

« Nous découvrons de nouvelles choses tous les jours. Ce domaine d’étude est énorme. Il est presque intimidant de mettre en place des jalons puisque la situation évolue constamment devant vos yeux. Mais quelqu’un doit être le premier à le faire. Quelqu’un doit dire haut et fort que nous devons nous améliorer parce que les gens subissent les conséquences de l’inertie du système. Nous devons faire bouger les choses. Même si nous devons faire marche arrière et recommencer, nous devons passer à l’action. »

Si vous l’élaborez … ils l’adopteront
Mme Knaak pense qu’en imposant un changement de politique dans les milieux de soins de santé, une attitude différente suivra. « Prenez le lavage des mains, par exemple. Parce qu’il existe des normes pour savoir quand, où et comment le faire, les hôpitaux en font l’évaluation afin de respecter les protocoles. Si nous voulons que les choses changent pour les personnes vivant avec une maladie mentale, nous devons rédiger des protocoles qui nomment et traitent explicitement les comportements qui se manifestent par la stigmatisation structurelle. »

« D’une certaine manière, il est plus facile de changer l’attitude d’une seule personne, a déclaré Mme Knaak, qui a travaillé à l’élaboration de nombreux programmes de formation sur la lutte contre la stigmatisation Changer les mentalités de la CSMC. Mais ce qui me passionne, c’est l’effet d’entraînement qui se produit lorsque vous faites des efforts pour changer l’ensemble de la culture des soins. Il a la capacité d’améliorer l’expérience de chaque personne qui franchit la porte. »

Poser des jalons
Le prochain objectif de Mme Knaak et de l’équipe chargée de lutter contre la stigmatisation structurelle : créer les outils qui aideront les organisations à tracer la voie vers l’amélioration des soins. Il pourrait s’agir de bulletins de rendement sur la stigmatisation structurelle, d’enquêtes sur la satisfaction des clients ou d’autres outils d’évaluation.

« Tout cela a pour but de recenser les obstacles et les pièges qui peuvent créer des expériences décourageantes et dommageables pour les gens lorsqu’ils sont vulnérables et qu’ils en ont le plus besoin, dit-elle. Essentiellement, nous demandons aux gens qui travaillent dur au sein d’un système imparfait de désapprendre ce qu’ils ont été conditionnés à croire et d’être ouverts à faire les choses différemment, pas seulement en tant que professionnels, mais aussi en tant que personnes. »

Elle fait référence à la façon dont la stigmatisation est gravée dans l’ADN des organisations, ainsi que dans le nôtre. « C’est comme si la stigmatisation se situait au niveau cellulaire, littéralement. Elle vibre constamment sous la surface, et peut éclater à tout moment, entraînant des résultats désastreux. »

Quand le travail devient personnel
Stephanie Knaak sait de quoi elle parle. Elle a vu un de ses proches tenter d’obtenir de l’aide d’un système qui n’est pas conçu pour répondre efficacement aux besoins d’une personne aux prises avec une maladie mentale.

« C’est ironique, mais l’heure de vérité avait sonné pour mon travail. Toutes les choses que je documentais en tant que chercheuse ont été mises à nu. J’avais des points de données, des entrevues auprès d’informateurs clés et des rapports d’une centaine de pages. Ils disaient tous que le système est défaillant. Mais quand vous le vivez de près, vous voyez bien qu’il gêne le processus de guérison plus qu’il ne l’aide. . . . Pour moi, ce travail est devenu plus personnel, et plus impératif, comme jamais il ne l’avait été auparavant. »

Lorsqu’on lui demande à quoi ressemble le succès, sa réponse est étonnamment simple. « J’entends souvent les membres de ma famille qui ont eu un cancer faire l’éloge du système pour les soins rapides, efficaces et bienveillants qu’ils ont reçus. Tout ce que je veux, c’est la même chose lorsqu’une personne est aux prises avec une maladie mentale.

Est-ce trop demander? »


Cet article est le troisième d’une série au sujet de la stigmatisation structurelle. Auparavant, nous avons parler avec un fournisseur de soins et un utilisateur de service.

La CSMC lance un cours virtuel — pour les premiers répondants, par des premiers répondants 

Pauline Meunier

Pauline Meunier

Pauline Meunier, ambulancière depuis 26 ans, a dû consulter un allergologue pour mettre un nom sur son anxiété.

« Ce que je croyais être des réactions allergiques était en fait des crises de panique », dit-elle. « Avant que l’on me parle d’anxiété, il ne m’était jamais venu à l’esprit que le problème venait de ma santé mentale. »

Cette difficulté que nous avons à reconnaître nos propres blessures psychologiques ou maladies mentales est répandue chez les premiers répondants, explique-t-elle, tout comme la crainte de la stigmatisation ou l’autostigmatisation, qui peuvent empêcher certaines personnes de demander l’aide dont elles ont besoin.

Aujourd’hui, à titre de spécialiste de la formation et de la prestation auprès de l’équipe L’esprit au travail de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et d’animatrice de la toute nouvelle formation L’esprit au travail premiers intervenants (EATPI) virtuelle, Mme Meunier aide à briser ce cycle.

« Les premiers intervenants savent que prendre soin de leur santé physique est essentiel pour être à leur meilleure forme », dit-elle. « Par le biais de cette formation, nous voulons leur faire comprendre qu’il est tout aussi important de prendre soin de leur santé mentale. »

Cette formation fraîchement repensée est actuellement offerte en format virtuel (jusqu’à ce qu’il soit de nouveau sécuritaire de la dispenser en personne). Mettant à profit une approche fondée sur des données probantes, elle permet aux premiers répondants d’acquérir les connaissances nécessaires pour s’autoévaluer ainsi que pour parler de santé mentale, notamment en leur fournissant des stratégies pour les aider à faire face aux défis qu’ils rencontrent et des ressources vers lesquelles se tourner lorsqu’ils ont besoin de soutien. Afin d’optimiser la résonance du matériel de formation, les mises en situation et la terminologie utilisées sont spécifiquement conçues en fonction de chaque groupe pertinent (p. ex. ambulanciers, pompiers, policiers), et les animateurs de ces formations ont tous été premiers répondants eux-mêmes.

