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À l’occasion des fêtes de fin d’année, ma voix intérieure se fait particulièrement critique alors que je suis partagée entre la fascination suscitée par un Noël commercial et celle, profondément ancrée, de Kwanzaa. Comment s’orienter dans le dédale des ornements tapageurs, des guirlandes clinquantes et autres atours artificiels du temps des fêtes?

Ce récit est le premier de la série consacrée à la santé mentale pendant les fêtes. Si les festivités de fin d’année peuvent être source de joie, en revanche, elles peuvent aussi éveiller des sentiments de stress et de deuil. Découvrez dans cette collection comment des personnes ont réussi à surmonter ces difficultés.

Tout commence par une joie enfantine. Une effervescence suscitée par la perspective des festivités, de la bonne bouffe, de la convivialité et, bien sûr, des cadeaux. Rien n’est aussi parfait que la période de Noël. Enfin, presque. Quelques tiraillements se mettent de la partie.

Il y a les inquiétudes causées par tant d’excès. En fait, l’inquiétude n’est pas tout à fait le bon terme. Ça ressemble davantage à une sensation de frustration qu’à de l’inquiétude – ou à de la culpabilité, en fait. Vous connaissez ce genre de pensées qui nous traversent l’esprit. Devrais-je me laisser tenter par ces délicieux biscuits? C’est Noël après tout. Combien? Probablement juste un…  mais ils sont tout petits. Quelle quantité de beurre et de sucre peuvent-ils contenir? Oh, mais ils sont tellement moelleux – et ils disparaissent si vite. C’est à peine si j’ai eu le temps d’y goûter. Je pourrais en manger deux ou trois…  et pourquoi pas dix-sept?

Puis vient la culpabilité. J’ai beaucoup trop mangé. Tout ce beurre et ce sucre. Beurk! Je crois que je sens le durcissement de mes artères. Ensuite viennent les promesses habituelles de faire mieux le lendemain. Demain, je mangerai une salade…  mais voilà que quelqu’un m’invite à bruncher. Le lendemain, je soupe avec des amis et, c’est comme ça, je ne les ai pas vus depuis une éternité. On en profite! L’alcool coule à flots! Santé tout le monde! Voilà la meilleure bouteille de rhum de ma vie! Oh, et que dire de ce Côtes du Rhône? Les remords surviennent au petit matin, exprimés de cette voix éraillée que je ne réserve que pour moi-même. Encore raté! Mais la valse entre le plaisir et le châtiment ne fait que commencer.

Je suis charmée par le strass et les paillettes. Toutes ces couleurs et cette luxuriante verdure parfumée. Des dizaines d’ampoules lumineuses tapissent chaque pièce de la maison, évoquant le décor d’un conte de fées. J’adore cette ambiance chaleureuse de Noël. Mais est-ce excessif? Combien de guirlandes puis-je installer avant qu’il y en ait trop? Ces parures sont-elles élégantes ou de mauvais goût? Que signifie l’expression « moins, c’est mieux »? Qu’est-ce que les décorateurs pensent de ce concept?

ornamental candy cane

Je ne tarde pas à me plonger dans les magazines de décoration, chacun offrant des conseils contradictoires. Ma maison n’est pas très grande, et je n’ai pas une flopée de volontaires à ma disposition pour l’ornementer. Quelqu’un pourrait-il aussi m’expliquer pourquoi je voudrais un sapin tout blanc? Ou un complètement rouge? Tout cela ressemble davantage à une stratégie de marketing qu’à la fête de Noël. Une approche plus traditionnelle serait-elle préférable? Honnêtement, pour moi, le chapelet de maïs soufflé suspendu ressemble plutôt à un vecteur d’infestation de souris. Qui plus est, la façon dont le chien reluque le bol de maïs soufflé me pousse à croire que je devrai surveiller le sapin 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Tout cela semble inutilement formel et contraignant. J’ai peut-être un côté démodé.

Combien coûte l’achat de décorations, de nourriture, de cadeaux? Beaucoup trop. Pas assez? Combien de familles se privent alors que je gaspille de l’argent pour acheter les objets les plus inutiles qui soient? Je regarde mes cloches argentées soigneusement posées à côté de mon renne doré et de mon grand bol de babioles scintillantes et je me demande si cet argent n’aurait pas été mieux dépensé à faire un don? Suis-je égoïste et égocentrique?

Toutes ces préoccupations marquent la culmination de mes névroses, dans une période communément appelée le temps des fêtes.

À tout cela s’ajoute une culpabilité secrète que je porte dans mon cœur. La culpabilité d’être Noire et de célébrer Noël – je me plais à la surnommer « ma culpabilité de Kwanzaa ». Ce sentiment s’éveille en moi déjà quelques mois avant la célébration de la culture Afro-Américaine, qui se déroule sur une semaine à partir du 26 décembre. Pourquoi cette culpabilité? Parce que je ne participe pas aux festivités de Kwanzaa. Je ne suis même pas certaine d’en avoir envie. Pourtant, un tel aveu de la part d’une femme Noire fière et – j’aime à le penser – progressiste, peut équivaloir à proclamer mon statut de « biscuit Oreo » ou de « noix de coco », c’est-à-dire une personne noire à l’extérieur, blanche à l’intérieur.

Kwanzaa n’est pas censé remplacer Noël, mais le moment de son arrivée fait tout de même naître une certaine compétition. Voilà une rivale plus saine et plus réfléchie. Alors que je me frotte les mains en attendant avec gourmandise les plats riches et les desserts copieux qui caractérisent ma gloutonnerie de Noël, je devine le contraste des mets que goûteront mes sœurs de Kwanzaa : des fruits, des légumes et du maïs. La culpabilité m’étreint.

La fête de Kwanzaa est une création judicieuse d’une personne Noire issue du milieu universitaire. Essentiellement, il s’agit de célébrations axées sur le recueillement, puis de sept soirées où l’on porte un toast à la diaspora Noire et à notre capacité à triompher d’innombrables combats. Elle s’impose doucement, porteuse d’aspirations comme l’unité, l’autodétermination, le travail collectif, la responsabilisation, la coopération économique, la raison d’être, la créativité et, avant tout, la foi. À l’occasion de Kwanzaa, on offre des cadeaux faits maison et on évite le mercantilisme. On remplace les jeux de lumière par sept bougies allumées.

Pourtant, en dépit de la qualité du message et des valeurs positives véhiculées par cette fête, je l’évite, préférant adhérer à une tradition qui suscite en moi des interrogations quant à la présence ou non de Noirs parmi les rois mages.

Ma culpabilité à l’égard de Kwanzaa ne date pas de sa création dans les années 1960 ni de sa montée en popularité dans les années 1990. Non, mon amour – ou pour parler franchement, ma haine – de Noël a commencé quand j’étais enfant. Personne dans ma famille ne ressemblait au Père Noël et, jusqu’à très récemment, tous les anges des sapins avaient une chevelure dorée et des pommettes roses. Comme j’ai été dotée de mon premier foyer à l’âge de 28 ans, il n’y avait aucune chance que le Père Noël descende par la cheminée quand j’étais gamine. Et la Barbade, lieu de résidence de ma famille, est dépourvue de tout sapin. En fait, entre le gui, les atocas, la farce et la dinde, les coutumes liées à Noël ont été pour ma famille autant d’occasions de découvrir de nouveaux horizons. Cela dit, nous avons adopté ses coutumes et, avec le temps, nous les avons faites nôtres.

Ainsi, chaque année, je sors toutes les boîtes de décorations de Noël de mon sous-sol. J’installe des lumières à l’extérieur et à l’intérieur de ma maison, et je chante et danse – comme Carlton dans la série télévisée Le Prince de Bel-Air – sur des cantiques d’allégresse. Merci, Sir Paul McCartney, de me laisser vous accompagner à la chansonnette, sur cette incontournable ritournelle qu’est Wonderful Christmastime. Bien que les intentions de Kwanzaa soient louables, les traditions qui y sont rattachées me sont encore plus étrangères que celles de Noël. Pourquoi devrais-je renoncer à mes traditions et à celles de toute une vie?

Certes, je n’en suis pas une, mais, comme toute bonne chrétienne, j’ai appris à adapter les traditions de Noël à mes propres besoins culturels. Donc cette année, nous servirons des plats composés de riz et de pois, de poisson et de queue de bœuf. Je consulte le programme Weight Watchers pour trouver des recettes festives, mais équilibrées et, bien que nous disposions d’une jolie cheminée, nous accrocherons nos bas de Noël le long de la rampe d’escalier près de la porte d’entrée. Comme d’habitude, la cime de notre sapin sera ornée d’un couple de tourtereaux étincelants plutôt que d’un ange.

Chaque année, je trouve de nouvelles façons de m’approprier cette période des fêtes, en ajoutant quelques touches qui me ressemblent et en retirant tout ce qui reflète une mentalité coloniale. Au fur et à mesure que j’adapte chaque facette de Noël à ma situation et à mes aspirations, j’apprends à faire la paix avec les autres aspects de cette fête qui revêtaient autrefois une signification différente. Avec un peu de chance, les seuls biscuits Oreo chez moi seront ceux que je dégusterai en regardant un film de Noël sur la chaîne Hallmark. Joyeuses fêtes!

Voici d’autres ressources pour favoriser votre bien-être pendant les fêtes :

Comment redonner (ou demander de l’aide) durant la période des fêtes (Commission de la santé mentale du Canada)
Cinq façons de protéger votre santé mentale durant le temps des fêtes (Association canadienne pour la santé mentale)

Auteure: , spécialiste des communications, réside et travaille à Ottawa.

