Si vous êtes en état de détresse, veuillez appeler ou texter le 988 n’importe quand. En cas d’urgence, appelez le 9-1-1 ou rendez-vous à votre service d’urgence local.

Une nouvelle recherche communautaire explore les effets de la consommation de cannabis pendant la grossesse et la parentalité

À la fin de l’année dernière, la Commission de la santé mentale (CSMC) a annoncé le financement de 14 projets de recherche communautaire visant à étudier les effets de la consommation de cannabis sur les populations prioritaires. Toutes ces initiatives s’intéressent à des groupes importants et souvent négligés par les chercheurs, notamment les jeunes, les immigrants, les réfugiés et les populations ethnoculturelles, racialisées et autochtones. Parmi ces groupes, on retrouve les personnes enceintes et les parents, qui sont au centre d’un projet de recherche unique basé en Ontario. 

Une perspective nouvelle
« Jusqu’à maintenant, la recherche sur la consommation de cannabis a toujours été de nature clinique, insistant sur le fait que le cannabis représente un “risque” et associant la consommation de cannabis à l’abus de substances », dit la chercheuse principale Allyson Ion. « Notre équipe utilise une approche différente en se concentrant sur le savoir expérientiel des personnes enceintes et des parents. À titre de personnes consommant du cannabis, elles sont au cœur de cet enjeu. »

En plus des personnes ayant un vécu expérientiel, la recherche s’intéresse également à des fournisseurs de soins prénataux et à des intervenants des services de protection de la jeunesse. De même, elle s’intéresse à d’autres leaders de soins de santé et de services sociaux qui peuvent partager des observations de première main quant au type d’outils qui pourraient être nécessaires pour renforcer les pratiques et les politiques de soins directs.

Pour Krista Benes, directrice de l’équipe de santé mentale et dépendances de la CSMC, cette approche inclusive est au cœur de ce qui distingue la recherche communautaire. « Le point de vue des personnes qui ont une expérience de première main est précieux », dit-elle. « Si nous voulons réellement comprendre la relation entre la consommation de cannabis et la grossesse et la parentalité, qui peut mieux nous éclairer que les personnes qui vivent ces réalités jour après jour? » 

Bien que les membres de l’équipe de recherche soient conscients du fait que le cannabis n’est peut-être pas toujours « sans danger », ils affirment que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer les liens entre la consommation de cannabis et les résultats périnataux et parentaux — tout comme l’affirment les parents eux-mêmes.

« Il y a un manque considérable de recherches portant sur les intentions et les effets désirés de la consommation de cannabis au cours de la période périnatale et au fil de la parentalité », dit Kelly Pridding, une autre membre de l’équipe. « Nous croyons que des approches communautaires plus holistiques et plus participatives contribueront grandement à déboulonner les mythes et les idées fausses et à élargir la portée de cette importante conversation. »

Un cadre de travail « de la connaissance à l’action »
La phase initiale de la recherche implique une série de séances fondées sur le dialogue qui explorent diverses expériences et points de vue des intervenants à propos des liens entre le cannabis, la grossesse, la parentalité et la santé mentale. À l’aide d’un cadre de travail « de la connaissance à l’action », les chercheurs utiliseront les commentaires recueillis au cours de ces conversations pour élaborer des outils pratiques et pour formuler des recommandations. 

« Ce qui est le plus intéressant à propos de ce travail, c’est la possibilité de créer des pratiques concrètes et des applications stratégiques », dit Mme Ion. « Notre objectif est d’élaborer des outils concrets, des approches pratiques ou des politiques qui peuvent être utilisés dans le contexte des soins périnataux et des services de protection de la jeunesse, et qui permettront par le fait même d’accroître la qualité des soins et de réduire la stigmatisation entourant la consommation de cannabis. »

De l’avis de Mme Benes, ce projet constitue un important nouveau chapitre dans la recherche sur le cannabis. « Nous avons encore du pain sur la planche pour combler les lacunes dans la connaissance de la relation entre santé mentale et consommation de cannabis au sein des populations prioritaires », dit-elle. « Mais à chaque fois que nous incluons ces populations dans les travaux qui visent ultimement à les aider, cela contribue à combler un peu plus ce fossé ».


Remerciements particuliers aux membres de l’équipe de recherche : Allyson Ion, Saara Greene, Theresa Kozak, Gabrielle Griffith, Kelly Pridding, Claudette Cardinal et Gary Dumbrill (en collaboration avec le McMaster Health Forum). Les membres de l’équipe ont tenu à exprimer leur gratitude à la CSMC pour le financement qui leur a été octroyé et à reconnaître le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.

Auteur:

Amber St. Louis

Samaria Nancy Cardinal et le prix à payer lorsque l’on fait fi du rétablissement

Samaria Nancy Cardinal a appris deux leçons importantes dès sa plus tendre enfance : le pouvoir de la persévérance et l’importance de faire preuve de courage en dépit de l’oppression.

Ces leçons lui ont bien servi pendant son long et difficile cheminement vers le rétablissement d’une maladie mentale. Lorsqu’on lui a demandé comment elle en était venue à défendre les patients, elle a dû faire une pause, accablée par le poids de sa réponse. 

« J’ai perdu 15 à 20 années de ma vie à cause d’un diagnostic erroné et d’un traitement inefficace », a-t-elle déclaré depuis son domicile de Calgary, où elle obtiendra un diplôme en travail social ce printemps. « J’ai été étiquetée comme bipolaire, et quand cela s’est produit, c’est comme si l’on m’avait en même temps tatoué mon diagnostic sur le front. Dans le système, vous cessez d’être une personne pour ne devenir que la définition de votre maladie uniquement. »

Pour elle, le fait de séparer son humanité de sa maladie est un anathème et une insulte à son héritage autochtone.

« Nous voyons les gens pour tout ce qu’ils sont — leur moi physique, émotionnel, mental et spirituel est inextricablement lié. Vous ne pouvez pas comprendre pourquoi quelqu’un éprouve des symptômes comme les miens si vous cochez simplement les cases d’un manuel médical. Vous devez être prêt à creuser un peu plus, et à demander “pourquoi?” »

Un manque de compréhension
Comme Mme Cardinal l’a souligné, il faut du temps pour creuser à l’intérieur de soi, mais notre système de santé n’est pas conçu pour valoriser et donner la priorité au rétablissement; la priorité est couramment accordée à la rapidité du diagnostic et du traitement. Elle affirme qu’il s’agit là d’une des nombreuses raisons illustrant pourquoi la structure même des soins doit changer.