Prendre le pouls de la santé mentale
Pour ceux qui exercent une profession d’aide, et plus particulièrement dans les situations extrêmes vécues par les premiers répondants, il peut être plus facile de reconnaître la détresse des autres que de reconnaître la leur. Toutefois, le modèle de continuum de la santé mentale sur lequel la formation s’appuie est conçu pour les aider à le faire. Ce modèle leur permet d’associer une gamme de pensées, d’attitudes et de comportements à une échelle de couleurs : vert (en bonne santé), jaune (en état de réaction), orange (blessé), et rouge (malade).

Ce continuum — sous la forme d’une carte de format portefeuille — a été à l’origine du déblocage personnel de Mme Meunier.

« Pendant une présentation, je regardais le continuum de la santé mentale posé devant moi sur la table et cela m’a soudain frappée : j’étais littéralement dans l’orange et j’avais besoin d’aide », raconte-t-elle. « En tant qu’ambulanciers, nous avons de la difficulté à penser à nous en premier. Mais comme je l’ai moi-même découvert, le continuum peut être un outil efficace pour permettre aux premiers répondants de faire un bilan personnel et de reconnaître les moments où ils ont besoin davantage de soutien. »

Mettre le langage à profit
L’un des nouveaux éléments de la formation mise à jour est l’accent qui est mis sur le langage. En s’appuyant notamment sur le guide Le choix des mots est important de la CSMC, les participants apprennent qu’il est important de parler à la première personne (lorsque cela est approprié); il s’agit d’une excellente façon de réduire la stigmatisation qui entoure la maladie mentale et la consommation de substances.

Des recherches ayant montré que les étiquettes comme « fou » ou comme « accro » peuvent perpétuer la stigmatisation et empêcher les personnes de demander de l’aide, les participants sont encouragés à utiliser un langage qui illustre mieux la réalité en mettant la personne au premier plan et le problème en deuxième, comme dans la phrase : « Cette personne vit avec une maladie mentale ou une dépendance ».

« Dans notre domaine, nous utilisons souvent ce genre d’étiquettes comme raccourcis pour simplifier la communication », explique Mme Meunier. « Mais si nous faisons un effort pour utiliser un langage respectueux, nous pouvons aider à enrayer la stigmatisation plutôt que d’y contribuer ».

La voie à suivre
Bien que nous ayons encore beaucoup de pain sur la planche pour réduire la stigmatisation et établir la parité entre la santé mentale et la santé physique chez les premiers répondants, Mme Meunier a confiance en l’avenir.

« S’il y a un groupe qui a à cœur d’exceller au travail, c’est bien celui des premiers répondants », dit-elle, ajoutant que grâce aux formations comme l’EATPI virtuelle, l’idée selon laquelle le bien-être mental est un facteur de succès gagne du terrain.

« Ce que je trouve le plus gratifiant quand j’anime ces formations, c’est quand je reçois des messages de participants qui me disent des choses comme “Maintenant je comprends” ou “Ça explique tant de choses”. Ces moments de révélation peuvent changer notre vie. Ça a changé la mienne. »

Pour en apprendre davantage sur les avantages de l’EATPI virtuelle pour votre organisation, envoyez un courriel à l’adresse suivante : solutions@changerlesmentalites.org

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De nouvelles ressources de la CSMC pour épauler les femmes qui étaient restées en marge du monde du travail

Avant même l’apparition de la COVID-19, les statistiques dressaient le portrait d’une division inégale chronique du travail, où les femmes effectuent une plus grande part de travaux ménagers non rémunérés et assument davantage de responsabilités liées aux soins que les hommes.

Les mesures de quarantaine n’ont fait qu’alourdir le fardeau porté par les femmes, tant à la maison qu’au travail. Une récente étude a révélé que les mères étaient plus de deux fois plus susceptibles que les pères de craindre que l’évaluation de leur rendement professionnel soit compromise en raison de leurs responsabilités de pourvoyeuses de soins.

« Les chiffres sont frappants, mais ils n’ont pourtant rien de surprenant dans le contexte actuel, affirme Louise Bradley, présidente et directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Je m’inquiète non seulement de voir anéantis — du jour au lendemain, littéralement — les progrès durement gagnés au fil des décennies, mais je crains aussi pour le bien-être mental des femmes, qui sont forcées de faire un choix impossible. »

Selon une récente enquête nationale, le tiers des travailleuses ont songé à quitter leur emploi parce qu’elles avaient du mal à concilier l’école à la maison, les tâches domestiques et leur rôle parental avec leurs responsabilités professionnelles.

Et pour celles qui choisissent de quitter leur poste, le retour sur le marché du travail peut être un jeu de rattrapage sans issue.

Une nouvelle ressource
Au moment de réintégrer le monde du travail, les femmes sont confrontées à des difficultés émotionnelles et pratiques dont leurs homologues masculins ont rarement à se soucier. En appui aux employeurs qui souhaitent aider les femmes à effectuer un retour en force au travail — tout en gardant la santé mentale au premier plan de leurs préoccupations — la CSMC a mis au point une nouvelle ressource.

Ses recommandations portent sur l’importance de la flexibilité, de la gestion de la charge de travail et de l’empathie, entre autres, quelle que soit la raison pour laquelle un congé est nécessaire. 

« Peu de ressources pour le milieu de travail prennent en considération les défis propres aux femmes, et c’est problématique, soutient Tiana Field-Ridley, spécialiste de la mise en œuvre et membre de l’équipe de Santé mentale en milieu de travail de la CSMC, qui a elle-même vécu ces difficultés.