Debra Yearwood

Professionnelle des communications qui compte plus de 20 ans d’expérience en tant que cadre dans le secteur de la santé, est passée maître dans tous les domaines, du marketing social aux communications en période de crise. Lorsqu’elle ne siège pas au conseil d’administration de PartenaireSanté ou de Top Sixty Over Sixty, elle se consacre à l’écriture de son livre sur l’épanouissement des personnes âgées (pourquoi s’arrêter maintenant?). Cadre certifiée en santé le jour, militante de la diversité et collaboratrice de magazine la nuit, Debra est celle à qui l’on fait appel lorsque vient le temps d’expliquer ou de résoudre un problème.

Quitter un partenaire intime violent nécessite un réseau de soutien

La veille du jour où j’ai mis fin à ma relation, je ne vous aurais pas cru si vous m’aviez dit que j’étais victime de violence conjugale. En y repensant, je comprends que plusieurs raisons et facteurs complexes étaient impliqués, comme la façon dont les personnes vivant la violence (physique, mentale ou émotive) peuvent normaliser leur situation.

« Ce n’est pas si terrible, les choses vont s’améliorer quand il obtiendra cette promotion, trouvera un meilleur emploi ou reviendra de ce voyage… » Vous voyez ce que je veux dire. Si vous attendez que la situation s’améliore, le risque de la voir se détériorer davantage, par des épisodes d’abus plus fréquents et plus violents, ne fait que croître.

Je comprends aussi que normaliser la situation est un mécanisme de défense tout à fait habituel. Il peut être difficile d’accepter que vous vivez une situation qui met votre vie en danger. J’en sais quelque chose, parce que je l’ai moi-même vécu. Mais la normalisation peut vous garder coincé dans un contexte dangereux, surtout si votre partenaire est manipulateur. Ces personnes sentent quand vous prenez vos distances ou songez à les quitter. Elles redoublent alors d’efforts afin de reprendre leur emprise sur vous, que ce soit par une ambiance de lune de miel, des fleurs ou de grandes démonstrations d’affection.

J’ai enduré deux années d’abus avant de me réveiller un matin en sachant que je devais mettre fin à ma relation, coûte que coûte. C’est comme si mon instinct de survie venait de se réveiller après avoir sommeillé pendant des mois. Bien que j’avais songé plusieurs fois à partir et même menacé de le faire en quelques occasions, les choses avaient changé. J’avais soudain compris avoir atteint le point de non-retour.

Les gens qui n’ont jamais vécu de telles expériences se demandent pourquoi les personnes en pareille situation choisissent de rester ou ont peine à partir. Je ne crois pas qu’il y ait de réponse facile à cette question. Souvent, l’agresseur exerce un contrôle très strict sur l’autre, sur ses finances, sur ses enfants et sur la dynamique familiale.

Le sentiment de honte est aussi un facteur important. Il est très courant dans de telles relations de ressentir de la honte de subir et de supporter l’abus. Une personne abusée s’imputera souvent le blâme, parfois de façon inconsciente. Et les partenaires violents blâment souvent la personne abusée pour leur propre comportement.

L’abus est beaucoup plus fréquent que vous ne pourriez le penser, sans égard à l’âge, au genre, à la culture, à la nationalité et au statut socioéconomique. Pour une personne aux prises avec l’abus et tous les dilemmes qu’il entraîne, le problème peut sembler insoluble en soi. L’agresseur a défini et affirmé les règles de la relation et la personne qui souhaite la fin de l’abus n’y voit pas d’issue. En fait, il n’y en a pas. Pas avant qu’elle ne franchisse le point de rejet de toute la dynamique de pouvoir et qu’elle n’accepte les conséquences de son départ. Et ces conséquences peuvent être lourdes. Parfois, les personnes qui fuient une situation d’abus ressentent une perte à plusieurs niveaux : matériel, social, émotif et personnel.

La famille et les amis se disent souvent surpris lorsqu’ils se rendent compte de l’abus. Bien que ce soit en partie dû au silence et à l’isolement alimentés par la honte, la plupart du temps, c’est parce que l’agresseur fait de grands efforts pour contrôler son image, sa réputation et la trame narrative de la relation. En dépit de ces efforts, l’abus laisse presque toujours des indices. Mais les gens ne les reconnaissent habituellement pas, ou choisissent de les négliger ou de ne pas en tenir compte.

Une question d’instinct
Mon partenaire abusif était un grand manipulateur, insensible, égocentrique et contrôlant. Une des façons dont il contrôlait la trame narrative de notre relation était en remettant constamment en question mon engagement. Même après avoir aménagé avec lui et lui avoir prêté de grosses sommes d’argent, il se plaignait fréquemment de mon « manque d’engagement ». Il se décrivait comme une victime de mon égoïsme indifférent.

Blâmer ainsi la victime est une arme de prédilection pour les partenaires abusifs. Un autre mécanisme qui consiste à déformer la vérité est surnommé « gaslighting », d’après le film Gaslight (Hantise en français). Dans ce film, une jeune épouse est manipulée par son mari qui lui fait croire qu’elle perd la raison. Dans une relation troublée, ce terme fait allusion à la manipulation et à l’abus émotionnels si intenses que le partenaire commence à douter de son propre sens de la réalité. C’est un moyen de conserver le contrôle sur la relation et de conserver l’accès aux ressources comme l’argent, l’affection, l’attention, l’énergie, la validation, l’admiration et le respect.

Le jour où je me suis réveillée et où j’ai décidé de partir, je devais trouver un moyen de maintenir le cap. Je savais aussi que je risquais de perdre mon sang-froid et ma détermination. Bien que j’étais capable de reconnaître ma fragilité et mon instabilité émotionnelle, j’avais de la difficulté à penser clairement (un effet psychologique du traumatisme constant). Mais c’était le moment ou jamais. Je devais agir rapidement, car mon partenaire s’apercevrait rapidement de quelque chose. Je n’avais pas la possibilité d’appeler un numéro 1-800 ou de faire une recherche sur Google. Si vous m’aviez dit qu’il me fallait un plan d’urgence, je n’aurais pu vous offrir qu’une page blanche. Tout ce que je savais, c’était que je devais quitter, car ma vie en dépendait. Pour cette raison, je suis passée en mode survie, ce qui m’a permis de formuler un plan et de le mettre en action.

J’ai pris quelques journées de congé au travail (j’avais réussi à conserver une carrière prospère malgré ma situation) et j’ai commencé à chercher un appartement à louer. Bien que j’aie réussi à obtenir le premier appartement convenable que j’ai trouvé, celui-ci n’était pas disponible immédiatement. J’ai donc loué un espace d’entreposage pour mes affaires et une chambre d’hôtel pour moi tout en pensant : Comment une personne ayant moins de moyens que moi pourrait-elle gérer tout ça?

Pour les plus gros articles, j’ai réservé des déménageurs pour une journée où mon partenaire était au travail. Mais mon plan a connu un raté. Au lieu d’informer la compagnie de déménagement que je fuyais une relation abusive, je leur ai simplement dit que ce serait un petit déménagement. J’ai commis une grossière erreur en supposant qu’ils se présenteraient à l’heure convenue; ils sont arrivés avec quatre heures de retard. J’ai donc dû laisser la plupart de mes choses, enfin presque tout ce que je possédais, derrière.

Comment offrir de l’aide
Si vous connaissez (ou si vous soupçonnez) une personne de vivre ce type de situation dangereuse, la meilleure façon d’aider est d’offrir d’écouter. Il est aussi important de le faire de façon sincère. Ne vous contentez pas de l’offrir une fois et de disparaître. Persistez. Avec une personne victime d’abus, il faut parfois plus d’une tentative pour qu’elle se confie à vous. En agissant comme un simple passant et en évitant d’agir, vous pourriez involontairement contribuer à l’abus. Si vous voyez quelque chose, dites quelque chose.

Un partenaire abusif peut faire preuve de colère ou avoir un tempérament explosif et imprévisible. Il peut vous blâmer pour ses poussées de violence et vous blesser physiquement (ou menacer de le faire), vous, lui-même, ou les membres de votre ménage, y compris les enfants et les animaux. Il peut vous humilier ou vous rabaisser en insultant votre apparence, votre intelligence ou vos intérêts. Il peut tenter de vous humilier devant d’autres personnes et tenter de détruire vos biens ou des objets auxquels vous tenez. Il peut surveiller tout ce que vous faites, insister pour que vous répondiez immédiatement à tous ses textos, courriels et appels et exiger de connaître vos mots de passe sur les médias sociaux, le courriel ou d’autres comptes.

Comment reconnaître les indices d’abus chez une personne de votre entourage :

  • La personne vérifie constamment l’heure et est attendue à la maison à une heure précise.
  • La personne est toujours en communication par texto ou téléphone avec son partenaire quand ils ne sont pas ensemble.
  • La personne consulte toujours son partenaire avant de prendre une décision.
  • La personne devient distante quand vous communiquez avec elle.
  • La personne perd son intérêt pour les passe-temps et les activités.
  • La personne ressent de la tristesse inexplicable, accompagnée de pleurs ou de colère.
  • La personne fait tout en son pouvoir pour que l’agresseur fasse bonne figure.
  • La personne cesse de s’occuper de ses propres besoins mentaux, émotionnels, physiques et spirituels.
  • La personne prend ses distances de votre amitié, n’appelle plus, ne vous visite plus et coupe la communication.
  • La personne ne participe plus aux événements sociaux et aux réunions familiales.

Si la sécurité d’un(e) ami(e) vous préoccupe, restez en contact. Afin de garder les voies de communication ouvertes, évitez d’éveiller les soupçons de l’agresseur. Vous pouvez convenir de mots de code secrets que vous utiliserez dans vos conversations afin de vous aider à communiquer de façon plus sécuritaire. Demandez à votre ami(e) quel est son moyen favori pour le (la) rejoindre. Il est important de disposer d’un canal de communication sûr, car dans bien des cas, la personne se trouve à proximité de l’agresseur qui pourrait surveiller les conversations. Demandez à votre ami(e) s’il est préférable de communiquer par texto plutôt qu’au téléphone ou sur une plateforme ou une appli spécifique. Apportez-lui du soutien et croyez ce qu’elle vous dit. Rassurez la personne en lui disant qu’elle n’est pas seule et qu’il existe de l’aide et du soutien. Sachez reconnaître qu’il peut être difficile pour elle de parler de l’abus. Si elle souhaite en parler, écoutez attentivement et soyez empathique.

