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Nous célébrons le mois de la Fierté! Ces événements festifs, semaines et mois des vétérans, jours du T-shirt et autres événements de reconnaissances publiques, apportent de la visibilité et un sentiment de collectivité. Permettons aux couleurs de briller au gré du calendrier.
Nous nous sommes dirigés vers l’artère principale avec notre famille élargie pour passer du bon temps après des mois de séparation en raison de l’ordonnance d’isolement liée à la pandémie. Nous avons passé un moment agréable loin des écrans entourés d’autres personnes. Nous nous sommes délectés des paysages que nous offrait une petite ville de l’Ontario un beau dimanche. Ce jour-là, tout était parfait. Il faisait un temps magnifique. Il y avait des boutiques de crèmes glacées, des magasins d’antiquités, des personnes qui pique-niquaient. La circulation était marquée par des haltes pour laisser passer les piétons qui zigzaguaient d’un magasin à l’autre. À l’entrée de la rue, il y avait un passage pour piétons en arc-en-ciel, servant d’un point de mire aux piétons qui pénètrent dans cette artère très achalandée, et une visibilité d’un autre genre. Les passages pour piétons de la Fierté sont conçus pour promouvoir l’inclusion des communautés 2SLGBTQ+ et accroître la sensibilisation à ces communautés. Ils sont représentés de différentes façons, allant de rangées de six couleurs à des motifs à chevrons soulignant les identités croisées.
Comme beaucoup d’infrastructures municipales, ce projet particulier nécessitait une mise à jour après quelques années d’usure. La peinture écaillée m’a semblé être un symbole bien pratique en réfléchissant au mois de la Fierté et aux nombreux jours et mois symboliques qui rassemblent les gens autour d’une question et d’une idée, et qui disparaissent parfois dès que la page du calendrier est tournée.
Le bien-être des personnes ayant diverses identités de genre peut être grandement affecté par les caractéristiques, les normes, les pratiques et les cadres de nos milieux institutionnels. Cela transparaît dans les choses que nous voyons et les actions que nous entreprenons. —
En ce jour
« Je suis Noire toute l’année », rétorque une amie à l’approche du mois de février déplorant la litanie des sollicitations d’interventions très visibles qui lui parviennent dans les semaines précédant le Mois de l’histoire des Noirs, alors que les offres de travail rémunéré et stable dans son domaine ne se concrétisent jamais. Lorsque vous vivez l’écart entre une visibilité passagère et l’incapacité réelle de subvenir à vos besoins, les mois de reconnaissance peuvent parfois ressembler à de la poudre aux yeux. Je suppose que cela fait partie du risque de mettre beaucoup d’énergie à promouvoir un mois en particulier ou le jour du T-shirt. Mais, cela peut aussi nous amener à nous demander quelle est la contribution apportée. S’agit-il d’un effort superficiel? Un petit pas vers un changement systémique? Je ne suis pas encore prête à déclarer que ces événements sont inutiles bien que leur effet d’instantanéité puisse masquer la complexité du vécu expérientiel passé et présent des communautés reconnues.
« GLAAD réécrit le scénario pour l’acceptation des LGBTQ » est le slogan de GLAAD, l’organisation américaine de défense des médias. Sa trousse des ressources du mois de la Fierté, destinée aux journalistes, donne un grand élan à cette mission en soulignant certains des pièges et des suppositions véhiculés par les séquences et les images de la couverture des événements de la Fierté. « Aucune image unique ne doit être présentée comme étant représentative de la communauté LGBT ou de l’éventail des événements qui se déroulent lors des événements de la Fierté », recommande-t-elle, tout en soulignant que « les participants colorés et non conventionnels jouent un rôle important lors des événements et des festivités de la Fierté ». GLAAD encourage les journalistes à « éviter la tendance à ignorer la diversité qui existe lors des événements de la Fierté », car le fait de s’appuyer sur « des images et des séquences scandaleuses ou exagérées marginalise les sujets en les sortant de leur contexte pour les dépeindre comme anormaux, perpétuant ainsi des idées fausses. »
Ces recommandations me rappellent les images des défilés des drag queens des reportages passés et m’amènent à réaliser que de telles images peuvent devenir des raccourcis visuels pour des mouvements progressistes dynamiques et complexes. De tels mouvements peuvent aussi rapidement être coupés de leurs origines dans le changement social. Des manifestations récentes visant à contrer le « lavage de l’arc-en-ciel », pour soutenir des intérêts anti-2SLGBTQ+ tout en prétendant publiquement soutenir les communautés 2SLGBTQ+, sont apparues parallèlement à des appels à prolonger les initiatives de la Fierté au-delà d’un mois, en particulier dans les communautés éloignées.
La représentation est importante
Le bien-être des personnes ayant diverses identités de genre peut être grandement affecté par les caractéristiques, les normes, les pratiques et les cadres de nos milieux institutionnels. Cela transparaît dans les choses que nous voyons et les actions que nous entreprenons. Le Vecteur, le magazine en ligne de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), soutient qu’il faut éviter de simplifier à l’extrême et qu’il faut mettre l’accent sur le rétablissement et l’optimisme. Nous voulons offrir de l’espoir, mais pas de faux espoirs, et pas des récits étriqués. En d’autres termes, nous pensons qu’il est important de reconnaître les complexités dans toute expérience donnée, une perspective illustrée par la recherche récente sur la COVID-19. Un nouveau sondage réalisé par la firme Léger pour le compte de la CSMC et du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a montré que les membres des communautés 2SLGBTQ+ ont été confrontés à des taux plus élevés de stigmatisation, de discrimination et de harcèlement pendant la pandémie, mais qu’ils sont à la fois plus résilients, optimistes, accueillants et inclusifs.
Les autres conclusions du sondage indiquent une complexité similaire. Environ un quart des répondants 2SLGBTQ+ ont déclaré jouir d’une excellente ou d’une très bonne santé mentale pendant la pandémie, mais les taux étaient nettement inférieurs pour les jeunes 2SLGBTQ+, les personnes issues de ménages à faible revenu et celles des communautés africaines, caraïbéennes, Noires ainsi que les communautés asiatiques de l’Est, du Sud-Est et du Sud. Cette tendance a été constatée en lien avec les contraintes de la COVID-19. Bien que la moitié seulement des répondants 2SLGBTQ+ aient déclaré être en mesure de faire face au stress lié à la pandémie, les jeunes 2SLGBTQ+ et les répondants africains, caraïbéens et Noirs sont moins nombreux à pouvoir le faire.
À un niveau individuel, nous avons également l’occasion, pendant le mois de la Fierté, de réfléchir à son évolution et à sa signification pour les communautés autochtones. De plus, nous pourrions nous demander la raison pour laquelle une chose aussi simple en apparence que les passages pour piétons fait l’objet de profanation et de vandalisme, réduisant ainsi la visibilité de ce signe discret de soutien. Dans le contexte de la pandémie, les événements de la Fierté peuvent représenter l’occasion de créer des réseaux pour soutenir les jeunes 2SLGBTQ+ et les communautés racialisées, qui sont plus que d’autres aux prises avec des crises imbriquées, tout en étant un allié le long de l’année.
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Lorsque les adultes âgés emménagent dans les foyers de soins, il devient crucial de nouer de nouvelles relations. Trouver des moyens de surmonter la solitude et l’isolement grâce à la musique.
Il est de plus en plus évident que de forts liens interpersonnels sont indispensables à notre santé mentale et physique. Et ces liens pourraient prendre de l’importance avec l’âge, en particulier chez les personnes âgées vivant dans des maisons de retraite et des foyers de soins de longue durée. Selon la Dre Kristine Theurer, chercheuse depuis plus de vingt ans dans le domaine des soins de longue durée, « Nous aspirons tous à nouer des liens avec les autres, et pour de nombreuses personnes, le fait d’emménager dans une résidence signifie qu’elles voient moins souvent leurs amis et leur famille. Il est donc primordial pour elles de tisser de nouveaux liens. »
Les effets néfastes de l’isolement social et de la solitude sur la santé mentale et physique sont bien connus. Plusieurs études ont révélé que l’isolement augmente le risque de maladies cardiovasculaires, d’obésité, d’anxiété et de dépression et que la solitude peut mener à la dépression, à l’alcoolisme et aux pensées suicidaires.
Pendant la pandémie, les mesures de santé publique telles que le port du masque, la distanciation physique et les restrictions imposées à la taille des rassemblements ont aggravé l’isolement social et la solitude. Dans les maisons de retraite et les foyers de soins de longue durée, les visites en personne des membres de la famille et des bénévoles ont été interdites pendant de longs mois, et les résidents n’ont interagi qu’avec le personnel contraint à porter des masques, des visières et des blouses de protection.
Si ces conditions ont poussé l’isolement à son paroxysme pour ces résidents, l’inquiétude croissante du public a au moins pu attirer davantage l’attention sur la question et permettre à la Dre Theurer de sensibiliser le public à la nécessité de favoriser les liens entre les êtres humains. Un article paru en 2015 dans le Journal of Aging Studies, dont elle était la principale autrice, démontrait déjà toute la valeur de l’encadrement et du soutien par les pairs. L’article intitulé « The Need for a Social Revolution in Residential Care » plaide en faveur d’une refonte complète de la programmation des résidences pour retraités et des foyers de soins de longue durée en y intégrant des activités qui renforcent le sentiment d’appartenance à la collectivité, encouragent les relations de réciprocité et multiplient les interactions sociales entre les résidents. L’objectif de cette approche était de transformer le modèle de soins aux résidents en un modèle d’engagement envers ces derniers — un état qui répondrait aux besoins de base, mais qui permettrait également aux personnes de s’épanouir et de se sentir valorisées.
