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Les recherches menées par le personnel de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) en matière de santé mentale à la petite enfance ont incité les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) à lancer une nouvelle initiative de financement totalisant plusieurs millions de dollars. Ce printemps, l’Institut du développement et de la santé des enfants et des adolescents (IDSEA) chapeauté par les IRSC prévoit la publication d’un appel de propositions consacré à la santé mentale des jeunes enfants.

Pour Ed Mantler, vice-président des programmes et priorités de la CSMC, cette nouvelle possibilité de recherche constitue une excellente nouvelle. « En plus de mettre en lumière les profonds retentissements de notre travail, la recherche témoigne de l’importance de ce que nous accomplissons et contribue à faire progresser la question de la santé mentale pour l’ensemble de la population canadienne. »

Bien que les détails de l’initiative n’aient pas encore été divulgués, l’appel de propositions devrait privilégier la recherche axée sur les façons d’améliorer la mise en œuvre d’interventions en santé mentale fondées sur des données probantes auprès des enfants de cinq ans et moins (incluant leurs soignants).

Combler les lacunes actuelles de la recherche

Un élément clé du mandat de la CSMC est de faciliter la mise en place de milieux qui favorisent le développement positif, la bonne santé mentale et la résilience tout au long de la vie d’une personne. Lorsqu’il s’agit d’enfants de moins de six ans, il existe peu de programmes de santé mentale ayant fait l’objet de recherches et d’évaluations adéquates, et encore moins de programmes axés sur des populations parents-enfants ciblées.

« La santé mentale à la petite enfance est un sujet qui n’est pas suffisamment appuyé », a déclaré Brandon Hey, conseiller principal en recherche et politiques à la CSMC. « Il y a de plus en plus de recherches, mais relativement peu de soutien en termes de programmes, de politiques, de financement alloué, de priorisation et de mise en œuvre des données probantes dans les pratiques. »

Au cours des dernières années, M. Hey a fait partie d’une équipe de la CSMC qui a recensé les programmes, services et fournisseurs de services de santé mentale pour la petite enfance. En 2020, l’équipe a publié un rapport sur la portée des recherches, ainsi qu’un résumé d’une page, puis s’est occupée de la tenue d’une table ronde à Vancouver. Pour l’occasion, le forum « Tisser des liens » a réuni des représentants issus de nombreuses organisations : gouvernements fédéral et provinciaux, associations médicales et groupes indépendants de recherche et de défense des droits. Parmi les délégués se trouvait la Dre Christine Chambers, titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 1, qui est également directrice scientifique de l’IDSEA.

Reconnaissant les retombées de cet événement sur le nouveau programme de recherche, Mme Chambers a souligné que « les lacunes et les priorités mises en évidence par la CSMC et abordées dans le cadre du forum concordent tout à fait avec notre Institut et notre mandat. Nous sommes maintenant ravis de pouvoir tirer parti de ces travaux, ainsi que d’autres apports fondamentaux, et de les utiliser dans l’élaboration d’une nouvelle initiative de financement. »

Relier les connaissances au développement humain

Ce qui distingue les projets de recherche de l’IDSEA, c’est qu’ils sont axés sur les enfants et les familles plutôt que sur une maladie ou un organe particulier. L’institut privilégie les partenariats et s’efforce d’accélérer l’application des nouvelles connaissances liées au développement humain, notamment les facteurs biologiques, comportementaux et sociaux.

« Il est gratifiant de savoir que nos efforts initiaux seront poursuivis, » a déclaré M. Mantler. « L’annonce du financement des IRSC appuie également le modèle visant à “renseigner, inspirer et améliorer” que nous avons énoncé dans notre nouveau plan stratégique. Nos travaux sur la santé mentale à la petite enfance ont incité les IRSC à financer des recherches qui permettront une amélioration des connaissances et des programmes. »

Des recherches plus poussées sur la santé mentale des jeunes enfants sont particulièrement importantes à la lumière de la crise de la COVID-19. En raison des fermetures temporaires d’écoles et de garderies, de nombreux jeunes enfants ont eu moins d’occasions de socialiser avec leurs pairs. Dans un contexte où l’anxiété au Canada est perçue comme étant plus élevée que d’habitude, ce manque relatif d’interaction représente un facteur de stress accru pour ces enfants et leurs familles.