Les seize jours
La Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, le 6 décembre, sert à commémorer celles qui ont vécu la violence fondée sur le sexe. Elle sert aussi à passer à l’action. Tous les 6 décembre, les gens de tout le Canada sont invités à se souvenir des 14 femmes assassinées à l’École Polytechnique de Montréal ce jour-là en 1989 et à leur rendre hommage, pendant les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, du 25 novembre au 10 décembre.

Renseignez-vous
Consultez le plan ministériel de Femmes et Égalité des genres Canada : Il est temps : la Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe.

Consultez le programme ACT (sensibilisation, collaboration et outils) de Humane Canada (en anglais seulement), qui offre des services de planification et de soutien pour la sécurité des femmes avec animaux (de compagnie, de ferme ou de service) aux prises avec la violence fondée sur le sexe.

Ressources
Comment reconnaître les signes d’abus : Foire aux questions : Quels sont les signes d’une relation abusive?, d’ONU Femmes.

Services de soutien dans tout le Canada par la Fondation canadienne des femmes.

Auteure : [Nom confidentiel] continue de réfléchir et de partager son expérience vécue afin de sensibiliser à la violence conjugale.

Il n’est pas évident de commercialiser un ouvrage consacré à la dépression chez les enfants, et pourtant, ce sujet est d’une importance majeure. Retour sur la rédaction et l’autopublication du livre The Semicolon [qui signifie le point-virgule].

Quand je repense aux innombrables refus essuyés pour The Semicolon, deux me viennent à l’esprit. Tout d’abord, celui d’un agent littéraire incrédule qui se demandait pourquoi j’avais choisi la dépression comme sujet de lecture pour des enfants. Puis un deuxième, encore plus tranchant, m’a dit sans détour : « La partie consacrée à la santé mentale des enfants ne m’intéresse pas du tout. »

Les refus sont inhérents à mon métier d’écrivaine, et je suis la première à admettre que ma proposition était inhabituelle. J’ai eu envie de la mettre sur papier après avoir lu un article sur Amy Bleuel, du « Project Semicolon », et les autres militants de la santé mentale qui ont adopté le point-virgule comme symbole d’espoir et de résilience dans le cadre d’initiatives de prévention du suicide. Bon nombre de ces personnes se sont fait tatouer un point-virgule pour manifester leur solidarité envers la cause, ou pour marquer leur propre expérience de survie. Ce geste est motivé notamment par la fonction du point-virgule : il représente la continuité d’une phrase plutôt que sa fin. Cette symbolique m’a interpellée, non seulement en tant qu’autrice, mais aussi parce que, ayant traversé une grave dépression dans ma vingtaine, je suis convaincue que la maladie mentale est tout aussi incomprise que la grammaire.

Je cherchais un moyen de reprendre ce brillant concept du point-virgule afin de le présenter, d’une manière non didactique et bien adaptée à leur âge, à de jeunes lecteurs pouvant eux-mêmes éprouver des troubles de santé mentale.

Pour autant, mon choix n’a pas été facile. Le marché des livres jeunesse est déjà particulièrement difficile à conquérir pour les auteurs qui n’illustrent pas leurs propres œuvres, et voilà que je proposais une histoire portant sur un sujet délicat et raconté de manière abstraite. Néanmoins, je refusais de sous-estimer la sensibilité et la capacité des enfants à imaginer et à réfléchir, et ce même s’ils ne connaissent pas le point-virgule. Mon concept a peut-être rebuté les agents littéraires, mais je le voyais s’inscrire dans une catégorie de livres illustrés traitant de thèmes difficiles et destinés à être lus – et à susciter des discussions – avec les enfants, et ce, aux côtés d’ouvrages tels que The Scar de Charlotte Moundlic et Virginia Wolf de l’autrice canadienne Kyo Maclear.

Qui plus est, il s’agissait (et il s’agit toujours) d’un sujet qui doit absolument être abordé.

Britt Sayler

Britt Sayler

Même avant la pandémie, le CDC évaluait à 2 % la prévalence de la dépression chez les enfants âgés de six à onze ans (et à plus du triple chez les adolescents). Au dire de tous, la santé mentale des enfants n’a fait que se détériorer depuis. La société Kidthink, basée au Manitoba, estime maintenant que de 10 à 20 % des très jeunes enfants au Canada vivent des troubles de santé mentale. De plus, en octobre, la Société canadienne de pédiatrie signalait que les jeunes doivent attendre de plus en plus longtemps pour obtenir des soins de santé mentale.

À la lumière de ce qui précède, en quoi le fait d’écrire sur la santé mentale pour un jeune public était-il si tabou? Avait-on peur des mots? Était-ce parce que, en tant que société, nous nous accrochons encore à l’idée que l’enfance est une période joyeuse et insouciante? Ou encore, était-ce précisément le sujet de la dépression, plutôt que la santé mentale en général, qui posait problème?

Plus d’une fois, on m’a conseillé de présenter mon livre comme un ouvrage sur le deuil, puisque la dépression du personnage principal fait suite à la perte d’un parent (les bouleversements de la vie sont souvent des déclencheurs). Pour moi, cette approche passait à côté de l’essentiel. Finalement, j’ai décidé de m’autopublier. Il m’était impossible d’occulter le propos même que je tentais de faire entendre.

Venir en aide aux enfants en difficulté
Même pour les enfants, la dépression peut s’avérer accablante. Je voulais saisir cette réalité (littéralement, un gouffre vertigineux fait partie intégrante du livre) et interpeller les lecteurs sans pour autant leur faire la morale. Autrement dit, l’histoire d’abord, le message ensuite. Je tenais aussi à croire en la capacité des enfants à assimiler de nouveaux concepts, en espérant offrir une leçon durable.

Évidemment, faute d’un accès presque automatique aux écoles et aux bibliothèques, dont bénéficient les maisons d’édition établies, il devient difficile de rejoindre les enfants. De manière générale, je m’inquiète de la marchandisation de la santé mentale, mais pour que mon livre parvienne à ceux qui en ont besoin, je devais le commercialiser.

Les professionnels de la santé mentale qui travaillent auprès des enfants constituent une clientèle toute désignée. Mais tout aussi importants sont les parents, les enseignants et le personnel soignant qui ont vécu de près la maladie mentale – notamment le rétablissement après une dépression – ou qui sont familiers avec les tatouages de points-virgules. Le fait est que la plupart des livres illustrés sont vendus à des adultes qui les lisent aux enfants, et les personnes ayant un savoir expérientiel passé et présent peuvent se révéler les porte-parole les plus passionnés.

Le plus grand obstacle à franchir sera de faire parvenir le livre aux enfants qui en ont besoin maintenant, et pas seulement à ceux qui risquent de souffrir de dépression à l’avenir. Il peut être pénible de constater qu’un jeune enfant de son entourage est déprimé. En outre, la dépression se présente rarement de la même manière chez les enfants que chez les adultes – un constat que les experts consultés pour écrire ce livre ont clairement établi. Il nous arrive tous d’avoir du mal à gérer nos émotions, mais les enfants sont encore en train de se forger une conscience de soi et un vocabulaire pour les communiquer. Il appartient donc aux adultes de repérer les signes.

Comme les jeunes 2SLGBTQ+ courent un risque plus élevé de dépression et de suicide que leurs pairs, j’ai également pris la décision délibérée de ne pas préciser le sexe de l’enfant qui raconte l’histoire. Le vocabulaire est neutre et les illustrations sont ambiguës pour laisser à chaque lecteur la possibilité de percevoir le personnage principal au gré de ses besoins.

Maintenant que The Semicolon est disponible, j’espère qu’il se taillera une place parmi le nombre croissant de livres illustrés consacrés à la santé mentale. La plupart d’entre eux se concentrent sur des aspects du bien-être tels que la conscience émotionnelle, l’autorégulation et l’estime de soi; je voudrais que le mien fasse la lumière sur la prévalence de la dépression infantile et approfondisse la compréhension que la société a de ce phénomène, sans pour autant le banaliser. Il y a une différence entre une tristesse passagère et une dépression, tout comme il y a une différence entre une inquiétude normale et une anxiété chronique.

J’espère que ce livre, conçu pour les enfants, pourra lancer des discussions et aider les lecteurs à acquérir des notions durables en matière d’émotions douloureuses, mais il convient néanmoins de replacer ces ouvrages dans leur contexte. Ils ne remplacent en aucun cas un éventuel diagnostic ou un traitement. Ce sont des outils destinés à aider les enfants à devenir la version la plus saine possible d’eux-mêmes – des ressources inestimables dont nos jeunes ont de plus en plus besoin.

Autres lectures

Parler du suicide aux enfants

Prévention proactive : un modèle pour mettre fin à l’intimidation.

Auteure: . Le livre, The Semicolon, est désormais disponible chez FriesenPress.

Britt Sayler

Illustration : Dorota Rewerenda

Crédit photo : Andrea Gray, Trio Photography

Parlons de la santé mentale au football

Quand on pense au monde du sport professionnel, on imagine des stades pleins à craquer, des supporters en délire et des contrats mirobolants pour les athlètes les plus célèbres, qui font preuve d’une adresse et d’une endurance incroyables. Mais cette image de joueurs réalisant le rêve d’une vie ne correspond pas toujours à la réalité et ne dépeint pas les difficultés que rencontrent nombre d’entre eux pour préserver leur bien-être mental. La vérité, c’est que de nombreux athlètes d’élite souffrent. À l’approche de la 109e Coupe Grey, Le Vecteur s’intéresse à la façon dont des organisations comme les Saskatchewan Roughriders s’associent à d’autres pour s’attaquer à ce problème.