« De nombreux foyers se concentrent sur des activités de groupe peu exigeantes, comme les jeux et l’artisanat, sans réaliser que les bienfaits primordiaux sont en réalité issus d’interactions significatives entre pairs, » a déclaré Dre Theurer. « La priorité doit être donnée à la consolidation de ces liens significatifs. » —
En 2011, après avoir fondé les programmes du groupe Java, elle a commencé à tirer avantage du pouvoir que procurent l’encadrement et le soutien par les pairs par le biais d’interactions significatives. Depuis, l’efficacité des trois programmes de l’organisme fondés sur la recherche – lesquels s’incarnent sous la forme d’un club de musique, de soins à la mémoire et d’encadrement – a fait ses preuves grâce à une série d’études. Aujourd’hui, des centaines de résidences pour retraités et de foyers de soins de longue durée répartis dans toute l’Amérique du Nord les ont mis en œuvre. Le plus populaire est le Java Music Club, une activité de soutien par les pairs qui mise sur les rencontres et l’altruisme.
Laura Forsyth, gestionnaire régionale de l’enrichissement personnel à Chartwell, une entreprise qui gère plus de 200 résidences dans quatre provinces, a pu constater de visu son efficacité : « Pour nos résidents, Java Music est magique, » a-t-elle déclaré. « Grâce à ce programme, je vois souvent des résidents qui ne se connaissent pas se rapprocher et se lier d’amitié. » Après sa mise en œuvre en 2014, « Java Music a connu un tel succès qu’il a même influencé la culture d’entreprise de Chartwell. Nous privilégions désormais les liens interpersonnels enrichissants dans presque tout ce que nous faisons. »
Si prévenir l’isolement social et la solitude peut sembler facile, il n’en est rien — surtout pour les adultes plus âgés qui ont du mal à s’adapter à la vie en maison de retraite ou en foyer de soins de longue durée. La plupart des résidences et des foyers n’offrent pas de programmes qui favorisent le développement de relations significatives.
« Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la santé mentale et le bien-être des personnes vivant dans des centres de soins de longue durée, ainsi que sur la façon d’optimiser leur qualité de vie, » a déclaré Danielle Sinden, directrice du Centre d’excellence en soins tenant compte de la vulnérabilité. Faisant partie de Perley Health, qui dessert une communauté de plus de 600 aînés vivant dans des appartements facilitant la vie autonome et les soins prolongés, le centre mène des recherches pratiques nécessaires à l’amélioration des soins et assure la diffusion des constations.
Plusieurs de ses projets de recherche portent sur la santé mentale et le bien-être des adultes plus âgés. L’un d’entre eux consiste à jumeler des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer avec des étudiants universitaires et à suivre les résultats obtenus au fil de plusieurs visites. Un autre projet encourage les liens sociaux, la santé émotionnelle et le sens de la vie au moyen d’un groupe de soutien par les pairs en ligne. Le Centre évalue également les effets de Java Music sur un groupe de résidents en soins de longue durée.
« Je crois que le fait d’être un bénéficiaire passif de soins engendre la solitude et la dépression, » a affirmé Dre Theurer. « Or, aider les autres est une source de joie et de sens. En ce sens, des programmes de groupe bien conçus offriraient aux gens la possibilité d’aider leurs pairs. Et cela nous fait du bien. »
Les aidants naturels qui s’inquiètent du bien-être mental de leurs proches peuvent trouver d’autres stratégies pour favoriser la création de liens dans la fiche d’information Prendre soin des adultes plus âgés pendant la pandémie de COVID-19 réalisée par la Commission de la santé mentale du Canada, ainsi que dans les travaux de recherche en cours portant sur d’autres aspects des soins prodigués aux aînés.
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Le silence ne rime aucunement avec force lorsqu’il s’agit de la santé mentale des hommes
Par Michel Rodrigue

Michel Rodrigue, à gauche, dégustant une boisson gazeuse (un plaisir rare !) avant le match de hockey – les Canadiens de Montréal, bien sûr.
Bien avant de savoir ce qu’était la santé mentale, je savais que les hommes n’en parlaient pas. Certains sujets étaient tout simplement balayés sous la table, à commencer par les sentiments personnels profonds. Parler de ces sujets était contre nature, malvenu et embarrassant, pour ne pas dire une émasculation.
Ce n’est que plus tard, quand j’ai découvert le concept de la stigmatisation, que j’ai compris la vérité. Quand les hommes restent silencieux, ça fait mal à tout le monde.
Des quelque 4 000 décès par suicide estimés au Canada chaque année, 75 % sont des hommes. Pour les hommes âgés de 15 à 39 ans, le suicide est la deuxième plus grande cause de décès (après les décès accidentels). Il est évident que nous en avons long à dire sur ce sujet.
La stigmatisation engendre le silence
Mon père a travaillé dans le domaine de la construction pendant la plus grande partie de sa vie. Dans son équipe exclusivement masculine, si quelqu’un se blessait en travaillant, les premiers soins lui étaient aussitôt administrés. Personne n’hésitait ou n’avait peur de ne pas faire ou dire la bonne chose. Personne ne remettait en question la masculinité de cette personne ou ne jugeait sa personnalité. Chacun était conscient de la réalité : ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre eux.
De la même manière, personne n’est à l’abri de la maladie mentale. Pourtant, si quelqu’un avait fait une crise de panique sur les lieux de travail, j’ai l’impression que les réactions auraient été entièrement différentes. C’est ce que fait la stigmatisation.
Mais une autre caractéristique de la maladie mentale la distingue : elle est invisible. Nous pouvons voir quelqu’un boiter à cause d’une blessure à la jambe, tout comme nous pouvons lire la température d’une personne qui fait de la fièvre. Les problèmes de santé mentale, quant à eux, passent souvent inaperçus.
J’ai appris cette leçon à la dure quand l’un de mes amis proches est décédé par suicide.
D’un point de vue extérieur, Sylvain avait tout pour être heureux : une épouse aimante, deux magnifiques filles, une famille bienveillante, des amis proches et une entreprise florissante. C’est du moins ce que nous croyions.
Ce n’est qu’après son suicide, en mai 2005, que nous avons appris qu’il faisait semblant d’aller travailler depuis plusieurs mois.
J’essaie d’imaginer à quel point cette période a dû être difficile pour lui, à quel point il a dû se sentir honteux et gêné de garder jalousement ce lourd secret. Je repense au rôle joué par la stigmatisation dans son décès. Et cela me rappelle que nous avons beaucoup de pain sur la planche dans ce domaine, particulièrement nous, les hommes.

Michel avec ses parents Lionel et Lucille.
Transposer les idées en action
Au cours de mes sept années à la Commission de la santé mentale du Canada, j’en ai énormément appris sur la santé mentale des hommes. J’ai découvert les preuves de plus en plus convaincantes de l’existence d’une dépression distincte affectant les hommes et caractérisée par des symptômes externalisés comme l’irritabilité, la colère et l’usage de substances.
J’ai appris qu’en plus de l’isolement, l’usage de substances et la dépression, qui comptent parmi les facteurs de risque les plus importants du comportement suicidaire chez les hommes, d’autres facteurs font en sorte que certains sous-groupes présentent un risque encore plus élevé. Par exemple, les taux de tentative de suicide chez les membres des Premières Nations, Inuits et Métis qui s’identifient comme des hommes faisant partie d’une minorité sexuelle ou d’une minorité de genre (notamment les hommes gais ou bisexuels, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les hommes trans) sont jusqu’à 10 fois plus élevés que chez les hommes de ce groupe qui ne sont pas autochtones.
Mais je crois que la chose la plus importante que j’ai apprise, c’est qu’en tant qu’hommes, nous devons apprendre à arrêter d’avoir peur de nous montrer vulnérables.
Parler ouvertement de notre santé mentale est l’un des meilleurs moyens de la protéger, peu importe à quel point ça nous paraît contre nature. —
Dans les cas les moins pires, le silence entraîne l’isolement, même en présence de personnes qui seraient ravies d’offrir leur soutien. Dans les pires cas, ce silence peut coûter une vie. Il est temps que les hommes acceptent de se mettre dans des situations inconfortables, laissent de côté les idéaux masculins et déballent tout sur la table.
Michel Rodrigue est président et directeur général de la Commission de la santé mentale du Canada.
Michel Rodrigue
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Faire preuve de soutien sans avoir toutes les réponses
Cuba Gooding Jr. dans le rôle de Rod Tidwell et Tom Cruise dans celui de Jerry Maguire lors du film de 1996, qui a donné lieu à d’innombrables mèmes « aide-moi à t’aider ».
Une célèbre réplique du film Jerry Maguire est : « Aide-moi à t’aider ». Elle est tirée de la scène où le personnage joué par Tom Cruise, l’entraîneur du joueur de football Rod Tidwell, joué par Cuba Gooding Jr, réplique à celui-ci, car il s’entête et refuse les conseils. Il s’agit d’un échange habituel que vous avez peut-être en votre for intérieur. C’est mon cas. Si je vois quelqu’un qui souffre, je suis fortement tenté d’intervenir et de « régler » ce que je crois être le « problème ». En dépit de cette tentation, j’ai appris que soutenir n’est pas synonyme de réparer. Ce n’est pas mon rôle ni le vôtre de « réparer » les autres.
Commençons par le moment où vous croyez avoir perçu un « problème » de santé mentale, par exemple chez un être cher, un collègue ou un ami. Peut-être avez-vous remarqué des signes ou des symptômes indiquant un déclin de son bien-être mental, ou alors la personne vous a confié spontanément qu’elle était aux prises avec un trouble de santé mentale. À ce moment-là, il pourrait être tentant de penser : « Ce qui a fonctionné pour moi fonctionnera aussi pour elle ». Si cela se produit, il est naturel de vouloir essayer de réparer les choses en prodiguant des conseils pour que tout aille mieux. Vous aurez peut-être même envie de lui offrir une panoplie d’outils permettant de trouver des solutions.
Mais il y a de bonnes raisons de ne pas agir ainsi.