En 2021, un document d’information a été rédigé à ce sujet par M. Hey et son équipe, en partenariat avec la Société canadienne de pédiatrie (SCP); on y expose ce que les tensions provoquées par la pandémie peuvent signifier, notamment les répercussions sur le rôle parental, les conflits familiaux et le développement précoce du cerveau. À la lumière des besoins en matière de santé mentale exacerbés par la crise de la COVID-19, le document propose des conseils aux responsables des politiques, aux planificateurs de systèmes et aux décideurs sur les diverses façons de protéger les nourrissons, les jeunes enfants et leurs familles.

« Les liens établis avec des organisations comme les IRSC et la SCP permettent non seulement de valider le travail de la CSMC, mais aussi de s’assurer que nos efforts améliorent la santé et le bien-être de tous les Canadiens », a déclaré M. Mantler.

Inconnu

Réécrire les récits personnels teintés de racisme contre les personnes noires

« Quel soulagement que vous soyez Noire! »

Donna Richards

Donna Richards

Ce sont les premiers mots prononcés par la nouvelle cliente de Donna Richards. Faisant partie des rares cliniciens africains, caribéens et noirs (ACN) travaillant au Programme d’aide aux employés (PAE) et des quelques psychothérapeutes ACN au Canada, elle a souvent entendu cette remarque.

À mesure que sa cliente énumère les difficultés qu’elle rencontre au travail, un autre sentiment familier émerge : l’épuisement. Pas l’épuisement causé par les longues journées et le manque de repos, mais l’épuisement psychologique dû aux microagressions raciales, ces petits actes insidieux de racisme contre les personnes noires qui commencent à peser lourd.

La cliente raconte ne pas avoir reçu des promotions qu’elle méritait pourtant, avoir vu des collègues s’attribuer le mérite pour ses réalisations et même avoir subi des railleries pour avoir participé à une manifestation du mouvement Black Lives Matter.

Lorsqu’elle demande à sa cliente s’il lui serait possible d’en parler à son travail, Mme Richards connaît déjà la réponse.

« Ça ne sert à rien. Personne ne s’en soucie. Rien ne changera jamais. »

Et elle sait qu’il n’est pas facile de désapprendre cette croyance. 

Le supplice de la goutte d’eau

Rohan Thompson

Rohan Thompson

De l’avis de Rohan Thompson, psychothérapeute en cabinet privé exerçant principalement auprès d’hommes et d’adolescents ACN, les effets cumulatifs des microagressions raciales se manifestent tous les jours.

« Souvent, les clients viennent me consulter après une crise, explique-t-il. Ils ne demandent pas d’aide toutes les fois qu’ils sont mis de côté, diminués, humiliés. Ils le font lorsque l’effet combiné de tous ces incidents a mené à un problème de santé mentale beaucoup plus grave. C’est comme le supplice de la goutte d’eau. »

Ces problèmes vont du stress intense à la dépression en passant par l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique, entre autres.

Mme Richards a constaté un effet semblable dans son travail. « Chaque geste de discrimination, si infime soit-il, même s’il est voilé ou fondé sur une bonne intention, laisse une trace invisible. Et lorsqu’ils sont minimisés ou passés sous silence, on envoie le message que ces incidents et ces traces n’ont pas d’importance, explique-t-elle. J’ai vu bien des gens perdre leur estime d’eux-mêmes à force de recevoir ce message, puis s’automédicamenter pour s’en sortir. »

La disparité dans la perception du racisme contre les personnes noires dépasse largement le cadre des milieux de travail. Dans une enquête menée en 2019, alors que près de la moitié des participants convenaient que la discrimination contre les Noirs au Canada ne constituait plus un problème, 83 % des participants noirs ont affirmé qu’ils étaient traités injustement au moins occasionnellement.