Selon une étude récente parue dans Psychology of Sport and Exercise, plus de 40 % des 186 athlètes de l’équipe nationale d’élite du Canada « répondaient aux critères d’un ou plusieurs troubles mentaux », le stress et la charge d’entraînement étant « des facteurs prédictifs importants de dépression et d’anxiété ». Pour en comprendre la cause, il est essentiel de reconnaître les réalités auxquelles les athlètes sont confrontés, tant sur le terrain qu’en dehors.

Avant de devenir des professionnels ou des amateurs de haut niveau, les athlètes doivent faire leurs preuves dans les ligues juniors, universitaires et semi-professionnelles. Cela implique souvent de devoir concilier leurs aspirations sportives avec leurs obligations scolaires, professionnelles et familiales, sans compter la notoriété grandissante qui vient avec le succès.

« C’est parfois pénible », a déclaré Ty Logan, ancien athlète universitaire et actuel défenseur professionnel des FireWolves d’Albany de la National Lacrosse League. « Durant les études, on passe nos fins de semaine à voyager d’une ville à l’autre dans un autobus bondé, tout en essayant de terminer nos devoirs et de rattraper les cours qu’on a manqués pendant la semaine. On passe de longues soirées à la bibliothèque, et on se lève tôt le lendemain pour aller au gym. Si on gère mal notre temps, il est facile de prendre du retard dans un domaine ou dans l’autre. »

Notre valeur ne repose que sur notre dernier match
Les attentes à leur égard, qui s’ajoutent aux multiples obstacles et responsabilités, peuvent constituer une énorme source de stress pour les jeunes athlètes. « La pression est vraiment grande, des deux côtés, souligne Ty Logan. Même quand on devient professionnel, il n’y a pas de jours de repos, et on ne sait jamais quand on a signé notre dernier contrat ou joué notre dernier match dans la ligue. Il faut essayer de faire abstraction du monde extérieur et se concentrer pour jouer de son mieux. »

Cette pression s’intensifie pour les athlètes de la relève, dont les chances de devenir professionnels dans un sport donné sont de plus en plus minces. Selon la National Collegiate Athletic Association, environ 4 % de tous les athlètes universitaires atteindront une ligue professionnelle ou le niveau olympique. Ils sont encore moins nombreux à y rester pour plus de quelques matchs.

L’esprit au travail sports

Lorsqu’un grand groupe d’athlètes très motivés et compétitifs se battent pour un nombre limité de places, avec la promesse de la fortune et de la gloire en jeu, il est facile de voir comment la pression peut monter pour les athlètes professionnels de demain. Si l’on ajoute à ce scénario la nécessité de conserver de bonnes notes et d’occuper un emploi à temps partiel pour aider à payer les factures, les risques pour le bien-être mental deviennent parfaitement évidents.

À la lumière de tout cela, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a adapté le programme de formation L’esprit au travail (EAT) pour aborder ces questions. Les modules de L’esprit au travail sports sont axés sur des exercices pratiques basés sur des scénarios faciles à mettre en application pour les athlètes et les entraîneurs, qui s’appuient sur les voix des personnes ayant un savoir expérientiel passé ou actuel de la maladie mentale.

La recherche montre que les entraîneurs assument plusieurs rôles – motivateurs, conseillers, substituts parentaux – qui exigent tous un travail émotionnel considérable. Et les athlètes doivent bien comprendre leur santé mentale – et celle de leur entourage – pour maximiser leurs capacités. Pour répondre à ces exigences, chacun des cours de L’esprit au travail sports fournit des outils et des compétences permettant de faire face aux situations difficiles et de soutenir ses coéquipiers – des aptitudes qui s’appliquent aussi bien aux personnes qui jouent dans les ligues de garage et les ligues récréatives qu’aux athlètes de haut niveau.

Une nation d’athlètes
Selon un sondage mené par Statistique Canada en 2016, 27 % des personnes de 15 ans et plus pratiquent régulièrement un sport. Cela représente plus de huit millions de personnes dans tout le pays qui pratiquent une activité sportive sous une forme ou une autre pour s’amuser et pour garder la forme et la santé physiques. Mais au-delà de l’individu moyen, la tendance s’inverse. Pour les athlètes d’élite qui consacrent leur vie à la compétition professionnelle, le sport peut passer d’une influence positive sur la santé physique à un danger pour le bien-être mental. Notamment, lorsqu’il s’agit de sacrifier ses amitiés et sa vie personnelle à la quête de l’excellence sportive.

Il s’agit de l’une des nombreuses conclusions qui ont été tirées lors du processus d’élaboration de L’esprit au travail sports. La CSMC s’est associée à la Saskatchewan Roughrider Foundation pour mettre le programme à l’essai auprès des joueurs et des entraîneurs, ainsi que d’autres athlètes d’élite des communautés de la Saskatchewan.

Quand Cindy Fuchs, directrice générale de la fondation, a vu le potentiel d’un programme L’esprit au travail conçu spécifiquement pour les athlètes et les entraîneurs, elle a immédiatement contacté la CSMC pour savoir comment elle et son équipe pouvaient s’impliquer.

« La Roughrider Foundation est vouée au soutien de la santé, de l’éducation et du football amateur dans nos communautés locales, et le programme L’esprit au travail sports cadre parfaitement avec ces piliers », a-t-elle déclaré. Pour Mme Fuchs, L’esprit au travail s’inscrit également dans le prolongement des autres initiatives de la fondation, notamment Win with Wellness et Game Changers Playbook, un projet de collaboration avec le ministère de l’Éducation de la Saskatchewan visant à améliorer le bien-être mental des jeunes dans la province.

Tout au long de la phase pilote, les répercussions positives des séances ressortaient des commentaires reçus des participants. « Cela les obligeait à réfléchir à leur propre bien-être mental, a‑t‑elle indiqué. Je crois que beaucoup de joueurs ne se rendaient pas compte du stress qu’ils subissaient avant d’y réfléchir. »

En appliquant, lors de ses routines de jeu, une technique de respiration « carrée » apprise dans le cadre du programme, un botteur a également pu améliorer ses performances sur le terrain. Le programme a aussi eu un impact positif sur le moral de l’équipe.

« On voit que les joueurs qui ont suivi la formation ont un lien particulier, a ajouté Mme Fuchs. Ils savent qu’ils peuvent exprimer ouvertement ce qu’ils ressentent aux autres sans aucun jugement. »

C’est ce sentiment d’ouverture – et la déstigmatisation de la santé mentale dans le sport – qui a incité la fondation à faire la promotion du programme et à assumer la totalité du coût de la formation L’esprit au travail sports pour tous les athlètes universitaires de la Saskatchewan.

En commençant par l’Université de Saskatchewan, tous les étudiants-athlètes – tous sports confondus – pourront suivre le programme. De plus, tous les joueurs des Roughriders qui livrent des présentations dans le cadre des programmes scolaires de la fondation suivront une formation leur permettant de partager avec les jeunes de la communauté les leçons qu’ils ont apprises pendant le cours.

« Le programme est si efficace que nous voulons que le plus grand nombre possible d’athlètes ait la chance de le suivre, a déclaré Mme Fuchs. Ne serait-ce pas génial qu’un joueur puisse dire à son entraîneur qu’il ne se sent pas bien sans craindre d’être mis sur la touche ou à l’index? Le respect mutuel et l’ouverture permettent ce dialogue entre les deux parties. »

Auteur: est un spécialiste en marketing et communications à la Commission de la santé mentale du Canada. Diplômé de la Sprott School of Business de l’Université Carleton, Eric possède une vaste expérience du monde du sport et du divertissement. Eric est le cofondateur de mssn, une marque dédiée à la collecte de fonds et à la sensibilisation à la santé mentale au bénéfice des jeunes dans la région d’Ottawa.
Photo: Le joueur ambassadeur Mitch Picton, des Saskatchewan Roughriders, dirige une présentation sur le bien-être à l'école communautaire Sacred Heart, à Regina.

Un terme plus large permet de saisir la grande diversité au sein des communautés. Pourquoi utilisons-nous « ACN » au lieu de « Noir »?

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

Au début de 2021, la Commission de la santé mentale du Canada a modifié ses lignes directrices linguistiques et a commencé à utiliser les termes « Africain, Caribéen et Noir » (ACN) pour désigner les membres de la diaspora qui étaient souvent regroupés sous l’appellation « Noirs ». Avant ce changement, le terme « Noir » s’appliquait de manière générale à toute personne à la peau foncée, quels que soient son patrimoine ou son identité culturelle. Imaginez les différences d’expériences et de perceptions entre un Néo-Écossais Noir dont la famille vit au pays depuis plusieurs générations et un nouvel arrivant de Gambie.

Bien que ma famille soit originaire de la Barbade, je suis née à Londres (Angleterre) et j’ai grandi à Montréal. Je m’identifie comme une femme Noire, une Canadienne et une Caribéenne, et je ne ressens aucun conflit entre ces titres croisés. À d’innombrables reprises, des gens ont tenté de m’altériser par des commentaires ou des questions que l’on appelle maintenant des microagressions. « Vous parlez si bien », m’a dit un jour l’un d’entre eux, surpris comme si, malgré le fait que je fréquente les mêmes écoles et reçoive la même éducation que les autres depuis l’âge de trois ans, le fait d’être Noire allait miner mes apprentissages. Ma préférée demeure la question suivante : « D’où venez-vous vraiment? », car Montréal et Londres ne correspondent pas à la réponse attendue.