Chaque fois que j’entends le mot devrait, je tiens compte de sa provenance et des intentions qu’il recèle. Qui est en droit de dicter ma conduite? Qui sont ces gens pour décider de ce qui me convient le mieux? —
DEVRAIT, POURRAIT, VOUDRAIT
Tout d’abord, il est préférable de ne pas présumer que l’on sait ce que cette personne ressent et ce qu’elle devrait faire. Je dis souvent : « Aujourd’hui, ne laissez personne vous imposer sa façon de penser, et ne vous imposez rien à vous-même ». Donc, laissons de côté nos idées préconçues quant à ce que la personne devrait faire.
Chaque fois que j’entends le mot devrait, je tiens compte de sa provenance et des intentions qu’il recèle. Qui est en droit de dicter ma conduite? Qui sont ces gens pour décider de ce qui me convient le mieux?
En tentant de régler les problèmes en dictant aux autres ce qu’ils « devraient » faire, on occulte les autres éventualités. Et si la personne avait déjà essayé ce qui a fonctionné pour vous sans grand succès? Et si c’était la première fois que quelqu’un était témoin de sa souffrance? Et si elle vous disait que « tout va bien » puis s’en va? Et si votre choix du moment ne reflète pas le leur (hormis les situations de danger imminent pour eux-mêmes ou pour autrui)?
Une approche plus aidante consiste à se centrer sur la façon dont leur comportement a un retentissement sur la vie qu’ils souhaitent mener. Il est préférable d’établir une relation et un climat de confiance, ou de les encourager à consulter un professionnel (ou autre), plutôt que de les ajouter à votre liste de choses à faire. Ces personnes ne sont pas votre projet. Et il n’est pas nécessaire de les assaillir de questions du genre « As-tu fait ce que je t’ai dit de faire? ».
SENSATION DE GUEULE DE BOIS
Une autre conséquence possible lorsque l’on essaie d’imposer nos solutions est que la personne nous évite la prochaine fois qu’elle nous rencontre. Lorsque cela se produit, nous avons tendance à nous blâmer : « Ai-je dit quelque chose de mal? » « Ai-je dépassé les bornes? »

Yvette Murray
Je vous invite à ne pas endosser ces idées, car il se pourrait en fait que la personne éprouve de la honte, du déni ou de la peur. Lorsque les gens révèlent quelque chose de personnel et dévoilent leur souffrance émotionnelle, ils se sentent souvent vulnérables.
C’est ce que j’appelle souvent le malaise de la vulnérabilité. Ils viennent de partager quelque chose qui laisse un trou émotionnel béant – comme une blessure à vif, terriblement douloureuse. Dans ce genre de situation, il se peut qu’ils entretiennent des dialogues intérieurs comme « il doit penser que je suis bizarre ou que je manque de force » ou « il ne m’aime probablement plus ».
En plus des symptômes qu’ils ressentent, le fait d’avoir une santé mentale qui décline affecte l’estime et la confiance en soi. Des sentiments négatifs consistant à se dire « Je ne suis pas à la hauteur » ou « Il doit y avoir un truc qui cloche chez moi » risquent de se manifester.
En tant que psychothérapeute, ma formation m’a amené à faire mon propre cheminement intérieur en plus du travail de groupe. L’un de mes plus grands moments de guérison et de prise de conscience durant cette période fut lorsque j’ai su déceler la douleur chez un collègue ou un mentor. À ce moment‑là, je me suis dit : « Comme moi, vous ressentez cela aussi? »
Une telle expérience procure de l’espoir, de l’optimisme et un certain réconfort par le fait de savoir que l’on n’est pas seul à souffrir ainsi. Cela permet de se concentrer sur l’amélioration de notre bien-être sans le fardeau superflu de ce que ma bonne amie et mentore Janine Driver appelle « les pensées toxiques » – autrement dit, le dialogue intérieur et l’autostigmatisation qui risquent de compromettre tout processus de guérison.
ME CONNAÎTRE, TE CONNAÎTRE
La meilleure approche pour soutenir véritablement quelqu’un est de lui signifier « Aide-moi à t’aider ». Mais comment s’y prendre? La première étape consiste à le lui demander! Par exemple : « Comment puis-je te soutenir de la meilleure façon possible? » « Que penses-tu qui peut arriver si tu faisais ceci ou cela? » « Comment puis-je t’appuyer aujourd’hui? » « Que représente la notion d’aide pour toi? »
Vous pouvez également évoquer ce qui a déjà fonctionné pour eux. Nous avons tous traversé des épreuves. Pour les surmonter, il y a de fortes chances que nous ayons eu recours à des réseaux de soutien, à la force intérieure, à la persévérance, au courage et à la persistance. Il peut donc être utile de rappeler à la personne les épreuves qu’elle a réussi à surpasser auparavant. En effet, lorsque l’on se sent mieux, on a vite tendance à oublier tout cela.
Avez-vous déjà eu une vilaine grippe et pensé : « Je ne sais pas comment je vais pouvoir passer à travers la prochaine heure, et encore moins me lever et aller au boulot demain »? Puis, quelques semaines plus tard, un collègue vous rappelle : « Tu te souviens que tu étais en congé maladie cette semaine-là? ». « Ah, j’avais oublié, parce que je suis en pleine forme maintenant. » En remémorant à l’autre ce qui l’a aidé dans le passé, dites-vous que cela pourrait bien être la chose qui l’aide le plus dans le présent.
Un appui efficace peut aussi passer par le fait de s’asseoir à côté de quelqu’un – sans dire un mot, en étant simplement là et en offrant un cadre sécurisant où il peut simplement être lui-même. Lorsque je ne me sens pas bien, le fait que quelqu’un tente de me faire sourire ou de changer mon humeur peut en fait s’avérer nuisible.
Bien sûr, il est essentiel de faire preuve d’empathie, comme l’indique la chercheuse américaine Brené Brown; cependant, on doit veiller à ne pas lancer des phrases du type « au moins ». Ainsi, lorsqu’une personne vous annonce qu’elle va divorcer, n’allez pas répondre « Bien au moins, tu as de la chance d’avoir été mariée ». Certains pourraient trouver ce commentaire amusant, mais il n’est pas pour autant utile. Une réponse plus empathique serait plutôt « Merci d’avoir partagé cela avec moi. Aide-moi à mieux comprendre ce que tu vis ».
Les aspects clés du soutien aux autres consistent à écouter et communiquer sans porter de jugement. Ces comportements se manifesteront beaucoup plus facilement si l’on se rappelle que ce n’est pas à nous d’imposer notre système de croyances aux autres, notamment la façon dont la vie « devrait » être vécue ou la manière dont les gens « devraient » agir. Il s’agit de leur vie, pas de la nôtre. En vous liant à l’autre de manière authentique, en discutant à cœur ouvert, et en l’écoutant sincèrement, vous lui apporterez un soutien précieux.
Et pour ceux qui ont du mal à recevoir du soutien, permettez-moi de vous murmurer à l’oreille : « Dis-toi que t’aider m’aide aussi! »
Yvette Murray est formatrice en santé mentale et psychothérapeute.
Photo: ©TriStar Pictures/avec la permission de Everett Collection
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Conserver sa santé mentale à l’ère numérique
Alors que la Semaine de la santé numérique visait à souligner les avantages découlant des soins interconnectés — depuis les consultations virtuelles, les dossiers de cybersanté, jusqu’aux applications —, il s’agissait aussi d’une occasion de réfléchir à la façon dont nous maintenons notre bien-être mental dans un monde de plus en plus numérisé.
« Il ne fait aucun doute que la pandémie a accru notre dépendance à l’égard de la connectivité virtuelle et des médias sociaux », a affirmé le Dr Keith Dobson, professeur de psychologie clinique à l’Université de Calgary. « Et bien qu’il y ait des aspects positifs associés à notre capacité à rester en contact avec relations, nous ne pouvons pas nier les pièges bien réels qui s’y trouvent. » —
Ces pièges ont un effet particulièrement néfaste sur la santé mentale et le bien-être des jeunes – en particulier chez les jeunes filles.
« Notre cerveau a tendance à croire ce que nous voyons », indique le Dr Dobson. « Même si intellectuellement nous comprenons qu’une photo a été trafiquée, qu’un filtre lui a été ajouté ou qu’une image a été retouchée (une taille amincie, des yeux agrandis), notre cerveau ne fait pas clairement cette distinction. »
Voir, c’est croire
Le Dr Dobson soutient que la primauté de notre sens de la vue explique en grande partie pourquoi notre société est si friande de plateformes numériques comme Instagram, qui offrent de puissants stimulants visuels. Nous y sommes également attirés par la dopamine, l’hormone du bien-être qui est sécrétée lorsque nous utilisons un moyen qui nous offre des gains faciles. Les « J’aime », les « cœurs », les « partages » et les commentaires nous procurent de petites bouffées d’endorphine, sans exiger beaucoup d’efforts.
« Habituellement, nous éprouvons un sentiment de bien-être après avoir accompli quelque chose de remarquable », a-t-il ajouté. « Une réussite nous demande d’ailleurs d’investir du temps, de l’énergie et des efforts considérables. En revanche, les médias sociaux nous offrent un raccourci. Mais ce raccourci risque de coûter très cher. L’industrie qui se dresse devant nous est un ennemi redoutable, qui a investi des milliards de dollars pour acheter l’accès à nos pensées les plus secrètes et à nos sentiments d’insécurité les plus enfouis. »
De façon ironique, le Dr Dobson fait remarquer que nous ne devons pas nous sentir bien lorsque nous nous engageons activement sur les médias sociaux. Cette activité peut nous faire nous sentir moins bien, moins attrayants, ou incompétents. Toutefois, fait intéressant, lorsque nous éteignons nos téléphones, nous commençons à nous sentir bien à nouveau.