Ma mère souhaite retourner au travail après avoir consacré ses années les mieux rémunérées à s’occuper de ses parents âgés. Ce n’est qu’un exemple qui illustre que les femmes pourraient avoir besoin d’aide pour réintégrer le marché du travail à plus d’une reprise au cours de leur vie. On pense spontanément aux congés de maternité, mais il faut élargir notre vision afin de couvrir toute la vie professionnelle des femmes. »

En plus de soutenir le bien-être mental des femmes lors de ces transitions, la nouvelle ressource invite les employeurs à prendre conscience de préjugés implicites pouvant restreindre leur bassin de recrutement et à raffermir leurs politiques afin d’améliorer les chances des femmes.

« Par exemple, nous devons rééduquer les employeurs en ce qui concerne les trous dans les CV, indique Liz Horvath, gestionnaire de l’équipe de Santé mentale en milieu de travail. Ces trous ne devraient pas automatiquement faire lever un drapeau rouge. La personne pourrait avoir utilisé ce temps pour explorer et acquérir de nouvelles compétences, tout en s’occupant d’une autre personne. L’aide prodiguée à un proche malade peut générer une croissance extraordinaire de la compassion et des compétences organisationnelles chez la personne. »

Comme Mme Horvath le souligne, la capacité à recadrer l’expertise d’une femme à la suite d’une absence revêt une grande valeur, particulièrement si on considère que 62 % des emplois perdus en février et mars 2020 étaient occupés par des femmes.

« De nombreux postes dans des écoles, des garderies, des hôtels, des restaurants et des magasins étaient spécifiques au sexe. Mais cela ne diminue en rien les aptitudes requises pour les exercer », précise-t-elle.

Pour commencer, faites preuve de transparence
Pour les employeurs, l’ouverture aux femmes effectuant un retour au travail peut aussi passer par les nouvelles offres d’emploi. 

« En manifestant de la transparence dans les offres d’emploi, les employeurs peuvent faciliter le recrutement de candidates de qualité. Ils peuvent par exemple mentionner leur souci de la diversité ou mettre l’accent sur leur flexibilité, poursuit Mme Horvath. Ils peuvent aussi offrir des formations de perfectionnement, reconnaissant ainsi que les femmes se sortent souvent de la course avant même qu’elle commence. »

« J’ai été témoin de cela tout au long de ma carrière, renchérit Mme Bradley. L’adage selon lequel une femme en recherche d’emploi choisira de ne pas présenter sa candidature parce qu’elle possède seulement 80 % des qualifications alors qu’un homme tentera sa chance même s’il en possède beaucoup moins est galvaudé, mais vrai. Comme organisations, nous avons donc la responsabilité de nous montrer aussi inclusifs que possible, faute de quoi nous tournerons le dos à des collaborateurs et des collaboratrices remarquables. »

Avant tout, ajoute Mme Field-Ridley, le meilleur moyen de soutenir une femme qui retourne sur le marché du travail est de bâtir sa confiance. « Il faut beaucoup d’assurance pour reprendre le travail après une absence, explique-t-elle. En adoptant la bonne approche, les employeurs peuvent créer un environnement qui aide les femmes à s’épanouir et à réaliser leur plein potentiel. »

Inconnu

Une nouvelle recherche communautaire explore les effets de la consommation de cannabis pendant la grossesse et la parentalité

À la fin de l’année dernière, la Commission de la santé mentale (CSMC) a annoncé le financement de 14 projets de recherche communautaire visant à étudier les effets de la consommation de cannabis sur les populations prioritaires. Toutes ces initiatives s’intéressent à des groupes importants et souvent négligés par les chercheurs, notamment les jeunes, les immigrants, les réfugiés et les populations ethnoculturelles, racialisées et autochtones. Parmi ces groupes, on retrouve les personnes enceintes et les parents, qui sont au centre d’un projet de recherche unique basé en Ontario. 

Une perspective nouvelle
« Jusqu’à maintenant, la recherche sur la consommation de cannabis a toujours été de nature clinique, insistant sur le fait que le cannabis représente un “risque” et associant la consommation de cannabis à l’abus de substances », dit la chercheuse principale Allyson Ion. « Notre équipe utilise une approche différente en se concentrant sur le savoir expérientiel des personnes enceintes et des parents. À titre de personnes consommant du cannabis, elles sont au cœur de cet enjeu. »

En plus des personnes ayant un vécu expérientiel, la recherche s’intéresse également à des fournisseurs de soins prénataux et à des intervenants des services de protection de la jeunesse. De même, elle s’intéresse à d’autres leaders de soins de santé et de services sociaux qui peuvent partager des observations de première main quant au type d’outils qui pourraient être nécessaires pour renforcer les pratiques et les politiques de soins directs.

Pour Krista Benes, directrice de l’équipe de santé mentale et dépendances de la CSMC, cette approche inclusive est au cœur de ce qui distingue la recherche communautaire. « Le point de vue des personnes qui ont une expérience de première main est précieux », dit-elle. « Si nous voulons réellement comprendre la relation entre la consommation de cannabis et la grossesse et la parentalité, qui peut mieux nous éclairer que les personnes qui vivent ces réalités jour après jour? » 

Bien que les membres de l’équipe de recherche soient conscients du fait que le cannabis n’est peut-être pas toujours « sans danger », ils affirment que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les liens entre la consommation de cannabis et les résultats périnataux et parentaux — tout comme l’affirment les parents eux-mêmes.