Language Matters

Mes origines caribéennes m’ont souvent servi de refuge face à cette insistance à croire que je n’étais pas Canadienne. J’imagine que pour les personnes qui sont nées et qui ont grandi au Canada, dont les parents et les grands-parents ont le même vécu qu’eux, ces questions seraient plus que frustrantes. Si vous pouvez passer toute votre vie dans un endroit, être scolarisé dans les mêmes écoles que vos concitoyens, manger la même nourriture qu’eux et être quand même considéré comme un étranger, c’est comme si vous étiez resté bloqué sur le bateau d’esclaves ancestral, n’appartenant ni au Nouveau ni à l’Ancien Monde.

Nos identités sont formées d’un vaste éventail de petites et de grandes choses qui nous définissent et nous procurent une assise. Le nom que l’on nous donne est important. Ces noms font plus qu’identifier la couleur de notre peau. Ils reflètent notre parcours et nos connaissances. Je n’ai aucune idée de ce que ce serait d’arriver à l’âge adulte dans un nouveau pays et de devoir m’intégrer dans une culture différente, souvent peu accueillante. Je n’ai pas non plus envie de manœuvrer à travers les attentes des personnes qui supposent que c’est ma réalité. Que nous soyons ici par choix ou de naissance, nous sommes Canadiens. À l’instar de mes concitoyens d’origine italienne, allemande ou autre, je suis fière de profiter des richesses de mon histoire caribéenne.

Donner le ton
Je ne blâme pas les gens qui se sentent confus ou même frustrés par l’évolution des termes à employer. Ces changements sont légion et s’accompagnent souvent d’une palette d’explications déroutantes et (parfois) contradictoires. J’ai passé de nombreuses années à expliquer à mes amis et voisins que je n’étais pas « de couleur », mais « Noire ». Puis, un collectif bien intentionné a décidé que l’expression « personne de couleur » était acceptable. Des années plus tard, après que les termes « minorité visible » et « communautés racialisées » sont passés à l’usage, le mouvement Black Lives Matter a fait irruption dans les médias avec le terme « personnes Noires, autochtones et de couleur » (BIPOC, en anglais). À ce moment, il était devenu plus important de reconnaître qu’un nombre disproportionné de personnes de couleur et d’Autochtones étaient incarcérées et attaquées par la police ou se voyaient refuser l’accès aux soins de santé (la liste des discriminations est longue), que leurs réalités étaient différentes de celles des autres. Le débat sur le bien-fondé du « N » majuscule dans le mot « Noir » s’alimente à la même source. L’utilisation de la majuscule initiale est une tentative de reconnaître l’histoire commune de violence, d’oppression, de créativité et de triomphe. On pourrait croire qu’il s’agit d’une simple question grammaticale, mais son utilisation couvre en fait une multitude d’expériences jusque-là ignorées ou niées.

Ces conversations reflètent une dynamique sociale complexe et en constante évolution. On ne peut pas simplement affirmer que les opinions varient ou que les esprits ont changé. Au fond, elles reflètent des connaissances nouvelles et une prise de conscience croissante. De plus en plus de voix se font entendre, ce qui se traduit par l’adoption de nouvelles mesures et la collecte de nouveaux renseignements. On peut par exemple penser qu’il est difficile de parler de la violence disproportionnée de la police à l’encontre des personnes ACN lorsque les autorités refusent de consigner la couleur de la peau dans leurs rapports. Il a fallu un collectif de journalistes intrépides travaillant à l’échelle nationale pour recueillir, compiler et suivre le nombre de personnes ACN abattues par la police avant que ces chiffres ne forcent les autorités à reconnaître la réalité. Forts de ces faits – les preuves des effets du racisme – les gens pouvaient soudainement être entendus lorsqu’ils disaient « Ne m’appelez pas comme ça. Ne me confondez pas avec les membres d’un grand groupe. Mon vécu est différent. »

Le choix des mots est important. Le terme ACN (si vous préférez), plutôt que Noir, n’est pas une nouvelle expression politiquement correcte. Il s’agit d’un reflet respectueux des parcours très réels et très différents de personnes qui peuvent n’avoir en commun que des teintes de peau similaires.

Auteure: est spécialiste de la communication; elle travaille et vit à Ottawa.

Debra Yearwood

Professionnelle des communications qui compte plus de 20 ans d’expérience en tant que cadre dans le secteur de la santé, est passée maître dans tous les domaines, du marketing social aux communications en période de crise. Lorsqu’elle ne siège pas au conseil d’administration de PartenaireSanté ou de Top Sixty Over Sixty, elle se consacre à l’écriture de son livre sur l’épanouissement des personnes âgées (pourquoi s’arrêter maintenant?). Cadre certifiée en santé le jour, militante de la diversité et collaboratrice de magazine la nuit, Debra est celle à qui l’on fait appel lorsque vient le temps d’expliquer ou de résoudre un problème.

Vous avez un éclair de génie?

Le programme d’application des connaissances SPARK guide ceux et celles qui désirent améliorer la recherche et la pratique en matière de santé mentale, d’usage de substances ou de dépendances. Nous vous présentons un coup d’œil sur le projet Grand Council Treaty #3, qui a été une bouée de sauvetage pour 28 communautés touchées par des enjeux de santé mentale.

Dès les premiers jours de la pandémie de COVID-19, Darlene Curci prenait note des difficultés rencontrées à Kenora, à Fort Frances et à Dryden. Elle est coordonnatrice des systèmes autochtones pour le projet Grand Council Treaty #3 qui regroupe 28 communautés des Premières Nations sur plus de 142 000 km² dans le nord-ouest de l’Ontario et le sud-est du Manitoba.

« Il s’est passé beaucoup de choses sur le terrain pendant le confinement, se souvient-elle. Notre équipe de professionnels de la santé a été déployée pour aider les communautés à traverser la pandémie en leur fournissant diverses ressources. »

Dans le cadre de son travail, Darlene a pu observer l’évolution des besoins, ainsi que les difficultés des communautés à faire face à la pandémie. « Certaines communautés sont isolées et disposent de peu de ressources, lesquelles doivent ensuite être partagées sur une vaste étendue géographique », explique-t-elle. « Nous ne disposons pas de ressources spécialisées pour traiter les problèmes de santé mentale ou de dépendances. Les psychiatres sont contraints de faire le trajet en avion depuis Toronto, ou alors les gens doivent se rendre à Winnipeg pour obtenir des services spécialisés. »

Ces services sont certes ancrés dans la pratique clinique, mais il existe dans les communautés visées par le Traité no 3 des approches traditionnelles, d’autres axées sur le territoire, ou une combinaison des deux, qui incluent des modèles occidentaux de santé et de bien-être. Alors que Darlene  cherchait un moyen d’établir un lien entre ces approches et les communautés visées par le Traité no 3, elle a remarqué un article dans les médias sociaux sur le programme  de la Commission de la santé mentale du Canada. Après avoir constaté le gage de réussite qu’est le programme SPARK, lequel comprend 16 heures de formation en atelier et un an de mentorat complémentaire, elle s’y est inscrite pour donner vie à son idée.

Combler les lacunes
Le programme d’application des connaissances SPARK vise à fournir les outils et les ressources nécessaires pour établir un lien entre ce que nous savons et ce que nous faisons dans les secteurs de la santé mentale et du traitement de l’usage de substances. Il donne aux personnes qui ont une idée en tête – un éclair de génie – les moyens de favoriser des changements positifs au sein de leur communauté. Comme le montrent les études, ce processus prend souvent plusieurs années. Cependant, le cadre de travail De l’innovation à l’application (I-A) du programme SPARK peut réduire considérablement ce délai.

Parmi les plus récents diplômés du programme (appelés SPARKies), citons le Collectif des écrivains du Canada, un organisme de bienfaisance qui organise des ateliers pour les groupes sous‑représentés de la société. L’organisme s’est associé à des organisations d’anciens combattants pour offrir des ateliers d’écriture expressive en guise d’intervention de santé non clinique. Un autre organisme caritatif, Body Brave, a également travaillé avec le programme SPARK en vue de remédier aux lacunes des services offerts aux personnes qui recherchent du soutien face à des troubles de l’alimentation.

Le programme SPARK invite les participants à réfléchir à un problème qu’ils souhaitent résoudre et leur propose un accompagnement et du mentorat tout au long des sept étapes du programme I-A :

  1. détermination de l’objectif;
  2. sélection d’une innovation;
  3. précisions sur les acteurs et les pratiques;
  4. détermination des agents de changement;
  5. conception du plan d’application des connaissances;
  6. mise en œuvre;
  7. évaluation.

Pour Darlene, « l’exercice confère une rigueur qui aiguise l’esprit, tout en permettant un équilibre entre l’agilité et l’adaptabilité en travaillant avec différentes communautés, spécialités et expertises et en communiquant de diverses façons. Lors du processus de demande, j’ai dû rédiger mon intention, ce qui m’a aidé à me concentrer sur la direction que je voulais donner à mon idée. »

Dans le cadre du programme, elle a conçu un outil essentiel, le guide de survie en santé mentale du Grand Council Treaty #3, qui sert maintenant de bouée de sauvetage en santé mentale à l’ensemble des communautés des Premières Nations.

Spark session

Séance de planification SPARK organisée en février 2020.

« C’était tout un défi d’offrir une grande valeur à la communauté en analysant un important volume d’informations et en les transmettant de manière à ce qu’elles leur soient utiles, a-t-elle déclaré. Au final, ce processus m’a aidé à renouer avec les gens d’une manière moins intrusive et plus stimulante. »

Le guide d’une cinquantaine de pages comprend des conseils pratiques sur la façon de réagir en cas de crise, des lignes directrices pour interagir avec les Aînés, des listes pratiques de numéros de téléphone à afficher sur le frigo, des pages à colorier, des feuilles de travail pour surmonter les périodes de stress, ainsi que des conseils adaptés pour interagir avec les gens en tenant compte de leur situation. Par exemple, une section consacrée aux jeunes aborde la question des limites à ne pas dépasser, offre des conseils sur l’expression créative favorisant le bien-être, et présente des exemples de relations saines.