En tant que fille de Douglas Cardinal, premier architecte autochtone au Canada, la métaphore qu’elle a utilisée n’est pas une surprise. 

Si une maison est envahie de moisissures toxiques, dit-elle, vous ne pourriez pas dire qu’il suffit d’appliquer une jolie peinture jaune sur les murs pour déclarer que le problème est réglé. Pour rendre cette maison sécuritaire et habitable, vous devrez éliminer la moisissure et la reconstruire à partir des poteaux d’ossature murale. 

De la même manière, a-t-elle soutenu, la double crise du système de santé, à savoir les préjugés inconscients et la discrimination, doit être nommée et corrigée, et ce, sans perdre de temps.

« Mon père n’a pas pu obtenir son diplôme au Canada en raison du racisme. Il faut dire qu’il n’a pas laissé la discrimination anéantir ses rêves. Il a décidé d’aller étudier à l’Université du Texas à Austin, et il est devenu l’une des personnes les plus célèbres au pays dans son domaine », indique Mme Cardinal, en faisant référence à des réalisations comme le Musée canadien de l’histoire. « Mais son talent ne fait que souligner le potentiel que nous gaspillons si nous rabaissons les gens plutôt que de les aider à s’élever. »

Trouver une porte de sortie
Elle est bien placée pour comprendre comment les gens peuvent perdre des années entières à chercher un soutien en santé mentale, à vivoter en essayant de composer avec la maladie, toujours dans l’incapacité de revendiquer la place qui leur revient en tant que membres actifs de notre société. 

« Je ne vais jamais récupérer le temps que j’ai perdu », a déclaré Mme Cardinal, frappée par l’émotion en réfléchissant à tout ce qui lui a été volé. « Par contre, ce que je suis en mesure de faire, c’est de participer à la reconstruction d’un système qui aura à cœur le rétablissement des patients. »

Aider les autres est devenu en quelque sorte sa boussole alors qu’elle déploie des efforts engagés pour promouvoir un système de santé qui examinera toujours les causes profondes des symptômes apparents. C’est cette motivation qui a amené Mme Cardinal à participer, aux côtés de la Commission de la santé mentale du Canada, à la lutte contre la stigmatisation structurelle, qui fait obstacle aux soins de santé.

« Pour la petite histoire, mon diagnostic de bipolarité n’était pas exact », a indiqué Mme Cardinal. « On m’a presque gavé de médicaments, la dose augmentant régulièrement parce que mon état ne s’améliorait pas. Pouvez-vous imaginer traiter quelqu’un pour un cancer, découvrir que sa tumeur continue de grossir et que l’équipe médicale refuse de changer de protocole? Il y aurait assurément une levée de boucliers. »

Mais pendant des années, personne ne s’est indigné pour elle.

Elle a traversé toute seule un tunnel interminable et sombre, sans espoir de trouver une porte de sortie. Cependant, une lumière est un jour apparue lorsque ses symptômes ont été correctement diagnostiqués comme étant un trouble de stress post-traumatique, et elle a finalement pu accéder aux outils nécessaires pour soigner son traumatisme. 

Voir et entendre les autres
Malgré son expérience personnelle, ou peut-être grâce à elle, Samaria est déterminée à devenir un phare pour les autres.

« Vous ne pouvez pas imaginer le niveau de désespoir que l’on peut ressentir quand personne ne vous écoute, quand personne ne vous croit, quand vous êtes retournée chez vous et ignorée maintes et maintes fois. »

Madame Cardinal a maintenant l’intention de poursuivre des études supérieures en travail social, et son plan est clair et simple.

« Quand je verrai quelqu’un s’asseoir en face de moi, je vais l’aborder comme un être humain d’abord et avant tout. Point final. J’accorderai à chaque personne ce qui m’a été refusé : la reconnaissance de son humanité. À ma façon, je travaillerai pour reconstruire ce qui a été brisé dans l’âme de la personne. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Son ambitieux plan stratégique décennal vise à transformer le paysage de la santé mentale au Canada 

Pour Chuck Bruce, président du conseil d’administration de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), la nécessité d’investir en santé mentale n’est pas une question — c’est un impératif.

« J’ai travaillé avec des investissements tangibles toute ma carrière », dit M. Bruce à partir de son bureau situé à Terre-Neuve-et-Labrador, d’où il administre le fonds de pension du secteur public le plus important de la province. « J’ai l’habitude de parler de retours sur investissement en dollars et en cents, mais le bien-être mental n’a pas de prix. »

C’est pourquoi M. Bruce, en collaboration avec le conseil d’administration de la CSMC, s’est employé à rédiger un plan directeur visant à rénover un système de santé mentale qui comporte toujours des lacunes importantes et dont les fondations sont fissurées.

Miser sur les réussites passées
« Répondre à l’appel n’a pas un caractère normatif », dit-il à propos du tout nouveau plan stratégique de 10 ans de la CSMC. « Il se veut plutôt une vision audacieuse et ambitieuse qui a pour but de faire entendre la voix des personnes ayant un vécu expérientiel, d’accroître la coopération entre nos nombreux partenaires et d’aborder des thèmes qui sont négligés depuis beaucoup trop longtemps. Au moment où notre organisation atteint sa vitesse de croisière, nous ne pouvons nous permettre d’entraver les progrès en matière de promotion de la santé mentale, de prévention des maladies mentales et de mesures de soutien et de traitements. »

Le nouveau plan repose sur trois piliers : Renseigner, Inspirer et Améliorer. Pour M. Bruce, « ces piliers reflètent l’essence même de ce que nous faisons à la CSMC. Nous ouvrons les esprits en nous efforçant de trouver les meilleures recherches et de les diffuser. Nous ouvrons les cœurs en luttant contre la stigmatisation sous toutes ses formes, y compris les obstacles structurels (qui sont aussi invisibles que dangereux). Finalement, nous ouvrons les portes en améliorant l’accès aux services par l’entremise de projets de démonstration de pointe. »

Mis ensemble, ces efforts novateurs seront au centre des actions de la CSMC tout au long de la prochaine décennie.