« Il y a un manque considérable de recherches portant sur les intentions et les effets désirés de la consommation de cannabis au cours de la période périnatale et au fil de la parentalité », dit Kelly Pridding, une autre membre de l’équipe. « Nous croyons que des approches communautaires plus holistiques et plus participatives contribueront grandement à déboulonner les mythes et les idées fausses et à élargir la portée de cette importante conversation. »

Un cadre de travail « de la connaissance à l’action »
La phase initiale de la recherche implique une série de séances fondées sur le dialogue qui explorent diverses expériences et points de vue des intervenants à propos des liens entre le cannabis, la grossesse, la parentalité et la santé mentale. À l’aide d’un cadre de travail « de la connaissance à l’action », les chercheurs utiliseront les commentaires recueillis au cours de ces conversations pour élaborer des outils pratiques et pour formuler des recommandations. 

« Ce qui est le plus intéressant à propos de ce travail, c’est la possibilité de créer des pratiques concrètes et des applications stratégiques », dit Mme Ion. « Notre objectif est d’élaborer des outils concrets, des approches pratiques ou des politiques qui peuvent être utilisés dans le contexte des soins périnataux et des services de protection de la jeunesse, et qui permettront par le fait même d’accroître la qualité des soins et de réduire la stigmatisation entourant la consommation de cannabis. »

De l’avis de Mme Benes, ce projet constitue un important nouveau chapitre dans la recherche sur le cannabis. « Nous avons encore du pain sur la planche pour combler les lacunes dans la connaissance de la relation entre santé mentale et consommation de cannabis au sein des populations prioritaires », dit-elle. « Mais à chaque fois que nous incluons ces populations dans les travaux qui visent ultimement à les aider, cela contribue à combler un peu plus ce fossé ».


Remerciements particuliers aux membres de l’équipe de recherche : Allyson Ion, Saara Greene, Theresa Kozak, Gabrielle Griffith, Kelly Pridding, Claudette Cardinal et Gary Dumbrill (en collaboration avec le McMaster Health Forum). Les membres de l’équipe ont tenu à exprimer leur gratitude à la CSMC pour le financement qui leur a été octroyé et à reconnaître le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.

Inconnu

Samaria Nancy Cardinal et le prix à payer lorsque l’on fait fi du rétablissement

Samaria Nancy Cardinal a appris deux leçons importantes dès sa plus tendre enfance : le pouvoir de la persévérance et l’importance de faire preuve de courage en dépit de l’oppression.

Ces leçons lui ont bien servi pendant son long et difficile cheminement vers le rétablissement d’une maladie mentale. Lorsqu’on lui a demandé comment elle en était venue à défendre les patients, elle a dû faire une pause, accablée par le poids de sa réponse. 

« J’ai perdu 15 à 20 années de ma vie à cause d’un diagnostic erroné et d’un traitement inefficace », a-t-elle déclaré depuis son domicile de Calgary, où elle obtiendra un diplôme en travail social ce printemps. « J’ai été étiquetée comme bipolaire, et quand cela s’est produit, c’est comme si l’on m’avait en même temps tatoué mon diagnostic sur le front. Dans le système, vous cessez d’être une personne pour ne devenir que la définition de votre maladie uniquement. »

Pour elle, le fait de séparer son humanité de sa maladie est un anathème et une insulte à son héritage autochtone.

« Nous voyons les gens pour tout ce qu’ils sont — leur moi physique, émotionnel, mental et spirituel est inextricablement lié. Vous ne pouvez pas comprendre pourquoi quelqu’un éprouve des symptômes comme les miens si vous cochez simplement les cases d’un manuel médical. Vous devez être prêt à creuser un peu plus, et à demander “pourquoi?” »

Un manque de compréhension
Comme Mme Cardinal l’a souligné, il faut du temps pour creuser à l’intérieur de soi, mais notre système de santé n’est pas conçu pour valoriser et donner la priorité au rétablissement; la priorité est couramment accordée à la rapidité du diagnostic et du traitement. Elle affirme qu’il s’agit là d’une des nombreuses raisons illustrant pourquoi la structure même des soins doit changer.

En tant que fille de Douglas Cardinal, premier architecte autochtone au Canada, la métaphore qu’elle a utilisée n’est pas une surprise. 

Si une maison est envahie de moisissures toxiques, dit-elle, vous ne pourriez pas dire qu’il suffit d’appliquer une jolie peinture jaune sur les murs pour déclarer que le problème est réglé. Pour rendre cette maison sécuritaire et habitable, vous devrez éliminer la moisissure et la reconstruire à partir des poteaux d’ossature murale. 

De la même manière, a-t-elle soutenu, la double crise du système de santé, à savoir les préjugés inconscients et la discrimination, doit être nommée et corrigée, et ce, sans perdre de temps.

« Mon père n’a pas pu obtenir son diplôme au Canada en raison du racisme. Il faut dire qu’il n’a pas laissé la discrimination anéantir ses rêves. Il a décidé d’aller étudier à l’Université du Texas à Austin, et il est devenu l’une des personnes les plus célèbres au pays dans son domaine », indique Mme Cardinal, en faisant référence à des réalisations comme le Musée canadien de l’histoire. « Mais son talent ne fait que souligner le potentiel que nous gaspillons si nous rabaissons les gens plutôt que de les aider à s’élever. »

Trouver une porte de sortie
Elle est bien placée pour comprendre comment les gens peuvent perdre des années entières à chercher un soutien en santé mentale, à vivoter en essayant de composer avec la maladie, toujours dans l’incapacité de revendiquer la place qui leur revient en tant que membres actifs de notre société. 

« Je ne vais jamais récupérer le temps que j’ai perdu », a déclaré Mme Cardinal, frappée par l’émotion en réfléchissant à tout ce qui lui a été volé. « Par contre, ce que je suis en mesure de faire, c’est de participer à la reconstruction d’un système qui aura à cœur le rétablissement des patients. »

Aider les autres est devenu en quelque sorte sa boussole alors qu’elle déploie des efforts engagés pour promouvoir un système de santé qui examinera toujours les causes profondes des symptômes apparents. C’est cette motivation qui a amené Mme Cardinal à participer, aux côtés de la Commission de la santé mentale du Canada, à la lutte contre la stigmatisation structurelle, qui fait obstacle aux soins de santé.