Le guide est fondé sur le concept thérapeutique Ga-nan-da-wis (bonne santé) issu des approches de guérison traditionnelles et culturelles qui visent à atteindre l’équilibre émotionnel et mental, tant sur le plan culturel que spirituel. On y trouve également des conseils de santé mentale pour les parents, des suggestions d’activités pour les Aînés, comme se promener ou faire de l’exercice en compagnie de personnes de son entourage, ainsi que des pistes de réflexion pour les personnes qui doivent composer avec les effets cumulatifs et collectifs des traumatismes antérieurs (ou intergénérationnels). L’usage de substances, les dépendances, la violence familiale et la prévention du suicide, de même que l’isolement, la solitude et la quête d’équilibre dans l’utilisation de la technologie, sont autant de sujets abordés.

Le projet de Darlene s’inscrit dans le prolongement de la stratégie Minobimaadziwin (citée ci-dessous) élaborée par des organisations du Traité no 3, des Aînés et des membres de la communauté, et a été lancé comme cadre d’orientation en décembre 2019. Ses 13 valeurs constituent un fil conducteur reliant le savoir autochtone, le bien-être, ainsi que les réalités actuelles liées à la COVID-19.

Stratégie Minobimaadziwin du Grand Council Treaty #3

  1. Approche unifiée
  2. Mobilisation des Aînés
  3. Promotion du mode de vie culturel
  4. Promotion de l’anishinaabemowin comme mécanisme de guérison
  5. Établissement de partenariats et de réseaux
  6. Résolution des causes profondes des problèmes de santé mentale
  7. Renforcement des capacités communautaires
  8. Accent sur l’éducation et la prévention
  9. Formation et outils adaptés au Traité no3 (promotion de l’éducation et sensibilisation aux pratiques de prévention de la COVID-19)
  10. Prestation de services sécuritaires sur le plan culturel
  11. Guérison ancrée dans les connaissances traditionnelles et approche axée sur le territoire
  12. Respect des relations et des droits issus des traités
  13. Chaque porte est la bonne porte

Ces principes directeurs s’appuient sur les traditions issues du Traité no 3. « Nous sommes très forts et très axés sur nos modes de vie traditionnels, » a déclaré Darlene. « Nous avons élaboré notre propre loi en matière de soins aux enfants, de santé et de ressources naturelles, Manito Aki Inakonigaawin, la structure qui régit notre façon de faire les choses. »

Sa trousse d’outils servant de guide de survie a été lancée pendant la Semaine de la santé mentale en mai 2021. Après la réception par les 28 communautés d’une première boîte de guides, une demande accrue a mené à une réimpression subséquente de 2 000 autres exemplaires. Les gens apprécient beaucoup son contenu et utilisent souvent ses diverses ressources pour répondre à leurs besoins particuliers. Ils détachent des pages pour les afficher près de leur bureau ou prennent des photos des sujets qui les aident le plus dans les périodes difficiles.

« Dans les moments de détresse, lorsque les problèmes semblent insurmontables, cette méthode permet de faire le point sur sa propre situation », a indiqué Darlene. En plus d’avoir créé le guide, elle utilise elle-même les outils. « C’est relaxant », dit-elle en faisant référence aux pages à colorier, ainsi qu’aux activités comme « 10 minutes pour réfléchir à sa journée (et renforcer son estime de soi) » ou encore « Mes humeurs ».

Les travailleurs sociaux apprécient également les conseils rapides pour aider les personnes aux prises avec des pensées suicidaires en discutant des facteurs de risque et de protection et en offrant des services de consultation téléphonique, en plus de conseils traditionnels sur le deuil et la perte. L’avant‑propos du guide, rédigé par le Grand Chef, souligne le caractère unique des besoins de chacun en matière de santé mentale. Plutôt que de mettre de l’avant des clichés bien intentionnés ou des descriptions simplistes, son message porte sur l’importance de demander de l’aide en cas de besoin « puisqu’il y a toujours une lueur d’espoir pour des jours nouveaux et meilleurs ».

Pour en savoir plus sur le projet Grand Council Treaty #

Auteure:

Fateema Sayani

Une habituée des organismes à vocation sociale, ainsi que des salles de presse, où elle a passé plus de 20 ans aux commandes de nombreuses activités, de la stratégie à la collecte de fonds. Ses écrits, qui couvrent une foule de sujets allant des politiques à la culture populaire, sont parus dans des publications de premier plan à la grandeur du Canada et lui ont valu des prix pour ses reportages sur la justice sociale. Forte de ses diplômes, de ses certificats et de ses activités bénévoles, elle s’est donné pour mission de changer l’image des communautés sous-représentées. Malgré son horaire chargé, elle trouve encore le temps de se plonger dans la scène musicale canadienne.

Lorsqu’on emploie un langage stigmatisant, le climat risque de s’assombrir.

Cet article fait partie de la série intitulée « Le choix des mots est important » dans Le Vecteur.

« Je déteste cette température bipolaire », s’exclame mon amie. « Une minute il fait beau et la suivante il pleut. Je ne sais jamais quoi porter le matin.  Je lève les yeux au ciel », puis elle s’excuse. « Je suis désolée. J’ai oublié. » Elle n’est pas la première à utiliser mon diagnostic pour décrire quelque chose de négatif, et elle ne sera pas la dernière, mais ça fait mal chaque fois.

Les gens empruntent très souvent une terminologie clinique pour illustrer leurs expériences. Combien de fois avez-vous entendu quelqu’un dire qu’il souffre d’un TOC alors qu’en réalité il veut confirmer qu’il est très organisé? Il n’est certes pas rare d’entendre une personne réagir à une situation farfelue en disant « C’est complètement débile! C’est de la pure folie! » Nous avons tous entendu de pareilles expressions (voire les avons nous-même prononcées). Mais ce n’est pas parce qu’une chose est courante qu’elle est acceptable. L’utilisation de ce genre de langage outrancier minimise la gravité des maladies mentales tout en causant du tort aux personnes qui doivent vivre avec ces difficultés. De plus, cela affecte notre perception des problèmes de santé mentale.

Le phénomène d’activation associative survient lorsque nous attachons inconsciemment une émotion à une idée. En général, ce processus se produit tellement rapidement que nous n’avons même pas conscience du lien qui est établi. Pourtant, notre cerveau travaille sans relâche pour réagir aux mots que nous employons et entendons. Lorsque mon amie évoque le temps qu’il fait, elle associe simultanément une émotion négative au trouble bipolaire. Ce rapprochement peut sembler tout à fait anodin, mais ses effets sont tenaces. Et il constitue un des facteurs qui contribuent à répandre le langage stigmatisant.

Pourquoi en faire tout un plat? Faut-il vraiment être aussi pointilleux? Ce ne sont que des mots.

Talking illustration

Or, ces mots ont un grand retentissement sur les gens. Réfléchissez à un moment où quelqu’un vous a lancé des propos blessants. Comment vous êtes-vous senti? Si vous vivez avec des problèmes de santé mentale, il peut être décevant de vous rendre compte qu’une personne que vous considériez comme une alliée a inconsciemment nourri des idées négatives à votre égard. Il peut aussi être frustrant de constater que l’on minimise votre diagnostic pour faire une blague ou pour dramatiser une situation. Bien sûr, les personnes qui ont entendu notre conversation sur la météo ont pu s’en inspirer pour forger leur propre opinion négative sur le trouble bipolaire. Comment réagiraient-elles si elles-mêmes ou un de leurs proches recevaient un diagnostic de maladie mentale?

Le langage évolue constamment, pendant que nous nous efforçons de mieux comprendre la santé mentale et de nous améliorer dans ce domaine. Ce n’est peut-être pas toujours facile, mais c’est tout à fait possible de suivre l’évolution du vocabulaire jugé acceptable. Ainsi, vous pourriez commencer par vous renseigner sur le langage stigmatisant et les solutions de remplacement possibles.

Par ailleurs, essayez d’éviter les réactions défensives si quelqu’un vous demande de corriger votre langage. Cela signifie probablement que cette personne se soucie suffisamment de vous pour vous éviter de commettre à nouveau la même erreur. Nous sommes nombreux à résister d’instinct à l’idée de supprimer des mots de notre vocabulaire, mais il faut savoir que cette tâche se simplifie avec la pratique. Et comme le choix de nouveaux mots est l’un des moyens les plus simples de contribuer à réduire la stigmatisation entourant la santé mentale, l’effort en vaut la chandelle.

Mon amie et moi avons rangé nos parapluies. Le soleil perçait désormais les nuages et illuminait nos visages. « Ce que je voulais dire, c’est que la température est imprévisible en ce moment. J’aurais dû formuler cela différemment. J’ai parlé sans réfléchir. Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois. » Et, depuis ce jour lointain, c’est une promesse qu’elle a su tenir.

Consultez les autres articles de la série : Langage axé sur la personne d’abord.

Auteure:

Samantha Bennett

Fait partie de l’équipe de marketing et de communication de la CSMC. Elle milite avec ferveur dans le domaine de la santé mentale et a vécu l’expérience de la maladie mentale. En plus de ses activités d’artisanat et de couture, elle aime s’occuper de son chien et de ses chats et explorer Ottawa en compagnie de son conjoint et de ses deux enfants.

Le chanteur belge Stromae, dont les succès européens mêlent des thèmes lourds à des rythmes dansants, aborde les complexités de la santé mentale dans son récent album Multitude. À l’approche de la tournée nord-américaine de l’artiste, Florence K, animatrice à CBC Music, chanteuse, auteure de trois livres sur la santé mentale et candidate au doctorat en neuropsychologie, se penche sur les paroles et les nuances de l’album.