Le bon cadre de croissance
« En tant que conseil d’administration, notre travail ne consiste pas à dire aux experts, qui sont les chefs de file de la CSMC et à son personnel comment générer ce changement. De même, je ne dirais pas à un constructeur où placer les murs qui soutiendraient ma maison ni comment concevoir ma salle de bain. Je lui dirais peut-être quelque chose comme : je veux une maison à aires ouvertes avec beaucoup de lumière. »

Dans le nouveau plan de la CSMC, le conseil d’administration a laissé beaucoup de place à la créativité, à la réactivité et à l’esprit d’entreprise qui ont caractérisé la première décennie de l’organisation.

« Lorsque j’ai commencé à collaborer avec la CSMC, alors que je siégeais au comité consultatif sur le milieu de travail, je n’étais pas très familier avec l’empreinte de cette organisation », a affirmé M. Bruce. « Aujourd’hui, bien des années plus tard, j’en suis venu à réaliser que bien que nous soyons un groupe relativement petit, nous trouvons constamment des brèches à colmater. Qu’il s’agisse de prévenir le suicide dans la communauté, de promouvoir une meilleure santé mentale sur les campus des collègues et des universités ou d’offrir de la formation sur la résilience et sur la lutte contre la stigmatisation, nous mettons chaque dollar investi à profit pour créer une société qui reflète nos idéaux communs, à commencer par le rétablissement. »

La voie à suivre
Lorsque nous avons demandé à M. Bruce d’expliquer ce qui ferait du plan décennal une réussite, il a pris le temps d’y réfléchir. « Je ne veux pas prédire où ce plan va nous mener, car je crois au pouvoir de la mise en commun des connaissances ».

Ce concept s’appuie sur le principe en matière d’investissement selon lequel les dollars se multiplient au fil du temps grâce à la force de la croissance composée. « C’est l’outil le plus puissant dont nous disposons pour créer de la richesse », dit-il. « Et réinvestir dans les connaissances que nous acquérons est le moyen le plus puissant de générer un changement transformationnel ».

Pour M. Bruce, ce changement est à notre portée; en fait, il l’a toujours été.

« Quand ma mère a reçu un diagnostic de cancer du sein il y a 25 ans, mon père ne voulait pas qu’on en parle. Ça ne concernait que notre famille, et c’était privé. Point à la ligne. »

En y repensant, M. Bruce soupçonne la honte d’avoir eu un rôle à jouer dans la perception qu’avait son père du cancer du sein. « Et il n’était pas le seul à le percevoir ainsi. Mais au fil des ans, nous avons vu la Course à la vie gagner en popularité et en importance, nous avons vu la Tour CN illuminée en rose et une partie des profits de la vente de certains appareils ménagers spécialisés et de rouges à lèvres investie dans la recherche sur le cancer du sein. Le message implicite derrière tout cela, c’est qu’il n’y a aucune raison d’avoir honte. Je dirais que cette approche a fonctionné pour de nombreux problèmes de santé, mais que nous n’en sommes pas encore là en ce qui concerne la maladie mentale. »

Mesurer les progrès
Si le plan stratégique de la CSMC est une réussite, dit M. Bruce, la voie sera jalonnée de marqueurs semblables.

« Il faut célébrer chaque victoire. Les interventions de cybersanté mentale qui permettent de surmonter les obstacles géographiques. Les normes qui viennent modifier notre façon d’étudier et de travailler. Le programme Premiers soins en santé mentale, qui a permis de former plus de 500 000 personnes au Canada (et ce n’est pas fini). Chacune de ces victoires contribue à combler une lacune ou à réparer une fissure. Chaque victoire nous permet de bâtir de solides assises. »

Et d’ici à ce que cette mission soit accomplie, M. Bruce est convaincu qu’en réinvestissant nos connaissances pour ouvrir les esprits, les cœurs et les portes, nous générerons des profits nets considérables.

« Je suis un homme de chiffres, après tout », reconnaît-il. « Nous mesurerons nos retours sur investissement et nous rendrons compte de nos progrès à nos investisseurs les plus importants, c’est-à-dire chaque personne qui vit dans notre beau pays. Parce que la santé mentale. . . c’est l’affaire de tous. »

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

La COVID-19 peut rendre la pente plus difficile à remonter pour les personnes vivant avec des troubles de l’alimentation 

Avertissement de contenu : Le présent article contient des renseignements sur des pensées et des comportements associés aux troubles de l’alimentation.

La première semaine de février marque la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles de l’alimentation, une campagne nationale de sensibilisation du public qui a pour but de faire connaître la réalité des troubles de l’alimentation et des personnes qu’ils affectent. Avant la pandémie de COVID-19, les troubles de l’alimentation affichaient déjà l’un des taux de mortalité les plus élevés de toutes les maladies mentales. Maintenant, avec la perturbation des routines suivie de l’isolement qui atteint des sommets, le parcours vers le bien-être est encore plus ardu pour certains.

« Lorsqu’on vit avec un trouble de l’alimentation, le temps libre est une chose dangereuse », dit Wendy Preskow, présidente et fondatrice de l’Initiative nationale pour les troubles de l’alimentation (NIED). « Alors que les personnes vivant avec ces troubles sont privées de plusieurs des exutoires et routines dont elles disposaient avant la pandémie, les voix qui encouragent les comportements associés aux troubles de l’alimentation n’en sont que plus difficiles à ignorer. »

Mme Preskow ne dit pas cela en s’appuyant uniquement sur ses neuf années d’expérience à la tête de la NIED. Elle est également proche aidante à temps plein pour sa fille Amy, qui est aux prises avec des troubles de l’alimentation depuis plus de 20 ans.

« Amy a perdu plusieurs de ses activités et de ses distractions à cause de la pandémie, et je la sens tendue dans ses temps libres », dit Mme Preskow. « Je dois lui tenir compagnie juste pour l’aider à passer au travers de la journée. Quand on est dans cet état, chaque seconde compte. »

Une tempête parfaite
Environ un million de personnes ont un diagnostic de troubles de l’alimentation, et de nombreuses autres souffrent en silence; pour celles-ci, un moment inoccupé dans une journée représente un défi parmi tant d’autres en cette époque de pandémie.

L’augmentation de l’anxiété, l’incertitude et l’impression de perdre le contrôle peuvent toutes encourager les comportements associés aux troubles de l’alimentation (c.-à-d. la restriction, la frénésie alimentaire, les comportements compensatoires, ou le surentraînement), qui sont souvent utilisés comme des mécanismes d’adaptation en période de stress. Et c’est sans parler de l’avènement de « la quinzaine de la quarantaine » (le gain de poids potentiel associé à la pandémie); il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi les lignes d’écoute téléphonique et les services d’aide portant sur les troubles de l’alimentation sont débordés depuis l’apparition de la COVID-19.