La boucle de « rétroaction négative »
« C’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction négative », a-t-il expliqué. « Voyez les choses ainsi : vous avez une pensée négative – j’ai laissé la cuisinière en marche, par exemple. Vous devez alors vérifier la cuisinière pour vous assurer qu’elle est bien éteinte. Après une vérification qui vous a soulagé, l’habitude s’installe et la boucle recommence. »
Holly Craib, une étudiante en art de 21 ans à Ottawa, est d’accord. « Je ne décide même pas consciemment de consulter mes médias sociaux. Dans un moment d’ennui, de calme ou de solitude, je prends machinalement mon téléphone et je commence à faire défiler l’écran. » Elle décrit la frustration qui monte en elle lorsqu’elle réalise qu’elle vient de perdre une heure ou deux à vérifier Twitter et à défiler sans fin vers un état d’abattement; elle doit alors se ressaisir parce que ce tourbillon la trouble, à force de comparer ses réalisations à celles qu’elle voit sur ses réseaux.
Le Dr Dobson abonde dans le même sens, expliquant qu’une multitude de choses nous attirent vers les médias sociaux. Il est possible que nous ayons une crainte de manquer quelque chose d’important. Et puis il y a la force exercée par les « monnaies sociales » : nous tenons à participer aux conversations populaires – sur un événement, une personnalité ou un mème – qui circulent sur les médias sociaux.
Mais les choses peuvent prendre une tournure dangereuse lorsque nos craintes sont exploitées telles des données de grande valeur par des organisations qui cherchent à tirer profit de notre détresse. Les troubles de l’alimentation ont augmenté pendant la pandémie, et les chercheurs établissent un lien entre le fait d’être enfermé et d’avoir un accès constant à des contenus attirants qui renforcent les pensées négatives et les comportements nuisibles.
Une relation amour-haine
« C’est un cercle vicieux », dit Holly. « Je crois que comme plusieurs personnes de mon âge, j’entretiens une relation amour-haine avec mon téléphone. Je vois souvent des amis qui publient un avertissement de les joindre sur leur téléphone fixe parce qu’ils prennent une pause de leur cellulaire et du chaos sur les médias sociaux. »
Une fois que vous démontrez un intérêt pour un type de contenu particulier, les algorithmes conçus pour capter votre attention répondent à toute vitesse avec des renseignements clés qui abondent dans le même sens. Soudain, une simple recherche ayant pour sujet « Comment perdre cinq kilos » devient un déferlement de contenu sur les régimes. Si vous n’étiez pas convaincu de la nécessité de maigrir avant cette banale recherche, vous vous retrouvez tout à coup inondé de messages voulant vous persuader que vous devez absolument suivre un régime!
« Et c’est là que réside le danger de devenir un consommateur passif » affirme le Dr Dobson. « Je réalise que les outils dont nous disposons sont relativement inefficaces face au géant d’un milliard de dollars qui vit dans nos poches et qui semble lire dans nos pensées, mais c’est précisément la raison pourquoi nous devons faire preuve de discernement et de précaution. »
Faire face à la réalité virtuelle
Si vous avez grandi avec le magazine Seventeen, par exemple, que vous pouviez lire puis mettre de côté, il peut s’avérer difficile de concevoir à quel point l’influence des médias sociaux est devenue omniprésente. Il ne s’agit plus seulement d’un moyen d’avoir accès aux dernières tendances, à des blagues ou de rester en contact avec sa grand-mère. C’est le monde entier que vous tenez au creux de votre main – et pour plusieurs jeunes, il s’agit de leur validation, leur connexion ainsi que leur plus grand détracteur.
Holly mentionne que se couper de son téléphone serait l’équivalent de se priver d’un lien vital, surtout en contexte de pandémie de COVID-19. « La connexion virtuelle fait partie de ma vie depuis que je me suis branchée à la messagerie MSN quand j’étais à l’école primaire. J’ai créé mon compte Facebook à l’âge de 13 ans. Je ne sais pas comment me connecter avec les gens autrement que de cette façon. Mais je comprends aussi que cela joue sur mes sentiments vulnérabilités, et c’est un équilibre délicat qu’il faut maintenir. »
Le Dr Dobson préconise l’éducation comme outil le plus puissant à notre disposition – en particulier pour les parents de jeunes. Il exhorte les parents à se renseigner sur les médias sociaux et à discuter ouvertement des contenus que leurs enfants recherchent, en leur apprenant dès le plus jeune âge à être des consommateurs dotés d’un esprit critique. « Il faut qu’ils se posent la question : “Quel est le but de cette image?“ Et ensuite, “Comment est-ce que je me sens?”. Cela leur offre l’occasion de prendre conscience de leurs pensées et de détecter si elles sont déformées par des normes irréalistes et malsaines de beauté ou d’accomplissements. »
Il recommande également de mettre en place des limites claires qui, il l’admet volontiers, ne seront pas forcément faciles à faire respecter.
« Certaines limites sont évidentes pour moi : aucun téléphone dans la chambre à coucher, durée d’accès limitée aux téléphones et aux ordinateurs, et participation à d’autres activités qui donnent une poussée d’endorphines sans condition. »
Apprendre un instrument, pratiquer du sport, se balader ou avoir une conversation intéressante avec un ami proche constituent de bonnes solutions de rechange aux médias sociaux; celles-ci nous revigorent, sans l’inévitable effet déprimant associé aux écrans.
Cependant, pour Holly, le travail qu’elle réalise en tant qu’artiste la maintient attachée à la plateforme qu’elle juge la plus problématique. « Instagram est l’endroit tout indiqué pour mettre en valeur mon art, que j’adore concevoir. Mais il n’est pas rare de s’y sentir invisible, noyée, ou moins productive que d’autres. Je suppose qu’en ce sens, c’est un peu comme être entre « ennamis ». D’un côté, vous avez la chance de vous jeter à l’eau et d’exposer vos réalisations. Et, de l’autre, le monde ne se gêne pas pour répondre. »
Apprivoiser la bête
Pour April Yorke, il existe des moyens de dompter la bête. Depuis qu’elle occupe le poste de responsable du marketing numérique à la Commission de la santé mentale du Canada, elle est parvenue à faire en sorte que les médias sociaux travaillent pour elle, et non l’inverse. Elle n’hésite pas à souligner que l’utilisation de ces plateformes peut également avoir des effets positifs sur la santé mentale.
« L’un des principaux avantages des médias sociaux est qu’ils vous permettent de cibler vos champs d’intérêt. Si vous aimez les chiots, la pêche à la mouche et le tricot, vous pouvez parier que vous allez voir des chiots, de la pêche à la mouche et du tricot, et ce, du matin jusqu’au soir. »
Mais si vous considérez que l’algorithme s’est retourné contre vous (notamment quand vous êtes submergé de contenu lié à #CommentPerdreCinqKilos, April recommande de faire en sorte que l’algorithme se mette plutôt à travailler dans votre intérêt. « Commencez par faire des recherches sur des sujets qui vous rendent heureux. Lorsque vous les trouvez, assurez-vous de cliquer « J’aime » ou de commenter, de vous abonner au compte ou de le suivre – en fait, n’importe lequel de ces gestes pour interagir avec le compte. Il ne faudra pas bien longtemps pour que l’algorithme repère vos nouveaux centres d’intérêt et commence à vous orienter dans cette nouvelle direction. »
Si vous voyez toujours des choses qui ne vous plaisent pas? Signalez-le. Bloquez le profil. Les médias sociaux vous offrent ces options parce qu’ils ne veulent pas vous montrer des choses que vous ne souhaitez pas voir et risquer de vous perdre en tant que client. Complétez la boucle rétroactive en indiquant clairement ce que vous ne voulez pas voir. »
Holly est également une adepte de cette approche. « Dans mes paramètres Twitter, j’ai inscrit une longue liste de mots, de phrases et de sujets dont je ne veux pas entendre parler. Le procédé n’est pas parfait, mais il s’agit tout de même d’un pas dans la bonne direction.
Prendre du recul
Si ces deux options ne fonctionnent pas, April propose une autre idée. « Agissez comme une célébrité en pleine controverse et remettez les compteurs à zéro. Désabonnez-vous de toutes les personnes que vous suivez actuellement. Supprimez les publications et les photos que vous ne souhaitez plus voir. »
April a un ami qui a fait une pause de plusieurs années des médias sociaux. Lorsqu’il a renoué avec les réseaux, il n’a choisi qu’une seule plateforme et a soigneusement sélectionné les personnes qu’il allait suivre.
« Maintenant », a déclaré April, « l’utilisation de ses médias sociaux lui permet de se sentir inspiré d’une manière tout à fait différente et positive. »
Il n’est pas coutume de lire des articles recommandant d’éviter stratégiquement des applications ou de les supprimer complètement. Si cela peut s’avérer une bonne décision pour certaines personnes, il ne s’agit pas forcément d’une solution judicieuse pour les gestionnaires de médias sociaux ou les personnes comme Holly, qui doivent tirer parti de la connectivité des médias sociaux pour présenter leur travail ou gérer une entreprise.
Mais comme April l’a mentionné, « une fois que vous avez réduit la liste de personnes que vous suivez, il ne vous faut plus autant de temps pour “être à jour” (quoi que cela veuille dire), et vous passez donc moins de temps sur l’application. Maintenant quand je fais défiler mon écran, je vois surtout mes amis proches et des publicités pour des sacs de voyage avec plusieurs poches – un rappel important qu’il existe un monde extérieur débordant de possibilités. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
illustratrice : Holly Craib https://www.hollcee.com/
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Mettre sur un pied d’égalité la sécurité psychologique et la sécurité physique constitue une bonne politique et une pratique exemplaire. Un regard sur l’évolution de la situation dans les secteurs du pétrole et du gaz.
À une époque où nous entendons régulièrement des mots comme isoler, mettre en quarantaine et confiner, il ne reste plus beaucoup de place pour d’autres termes comme socialiser, mettre en relation ou faire preuve d’empathie. Même si la pandémie a exposé notre milieu de travail plus que jamais au stress et à l’anxiété, créer une culture qui donne aux travailleurs la confiance nécessaire pour demander un soutien en matière de santé mentale a toujours été un défi.