« Pour la petite histoire, mon diagnostic de bipolarité n’était pas exact », a indiqué Mme Cardinal. « On m’a presque gavé de médicaments, la dose augmentant régulièrement parce que mon état ne s’améliorait pas. Pouvez-vous imaginer traiter quelqu’un pour un cancer, découvrir que sa tumeur continue de grossir et que l’équipe médicale refuse de changer de protocole? Il y aurait assurément une levée de boucliers. »

Mais pendant des années, personne ne s’est indigné pour elle.

Elle a traversé toute seule un tunnel interminable et sombre, sans espoir de trouver une porte de sortie. Cependant, une lumière est un jour apparue lorsque ses symptômes ont été correctement diagnostiqués comme étant un trouble de stress post-traumatique, et elle a finalement pu accéder aux outils nécessaires pour soigner son traumatisme. 

Voir et entendre les autres
Malgré son expérience personnelle, ou peut-être grâce à elle, Samaria est déterminée à devenir un phare pour les autres.

« Vous ne pouvez pas imaginer le niveau de désespoir que l’on peut ressentir quand personne ne vous écoute, quand personne ne vous croit, quand vous êtes retournée chez vous et ignorée maintes et maintes fois. »

Madame Cardinal a maintenant l’intention de poursuivre des études supérieures en travail social, et son plan est clair et simple.

« Quand je verrai quelqu’un s’asseoir en face de moi, je vais l’aborder comme un être humain d’abord et avant tout. Point final. J’accorderai à chaque personne ce qui m’a été refusé : la reconnaissance de son humanité. À ma façon, je travaillerai pour reconstruire ce qui a été brisé dans l’âme de la personne. »

Son ambitieux plan stratégique décennal vise à transformer le paysage de la santé mentale au Canada 

Pour Chuck Bruce, président du conseil d’administration de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), la nécessité d’investir en santé mentale n’est pas une question — c’est un impératif.

« J’ai travaillé avec des investissements tangibles toute ma carrière », dit M. Bruce à partir de son bureau situé à Terre-Neuve-et-Labrador, d’où il administre le fonds de pension du secteur public le plus important de la province. « J’ai l’habitude de parler de retours sur investissement en dollars et en cents, mais le bien-être mental n’a pas de prix. »

C’est pourquoi M. Bruce, en collaboration avec le conseil d’administration de la CSMC, s’est employé à rédiger un plan directeur visant à rénover un système de santé mentale qui comporte toujours des lacunes importantes et dont les fondations sont fissurées.

Miser sur les réussites passées
« Répondre à l’appel n’a pas un caractère normatif », dit-il à propos du tout nouveau plan stratégique de 10 ans de la CSMC. « Il se veut plutôt une vision audacieuse et ambitieuse qui a pour but de faire entendre la voix des personnes ayant un vécu expérientiel, d’accroître la coopération entre nos nombreux partenaires et d’aborder des thèmes qui sont négligés depuis beaucoup trop longtemps. Au moment où notre organisation atteint sa vitesse de croisière, nous ne pouvons nous permettre d’entraver les progrès en matière de promotion de la santé mentale, de prévention des maladies mentales et de mesures de soutien et de traitements. »

Le nouveau plan repose sur trois piliers : Renseigner, Inspirer et Améliorer. Pour M. Bruce, « ces piliers reflètent l’essence même de ce que nous faisons à la CSMC. Nous ouvrons les esprits en nous efforçant de trouver les meilleures recherches et de les diffuser. Nous ouvrons les cœurs en luttant contre la stigmatisation sous toutes ses formes, y compris les obstacles structurels (qui sont aussi invisibles que dangereux). Finalement, nous ouvrons les portes en améliorant l’accès aux services par l’entremise de projets de démonstration de pointe. »

Mis ensemble, ces efforts novateurs seront au centre des actions de la CSMC tout au long de la prochaine décennie.

Le bon cadre de croissance
« En tant que conseil d’administration, notre travail ne consiste pas à dire aux experts, qui sont les chefs de file de la CSMC et à son personnel comment générer ce changement. De même, je ne dirais pas à un constructeur où placer les murs qui soutiendraient ma maison ni comment concevoir ma salle de bain. Je lui dirais peut-être quelque chose comme : je veux une maison à aires ouvertes avec beaucoup de lumière. »

Dans le nouveau plan de la CSMC, le conseil d’administration a laissé beaucoup de place à la créativité, à la réactivité et à l’esprit d’entreprise qui ont caractérisé la première décennie de l’organisation.

« Lorsque j’ai commencé à collaborer avec la CSMC, alors que je siégeais au comité consultatif sur le milieu de travail, je n’étais pas très familier avec l’empreinte de cette organisation », a affirmé M. Bruce. « Aujourd’hui, bien des années plus tard, j’en suis venu à réaliser que bien que nous soyons un groupe relativement petit, nous trouvons constamment des brèches à colmater. Qu’il s’agisse de prévenir le suicide dans la communauté, de promouvoir une meilleure santé mentale sur les campus des collègues et des universités ou d’offrir de la formation sur la résilience et sur la lutte contre la stigmatisation, nous mettons chaque dollar investi à profit pour créer une société qui reflète nos idéaux communs, à commencer par le rétablissement. »

La voie à suivre
Lorsque nous avons demandé à M. Bruce d’expliquer ce qui ferait du plan décennal une réussite, il a pris le temps d’y réfléchir. « Je ne veux pas prédire où ce plan va nous mener, car je crois au pouvoir de la mise en commun des connaissances ».