Comme le souligne Mme Richards, peu importe que cet écart soit causé par une réelle ignorance ou par le déni, ses répercussions sont coûteuses. « Quelques-uns de mes clients ont quitté leur emploi parce qu’ils craignaient les représailles après avoir dénoncé certains comportements ou demandé des comptes à leur employeur. Pour bien des gens, le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle. »

Il n’est pas difficile de concevoir qu’une discrimination systématique perpétuelle conjuguée au manque de reconnaissance peut engendrer un sentiment de résignation, autant au sens figuré qu’au sens propre. Mais au-delà des brûlures causées par les microagressions répétées, un bûcher transformationnel est prêt à être allumé pour opérer un changement de paradigme.

Le mythe de la méritocratie

« On enseigne aux enfants que s’ils travaillent fort, ils récolteront du succès. Mais pour les personnes noires, ce n’est pas aussi simple, affirme M. Thompson, soulignant la puissance d’un véritable changement dans notre perception de l’égalité et du succès.

« Quand mes clients me racontent ce qu’ils vivent à leur travail, ils ne se rendent pas toujours compte qu’il s’agit de racisme dirigé contre les Noirs. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils ont l’impression de porter un lourd fardeau parce qu’ils sont négligés, sous-utilisés et traités comme étant inférieurs à leurs pairs », explique-t-il. « Je vois énormément d’anxiété intense et d’autoaccusation chez les clients qui adhèrent au mythe de la méritocratie parce que leurs efforts ne produisent pas les résultats escomptés. Puis soudainement, ils se rendent compte que leur expérience n’est pas unique et qu’elle n’est pas causée par leur insuffisance. »

Pour bien des clients de M. Thompson, la reconnaissance que leurs expériences négatives découlent de problèmes systémiques plus vastes est éclairant et valide leurs sentiments, mais le chemin vers cette prise de conscience est ardu.

Souvent, M. Thompson présente des données à ses clients et utilise les statistiques pour réécrire avec eux l’historique de leur remise en question. Il met en relief diverses statistiques démontrant que les diplômés universitaires ACN gagnent seulement 80 cents pour chaque dollar touché par les diplômés universitaires blancs ayant les mêmes titres et compétences.

Il relate les recherches choquantes montrant que les candidats qui « semblent » blancs sur leur CV sont convoqués en entrevue jusqu’à trois fois plus souvent — toujours à qualifications égales — que les candidats qui « semblent » noirs.

Ces chiffres, additionnés aux données selon lesquelles les dirigeants ACN occupent moins d’un pour cent des postes de direction dans les grandes entreprises canadiennes, brossent le portrait d’un terrain de jeu fondamentalement inégal.

La sous-représentation commence dès l’enfance

Or, la faible représentation des personnes ACN ne se borne pas aux cadres d’entreprises, poursuit Mme Richards. « À titre d’exemple, j’aurais voulu exercer la psychothérapie plus tôt, mais dans les milieux cliniques, je ne voyais personne qui me ressemblait, ce qui m’a fait comprendre que je n’y avais pas ma place, comme femme ACN. »

Bien avant les établissements postsecondaires, la sous-représentation ACN parmi le personnel d’enseignement, de direction et d’orientation projette une image faussée des possibilités qui s’offrent aux jeunes racialisés. Avec une proportion de personnes ACN deux fois moins élevée chez les enseignants que chez les élèves (en pourcentage de la population), la disparité saute aux yeux, même pour un enfant.