Steve Tizzard connait très bien ce que signifie la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale au travail. Il travaille depuis 25 ans chez Hibernia, une plateforme pétrolière située sur les Grands Bancs de Terre-Neuve-et-Labrador. Il a été aux premières loges du changement de direction de l’entreprise en faveur du bien-être mental.
Tizzard illustre les anciennes attitudes stigmatisantes par des exemples criants comme :
« Tu souffres de dépression? Retourne chez toi, tu ne réussiras pas dans cette industrie. Tu te sens anxieux? Prends sur toi, mon ami, et ne laisse personne d’autre t’entendre dire ça! Des problèmes relationnels? Des problèmes financiers? Des dépendances? Tout cela est tabou dans l’industrie. Tu es un ouvrier sur une plateforme pétrolière, tu es costaud et plein d’entrain, et ces choses ne peuvent donc pas t’affecter! » —En conséquence, les travailleurs avaient souvent l’impression qu’ils devaient cacher leurs problèmes et qu’ils ne pouvaient pas demander de l’aide.
Aujourd’hui, fort heureusement, ces attitudes se font plus rares. De plus en plus d’employeurs comprennent que les problèmes de santé mentale peuvent toucher n’importe qui, quel que soit le poste ou le secteur d’activité, et comme le souligne M. Tizzard, l’aide se trouve à une conversation près. Un outil puissant en milieu de travail est d’apprendre aux travailleurs qu’il est normal de parler à un collègue s’ils vivent des difficultés, s’ils passent une mauvaise journée ou s’ils se sentent en crise, tout en sachant qu’ils ne seront pas jugés.
Cette approche simple a fonctionné pour de nombreux employés chez Hibernia. Selon M. Tizzard, elle tire sa puissance du fait qu’elle est dirigée par les travailleurs eux-mêmes. Au lieu de compter uniquement sur des mesures de soutien professionnel, les travailleurs savent que d’autres sont prêts à les écouter et à les aider en cas de besoin. Son expérience lui a également démontré que cette approche peut être plus efficace et plus rapide que les stratégies conventionnelles en matière de sécurité psychologique au travail.
Il croit profondément au pouvoir des échanges sur le savoir expérientiel dans le cadre d’un dialogue ouvert lors des réunions sur la sécurité au travail. « En milieu de travail, nous devons constamment trouver des moyens d’aborder les questions de santé mentale au même titre que celles liées à la santé physique », a-t-il déclaré. Il sera possible de réduire les préjugés en sensibilisant les travailleurs et en faisant en sorte de parler de la « santé mentale » au cours des réunions sur la sécurité et de l’inclure dans les initiatives de promotion de santé et de sécurité au travail.
Toutefois, mettre la sécurité psychologique au même niveau que la sécurité physique peut encore constituer un défi. M. Tizzard l’illustre bien en affirmant que « certaines organisations considèrent qu’il est normal d’avoir une cheville foulée, mais pas l’anxiété. Il est plutôt acceptable d’accorder la priorité aux questions de sécurité physique en milieu de travail, mais cela n’est pas le cas pour les préoccupations concernant la sécurité psychologique. »
Malgré toutes ces difficultés, son soutien actif pour la promotion de la santé et sécurité psychologiques a permis à Hibernia de réaliser des progrès considérables. Récipiendaire du prix Sécurité au travail au Canada en 2015, le comité de bien-être d’Hibernia, mis sur pied par M. Tizzard, s’est vu décerner une médaille d’or pour la sécurité psychologique.
Lorsqu’on lui demande à quoi on devrait prêter attention lorsqu’on vise à établir une culture de sécurité psychologique en milieu de travail, il répond : « Tout défenseur ou travailleur passionné prêt à mettre en œuvre un programme en milieu de travail doit s’attendre à faire face à des embûches la plupart du temps. Au début, la stigmatisation sera toujours le principal frein, mais l’état d’esprit des travailleurs et des gestionnaires peut également constituer des bâtons sous les roues. »
Tizzard ajoute que réussir l’élaboration d’un programme nécessite la mise en commun de nombreux facteurs. Il est essentiel d’avoir un soutien de base de la part de l’employeur, de la direction, des comités de santé et de sécurité au travail, et bien sûr, des travailleurs eux-mêmes. Parmi les outils utilisés chez Hibernia figurent le microapprentissage, les tableaux de bien-être et la formation Premiers soins en santé mentale (PSSM).
La formation PSSM est un programme de la Commission de la santé mentale du Canada qui enseigne la manière de porter secours aux personnes qui commencent à manifester un problème de santé mentale, qui traversent une crise psychologique ou dont la santé mentale se dégrade. Depuis 2007, près de 600 000 personnes ont suivi cette formation au Canada.
Selon M. Tizzard, s’ils disposent des informations et des compétences pertinentes et s’ils font preuve d’une ouverture d’esprit, « les travailleurs attentionnés et dûment formés dans nos entreprises peuvent être très efficaces pour réduire les blessures physiques et mentales. Il s’agit d’un moyen d’obtenir de l’aide dont peu connaissent l’existence, mais qui est une ressource de première ligne pour les personnes dans le besoin. J’en suis témoin chaque jour. »
Steve Tizzard travaille sur la plateforme Hibernia depuis 1997, et a occupé des postes dans le domaine des communications, de la météo et de la gestion des glaces depuis les 22 dernières années. Il est le membre fondateur de l’Offshore Wellness Committee qui dessert les travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière. Outre la médaille d’or reçue en 2015 pour la sécurité psychologique, Hibernia a obtenu en 2017 le prix CM Hincks Workplace Award de l’Association canadienne pour la santé mentale pour son excellence à promouvoir la santé mentale au travail. Steve est également formateur pour le programme de premiers soins en santé mentale (PSSM) et il est un conseiller agréé en santé et sécurité psychologiques. Pour en savoir plus sur son travail, consultez le site www.allthebestconsulting.com.
Nicole Chevrier
Passionnée de santé mentale, elle est aussi une écrivaine enthousiaste et une photographe de talent. Nicole a récemment publié son premier livre, qui s’adresse aux enfants vivant de l’intimidation. Quand elle n’est pas à son bureau, elle partage ses temps libres entre le yoga, la méditation, la danse de salon, la randonnée pédestre et la photographie des merveilles de la nature. Elle collectionne aussi les couchers de soleil.
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Lorsque j’ai appris que Carolyn Bennett avait été nommée première ministre de la Santé mentale et des Dépendances du Canada, j’ai éprouvé une profonde gratitude.
Évidemment, je me réjouis de l’attention croissante portée à la santé mentale et à l’usage de substances, une attention dont la portée et l’intensité ont augmenté au cours des deux dernières années. J’étais tout aussi reconnaissant de me faire une nouvelle alliée qui pourrait aider à répondre à la question qui nous anime tous à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) : Comment pouvons-nous soutenir au mieux les Canadiens en ces temps difficiles?
Le mois dernier, j’ai eu l’occasion de rencontrer la ministre au cours d’une entrevue virtuelle pour aborder cette question et bien d’autres.
Adopter une approche holistique
Au début de notre conversation, il n’en a pas fallu longtemps pour constater que, même si la ministre Bennett est nouvelle dans ce rôle, elle maîtrise bien le sujet. Lorsque je lui ai demandé quelle idée fausse sur la santé mentale elle aimerait le plus corriger, elle a répondu sans hésitation.
« Tout le monde doit comprendre la différence entre la santé mentale et la maladie mentale », m’a-t-elle dit. « Lorsque le Dr Brock Chisholm (Premier directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé, de 1948 à 1953) a dit qu’il ne pouvait pas y avoir de véritable santé physique sans la santé mentale, il avait raison. Nous ne pouvons pas parler de la santé physique sans tenir compte des aspects mentaux, émotionnels et spirituels du bien-être d’une personne. »
Ayant une longue carrière de médecin de famille avant de faire son entrée en politique, la ministre Bennett détient une profonde compréhension du lien inextricable entre la santé mentale et la santé physique. Elle sait aussi bien ce qui se passe lorsque ce lien est négligé.
« En travaillant dans le domaine de la médecine familiale, on entend parler des difficultés auxquelles les gens font face tous les jours », dit-elle. « Je me souviens avoir consulté des rapports médicaux sur un patient, qui de toute évidence, était aux prises avec des problèmes familiaux et autres, mais aucun de ces éléments n’y était souligné. Le cardiogramme ou l’indice de masse corporelle d’une personne ne donne pas une image complète de son état de santé. » Une telle approche décousue, a-t-elle ajouté, contribue à la stigmatisation qui entoure la maladie mentale.
Heureusement, a-t-elle dit, que la COVID-19 nous a donné une nouvelle occasion d’apporter un changement pour le mieux. La maladie ayant lourdement impacté la santé physique et la santé mentale des gens, elle a également mis en évidence l’intersection entre les deux.
« Avec la pandémie de COVID, les mentalités ont évolué et les gens admettent davantage qu’ils éprouvent des difficultés », explique-t-elle. « Si ne serait-ce qu’une personne sur deux arrive à parler lorsque sa santé mentale se détériore, cela réduirait la stigmatisation et nous serions bien mieux placés pour aborder les problèmes à long terme. »
Ouvrir de nouvelles portes aux soins
Bien évidemment, tout comme la ministre Bennett s’est empressée de le souligner, la stigmatisation n’est qu’une pièce du casse-tête. De plus, pour répondre aux besoins nouveaux et existants en matière de santé mentale au Canada, l’innovation et la coopération sont de mise à tous les niveaux.