Ce concept s’appuie sur le principe en matière d’investissement selon lequel les dollars se multiplient au fil du temps grâce à la force de la croissance composée. « C’est l’outil le plus puissant dont nous disposons pour créer de la richesse », dit-il. « Et réinvestir dans les connaissances que nous acquérons est le moyen le plus puissant de générer un changement transformationnel ».

Pour M. Bruce, ce changement est à notre portée; en fait, il l’a toujours été.

« Quand ma mère a reçu un diagnostic de cancer du sein il y a 25 ans, mon père ne voulait pas qu’on en parle. Ça ne concernait que notre famille, et c’était privé. Point à la ligne. »

En y repensant, M. Bruce soupçonne la honte d’avoir eu un rôle à jouer dans la perception qu’avait son père du cancer du sein. « Et il n’était pas le seul à le percevoir ainsi. Mais au fil des ans, nous avons vu la Course à la vie gagner en popularité et en importance, nous avons vu la Tour CN illuminée en rose et une partie des profits de la vente de certains appareils ménagers spécialisés et de rouges à lèvres investie dans la recherche sur le cancer du sein. Le message implicite derrière tout cela, c’est qu’il n’y a aucune raison d’avoir honte. Je dirais que cette approche a fonctionné pour de nombreux problèmes de santé, mais que nous n’en sommes pas encore là en ce qui concerne la maladie mentale. »

Mesurer les progrès
Si le plan stratégique de la CSMC est une réussite, dit M. Bruce, la voie sera jalonnée de marqueurs semblables.

« Il faut célébrer chaque victoire. Les interventions de cybersanté mentale qui permettent de surmonter les obstacles géographiques. Les normes qui viennent modifier notre façon d’étudier et de travailler. Le programme Premiers soins en santé mentale, qui a permis de former plus de 500 000 personnes au Canada (et ce n’est pas fini). Chacune de ces victoires contribue à combler une lacune ou à réparer une fissure. Chaque victoire nous permet de bâtir de solides assises. »

Et d’ici à ce que cette mission soit accomplie, M. Bruce est convaincu qu’en réinvestissant nos connaissances pour ouvrir les esprits, les cœurs et les portes, nous générerons des profits nets considérables.

« Je suis un homme de chiffres, après tout », reconnaît-il. « Nous mesurerons nos retours sur investissement et nous rendrons compte de nos progrès à nos investisseurs les plus importants, c’est-à-dire chaque personne qui vit dans notre beau pays. Parce que la santé mentale. . . c’est l’affaire de tous. »

La COVID-19 peut rendre la pente plus difficile à remonter pour les personnes vivant avec des troubles de l’alimentation 

Avertissement de contenu : Le présent article contient des renseignements sur des pensées et des comportements associés aux troubles de l’alimentation.

La première semaine de février marque la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles de l’alimentation, une campagne nationale de sensibilisation du public qui a pour but de faire connaître la réalité des troubles de l’alimentation et des personnes qu’ils affectent. Avant la pandémie de COVID-19, les troubles de l’alimentation affichaient déjà l’un des taux de mortalité les plus élevés de toutes les maladies mentales. Maintenant, avec la perturbation des routines suivie de l’isolement qui atteint des sommets, le parcours vers le bien-être est encore plus ardu pour certains.

« Lorsqu’on vit avec un trouble de l’alimentation, le temps libre est une chose dangereuse », dit Wendy Preskow, présidente et fondatrice de l’Initiative nationale pour les troubles de l’alimentation (NIED). « Alors que les personnes vivant avec ces troubles sont privées de plusieurs des exutoires et routines dont elles disposaient avant la pandémie, les voix qui encouragent les comportements associés aux troubles de l’alimentation n’en sont que plus difficiles à ignorer. »

Mme Preskow ne dit pas cela en s’appuyant uniquement sur ses neuf années d’expérience à la tête de la NIED. Elle est également proche aidante à temps plein pour sa fille Amy, qui est aux prises avec des troubles de l’alimentation depuis plus de 20 ans.

« Amy a perdu plusieurs de ses activités et de ses distractions à cause de la pandémie, et je la sens tendue dans ses temps libres », dit Mme Preskow. « Je dois lui tenir compagnie juste pour l’aider à passer au travers de la journée. Quand on est dans cet état, chaque seconde compte. »

Une tempête parfaite
Environ un million de personnes ont un diagnostic de troubles de l’alimentation, et de nombreuses autres souffrent en silence; pour celles-ci, un moment inoccupé dans une journée représente un défi parmi tant d’autres en cette époque de pandémie.

L’augmentation de l’anxiété, l’incertitude et l’impression de perdre le contrôle peuvent toutes encourager les comportements associés aux troubles de l’alimentation (c.-à-d. la restriction, la frénésie alimentaire, les comportements compensatoires, ou le surentraînement), qui sont souvent utilisés comme des mécanismes d’adaptation en période de stress. Et c’est sans parler de l’avènement de « la quinzaine de la quarantaine » (le gain de poids potentiel associé à la pandémie); il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi les lignes d’écoute téléphonique et les services d’aide portant sur les troubles de l’alimentation sont débordés depuis l’apparition de la COVID-19.

Un système mis à rude épreuve
Malheureusement, comme le souligne Mme Preskow, ces services fonctionnaient déjà à plein rendement avant la pandémie. La situation est maintenant hors de contrôle. « Plusieurs programmes en consultation externe ont dû être complètement mis sur pause, et d’autres ont vu leurs listes d’attente doubler ou tripler », dit-elle. « Il y a tellement de gens qui ont besoin d’aide, mais qui n’arrivent pas à en obtenir ». 

Dans certains cas, ce sont des parents qui cherchent de l’aide pour leurs jeunes enfants qui font de plus en plus de régimes, un comportement qui peut augmenter le risque de développer un trouble de l’alimentation.