« Les élèves doivent avoir accès à des orienteurs noirs dès le primaire », affirme Mme Richards. Elle ajoute qu’au fil de leur parcours scolaire, les étudiants ACN sont rarement encouragés à choisir une profession clinique. Cet écart contribue à l’extrême pénurie de psychothérapeutes ACN au Canada.

Comme ancien directeur adjoint de l’équité et des partenariats communautaires au Conseil scolaire du district de Peel, M. Thompson convient sans réserve qu’il faut accroître la représentation ACN dans les écoles.

« Bien souvent, le mythe de la méritocratie et les comportements autodestructeurs qui en découlent naissent dans les écoles. » Des données recueillies dans les écoles secondaires de Toronto montrent que les élèves ACN sont suspendus et expulsés en nombre disproportionné et qu’ils reçoivent deux fois moins de mentions d’excellence de leurs enseignants que les autres élèves, même lorsqu’ils obtiennent les mêmes scores aux tests normalisés.

En outre, des études révèlent que le fait d’avoir un enseignant ACN augmente la probabilité que les élèves entreprennent des études postsecondaires et diminue le risque de décrochage.

Mais comme l’explique M. Thompson, la présence de personnes ACN dans le système scolaire ne suffit pas si les écoles ne s’attaquent pas ouvertement au racisme chez le personnel. « Comment les enseignants noirs peuvent-ils soutenir leurs élèves si personne ne les soutient? »

Donner des outils aux employeurs

Mme Richards est fascinée par le potentiel des employeurs à générer des changements transformationnels dans les milieux de travail, admettant du même souffle qu’il y a beaucoup à faire. « L’inclusion et les formations sur la diversité sont une bonne première étape, mais il faudra beaucoup plus qu’un cours ponctuel pour créer un réel changement. La diversité doit faire partie intégrante de notre façon de travailler, soutient-elle. Les employeurs doivent prendre conscience de leur manière d’interagir avec leurs employés et donner l’exemple. Pour cela, ils doivent prendre le temps d’apprendre à connaître leurs employés et faire preuve d’un esprit critique face à leurs propres préjugés. »

Pour espérer modifier les comportements à l’échelle de leur organisation, ajoute Mme Richards, les employeurs doivent être prêts à exiger que tous adhèrent à des normes plus élevées. « La responsabilisation est incontournable. Il ne s’agit pas seulement de créer de nouvelles occasions d’apprendre et de s’améliorer. Il faut aussi prendre en main les personnes, les pratiques d’embauche, les comportements et les politiques qui perpétuent la culture du racisme. »

De surcroît, Mme Richards indique que les employeurs ont intérêt à élargir la couverture de services psychologiques, puisque très peu de travailleurs, qu’ils fassent partie de la communauté ACN ou non, peuvent se permettre la psychothérapie sans une assurance privée.

Dans son récent document d’information Braquer la lumière sur la santé mentale dans les communautés noires, la Commission de la santé mentale du Canada montre que l’abordabilité constitue un des principaux obstacles à l’obtention de services psychologiques. Compte tenu du revenu moyen inférieur des travailleurs ACN, il est d’autant plus crucial d’améliorer la couverture de ces services pour eux.

Même dans ses fonctions au PAE, Mme Richards signale que la couverture offerte est souvent insuffisante pour répondre aux besoins des clients. « Pour une personne qui souffre de traumatismes raciaux depuis des dizaines d’années, une poignée de séances dans le PAE ne permettra pas de faire un travail en profondeur. Pour aider les personnes ACN à remonter à la source de leurs problèmes et à entreprendre une véritable guérison, il faut leur offrir un soutien de plus longue durée. »

Réécrire la fin de l’histoire

Mme Richards et M. Thompson sont unanimes : pour les personnes qui demandent une aide professionnelle en santé mentale, le parcours de consultation exige un important travail de reconstruction.