Un système mis à rude épreuve
Malheureusement, comme le souligne Mme Preskow, ces services fonctionnaient déjà à plein rendement avant la pandémie. La situation est maintenant hors de contrôle. « Plusieurs programmes en consultation externe ont dû être complètement mis sur pause, et d’autres ont vu leurs listes d’attente doubler ou tripler », dit-elle. « Il y a tellement de gens qui ont besoin d’aide, mais qui n’arrivent pas à en obtenir ». 

Dans certains cas, ce sont des parents qui cherchent de l’aide pour leurs jeunes enfants qui font de plus en plus de régimes, un comportement qui peut augmenter le risque de développer un trouble de l’alimentation.

Comme le soulignait un article récent du Globe and Mail, « Des enfants âgés d’à peine 9 ou 10 ans sont traités pour des troubles de l’alimentation. Des pédiatres affirment que plusieurs de leurs nouveaux patients sont plus malades et ont un poids encore inférieur à ce qu’ils avaient l’habitude de voir avant la pandémie, tandis que l’attente pour des références en consultation externe a doublé pour atteindre six mois. »

Pour Mme Preskow, ces tendances sont inacceptables. « Quand on cherche de l’aide pour un proche qui vit avec un trouble de l’alimentation, attendre n’est pas une option ».

Les défis des proches aidants
Mme Preskow se souvient qu’au début de la maladie d’Amy, chaque programme complété, chaque service indisponible et chaque demande sans réponse représentait un coup dévastateur pour son mari et elle.

Bien que la NIED ne soit pas une prestataire de services, Mme Preskow a toujours canalisé cette expérience dans son travail quotidien. « Quand quelqu’un communique avec moi, je m’efforce toujours de donner suite immédiatement », dit-elle. « Je me rappelle ce que c’est d’avoir désespérément besoin de conseils. Je ne souhaite cela à personne. »

Même encore aujourd’hui, Mme Preskow affirme qu’être un proche aidant est un défi constant. Et après 20 ans, elle est toujours saisie de crainte lorsqu’Amy l’appelle. « Je lui ai demandé de m’envoyer un cœur par message texte avant de m’appeler pour que je sache que tout va bien. Comme ça, je peux répondre sans paniquer. »

Le conseil de Mme Preskow aux autres proches aidants qui font face à la maladie d’un être cher est de placer l’amour inconditionnel au-dessus de toute autre considération. « Nous devons nous rappeler que vivre avec un trouble de l’alimentation n’est pas un choix. Il peut être difficile de ne pas considérer les rechutes comme un échec personnel, mais cette personne a besoin d’amour et d’encouragement, peu importe la situation. »

La voie du mieux-être
Bien que la COVID-19 ait engendré une nouvelle vague d’obstacles pour les personnes aux prises avec des troubles de l’alimentation, il est toujours possible d’obtenir de l’aide. La liste de ressources de la NIED inclut des moyens d’obtenir un soutien immédiat, des outils interactifs et divers autres programmes. Le National Eating Disorder Education Centre (NEDIC) offre également plusieurs ressources utiles, notamment une ligne d’écoute téléphonique et une liste de renseignements liés à la COVID-19, d’événements et de mécanismes de soutien (pour services en français, visitez ANEB Québec).

En ce qui concerne le cheminement d’Amy, après deux longues décennies, elle a réussi à trouver un nouvel équilibre. « Actuellement, elle est en train d’escalader la plus haute montagne du monde. », dit Mme Preskow. « Le sommet est encore loin, mais chaque pas vers l’ascension en vaut la peine. »

Auteur:

Amber St. Louis

Conversation avec Thomas Ungar, première partie de la série 

Quand Thomas Ungar, psychiatre en chef de l’Hôpital St. Michael’s et professeur agrégé à l’Université de Toronto, est invité à décrire la stigmatisation structurelle qui explique les résultats de santé inférieurs des personnes aux prises avec des maladies mentales ou des troubles de consommation de substances, sa réponse est des plus inusitée.

« Je vais vous raconter la ridicule histoire des poubelles », dit-il à partir de son bureau de Toronto, où il se bat tous les jours pour aider ses pairs et ses collègues d’autres spécialités à mieux comprendre la complexité de la maladie mentale.

Un hôpital où il a autrefois travaillé a engagé des « responsables de l’efficacité » pour resserrer le budget. Un jour, ces agents ont déterminé que les bacs à déchets des espaces cliniques seraient vidés quotidiennement alors que les poubelles des « espaces non cliniques » ou « administratifs » ne le seraient que toutes les deux semaines.

« Les salles où je reçois mes patients ne sont pas dotées de lavabos, indique M. Ungar. Et le critère décisif des autorités pour définir un “espace clinique” était, je vous le donne en mille, la présence d’un lavabo. »

Pour M. Ungar, le biais implicite est manifeste. Pour la vraie médecine, il faut se laver les mains. Les soins psychiatriques – par ailleurs la spécialisation médicale la moins bien rémunérée – ont été écartés.

Besoins médicaux contre besoins en services de santé mentale
Cette anecdote peut sembler insignifiante, mais M. Ungar a des dizaines, sinon des centaines, d’exemples comme celui-là. En fait, il collectionne ces petites indignations comme d’indésirables mémentos. Elles lui rappellent invariablement que les soins de santé mentale demeurent le parent pauvre de la pratique dans la sphère physique.

Mises toutes ensemble, elles incarnent une iniquité incommensurable.

« Une fois, j’ai participé à une réunion pour obtenir le matériel dont mon département avait besoin », se rappelle-t-il. Cela incluait de nouvelles serrures pour certaines portes qui avaient été défoncées à cet étage et un meilleur équipement de surveillance vidéo. Mais ces demandes pourtant simples à première vue ont été balayées du revers de la main. « On m’a renvoyé vers les services de gestion des installations et des TI parce que, encore une fois, mes besoins n’étaient pas de “vrais” besoins médicaux.