Le modèle de soins par paliers 2.0, dont la mise en œuvre et la promotion ont été dirigées par la CSMC, est un bon exemple d’une telle innovation. Il offre la forme de soutien la plus simplifiée jugée appropriée qui permet de « passer » au niveau supérieur ou inférieur selon les besoins. À Terre-Neuve-et-Labrador, le modèle a contribué à une réduction de 68 % des temps d’attente pour les services de santé mentale, et la ministre Bennett espère un taux de réussite similaire dans les autres provinces.
« Dans les établissements postsecondaires, par exemple, ce ne sont pas tous les étudiants qui ont besoin d’avoir accès aux services d’un psychologue », a-t-elle expliqué. « Ils peuvent obtenir l’aide dont ils ont besoin au moyen d’une orientation appropriée ou d’un conseil par les pairs. »
Dans un autre exemple, la ministre a cité une étude portant sur 40 femmes ayant besoin d’un soutien en matière de santé mentale périnatale. Parmi ces 40 femmes, seulement deux répondaient aux critères déterminant la nécessité d’avoir accès aux services d’un psychiatre spécialisé en périnatalité.
« Les provinces et les territoires ont accueilli avec enthousiasme ce modèle. Ils font un excellent travail en collaborant et en apprenant les uns des autres pour mettre en œuvre ce type de programmes et faire progresser notre compréhension dans de nombreux domaines », a-t-elle déclaré, soulignant leur objectif commun de développer des soins qui tiennent compte du facteur culturel et des traumatismes. « Ils collaborent au-delà des frontières pour s’échanger les meilleures idées et les améliorer encore davantage. »
L’enthousiasme des provinces et des territoires soulève la question que certains se posent depuis la création du poste de ministre de la Santé mentale et des Dépendances. Quelle serait la position la plus efficace du gouvernement fédéral dans l’équation des soins de santé?
« La prestation des soins de santé relève d’une compétence provinciale ou territoriale. Toutefois, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir au niveau fédéral pour alléger la charge. La santé, notamment la santé mentale, est une responsabilité partagée entre tous les niveaux de gouvernement », a-t-elle déclaré.
La ministre est également enthousiaste à l’égard de l’autre rôle du gouvernement fédéral dans l’amélioration de la santé mentale, un rôle qui commence à l’interne.
« Tous les services du gouvernement font face à des défis en matière de santé mentale », a-t-elle dit, incluant « Anciens combattants, Service Correctionnel Canada, Services aux Autochtones Canada, la GRC. Comment ainsi devenir un employeur exemplaire? Nous devons être en mesure de prendre soin de notre propre personnel et de joindre le geste à la parole en matière de santé mentale. »
Miser sur une force externe
Lorsque nous avons abordé le sujet de la prise en charge de sa propre santé mentale, les commentaires de la ministre Bennett réaffirmaient une grande partie de nos connaissances sur les facteurs de protection.
Elle parle de l’importance du lien social, exprime sa gratitude pour son excellente équipe de travail et pour son partenaire, Peter, qu’elle décrit comme son principal soutien. « Même si je travaille toute la nuit pendant trois jours d’affiliée, il me saluera toujours quand je rentre à la maison comme si j’étais Gretzky après un tour du chapeau ».
Elle parle également d’activité physique, décrivant des promenades avec son labrador jaune, Ripley, sous le couvert magique des arbres du sentier Beltline de Toronto. Une partie de son passe-temps est consacrée comme pour préparer un devoir pour les Oscars, ce qui est normal, puisque son mari travaille dans l’industrie cinématographique.
Enfin, elle parle de la paix qu’elle trouve dans la nature, notamment lors de ses visites à la baie Géorgienne. « J’ai besoin de regarder ce point où le ciel rencontre l’eau et de constater que l’eau a un aspect différent à chaque fois », a-t-elle confié. « Être capable de voir quelque chose de plus grand que soi, quelque chose que l’on ne peut pas contrôler, est un bon rappel que les plans peuvent changer. »
C’est exactement cette philosophie que la ministre espère contribuer à transmettre à la population canadienne pendant et après cette période de pandémie.
Tracer la voie à suivre
« Il y a deux types de vaccins importants pour les Canadiens et les Canadiennes en ce moment », a-t-elle dit. « L’un consiste à se prémunir contre la COVID-19, et l’autre contre l’incertitude. »
Elle fait ici référence à la fois à la pandémie et à d’autres problèmes mondiaux, tels que le changement climatique, qui augmentent nos niveaux de stress et d’anxiété.
« La résilience consiste à reconnaître que votre journée ne va pas se dérouler exactement comme vous l’aviez prévu dans votre agenda, et à apprendre à l’accepter », a-t-elle dit. « Nous devons offrir aux gens les outils nécessaires pour développer ce type de résilience et d’autonomie lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu. »
« J’espère aussi que nous serons davantage en mesure de tendre la main à ceux qui ont des difficultés, à ceux qui ne semblent pas être eux-mêmes. La pandémie de COVID nous a appris que nous pouvons être ensemble tout en maintenant une certaine distanciation. Comment pouvons-nous tirer parti de cette situation pour renforcer la résilience et montrer aux gens qu’ils ne sont pas seuls? »
Répondre à cette question à l’échelle nationale est au cœur du mandat ambitieux de la ministre, qu’elle est prête et désireuse de remplir.
« Notre objectif est de mettre en place une stratégie en matière de santé mentale dans laquelle chacun peut se reconnaître. Cela signifie qu’il faudra se tourner vers les normes nationales et établir des attentes minimales sur lesquelles s’appuyer », a-t-elle expliqué. « Nous nous assurerons que l’argent destiné à la santé mentale sera affecté à la santé mentale au moyen de transferts et nous consulterons davantage de recherches et nous recueillerons plus de données dans le cadre de ce processus. Comprendre ces résultats sera essentiel pour prendre les meilleures décisions à l’avenir. »
À plus long terme, la ministre espère contribuer à la mise en place d’un système de soins plus cohérent.
« Nous luttons depuis longtemps contre cette mosaïque de non-systèmes. Comment faire en sorte d’intégrer complètement la santé mentale dans les systèmes de santé? Cela ne peut pas représenter le secteur de telle ou telle profession », a-t-elle déclaré. « Nous devons sortir d’un secteur aux limites strictes et nous orienter vers des compétences de base extensibles. C’est ainsi que nous créerons un moyen plus moderne et plus efficace de fournir aux Canadiens et aux Canadiennes les services dont ils ont besoin quand ils en ont besoin. »
Il s’agit d’un défi de taille, mais la ministre Bennett a passé sa carrière à prouver qu’elle ne craint pas les défis.
« Nous pouvons le faire », a-t-elle dit. « Les Canadiens et les Canadiennes comptent sur nous. »
Michel Rodrigue
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La transition vers des horaires de travail hybrides permanents dans les milieux de travail à la suite de la pandémie représente un défi unique pour les gestionnaires et les chefs d’équipe. Bien qu’il ait été démontré que les horaires de travail flexibles réduisent le stress psychologique et physique chez les employés qui ne travaillaient pas à distance auparavant, une équipe dispersée nécessite différentes approches de gestion de l’orientation des employés, des problèmes de rendement et des conflits. La pandémie a mis en lumière l’importance de la santé mentale en milieu de travail, mais les dirigeants peuvent trouver que les éléments humains de leur rôle, notamment la capacité à tisser des liens avec leurs employés et à s’identifier à eux, sont de plus en plus complexes.
La Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a créé une ressource à l’intention des gestionnaires qui vise à combler le fossé virtuel en milieu de travail. La Trousse d’outils du gestionnaire : Diriger dans un environnement de travail hybride fournit des lignes directrices exploitables pour gérer les conflits en milieu de travail et maintenir la cohésion sociale.
« La Trousse du gestionnaire fournit des renseignements concrets et utiles pour les personnes qui soutiennent et orientent les autres; elle a pour but de les aider à surmonter les défis rencontrés en milieu de travail en mettant les personnes au premier plan », affirme Nicole Chevrier, gestionnaire, Marketing et communications à la CSMC.
Plus important encore, la Trousse d’outils du gestionnaire présente une stratégie visant à intégrer la sensibilisation à la santé mentale aux milieux hybrides et aide les gestionnaires à reconnaître les signes d’un déclin de la santé mentale chez leurs employés.
« L’application de la Trousse d’outils du gestionnaire pour évaluer la santé mentale des membres de votre équipe est semblable à la manière dont les professionnels de la santé analysent et évaluent la santé de leurs patients », explique la Dre Ellen Choi, professeure adjointe en ressources humaines et en comportement organisationnel à l’Université métropolitaine de Toronto (précédemment Université Ryerson).
La ressource comprend des scénarios en milieu de travail et des solutions exploitables en lien avec une multitude de responsabilités de gestion affectées par le travail hybride, notamment des stratégies pour gérer les problèmes de rendement, la résolution des conflits, l’accueil de nouveaux employés, le bien-être mental et la sensibilisation à la santé mentale.
Utiliser une approche centrée sur les personnes avant tout pour remédier aux problèmes de rendement
Étant donné que les signes d’épuisement professionnel, d’anxiété et de stress sont moins flagrants dans le contexte des interactions virtuelles, le premier signe qu’un employé vit de la détresse pourrait être une baisse de rendement.
« Vous pourriez vous rendre compte que ce n’est pas entièrement un problème de rendement et que d’autres facteurs peuvent contribuer à expliquer ce changement », explique Samuel Breau, gestionnaire, Accès à des services de santé mentale de qualité à la CSMC.
Avec l’avènement des équipes virtuelles, la capacité à comprendre les problèmes que vivent les employés est à la fois plus importante et plus difficile à maîtriser. La Trousse du gestionnaire fournit aux dirigeants des stratégies pour évaluer leurs processus de mesure du rendement et de la productivité actuels en s’appuyant sur une vision plus holistique de l’employé. Cela implique notamment d’encourager le dialogue sur l’épuisement professionnel et l’anxiété, de faire preuve d’empathie et de soutenir les employés en les aidant à accorder la priorité à leur santé mentale.