On le lit partout. On le voit partout. On le dit partout : il n’y a pas de honte, pas de culpabilité à avoir lorsque la souffrance psychique frappe à notre porte. Il n’y a aucune raison valable de maintenir la stigmatisation entourant la santé mentale. Il en aura fallu des prises de parole, des campagnes de sensibilisation, des interventions d’experts et des témoignages pour que le propos soit diffusé haut et fort, pour qu’il fasse un bout de chemin dans une société qui est encore enfermée dans ses tabous. C’est le travail de dizaines d’années.

Mais il n’aura fallu qu’une seule chanson, que quelques phrases de Stromae pour qu’une génération entière soit interpellée. Stromae n’avait pas besoin d’en dire plus :

J’suis pas tout seul à être tout seul…Dire que plein d’autres y ont d’jà pensé, mais malgré tout, j’me sens tout seul. Du coup, j’ai parfois eu des pensées suicidaires et j’en suis peu fier…Ces pensées qui me font vivre un enfer.

Stromae est un homme de peu de mots, même si les mots sont son métier. Il rappe lentement, ne cherchant pas à enfiler le plus de texte possible dans un même couplet. Mais comme ses mots sortent du lot, ils peignent des images si précises qu’elles nous accrochent inévitablement. On ne peut que les voir.

Stromae ne s’est pas caché derrière des métaphores pour raconter ses problématiques de santé mentale, ni pour décrire la honte qui l’a affligé bien malgré lui : « J’ai parfois eu des pensées suicidaires, et j’en suis peu fier. On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire. Ces pensées qui me font vivre un enfer ». L’écho de ce refrain a résonné dans des millions et des millions de cœurs, leur ont fait du bien, les ont libérés de la solitude, ont validé leur souffrance psychique. Combien sont-ils ceux qui se sont dit : « si même Stromae a souffert de dépression, peut-être ne suis-je pas coupable de ce qui m’arrive? ».

Ce message est important. Car même s’il ne fait aucun doute que la dépression est un trouble de santé mentale dont les causes sont biopsychosociales et que la science démontre depuis des décennies que de nombreux mécanismes complexes tant neurochimiques que neurophysiologiques, génétiques que psychologiques et environnementaux sont à l’origine de cette souffrance psychique, celle-ci est encore malheureusement trop étiquetée comme étant un signe de faiblesse, de paresse. Rien ne pourrait être plus faux. Pour preuve : personne ne pourrait être moins paresseux ou « faible » qu’un artiste qui a su se construire une carrière aussi prolifique que celle de Stromae.

Florence Khoriaty

Florence Khoriaty

En s’ouvrant de la sorte sur son vécu, Stromae crie haut et fort qu’un trouble de santé mentale n’est pas un choix et qu’il ne sélectionne pas ses victimes selon leur classe socioéconomique, leur niveau d’éducation, leur portefeuille, leur succès. Et force est d’admettre qu’il rejoint beaucoup plus de gens à la fois qu’une campagne de lutte contre la stigmatisation. C’est la magie de la chose. Avec son album Multitude, il fait avancer la cause à grandes enjambées.

Outre son titre coup-de-poing « L’enfer », les autres chansons de l’album forment un compte-rendu assez précis de l’état de notre société. Le groupe rap N.W.A., véritable pionnier du genre, disait « Our raps are documentary. We don’t take sides ». C’est ainsi que l’on perçoit l’album de Stromae. C’est un portrait honnête qui ne se cache ni dans la positivité toxique ni dans un pessimisme au parfum de fin du monde.

Ce que raconte Stromae n’a pas de parti pris, il ne cherche pas à se faire le porte-étendard d’une cause sociale en particulier, ni à s’autoproclamer défenseur de tous ceux qui souffrent. Mais ses textes mordent là où il le faut. Dans « Déclaration », il dénonce l’hypocrisie de ceux qui se targuent d’être féministes, alors que la vérité, celle qui choque, est que la bataille est loin d’être gagnée et que les mentalités changent trop lentement : « T’inquiète pas, ça va aller, faudra bien que ça change. Ça prendra quelques années vu que ça nous arrange ». Ce sarcasme cache une bienveillance que Stromae répand à travers tout son album. Cela s’entend également dans son titre « Santé », où, au lieu de faire l’éloge du « bling-bling », il met en valeur les travailleurs de l’ombre. Dans « La solassitude », il décortique la vraie solitude. Une solitude qui n’est guère tributaire du fait d’être entouré ou de ne pas l’être, mais plutôt d’un vide intérieur qui nous suivrait comme une ombre, où qu’on aille.

Stromae ne dépeint pas la vie comme si elle était clivée entre le bon et le mauvais. Il l’embrasse telle qu’elle est, avec ses côtés les plus sombres comme ses plus lumineux. Il le démontre dans les deux pièces consécutives sur l’album, « Mauvaise journée » et « Bonne journée », où chacun d’entre nous saura se reconnaître d’une manière ou d’une autre. Parce que nous avons tous des hauts et des bas. Nous connaissons tous une multitude d’états et nous voyons nos vies sous une multitude d’angles. Stromae nous le rappelle, et par le fait même, nous rassemble.

Même quand il ne se sent pas bien, Stromae trouve le moyen de tendre la main. Avec Multitude, il la tend vers le haut lorsqu’il appelle à l’aide, mais il la tend aussi vers le bas, vers ceux qui en ont peut-être encore plus besoin. Avec sa musique, Stromae crée des liens, comme dans une belle grande chaîne humaine à laquelle nous avons envie de nous joindre.

La tournée nord-américaine de Stromae commence le 21 octobre à Vancouver.

Auteure: est chanteuse, pianiste, et anime chaque semaine l’émission « C’est formidable » sur CBC Radio et CBC Music. Auteure de trois livres portant sur la santé mentale, elle est aujourd’hui candidate au doctorat en neuropsychologie à l’UQAM.
Photo: Matthew Eisman/Getty Images

Y a-t-il une bonne manière de vivre un deuil… et combien de temps cela doit-il durer? Avec la pandémie de COVID-19, le processus de deuil prend un tout nouveau sens.

Madame B., âgée de 65 ans, vit un deuil intense depuis que son mari est décédé d’un arrêt cardiaque. Non seulement elle ne peut retenir ses larmes lorsqu’elle se rappelle à quel point il était merveilleux, mais elle va jusqu’à éviter certains souvenirs de lui (des photos, des endroits qu’ils ont visités) pour éviter de sombrer encore plus profondément dans le désespoir. Elle vit aussi de la colère en lien avec son décès et ne peut s’empêcher de repenser à des erreurs que les médecins, selon elle, ont commises. De plus, elle a l’impression que l’église à laquelle elle appartient ne peut plus rien pour elle, puisque personne ne peut ramener son mari à la vie, et elle oublie souvent de prendre ses médicaments contre l’hypertension, même si elle sait que c’est dangereux pour elle.

Considéreriez-vous que ce que Mme B. traverse est normal, ou qu’elle devrait être traitée au moyen d’une psychothérapie ou de médicaments? Votre réponse dépendrait-elle du temps qui s’est écoulé depuis le décès de son mari?

Depuis mars 2022, alors que la troisième vague prenait de l’ampleur, ces questions ont commencé à pousser les cliniciens à se questionner à ce sujet pour la première fois. Pourquoi? Parce que c’est à ce moment que l’American Psychiatric Association (APA) a officiellement classé le deuil lié à un décès parmi les pathologies dans sa plus récente version du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5-TR).

Réfléchissons à ce que cela signifie. Le DSM est l’autorité par excellence pour les diagnostics et la recherche sur les troubles mentaux au Canada, aux États-Unis et en Australie. Depuis la publication du DSM-III, en 1980, le Manuel a adopté un modèle biomédical et neurologique des maladies mentales qui a pour but d’inciter les psychiatres et les psychologues cliniciens à considérer les symptômes et les maladies mentales d’une manière similaire à celle dont les médecins considèrent les troubles physiques. Malgré le fait que les scientifiques n’ont toujours pas trouvé de « cause biologique aux. . . troubles mentaux », il serait difficile de surestimer l’influence des classifications et des catégories de diagnostics du DSM sur la manière dont les cliniciens traitent les gens qui viennent leur demander de l’aide.

12 millions de personnes
Avant de nous intéresser aux raisons pour lesquelles l’APA a inclus le deuil lié à un décès dans le DSM-5-TR sous le nom de trouble du deuil prolongé (TDP), examinons d’abord ses effets possibles dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Selon les données de l’Université John Hopkins, en septembre 2022, à l’échelle internationale, le nombre de décès liés à la COVID-19 atteignait près de 6,5 millions. Chaque décès affectant environ neuf autres personnes (les répercussions sont appelées « multiplicateurs de deuil »), nous pouvons présumer que près de 60 millions de personnes ont vécu un deuil lié à un décès associé au virus.

Ce nombre de 6,5 millions de décès est déjà assez ahurissant en temps normal. Mais les restrictions visant les établissements de soins, les hôpitaux et les rassemblements intérieurs ont fait en sorte que la proximité physique habituelle lorsqu’une personne est sur le point de décéder et les rituels de deuil sont devenus difficiles ou impossibles. Un tel isolement a assurément alourdi encore davantage le fardeau de ceux qui restent et qui doivent composer avec la perte d’un être cher. L’APA l’a elle-même affirmé, estimant que le taux habituel (5 à 10 %) de deuil plus intense et prolongé associé au TDP pourrait avoir doublé dans le contexte de la pandémie pour passer à 20 %.

Faisons un calcul rapide : à l’échelle planétaire, cela porterait le nombre de personnes touchées par un TDP à environ 12 millions de personnes.

Quoi qu’il en soit, la pandémie est devenue doublement pertinente pour distinguer le deuil normal du deuil pathologique. Étant donné que la psychothérapie de courte durée constitue actuellement le « traitement de choix », la décision d’inclure le TDP dans le DSM-5 à titre de trouble psychiatrique a eu – et aura – pour effet d’accroître la demande de manière inédite pour les services des professionnels de la santé mentale, qui sont déjà surchargés.