En plus, nous sommes toujours à la traîne. Lorsqu’un hôpital emménage dans de nouveaux locaux plus lumineux, le déménagement du département de psychiatrie est systématiquement promis pour “bientôt” . Le “bientôt” devient des mois, parfois des années. Nous sommes relégués à des édifices décrépis et croulants sous prétexte qu’il est préférable pour les patients que les soins de santé mentale aient leur espace dédié. C’est une plaisanterie ou quoi? Ça ne sert qu’à rendre la manœuvre plus digeste pour le reste de la population. »

Les effets de l’iniquité dans les soins de santé mentale
Pourtant, la plus grande frustration de M. Ungar n’est pas la marginalisation de sa spécialité. C’est la souffrance qui en résulte.

« Lorsqu’une personne se présente aux urgences, quels que soient ses antécédents de santé mentale, elle devrait recevoir les examens physiques appropriés. Il n’y a qu’en psychiatrie que le médecin traitant vous renvoie un patient directement sans avoir dressé ce tel bilan rudimentaire. Imaginez qu’un médecin des urgences vous jette un bref coup d’œil avant de vous dire “Je crois que c’est votre cœur, je vous envoie en cardiologie”. » 

Cette attitude cavalière et beaucoup trop répandue peut entraîner des conséquences désastreuses. M. Ungar connaît des cas où des patients sont morts de grossière négligence en raison de l’« occultation du diagnostic ».

« Ce phénomène se produit lorsqu’on suppose qu’un trouble physique est insignifiant parce que le patient vit avec une maladie mentale ou un trouble de consommation de substances, explique-t-il. C’est inacceptable. »

Lutter contre la stigmatisation structurelle
M. Ungar nage à contrecourant dans une discipline où la stigmatisation est enracinée si profondément et où les préjugés inconscients sont si répandus que la plupart des professionnels bien intentionnés ne se rendent pas compte de son existence.

« C’est un peu comme avec le racisme, illustre-t-il. Il n’est pas nécessaire de lancer des épithètes injurieuses ou de pratiquer des discriminations criantes pour maintenir des normes sociétales implicitement racistes. On n’est pas une mauvaise personne parce qu’on n’a pas conscience d’un phénomène, mais on ne fait pas partie de la solution non plus. C’est la même chose pour la stigmatisation. Ce n’est pas parce que vous évitez les termes péjoratifs que vous n’allez pas inconsciemment écarter un patient qui “se comporte mal” ou qui est “moralement corrompu” parce qu’il se présente d’une façon inappropriée ou inconfortable. »

La beauté de l’ignorance est qu’on peut y remédier, mais un changement de paradigme complet est une mission générationnelle que M. Ungar n’a pas le temps d’entreprendre.

« Cela ne signifie pas que je n’essaie pas, poursuit-il en riant, mais il estime que des stratégies additionnelles sont requises. Je pose la qualité des soins comme principe fondamental pour lequel nous devons nous attaquer à la stigmatisation structurelle », déclare-t-il, soulignant que la mise en place de certains dispositifs de protection des patients dans les politiques des hôpitaux pourrait être le moyen le plus rapide pour accomplir le serment d’Hippocrate.

Une nouvelle voie à suivre
« Pour qu’un facteur soit pris en compte, il faut le mesurer, souligne M. Ungar, et pas seulement dans les cas extrêmes qui déclenchent une enquête du coroner. » Il se remémore une situation où un patient est mort d’une embolie pulmonaire parce que les interrogations entourant sa santé mentale avaient éclipsé le malaise physique qu’il ressentait.

M. Ungar veut changer les règles du jeu, point à la ligne. Il veut que les hôpitaux évaluent la stigmatisation structurelle à partir de critères qui permettent de l’éliminer efficacement. « Par exemple, s’il est obligatoire que tous les patients subissent un examen physique dans la première journée suivant leur admission, il ne revient plus au médecin de juger si un examen est nécessaire. C’est une exigence. »

Pour M. Ungar, ce type d’intervention est une astuce de modification du système de soins de santé : un raccourci rapide et imparfait qu’on emprunte pour améliorer les résultats en parallèle à un travail de longue haleine mené en arrière-plan pour faire évoluer les attitudes et les comportements.

Pour aider les directions des services de santé à comprendre, à évaluer et à mesurer la stigmatisation structurelle à partir d’un cadre qui élimine les obstacles pénalisant le traitement des maladies mentales, M. Ungar travaille à élaborer des outils et de nouvelles normes en collaboration avec une équipe de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

Au sujet de ce projet, il mentionne : « Si nous arrivons à mesurer et à surveiller ces obstacles puis à les intégrer à un tableau de bord obligatoire ou à une fiche de rendement rapide, les éléments à corriger déclencheront un signal d’alarme. Je n’aurai pas à essayer de convaincre mes collègues un à la fois ou à défendre ma cause. J’en ai assez de ces négociations. »

Aux yeux de M. Ungar, c’est la voie décisive à suivre pour l’avenir. « Le travail que j’effectue avec la CSMC est le plus stimulant de ma carrière professionnelle. À ma connaissance, personne d’autre ailleurs ne travaille sur cet enjeu. C’est le genre de changement de politique progressif et réfléchi sur lequel on revient vingt ans plus tard en se demandant pourquoi on n’a pas fait le virage plus tôt. Nos pratiques actuelles nous paraîtront alors dépassées, comme les saignées le sont actuellement. »

Entre temps, M. Ungar prévoit continuer de faire usage de sa considérable influence pour dénoncer la stigmatisation partout où elle est présente. 

« Je le ferai sans aucun doute, conclut-il avec un rire, même si pour cela je dois raconter d’absurdes anecdotes de poubelles. »

Webinaire
Inscrivez-vous ici au premier webinaire sur le travail effectué par la CSMC pour enrayer la stigmatisation structurelle associée à la maladie mentale et à la consommation de substances dans les établissements de soins de santé, qui aura lieu le mardi 9 février de midi à 13 h 30 (HE), avec les professeurs Thomas Ungar, Heather Stuart, Jamie Livingston, Javeed Sukhera et Stephanie Knaak. Les participants pourront approfondir leur compréhension de la stigmatisation structurelle, en apprendre davantage sur ses sources et ses conséquences et découvrir comment s’y prendre pour l’abolir.

Surveillez cet espace
Pour le Vecteur de mars, nous nous entretiendrons avec Samaria Nancy Cardinal, défenseure des intérêts des patients, pour discuter des effets néfastes de la stigmatisation structurelle vécue par les utilisateurs du système de soins de santé.