Dr. Ellen Choi – Crédit photo: Ivey School of Business, Western University
Créer une conversation sur la résolution des conflits
Étant donné que les équipes dispersées peuvent avoir moins d’interactions, les conflits sont plus susceptibles de se manifester lors des réunions ou dans les courriels et les collaborations, alors qu’il n’y a pas d’espace dédié à la discussion. Dans les milieux hybrides, le rôle d’un gestionnaire dans la facilitation des conversations importantes est d’autant plus important, affirme la Dre Choi. « Des conversations honnêtes permettent de prendre le pouls du milieu de travail hybride; quand les signes vitaux sont faibles au sein de l’équipe, les dirigeants peuvent prendre les choses en main et stabiliser la situation pour les autres. »
La Trousse d’outils du gestionnaire offre des stratégies utiles pour orienter la résolution des conflits en favorisant une communication ouverte afin d’éviter que les mêmes problèmes surgissent à nouveau.
Voir les choses autrement pour l’accueil virtuel de nouveaux employés
Nouer le dialogue avec les équipes de travail est une façon importante pour les nouveaux employés de se sentir inclus, informés et connectés, et les gestionnaires peuvent contribuer à rendre cette expérience intéressante pour tous. Julia Armstrong, une gestionnaire du programme de Santé mentale et usage de substances à la CSMC, suggère de s’appuyer sur les propres intérêts et passe-temps de vos employés pour planifier des périodes de réchauffement des liens et de socialisation en mode virtuel, afin que l’expérience soit plus authentique.
« C’est tellement crucial, et pas seulement lors de l’accueil d’un nouvel employé. Essayez de savoir comment les membres de l’équipe aimeraient passer du temps ensemble avant de présumer que vous savez ce qu’ils veulent », explique Mme Armstrong. « Parfois, les rassemblements les plus simples peuvent être l’occasion de tisser les liens les plus significatifs au moment où nous en avons le plus besoin. »
Normaliser la santé et le bien-être : Un moyen de prévenir, et non un remède
Créer un espace sécuritaire pour parler ouvertement de santé mentale dans le milieu de travail est aussi important pour les employés que pour les gestionnaires, affirme la Dre Choi. « Vous ne pouvez pas faire preuve d’empathie face à la vulnérabilité des autres si vous n’êtes pas capable de vous montrer vous-même vulnérable. Si vous n’êtes pas capable d’arrêter de vous juger vous-même, ceci vous empêche d’afficher votre vulnérabilité, et cela pourrait vous amener à simplement considérer la vulnérabilité des autres comme une preuve de faiblesse. »
La Dre Choi croit que pour garder la santé mentale à l’esprit, il faut que cela vienne d’abord de nous. Plus spécifiquement, les gestionnaires qui ressentent de la pression pour être le ciment de l’équipe ou pour être « omniscients » devraient pratiquer régulièrement l’autocompassion.
« Quand vous avez l’impression que vous n’avez pas le droit de vous tromper, que tout le monde compte sur vous, vous pouvez ne pas avoir la chance “d’être humain” souvent. Sans cette zone tampon autour de votre propre psyché qui laisse une place à la vulnérabilité, il ne reste qu’une fragilité, et c’est insoutenable », dit la Dre Choi. « Remettez en question votre monologue intérieur pessimiste ou vos doutes envers vous-même en pensant aux parties de vous qui se sentent submergées et en vous demandant “Est-ce que je fais de mon mieux?” [ou] “De quoi ai-je besoin en ce moment pour m’octroyer une pause?”»
Surveiller comment vont ses employés, et non surveiller ses employés
Les gestionnaires d’équipes hybrides doivent trouver de nouvelles façons de surveiller la santé mentale de leurs équipes; adopter une attitude de meneur pour déstigmatiser la santé mentale peut rendre cette tâche plus facile. La Trousse d’outils du gestionnaire fournit de multiples stratégies pour engager le dialogue à propos de la santé mentale au travail, notamment en faisant des vérifications informelles, en partageant sa propre histoire et en apprenant à déceler les signes du déclin de la santé mentale en suivant des formations comme l’Esprit au travail.
Peu importe l’approche avec laquelle vous êtes le plus à l’aise, faire preuve d’ouverture d’esprit en écoutant ses employés est essentiel pour créer un espace sûr empreint de confiance et qui favorise la communication entre les gestionnaires et les membres de leurs équipes dans les milieux de travail hybrides.
« Nous pouvons appliquer les mêmes principes pour être un dirigeant compatissant qui écoute attentivement, qui observe et qui pose des questions lorsqu’il remarque des changements », explique Samuel Breau. « Un modèle hybride exige encore davantage de discipline pour entraîner ces muscles qui servent à écouter et à observer. »
La Trousse d’outils du gestionnaire se veut une ressource axée sur la santé mentale destinée aux gestionnaires qui apprennent à s’adapter aux changements qui entourent les milieux de travail hybrides. Apprenez-en davantage sur la Commission de la santé mentale du Canada et sur les ressources qu’elle offre ici.
Janelle Jordan
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En vedette : Carole Shankaruk, Kellie Garrett et Cheryl Fraser, membres du conseil d’administration de la CSMC
Il est tentant de croire que l’on connaît une personne en se fiant à ses réussites scolaires, ses réalisations professionnelles ou ses dons philanthropiques. Mais quand on lève le voile, on découvre parfois des épreuves et des souffrances qui disent une histoire bien plus complexe qu’une note biographique de quelques phrases.
Notre récente conversation virtuelle avec trois membres du conseil d’administration de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) nous rappelle avec éloquence que les réalisations les plus significatives ne sont pas toujours celles qui attirent les éloges de la communauté.
La passion de Carole Shankaruk, Kellie Garrett et Cheryl Fraser pour la santé mentale prend ses racines dans leur cheminement personnel. Ces trois femmes ont puisé dans les moments de noirceur qu’elles ont traversés la volonté d’ensoleiller l’existence des gens qui les entourent.
Militantes par accident

Carole Shankaruk
Nos trois interlocutrices méditent un instant avant d’entreprendre leur récit qui paraît sans doute bien plus linéaire aujourd’hui que l’étaient les événements qu’il relate.
« Pour être honnête, commence Mme Shankaruk, installée à son domicile près de Winnipeg, je redoutais un peu cette conversation. Revivre des événements passés fait remonter tellement d’émotions douloureuses. »
Mais plutôt que de les enfouir en elle, elle brandit ses mouchoirs et se lance dans les événements qui ont bouleversé sa vie. Comme travailleuse sociale clinique, Carole Shankaruk croyait disposer des outils nécessaires pour affronter les aléas de la maternité.
« Mais lorsque c’est votre propre enfant qui souffre, la théorie n’est plus d’aucun secours. »
Quand son fils Noah avait sept ans, la douleur débilitante qu’il ressentait a été attribuée à la maladie de Crohn, une affection causant une inflammation particulièrement douloureuse de l’intestin.
Quant à Cheryl Fraser, son périple a commencé dès la première année de vie de son fils Jamie. « Il semblait constamment frustré, il ne mangeait pas suffisamment et son développement semblait au ralenti, raconte-t-elle. Les médecins n’ont rien décelé de particulier, mais nous savions qu’il avait besoin d’aide et, surtout, que quelqu’un devait prendre sa défense. »
L’amour (et la culpabilité) d’une mère

Kellie Garrett
L’un des premiers obstacles que Mme Shankaruk a rencontrés est la difficulté à composer avec la douleur de son fils. « Nous avons tout essayé, mais elle perturbait absolument tous les aspects de notre vie. » Elle se souvient du fardeau accablant de la culpabilité qui l’écrasait et qui pèse encore sur ses épaules à ce jour. « Est-ce que j’en ai fait assez? Y a-t-il d’autres interventions que j’aurais pu tenter? »
Entendant cette crainte, exprimée avec hésitation d’abord, Kellie Garrett, mentor auprès de cadres, conférencière et conseillère, l’encourage depuis sa résidence de Regina.
« La fameuse culpabilité! Je ne sais pas si nous, les mères, pouvons nous en libérer totalement. » Mme Garrett a combattu une dépression postpartum non diagnostiquée après la naissance de son deuxième enfant, qui est survenue peu après le décès de sa mère et un déménagement à l’autre bout du pays.
« Je croyais que ce qui m’arrivait, c’était simplement la définition de la maternité, explique-t-elle. Le sentiment d’être épuisée, submergée, isolée… pour moi, c’était une épreuve que toutes les mères devaient traverser. Je venais d’emménager dans une nouvelle ville, alors je n’avais pas d’amies à qui me confier. En plus, mon conjoint n’était pas en mesure de reconnaître mes symptômes, et comme j’ai grandi dans une famille difficile, je n’avais aucun modèle positif dont je pouvais m’inspirer. »
Mme Garrett prend un moment pour maîtriser ses émotions avant de se plonger dans le récit des maladies mentales qui ont affligé sa mère et sa grand-mère. « Ma grand-mère a vécu des souffrances atroces quand son mari a abandonné sa famille. Complètement effondrée, elle a subi plusieurs rondes d’électrochocs, avant de recevoir un diagnostic de trouble bipolaire. De plus, ma mère a été atteinte de dépression majeure tout au long de sa vie adulte. Quand mon fils a commencé à souffrir de dépression, j’ai pensé que c’était son triste legs. J’avais l’impression que le sang qui coulait dans ses veines était empoisonné par ma faute… C’est une pensée obsédante. »
Mme Shankaruk intervient : « Nous nous jetons tellement de blâmes. Pourtant, en faisant cela, en plus d’alimenter la stigmatisation entourant la maladie mentale, nous essayons de faire tourner le moteur alors que le réservoir est à sec. Lorsqu’il est question de maternité, nous subissons de petits et de grands traumatismes, mais nous n’avons pas nécessairement les mots pour les nommer et les outils pour les surmonter. Alors nous persévérons, sans nous rendre compte que nous perpétuons les mêmes préjudices que nous cherchons à éviter à tout prix. »
La culpabilité de Mme Fraser ne se rapporte pas à la maladie de Jamie, mais à son incapacité à le protéger dans l’environnement où il était le plus vulnérable : la salle de classe. Jamie avait toujours eu des difficultés à l’école, exacerbées par ses différences en matière d’apprentissage, sa coordination limitée et sa taille imposante, mais sa sixième année a marqué un point décisif.