Comme le soulignait un article récent du Globe and Mail, « Des enfants âgés d’à peine 9 ou 10 ans sont traités pour des troubles de l’alimentation. Des pédiatres affirment que plusieurs de leurs nouveaux patients sont plus malades et ont un poids encore inférieur à ce qu’ils avaient l’habitude de voir avant la pandémie, tandis que l’attente pour des références en consultation externe a doublé pour atteindre six mois. »

Pour Mme Preskow, ces tendances sont inacceptables. « Quand on cherche de l’aide pour un proche qui vit avec un trouble de l’alimentation, attendre n’est pas une option ».

Les défis des proches aidants
Mme Preskow se souvient qu’au début de la maladie d’Amy, chaque programme complété, chaque service indisponible et chaque demande sans réponse représentait un coup dévastateur pour son mari et elle.

Bien que la NIED ne soit pas une prestataire de services, Mme Preskow a toujours canalisé cette expérience dans son travail quotidien. « Quand quelqu’un communique avec moi, je m’efforce toujours de donner suite immédiatement », dit-elle. « Je me rappelle ce que c’est d’avoir désespérément besoin de conseils. Je ne souhaite cela à personne. »

Même encore aujourd’hui, Mme Preskow affirme qu’être un proche aidant est un défi constant. Et après 20 ans, elle est toujours saisie de crainte lorsqu’Amy l’appelle. « Je lui ai demandé de m’envoyer un cœur par message texte avant de m’appeler pour que je sache que tout va bien. Comme ça, je peux répondre sans paniquer. »

Le conseil de Mme Preskow aux autres proches aidants qui font face à la maladie d’un être cher est de placer l’amour inconditionnel au-dessus de toute autre considération. « Nous devons nous rappeler que vivre avec un trouble de l’alimentation n’est pas un choix. Il peut être difficile de ne pas considérer les rechutes comme un échec personnel, mais cette personne a besoin d’amour et d’encouragement, peu importe la situation. »

La voie du mieux-être
Bien que la COVID-19 ait engendré une nouvelle vague d’obstacles pour les personnes aux prises avec des troubles de l’alimentation, il est toujours possible d’obtenir de l’aide. La liste de ressources de la NIED inclut des moyens d’obtenir un soutien immédiat, des outils interactifs et divers autres programmes. Le National Eating Disorder Education Centre (NEDIC) offre également plusieurs ressources utiles, notamment une ligne d’écoute téléphonique et une liste de renseignements liés à la COVID-19, d’événements et de mécanismes de soutien (pour services en français, visitez ANEB Québec).

En ce qui concerne le cheminement d’Amy, après deux longues décennies, elle a réussi à trouver un nouvel équilibre. « Actuellement, elle est en train d’escalader la plus haute montagne du monde. », dit Mme Preskow. « Le sommet est encore loin, mais chaque pas vers l’ascension en vaut la peine. »

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Conversation avec Thomas Ungar, première partie de la série 

Quand Thomas Ungar, psychiatre en chef de l’Hôpital St. Michael’s et professeur agrégé à l’Université de Toronto, est invité à décrire la stigmatisation structurelle qui explique les résultats de santé inférieurs des personnes aux prises avec des maladies mentales ou des troubles de consommation de substances, sa réponse est des plus inusitée.

« Je vais vous raconter la ridicule histoire des poubelles », dit-il à partir de son bureau de Toronto, où il se bat tous les jours pour aider ses pairs et ses collègues d’autres spécialités à mieux comprendre la complexité de la maladie mentale.

Un hôpital où il a autrefois travaillé a engagé des « responsables de l’efficacité » pour resserrer le budget. Un jour, ces agents ont déterminé que les bacs à déchets des espaces cliniques seraient vidés quotidiennement alors que les poubelles des « espaces non cliniques » ou « administratifs » ne le seraient que toutes les deux semaines.

« Les salles où je reçois mes patients ne sont pas dotées de lavabos, indique M. Ungar. Et le critère décisif des autorités pour définir un “espace clinique” était, je vous le donne en mille, la présence d’un lavabo. »

Pour M. Ungar, le biais implicite est manifeste. Pour la vraie médecine, il faut se laver les mains. Les soins psychiatriques – par ailleurs la spécialisation médicale la moins bien rémunérée – ont été écartés.

Besoins médicaux contre besoins en services de santé mentale
Cette anecdote peut sembler insignifiante, mais M. Ungar a des dizaines, sinon des centaines, d’exemples comme celui-là. En fait, il collectionne ces petites indignations comme d’indésirables mémentos. Elles lui rappellent invariablement que les soins de santé mentale demeurent le parent pauvre de la pratique dans la sphère physique.

Mises toutes ensemble, elles incarnent une iniquité incommensurable.

« Une fois, j’ai participé à une réunion pour obtenir le matériel dont mon département avait besoin », se rappelle-t-il. Cela incluait de nouvelles serrures pour certaines portes qui avaient été défoncées à cet étage et un meilleur équipement de surveillance vidéo. Mais ces demandes pourtant simples à première vue ont été balayées du revers de la main. « On m’a renvoyé vers les services de gestion des installations et des TI parce que, encore une fois, mes besoins n’étaient pas de “vrais” besoins médicaux.

En plus, nous sommes toujours à la traîne. Lorsqu’un hôpital emménage dans de nouveaux locaux plus lumineux, le déménagement du département de psychiatrie est systématiquement promis pour “bientôt” . Le “bientôt” devient des mois, parfois des années. Nous sommes relégués à des édifices décrépis et croulants sous prétexte qu’il est préférable pour les patients que les soins de santé mentale aient leur espace dédié. C’est une plaisanterie ou quoi? Ça ne sert qu’à rendre la manœuvre plus digeste pour le reste de la population. »

Les effets de l’iniquité dans les soins de santé mentale
Pourtant, la plus grande frustration de M. Ungar n’est pas la marginalisation de sa spécialité. C’est la souffrance qui en résulte.