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

Petit guide hivernal de la CSMC pour soutenir le moral des travailleurs 

Au Canada, la plupart des gens connaissent trop bien les défis physiques liés au travail pendant l’hiver. De l’habillement à la conduite automobile, il va sans dire que nous devons modifier nos comportements pour nous protéger du froid. Malheureusement, nous accordons rarement le même degré de considération à notre bien-être mental.

Cet hiver, parce que le fardeau mental pourrait être particulièrement lourd en milieu de travail, les employeurs ont intérêt à s’outiller pour être en mesure de soutenir leurs employés et eux-mêmes. 

Une nouvelle ressource pour les employeurs
Le nouveau Petit guide pour faciliter la santé mentale des employés pendant l’hiver de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) offre aux employeurs une feuille de route vers le bien-être durant la saison froide.

« De nombreux dirigeants reconnaissent que cette période de l’année peut être pénible pour les employés. Mais les outils et les ressources existants ne sont pas légion, affirme Liz Horvath, gestionnaire de la Santé mentale en milieu de travail à la CSMC. Pour aider les employeurs à réduire le temps passé à chercher des solutions et à se concentrer sur leur mise en œuvre, nous avons compilé une foule de conseils et de ressources pratiques. »

Notre petit guide pose les bases des recommandations qu’il formule en expliquant les raisons les plus communes des changements d’humeur que nous vivons pendant les mois d’hiver. Pour certains, c’est le manque de lumière alors que d’autres délaissent leurs bonnes habitudes alimentaires ou l’activité physique. Quels que soient les facteurs en jeu, leur effet cumulatif peut faire en sorte que les employés aient plus de mal à se sentir concentrés, mobilisés et productifs, et ce, tant au travail qu’en dehors du travail.

La saison du froid et de la COVID
Cette année peut être particulièrement éprouvante pour les personnes dont l’humeur est généralement maussade en hiver. Certaines difficultés sont propres à la pandémie, comme la nostalgie de la vie pré-COVID, alors que d’autres sont des soucis familiers exacerbés par la situation.

« Les travailleurs pourraient être confrontés à l’isolement social, à des pressions financières ou à l’incertitude face à l’avenir, qui sont tous associés à des résultats plus faibles en santé mentale, explique Mme Horvath. Avant la pandémie, les problèmes de santé mentale représentaient environ 30 % des réclamations d’invalidité. Mais avec le fardeau de la COVID-19, il est d’autant plus crucial de placer le bien-être mental au cœur de la culture du milieu de travail. »              

Miser sur la flexibilité
Un thème principal qui revient dans les recommandations du guide a trait à la flexibilité, qui, comme le souligne Mme Horvath, doit être personnalisée pour réduire efficacement le stress. « Il est essentiel que les employeurs établissent avec chaque personne ce que la flexibilité signifie pour elle », poursuit-elle, ajoutant que même dans les domaines où les solutions sont plus limitées, les employeurs peuvent néanmoins prendre des mesures pour s’assurer que les employés ont suffisamment de temps pour se reposer et que des mesures de clémence leur soient offertes dans la mesure du possible.

Le guide contient plusieurs suggestions pour aider les employeurs à faire preuve de plus de flexibilité. Il recommande, par exemple, de permettre aux travailleurs de modifier leur horaire et de se concentrer sur les résultats pour établir les principales priorités, en laissant tomber certaines exigences supplémentaires lorsqu’ils ont besoin de répit. Quelle que soit la forme que prend cette flexibilité, elle doit favoriser l’équilibre chez les employés, ce qui permettra de réduire leur niveau de stress excessif.

« Si nous manquons d’énergie, nous ne pouvons pas offrir un rendement aussi élevé qu’à l’habitude », souligne Mme Horvath. « Des conditions de travail flexibles peuvent donner un sérieux coup de pouce aux employés qui cherchent à trouver un équilibre dans leur vie et à améliorer leur bien-être mental au travail et à la maison. »

Des conseils pour toutes les saisons
Même si le guide est conçu dans une optique hivernale, les recommandations et les ressources qu’il contient s’appliquent toute l’année. Les conseils pour aider les employeurs à communiquer avec empathie, à offrir le type de soutien requis et à élaborer des stratégies d’adaptation continueront de les servir longtemps après le dégel.

Et à Mme Horvath de renchérir : « En prenant dès aujourd’hui les dispositions pour créer des milieux de travail axés sur le soutien, les employeurs contribueront à forger une main-d’œuvre qui sera en meilleure santé et plus résiliente à l’avenir. »

Avec ces précieux conseils, il n’y a aucune raison pour que la santé mentale des travailleurs en prenne pour son rhume cet hiver.

Auteur:

Amber St. Louis

La COVID fait ressortir la nécessité de nouvelles idées pour mieux servir la population canadienne

La Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) cherche toujours à améliorer les outils et les ressources qu’elle crée pour soutenir les fournisseurs de soins de première ligne, les décideurs politiques et les prestataires des services de santé mentale. Ainsi, pour nous aider à poursuivre notre travail de soutien aux Canadiens, nous vous invitons à répondre à un court sondage.document icon

Vos commentaires sont particulièrement importants cette année, en raison de la pandémie qui nous a obligés à sortir de notre champ de compétences habituel. Alors que nous créons généralement des informations et des outils à l’appui du changement au niveau du système, le besoin soudain de renseignements crédibles et fiables sur la santé mentale a posé un nouveau défi inattendu.

Quand la COVID a frappé et que les gens ont commencé à s’isoler chez eux, nos abonnés des médias sociaux ont commencé à nous poser des questions, notamment sur les choix des sources d’information et leurs répercussions sur le bien-être mental, sur la façon d’écouter efficacement et avec compassion ou sur la manière de composer avec un cadre familial marqué par de la violence. 

En réponse à ces questions, avec le soutien de notre réseau d’experts riche et varié, notre tout nouveau Carrefour de ressources sur la COVID-19 s’est rapidement enrichi d’une gamme de fiches de conseils et autres ressources.

Le bulletin Le Vecteur est aussi devenu un moyen de partager des renseignements pratiques sur la santé mentale, avec des articles allant de la manière d’accroître sa résilience aux conseils d’experts sur la façon de soutenir le bien-être mental des aidants.

Notre objectif est d’offrir un contenu pertinent et réfléchi au plus grand nombre de personnes possible, d’insister sur l’importance des comportements de recherche d’aide et de rappeler aux gens qu’il existe de nombreuses façons d’accéder gratuitement à des mesures de soutien en santé mentale.