« À une fête d’anniversaire organisée pour Jamie, j’ai entendu un de ses amis parler d’un enseignant qui lançait des objets, se souvient-elle. Quand j’ai cherché à en savoir plus, les vannes se sont ouvertes. Les garçons se sont mis à me raconter que leur enseignant obligeait Jamie à lui apporter du café et qu’il lui lançait des brosses à tableau lorsqu’il donnait la mauvaise réponse. J’étais horrifiée. » Nous avons découvert que cet enseignant avait des antécédents de maltraitance envers des élèves ayant des besoins particuliers.
Mme Fraser et son mari ont retiré leur enfant de l’école, mais ils ont dû le changer d’établissement deux fois de plus. En huitième année, Jamie en a eu ras le bol. Frustré par des années d’incompréhension, tant de la part de ses pairs que de ses enseignants, il s’est rendu chez le directeur pour déclarer : « Si vous ne faites rien, je vais me tuer. »
« À ce moment, nous avons dû intervenir directement et prendre le relais, relate Mme Fraser. Jamie avait du mal à faire confiance aux adultes, mais nous avions besoin qu’il fasse confiance à ses parents. Dieu merci, il l’a fait. »
Chez Mme Shankaruk, Noah a retrouvé une certaine joie de vivre au début de l’adolescence. Bien que des vagues de douleur continuaient de l’affliger, il s’en sortait bien au début de l’âge adulte. « Il travaillait et l’avenir paraissait radieux, dit-elle, gagnée par l’émotion. Puis, un jour, sur un chantier, il s’est plaint de ses douleurs à un ami. Sans réfléchir, il a pris la pilule qu’on lui tendait. Celle-ci a soulagé ses symptômes physiques, mais elle a aussi déclenché une dépendance qui allait éclipser la douleur causée par la maladie de Crohn. »
Les décisions que son fils a prises lorsqu’il consommait des substances ont mené à son arrestation et à une comparution en cour. « J’étais terrifiée. Je ressentais tellement de colère face au traitement qu’il subissait. Je tremblais littéralement de la tête aux pieds sous l’effet des émotions que je réprimais. Oui, il avait fait une erreur. Oui, il avait pris des pilules qui modifiaient son comportement et altéraient son jugement. Mais tout un pan de l’histoire était occulté. Pourquoi personne ne prenait-il sa maladie chronique en considération? Pourquoi personne ne voyait-il le portrait de tout ce qu’il avait accompli dans sa vie? Pourquoi le système est-il tellement punitif alors que l’objectif devrait être la réadaptation, ou dans le cas de mon fils, l’intervention médicale? Il est un être humain tellement formidable, mais il a été réduit à un numéro dans un registre de casiers judiciaires. »
« Je suis vraiment désolée, intervient Mme Garrett. Je ne connaissais pas cette histoire. » Toutes deux marquent une pause, comme par solidarité dans le sentier solitaire que tant de mères doivent parcourir avant de trouver un sentiment de paix ou de réconfort.
« Un de mes fils est autiste, reprend-elle. J’ai consacré beaucoup de mon temps à veiller à ses besoins, pendant que mon autre fils s’enfonçait peu à peu dans l’anxiété, quand il était enfant, puis dans la dépression… Je m’en veux qu’il soit tombé entre les craques. »
Les deux femmes se sont jetées à corps perdu dans le travail, un baume sur leurs plaies à un moment où leur vie familiale déraillait. « Je faisais de l’excellent boulot, se rappelle Mme Garrett, et je savais ce que je faisais. Pour la maternité, il n’existe aucun mode d’emploi. Je me sentais comme un rat dans un laboratoire. Je naviguais à l’aveugle, et pourtant on conditionne les femmes à croire que ces aptitudes devraient leur être innées. Plus jeune, je ne savais pas comment demander de l’aide. Pire encore, j’aurais eu honte d’en avoir besoin. »
S’accorder un répit

Cheryl Fraser
Aujourd’hui, Mmes Shankaruk, Garrett et Fraser ont conscience que les leçons qu’elles ont apprises au fil des épreuves pourraient aider des femmes qui entreprennent le même genre de parcours, et c’est précisément pourquoi elles ont accepté de livrer des témoignages aussi intimes.
« Le conseil que j’aimerais donner à toute personne aux prises avec des difficultés, qu’elle soit une jeune maman ou non, est de demander de l’aide à ses semblables, souligne Mme Shankaruk. Dans mon cas, j’ai trouvé le soutien d’un groupe spirituel de femmes. La plupart d’entre elles étaient beaucoup plus âgées que moi, et cet écart a été une réelle bénédiction. Elles avaient plus d’expérience que moi, si bien qu’elles voyaient venir les écueils qui m’attendaient et me donnaient de précieux conseils fondés sur un vécu que je n’avais pas encore. »
Mme Garrett aussi a fini par trouver du réconfort dans l’amitié féminine, signalant toutefois que la croyance selon laquelle les femmes cherchent davantage à rivaliser entre elles qu’à se soutenir doit être remise en question. « Je ne crois pas que nous soyons intrinsèquement plus compétitives ou que nous soyons mues par le désir de causer du tort aux autres femmes. Je trouve plutôt que la société a créé des attentes impossibles à combler pour les femmes, ce qui les place dans un perpétuel état d’insuffisance. » À ses yeux, « la solution serait de recadrer la discussion. Nous aurions intérêt à souligner les nombreuses manifestations de soutien entre femmes. Comment faire pour célébrer ces femmes qui défrichent de nouveaux territoires et ouvrent de nouvelles possibilités pour nous toutes, et comment leur fournir une tribune? »
Mmes Garrett et Shankaruk ont aussi trouvé une certaine stabilité dans la nature. « C’est dans mon jardin, entourée de beauté naturelle, que je me sens le plus chez moi, illustre Mme Shankaruk, qui est Métisse et fait souvent appel au pouvoir guérisseur de la terre.
C’est bienfaiteur de se donner de l’espace pour assimiler son propre vécu. C’est libérateur de nommer ses traumatismes, de s’approprier ses difficultés, puis de partager les connaissances chèrement acquises avec d’autres personnes. »
Mme Fraser est d’avis que cette sagesse durement gagnée naît parfois d’une intuition, et c’est précisément le conseil qu’elle souhaite adresser aux parents : « Écoutez votre instinct. Si vous sentez que quelque chose cloche chez votre enfant ou vous-même, c’est probablement le cas, affirme-t-elle. Nous devons parfois chercher longtemps les réponses et les solutions dont nous avons besoin, mais il ne faut pas abandonner, et il ne faut surtout pas arrêter de nous battre. »
« C’est aussi essentiel, poursuit Mme Garrett, de trouver des gens qui vous voient et vous aiment telle que vous êtes. Quand on a un enfant malade ou qu’on est débordée par les exigences de la maternité, on se sent parfois limitée à deux dimensions, celle de mère et d’employée, par exemple. »
Elle est convaincue qu’il est crucial de se réserver du temps pour soi-même (tout en accordant le même privilège à son conjoint ou sa conjointe). « En créant de l’espace pour se connecter avec soi-même et poursuivre des activités qui font du bien à l’âme en dehors du contexte familial, on devient un meilleur parent. »
« Lorsque Connor a reçu son diagnostic d’autisme, j’ai pleuré sans interruption pendant deux ans. Je ne souhaite cela à personne. J’ai songé au suicide plus d’une fois. Mes enfants sont la seule chose qui m’a gardée en vie. J’avais la conviction viscérale que je ne pouvais pas les abandonner. »
Une perspective nouvelle
Au fil des années, les trois femmes ont acquis une certaine objectivité.
« Je ne m’en rendais pas compte à ce moment, souligne Mme Fraser, mais les épreuves que j’ai traversées avec Jamie m’ont amenée à devenir une meilleure soignante pour ma mère lorsque la maladie d’Alzheimer a commencé à faire des ravages. J’ai appris à donner priorité à la joie et j’ai appris que toute personne pouvait être heureuse, peu importe l’étape de sa vie ou l’aspect que ce bonheur revêt. »
Mme Garrett aussi a vécu une telle révélation. « Très longtemps, j’ai ressenti de la colère contre ma propre mère. Mais avec le recul, je me rends compte qu’elle faisait de son mieux. En pardonnant ses lacunes, je suis arrivée à diriger une partie de cette compassion vers moi-même. C’est le meilleur cadeau que je me suis fait. »
Mme Shankaruk abonde dans le même sens. « C’est l’espoir que nous entretenons. Nous pardonnons à nos parents pour leurs défauts et nous espérons que nos enfants feront preuve d’autant d’indulgence envers nous. Parce que la maternité, dans toute sa complexité, m’a amenée à découvrir des qualités insoupçonnées et un amour inimaginable. Mais nous n’avons pas à parcourir ce chemin seule. »
Suzanne Westover
Une écrivaine d’Ottawa, ancienne rédactrice de discours et gestionnaire des communications à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Casanière, toujours le nez dans un livre, elle prépare un excellent pain au citron (certains diraient qu’elle fait des merveilles en un seul mets) et aime regarder des films avec son époux et sa fille de 11 ans. Le temps que Suzanne a passé à la CSMC a renforcé son intérêt envers la santé mentale, et elle continue d’apprendre toute sa vie sur le sujet.
Illustrateur : Kasia Niton – https://sunnystreet.studio/ Instagram: @sunnystreet.studio