« Lorsqu’une personne se présente aux urgences, quels que soient ses antécédents de santé mentale, elle devrait recevoir les examens physiques appropriés. Il n’y a qu’en psychiatrie que le médecin traitant vous renvoie un patient directement sans avoir dressé ce tel bilan rudimentaire. Imaginez qu’un médecin des urgences vous jette un bref coup d’œil avant de vous dire “Je crois que c’est votre cœur, je vous envoie en cardiologie”. » 

Cette attitude cavalière et beaucoup trop répandue peut entraîner des conséquences désastreuses. M. Ungar connaît des cas où des patients sont morts de grossière négligence en raison de l’« occultation du diagnostic ».

« Ce phénomène se produit lorsqu’on suppose qu’un trouble physique est insignifiant parce que le patient vit avec une maladie mentale ou un trouble de consommation de substances, explique-t-il. C’est inacceptable. »

Lutter contre la stigmatisation structurelle
M. Ungar nage à contrecourant dans une discipline où la stigmatisation est enracinée si profondément et où les préjugés inconscients sont si répandus que la plupart des professionnels bien intentionnés ne se rendent pas compte de son existence.

« C’est un peu comme avec le racisme, illustre-t-il. Il n’est pas nécessaire de lancer des épithètes injurieuses ou de pratiquer des discriminations criantes pour maintenir des normes sociétales implicitement racistes. On n’est pas une mauvaise personne parce qu’on n’a pas conscience d’un phénomène, mais on ne fait pas partie de la solution non plus. C’est la même chose pour la stigmatisation. Ce n’est pas parce que vous évitez les termes péjoratifs que vous n’allez pas inconsciemment écarter un patient qui “se comporte mal” ou qui est “moralement corrompu” parce qu’il se présente d’une façon inappropriée ou inconfortable. »

La beauté de l’ignorance est qu’on peut y remédier, mais un changement de paradigme complet est une mission générationnelle que M. Ungar n’a pas le temps d’entreprendre.

« Cela ne signifie pas que je n’essaie pas, poursuit-il en riant, mais il estime que des stratégies additionnelles sont requises. Je pose la qualité des soins comme principe fondamental pour lequel nous devons nous attaquer à la stigmatisation structurelle », déclare-t-il, soulignant que la mise en place de certains dispositifs de protection des patients dans les politiques des hôpitaux pourrait être le moyen le plus rapide pour accomplir le serment d’Hippocrate.

Une nouvelle voie à suivre
« Pour qu’un facteur soit pris en compte, il faut le mesurer, souligne M. Ungar, et pas seulement dans les cas extrêmes qui déclenchent une enquête du coroner. » Il se remémore une situation où un patient est mort d’une embolie pulmonaire parce que les interrogations entourant sa santé mentale avaient éclipsé le malaise physique qu’il ressentait.

M. Ungar veut changer les règles du jeu, point à la ligne. Il veut que les hôpitaux évaluent la stigmatisation structurelle à partir de critères qui permettent de l’éliminer efficacement. « Par exemple, s’il est obligatoire que tous les patients subissent un examen physique dans la première journée suivant leur admission, il ne revient plus au médecin de juger si un examen est nécessaire. C’est une exigence. »

Pour M. Ungar, ce type d’intervention est une astuce de modification du système de soins de santé : un raccourci rapide et imparfait qu’on emprunte pour améliorer les résultats en parallèle à un travail de longue haleine mené en arrière-plan pour faire évoluer les attitudes et les comportements.

Pour aider les directions des services de santé à comprendre, à évaluer et à mesurer la stigmatisation structurelle à partir d’un cadre qui élimine les obstacles pénalisant le traitement des maladies mentales, M. Ungar travaille à élaborer des outils et de nouvelles normes en collaboration avec une équipe de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Au sujet de ce projet, il mentionne : « Si nous arrivons à mesurer et à surveiller ces obstacles puis à les intégrer à un tableau de bord obligatoire ou à une fiche de rendement rapide, les éléments à corriger déclencheront un signal d’alarme. Je n’aurai pas à essayer de convaincre mes collègues un à la fois ou à défendre ma cause. J’en ai assez de ces négociations. »

Aux yeux de M. Ungar, c’est la voie décisive à suivre pour l’avenir. « Le travail que j’effectue avec la CSMC est le plus stimulant de ma carrière professionnelle. À ma connaissance, personne d’autre ailleurs ne travaille sur cet enjeu. C’est le genre de changement de politique progressif et réfléchi sur lequel on revient vingt ans plus tard en se demandant pourquoi on n’a pas fait le virage plus tôt. Nos pratiques actuelles nous paraîtront alors dépassées, comme les saignées le sont actuellement. »

Entre temps, M. Ungar prévoit continuer de faire usage de sa considérable influence pour dénoncer la stigmatisation partout où elle est présente. 

« Je le ferai sans aucun doute, conclut-il avec un rire, même si pour cela je dois raconter d’absurdes anecdotes de poubelles. »

Webinaire
Inscrivez-vous ici au premier webinaire sur le travail effectué par la CSMC pour enrayer la stigmatisation structurelle associée à la maladie mentale et à la consommation de substances dans les établissements de soins de santé, qui aura lieu le mardi 9 février de midi à 13 h 30 (HE), avec les professeurs Thomas Ungar, Heather Stuart, Jamie Livingston, Javeed Sukhera et Stephanie Knaak. Les participants pourront approfondir leur compréhension de la stigmatisation structurelle, en apprendre davantage sur ses sources et ses conséquences et découvrir comment s’y prendre pour l’abolir.

Surveillez cet espace
Pour le Vecteur de mars, nous nous entretiendrons avec Samaria Nancy Cardinal, défenseure des intérêts des patients, pour discuter des effets néfastes de la stigmatisation structurelle vécue par les utilisateurs du système de soins de santé.