Parce que nous apprécions les conseils et le point de vue des intervenants locaux, qui constatent des lacunes et des besoins différents, nous aimerions beaucoup vous entendre. Nous vous remercions à l’avance de répondre à notre sondage.

La vraie empathie ne commence jamais par « au moins »

Cet hiver, nous serons nombreux à tenter de venir en aide à des amis et à des membres de notre famille à distance. 

Or, selon Cleo Edgington, bénévole chez Jeunesse, J’écoute et coordonnatrice des Programmes de prévention et de promotion de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), « il faut de la pratique pour le faire correctement. »

Même si nous ressentons naturellement de l’empathie, encore faut-il être en mesure de l’exprimer de façon efficace, surtout au téléphone ou par message texte.

« Pour dire les choses simplement, explique Julia Armstrong, bénévole chez Jeunesse, J’écoute (et ancienne conseillère psychologique) et gestionnaire intérimaire, Santé mentale et consommation de substances à la CSMC, l’empathie ne commence jamais par “au moins”. »

Mme Armstrong fait référence à cette habitude inconsciente que nous avons d’essayer de trouver une consolation. « Nous ne nous en rendons pas compte, mais il n’est d’aucune aide de dire “au moins tu as la santé” ou “au moins tu as un foyer” à un proche qui traverse une période difficile. Non seulement ces paroles n’apaisent pas les sentiments de la personne, mais en plus, elles lui font se sentir coupable. »

L’écoute active : qu’est-ce que c’est?

Lors d’une séance de discussion vidéo avec trois employés de la CSMC œuvrant pour des services de soutien par téléphone ou par messagerie texte, il est apparu clairement que l’écoute active est une compétence que nous devons tous améliorer. Et même si nous croyons déjà la pratiquer, il n’y a pas de honte à rafraîchir ses notions de base.

« L’écoute active va à l’encontre de notre intuition, explique Mme Edgington. Nous voulons aider la personne, alors nous nous demandons comment arranger la situation. Mais ce n’est pas notre rôle. Notre rôle est plutôt de prêter une oreille attentive pour aller à sa rencontre, de valider ses sentiments et d’être présents. C’est à elle de nous dire ce qu’elle est prête à faire. »

Mme Armstrong abonde dans le même sens. « Nous ne pouvons pas porter la responsabilité pour les problèmes des autres. Cela les priverait de la confiance qu’ils gagneraient à trouver eux-mêmes des solutions. En plus, ces solutions sont propres à chacun. Il faut de l’humilité pour comprendre qu’on peut cheminer aux côtés d’une personne sans la diriger. »

La bonne façon de partager

Il y a bien des façons de soutenir les gens qui nous entourent. L’une des plus importantes, que les trois travailleurs des services d’aide téléphonique ont soulignée tout au long de la discussion, est de se retirer de l’équation.

« Il peut être tentant de dire “j’ai vécu cela moi aussi” ou “je sais comment tu te sens” ou même de faire référence à une histoire personnelle, comme “quand j’ai perdu mon animal de compagnie…”, illustre Mme Armstrong. L’intention de créer un lien avec l’autre et de réaffirmer l’expérience humaine commune est bonne. Mais en braquant les projecteurs sur nous-même, nous diminuons la douleur qui nous est dévoilée à ce moment. Au lieu de cela, si nous modifions notre démarche tout en conservant la même intention, l’effet produit sera complètement différent. » 

Mme Edgington offre quelques exemples à l’appui : « Dites simplement “ça doit être tellement difficile” ou “je peux comprendre combien cette situation est épouvantable”. »

Et soyez précis, ajoute Mme Armstrong. « Nommez les émotions, afin que la personne puisse vous corriger si vous avez tort. Si vous lui dites “c’est tout à fait naturel de se sentir déprimé”, la personne pourrait vous répondre “je ne suis pas triste, je suis fâchée!”, ce qui vous indiquerait que vous devez réorienter la conversation. »

Se retirer de l’équation

Que vous discutiez au téléphone avec votre grand-mère ou par messagerie texte avec votre neveu, le but de l’écoute active est de présenter un miroir à votre interlocuteur afin qu’il puisse voir sa situation plus clairement.

« Lorsque vous écoutez un proche, poursuit Mme Edgington, il y a une deuxième raison pour laquelle il faut éviter de rapporter son histoire à votre propre expérience : cela sous-entendrait que vous avez tous deux accès aux mêmes ressources, aux mêmes outils, que vous suivez la même trajectoire. Or, ce n’est pas nécessairement le cas. »

Mmes Armstrong et Edgington nous mettent aussi en garde contre les préjudices causés par la positivité toxique. « Dire à une personne que tout ira bien n’est pas une panacée. En fait, cela peut causer plus de mal que de bien. Parfois, nous avons traversé une épreuve et nous souhaitons faire comprendre à la personne qu’elle aussi saura surmonter ses obstacles, mais vos encouragements ne lui rendent pas nécessairement service. Ils pourraient même les faire se sentir plus mal encore », explique Mme Edgington.

Le cadeau de l’écoute

Pour Ryan Murphy, gestionnaire des Programmes de prévention et de promotion de la CSMC et bénévole aux Services aux victimes d’Ottawa et chez Jeunesse, J’écoute, la satisfaction que lui procure l’aide apportée aux autres jaillit d’une source plus profonde que la simple écoute des autres.

« Oui, on valide les sentiments de la personne. Oui, on crée un espace sécuritaire exempt de jugement. Mais surtout, on rappelle aux gens leurs propres compétences en résolution de problèmes. On réaffirme leur ingéniosité et on leur fait prendre conscience de leur propre valeur, ce qui est peut-être le plus important. Ça n’a rien d’une activité passive. »

M. Murphy a pu mettre ces notions en pratique lorsqu’il s’est retrouvé à texter avec une fillette le jour de son 10e anniversaire.