Complications culturelles
L’APA considère que le TDP fait partie des troubles liés aux traumatismes et au stress, et qu’il se caractérise par « un désir ou une nostalgie intense envers la personne décédée (souvent accompagnés d’un désespoir et d’une douleur émotionnelle vive), ainsi que par inquiétude suscitée par des pensées ou des souvenirs du défunt ». Étant donné qu’en cas de deuil « normal », ces émotions perdent habituellement de leur intensité au fil du temps (6 à 12 mois), l’APA affirme que l’on peut considérer qu’une personne est atteinte d’un TDP lorsque la durée du deuil d’une personne « excède les normes sociales, culturelles ou religieuses attendues ». Autrement dit, les cliniciens doivent seulement considérer que les symptômes de deuil sont pathologiques (c’est-à-dire qu’ils nécessitent un diagnostic et un traitement) une fois cette période « conforme aux normes attendues » écoulée.

Mais le feront-ils? Le fait d’accorder une telle importance au jugement des cliniciens quant à ce qui constitue des normes sociales, culturelles et religieuses suscite assurément des questions. L’une des préoccupations concerne l’application d’une norme laïque universelle à des normes qui contiennent elle-mêmes un jugement de valeur sur ce qui représente un deuil normal ou pathologique. Kaori Wada, psychologue agréée et directrice de la formation pour le programme de psychologie de l’orientation de l’Université de Calgary, cite une étude menée auprès d’étudiants de premier cycle canadiens qui montre que les femmes religieuses participantes vivant un deuil sont plus susceptibles de considérer comme saines les réactions de deuil que le DSM juge désormais pathologiques.

L’adoption par l’APA d’une « période de deuil normale » définie selon des normes sociales, culturelles et religieuses constitue aussi un problème. Arthur Kleinman, psychiatre et médecin anthropologue de l’Université Harvard, a remis ce concept en question dans The Lancet au cours de la préparation du DSM-5. Comme il l’a souligné, « il n’existe aucune preuve scientifique concluante de ce qui constitue une durée de deuil normale. À travers le monde, les sociétés n’ont pas toutes la même conception de ce qu’est un deuil normal. »

Madame Wada insiste aussi sur le caractère nouveau du critère « trop de lourdeur pendant trop longtemps » du DSM-5-TR, qui est en porte-à-faux avec de nombreuses cultures et attentes, par exemple celles qui considèrent que le sens de l’honneur et la profondeur morale se manifeste par un deuil délibéré et prolongé et une douleur émotionnelle intense. Elle pense donc que nous devrions reconnaître l’importante transformation qui se produit lorsque nous commençons à adapter ce qui était autrefois « compris en dehors du langage médical à un trouble traitable en nous appuyant sur une logique de diagnostic et de traitement ». Ce faisant, selon elle, le DSM-5-TR « officialise (l’idée selon laquelle) si votre deuil est trop long ou trop lourd, vous souffrez d’un trouble mental ».

Madame Wada est également préoccupée par le fait que les normes sociales, culturelles et religieuses sont conçues pour restreindre l’évaluation et le traitement du TDP. Pour elle, non seulement ces normes sont diversifiées et complexes, mais elles sont aussi éloignées de l’expertise d’un psychiatre ou d’un thérapeute. Selon elle, l’instruction de l’APA d’appliquer ces normes « fait peser un fardeau énorme sur les épaules des cliniciens ». Et puisque la plupart des Canadiens dépendent de (courtes visites à) leur médecin de famille pour répondre à leurs besoins en matière de santé mentale, elle doute que de telles évaluations soient susceptibles d’être utilisées couramment en pratique.

À quoi pouvons-nous nous attendre lorsque les cliniciens échoueront à cette tâche ou l’ignoreront tout simplement parce qu’ils ne se sentent pas bien préparés? Le résultat le plus probable serait la suppression de toute période de grâce avant de recommander des interventions thérapeutiques ou de prescrire des médicaments.

Prenez cette pilule et. . .
Bien qu’aucun traitement pharmaceutique n’ait été approuvé pour le deuil, la recherche donne des résultats très positifs. En effet, lorsque le DSM-5-TR a établi le TDP, l’APA a aussi appliqué un changement au deuil compliqué, une catégorie précédente exclue du DSM-IV parce que les preuves étaient insuffisantes et que les surdiagnostics étaient préoccupants, en trouble du deuil complexe persistant (TDCP). Ce faisant, elle a aussi défini le TDCP comme une condition nécessitant un examen approfondi (plutôt qu’un trouble en soi). Grâce à ce changement, des possibilités de nouvelles recherches ont été approuvées, y compris des études visant à établir un traitement pharmacologique pour le TDP.

woman sits on medication

Jusqu’à maintenant, le meilleur médicament est la naltrexone, qui est actuellement utilisée pour traiter les troubles de consommation d’alcool et d’opioïdes. Certains experts ont trouvé surprenant le choix de cet antagoniste opioïde. De fait, la base sur laquelle s’appuie cette théorie est que le TDP constitue un état de dépendance — dans le cas présent, une dépendance au deuil lui-même. Donc, comme avec les opioïdes et l’alcool, la naltrexone a pour but de réduire la connexion de la personne endeuillée avec la personne décédée. Mais puisque cette médication ne discrimine pas quelles connexions sociales sont affectées, les psychologues affirment que c’est une erreur de restreindre ces liens à un moment où les relations avec les autres sont si importantes. Ils insistent également sur le fait que l’approche pharmaceutique en elle-même néglige le contexte impliqué dans le deuil, par exemple la relation de la personne endeuillée avec le défunt, les qualités de cette relation et le type de décès impliqué (p. ex. naturel ou inattendu).

Donna Schuurman, qui est une experte possédant plusieurs années d’expérience avec les enfants, les adolescents et les familles endeuillés à la suite de décès non naturels, se montre beaucoup plus critique et considère les efforts consacrés à l’élaboration d’une « pilule du deuil » comme entièrement déconnectés du contexte humain : « Si vous vous languissez ou vous ennuyez trop longtemps de votre enfant, votre conjoint ou votre ami décédé, vous pourriez être dépendant au deuil, selon la plus récente version du DSM. » Il s’avère que la route qui a mené à la possibilité d’une pilule du deuil, bien qu’elle soit pavée de bonnes intentions, inclut une transformation assez spectaculaire. Mais pour la voir, il faut examiner un peu le contexte.

Un élément important à l’appui de la nouvelle position du DSM-5-TR à propos du deuil est le rôle joué par le trouble dépressif majeur (TDM). Le TDM a commencé à être distingué du deuil au cours des années 1990 grâce aux travaux de Holly Prigerson, qui était alors professeure au département de psychiatrie de Harvard. Après avoir constaté la difficulté avec laquelle certaines personnes traversent leur deuil lié à un décès, quelques collègues et elle ont commencé à faire valoir que cette situation méritait d’être considérée comme un nouveau trouble. L’idée est que la justification initiale de ce qui allait devenir le TDP était la découverte de symptômes de deuil qui semblaient distincts de ceux du TDM.

Vous vous rappelez Mme B., dans notre description liminaire? Son cas était inclus dans un article publié en 2010 par des collègues de Mme Prigerson dans le but d’offrir un aperçu de cette distinction, étant donné que les symptômes de Mme B. ne répondaient pas aux critères du TDM (tout comme ses comportements ne correspondaient pas à un trouble de stress post-traumatique [TSPT]).

Pourtant, Mme Wada croit qu’un argument en défaveur de la surconsommation de médicaments, que Mme Prigerson et ses collègues avaient mis de l’avant pour justifier la distinction entre le deuil et le TDM, est désormais invalide. L’une de leurs principales justifications pour cette distinction était « d’éviter aux gens d’être médicamentés à tort ». Mais aujourd’hui, alors que le TDCP est devenu une condition nécessitant un examen approfondi, certains des médicaments utilisés pour traiter le TDM qui étaient inefficaces pour traiter le deuil sont maintenant considérés comme des solutions potentielles pour traiter le TDP. Bien que Mme Prigerson elle-même convient que les antidépresseurs ne sont pas efficaces pour traiter le deuil, elle croit qu’il est important de continuer à en apprendre davantage sur le deuil sur le plan psychiatrique pour aider les gens qui vivent ce type de douleur.

La voie à suivre
Les défenseurs de la médication (peut-être avec la thérapie) pour les personnes ayant reçu un diagnostic de TDM insistent sur le fait que « personne ne souhaite médicaliser un processus normal et évolutif ». Il n’en demeure pas moins que l’évaluation de normes sociales, culturelles et religieuses comme unique contrainte n’inspire pas confiance dans le fait qu’un tel souhait puisse se réaliser. C’est également le cas du retrait contesté de « l’exclusion liée au deuil » du DSM-IV, qui accordait au moins une période de grâce de deux mois avant que les cliniciens soient censés considérer les symptômes ressentis pendant un deuil lié à un décès comme une indication d’une dépression majeure. Même si ces modifications ont été apportées dans le but de soulager la souffrance et les préoccupations quant au risque de négliger une telle dépression, Mme Wada indique que le fait « d’établir une catégorie de troubles permet et même favorise les nouvelles recherches sur les interventions pharmaceutiques ».

Bien qu’au niveau politique, le cœur du débat repose sur les valeurs associées à la surconsommation de médicaments, la voie dégagée dans le DSM-5-TR pour l’élaboration d’une pilule du deuil est difficile à nier. Peu importe où nous mènera la nouvelle conception du deuil de l’APA, à la lumière des millions de personnes vulnérables qui vivent un deuil plus long et plus intense en raison de la COVID-19 (ou du prochain traumatisme de masse), ce nouveau cadre de diagnostic suscitera sans aucun doute un intérêt plus durable et plus soutenu.

Author:

William Wahl

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