Gagné par l’émotion, il se rappelle le message qu’il a reçu d’elle comme si c’était hier. « Elle a écrit pour dire que sa fête était passée complètement inaperçue. Elle avait l’impression de n’avoir aucun ami et sa famille n’avait souligné l’événement d’aucune façon. »

Alors ils ont « célébré » ensemble, raconte-t-il. Ce qui a été vraiment une célébration, c’est que M. Murphy a pu réaffirmer à cette enfant perdue et seule qu’elle était méritante. « Je lui ai fait savoir que je l’entendais, que j’étais avec elle et qu’elle est un être humain digne de reconnaissance. »

Mme Armstrong, émue par ce récit, s’est adressée à M. Murphy : « Réfléchissez à cela un instant. C’est un cadeau merveilleux que vous lui avez fait. Elle a eu la chance inouïe que son message se soit retrouvé entre vos mains. En dépit de tout ce qui allait mal, elle repensera à cette journée en sachant que quelqu’un – une personne tout à fait spéciale et empathique – se souciait d’elle. »

Entrée en scène de la COVID

Si tous les trois affirment que leur engagement bénévole les nourrit profondément, ils admettent également que la pandémie érode la capacité de chacun à donner, incluant les personnes vers qui nous nous tournons lorsque nous avons besoin de soutien.

« Je me sens complètement revigoré après ces échanges, souligne M. Murphy, mais je n’ai pas l’endurance nécessaire pour faire autant de séances qu’avant la COVID-19. »

Mme Armstrong comprend ce sentiment. « Même si nous retirons une immense satisfaction de notre travail, nous devons connaître nos limites et nous donner la permission de respecter celles-ci. »

Ce conseil s’applique aussi à la vie privée.

« Lorsqu’on vient en aide aux autres, on doit éviter de négliger sa propre santé et son bien-être. Il est important d’écouter les autres, mais aussi de s’écouter soi-même », conclut M. Murphy.

Pour découvrir comment donner de son temps pour des personnes ayant besoin d’aide, visitez le site de Jeunesse, J’écoute.

Suzanne Westover

Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.

La CSMC soutient une gamme de ressources de prévention et de postvention en matière de suicide

La manière de réfléchir au suicide, d’en parler et de le prévenir au Canada a énormément évolué au cours des dernières années. En grande partie, cette transition s’explique par l’amélioration des pratiques journalistiques, que l’on attribue largement à un guide rédigé par et pour des journalistes canadiens, En-Tête : Reportage et santé mentale.

« Depuis son lancement en 2014, En-Tête est la meilleure ressource du genre au Canada, affirme Louise Bradley, présidente et directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Sans aucun doute, les médias jouent un rôle déterminant dans la sensibilisation du public et la formation de l’opinion publique au sujet de la maladie mentale, un fait qui met en relief l’importance de pratiques de reportage responsables et éclairées. »

Mise à jour d’une importante ressource pour les médias

Vers la fin de l’année dernière, le Forum du journalisme canadien sur la violence et le traumatisme, avec le soutien de la CSMC et de CBC News, a dévoilé la troisième édition d’En-Tête. Entre autres ajouts de taille, le chapitre sur la couverture médiatique du suicide a été considérablement étoffé afin d’aider les journalistes à explorer le sujet plus en profondeur sans causer de préjudices injustifiés.

« Ces dernières années, nous avons assisté à l’émergence d’un journalisme de fond incisif, entreprenant et primé qui a énormément approfondi la discussion sur le suicide, au grand profit du public, soutient Cliff Lonsdale, qui a dirigé l’équipe éditoriale responsable du contenu du guide. Mais les journalistes affectés à ce travail ne disposaient souvent que de peu d’indications pertinentes sur la démarche éthique à suivre dans la rédaction de leurs articles. »

Le chapitre refondu contient des recommandations aidant les journalistes à aller au-delà des incidents individuels et à fouiller les causes, à chercher à savoir quelles sont les populations courant un plus haut risque,  quelles sont les lacunes dans les politiques et quels sont les facteurs de protection, tout en insistant sur l’importance du contexte et du jugement indépendant.The Working Mind Logo

Le pouvoir du langage

Le guide rappelle aussi le pouvoir des médias à façonner le lexique public en employant un langage non stigmatisant. Par exemple, les journalistes (tout comme le reste de la population) devraient opter pour la formulation « décéder par suicide » plutôt que « se suicider », qui pose un jugement de valeur sur le geste et sous-entend une faute morale ou judiciaire. 

« Parler de maladie mentale dans toute sa richesse et avec tous les défis qu’elle comporte ne doit pas entraîner de la stigmatisation, signale André Picard, chroniqueur au Globe and Mail, dans l’avant-propos du guide. C’est plutôt une occasion rare de susciter un véritable changement social en même temps qu’une chance en or d’améliorer la pratique du journalisme. »

Pour approfondir les notions couvertes dans le guide et accéder aux ressources qu’il contient, notamment les études de cas et les vidéos, visitez le site Web d’En-Tête.

Ressources de la CSMC pour les personnes touchées par un suicide

Si une couverture médiatique judicieuse peut générer un changement radical dans notre perception collective, les personnes touchées directement par un suicide ont besoin de ressources spécialisées. De concert avec ses partenaires, la CSMC a préparé deux trousses d’outils offrant une aide concrète et plus personnalisée.

La première s’adresse aux personnes touchées par une tentative de suicide et la deuxième aux personnes endeuillées par suicide. Les deux trousses contiennent des stratégies d’adaptation et de soutien, des outils de planification de crise, des conseils sur la façon de témoigner et des messages d’espoir.

À l’échelon de l’école ou de la communauté, il n’est pas évident de déterminer la démarche à suivre après un décès par suicide (ce qu’on appelle la postvention). Le webinaire sur le Programme de postvention : Être prêt à agir à la suite d’un suicide a été conçu pour aider les communautés à se préparer et à réagir durant cette période difficile.

En plus d’offrir ses trousses d’outils et ses webinaires, la CSMC a fièrement contribué à l’élaboration d’une série de fiches d’information sur le suicide en lien avec l’intimidationla prévention des blessuresles soins tenant compte des traumatismesles personnes âgéesles minorités sexuelles et les personnes transgenres. Ces documents contiennent de l’information générale, des statistiques, des conseils pratiques et des ressources additionnelles.

Voyez la liste complète de ressources de la CSMC sur la page consacrée à la prévention du suicide.

Pour Mme Bradley, nous avons tous un rôle à jouer dans la prévention du suicide : « Mieux nous éclairerons les coins les plus sombres de la stigmatisation, que ce soit grâce à la couverture médiatique ou à la sensibilisation du public, plus nous sauverons de vies. »

On ne peut rien apprendre d’une fenêtre pop-up

Mais il y a beaucoup à apprendre de notre magazine numérique, des experts et de ceux qui ont vécu l'expérience. Recevez chaque mois des conseils et des idées dans votre boîte aux lettres électronique gratuitement!

S'abonner à Le Vecteur

This field is hidden when viewing the form