« Les gens doivent d’abord déconstruire leurs expériences individuelles et reconnaître les répercussions qu’ils ont vécues, et ce processus peut être éprouvant, souligne Mme Richards. Mais ils apprennent à tirer des leçons de ces expériences et se rendent graduellement compte qu’ils ne valent pas moins que leur voisin, qu’ils sont au moins aussi importants. »

Pour M. Thompson, l’une des plus importantes fonctions de la thérapie est de cultiver la joie. Il invite souvent ses clients à réfléchir à ce qui leur procure de la joie et à faire une plus grande place à ces choses dans leur vie.

« En fin de compte, j’essaie d’accroître leur résilience et de leur inspirer un sentiment de contrôle, explique-t-il. Je veux faire comprendre à mes clients qu’en dépit de ce que la société leur a enseigné, leur expérience a de la valeur, ils sont importants et ils ont le pouvoir de changer leur vie. »

Inconnu

Illustrateur : Dorcas Markwei of, LynSow Creative

La CSMC intervient en proposant une ressource pour aider les parents à soutenir le retour à l’école de leurs enfants.

Mon téléphone sonna. Puis, s’en suit un message texte. C’était un lundi matin et mon amie « Sarah » devait être au travail. C’est bizarre, ai-je pensé.

« Hé, tout va bien? », lui ai-je demandé quand je repris mes esprits.

Silence. Une toux. Puis, après d’interminables moments, « une attente » déstabilisante. Une autre toux grinçante, à gorge profonde. Suivie par un sanglot. « Julia a la COVID. » Une pause. « Je suis sûre que nous l’avons tous aussi. » À entendre sa voix, elle semblait tellement malade, étais-je surprise. Son mari et elle ont tous deux reçu leurs deux doses de vaccin. J’ai essayé d’imaginer à quel point ils pourraient se sentir mal s’ils n’étaient pas vaccinés.

Puis, voici dévoilée toute l’histoire, comme mise à nu par des dominos tombant les uns après les autres. Julia a eu de la fièvre un vendredi soir à la mi-septembre. Mais ses symptômes physiques ont au début été le dernier des soucis de Sarah.

Les retombées émotionnelles de la COVID
« Tu ne peux pas me faire un câlin maman », a dit Julia quand Sarah a commencé à la réconforter. « Les enfants de ma classe ne savent pas toujours garder leurs masques. J’ai oublié aujourd’hui et j’ai parlé pendant le dîner. Je pourrais te rendre malade. Tu dois rester loin de moi. »

Bien que Sarah travaille dans un domaine qui lui permet de reconnaître les signes et les symptômes de l’anxiété, elle a expliqué que le fait de connaître quelque chose au niveau clinique n’est pas toujours utile lorsqu’on est un parent qui s’enfonce dans le bourbier de la pandémie, et Sarah n’est pas la seule à penser ainsi.

Prenons l’exemple d’une recherche récente de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), en partenariat avec la Société canadienne de pédiatrie, qui a révélé que 61 % des parents sont très ou extrêmement préoccupés par la gestion du comportement, de l’anxiété, des émotions et du stress de leur enfant.

« Je dois soutenir mes enfants tout en gérant mes propres émotions. Je suis tellement frustrée et en colère. Nous avons fait tout ce qu’il fallait », a affirmé Sarah, évoquant les contacts sociaux limités de sa famille et l’achat de masques N95 pour ses deux filles, âgées de six et de neuf ans, afin qu’elles les apportent à l’école. « Je ne me sens pas honteuse que nous n’ayons pas échappé à ce monstre. Mais, je me préoccupe de la manière de gérer les séquelles à long terme, non seulement en termes de symptômes physiques potentiels persistants, mais aussi en ce qui concerne comment apprendre à mes enfants à naviguer dans cette réalité sans stress ni inquiétude excessifs. »

Miser sur un partenariat précieux
Le mois de septembre, dans un monde d’après vaccination, était censé porter la promesse d’un retour à la normale. Malgré l’euphorie au début du retour en classe, une nouvelle réalité s’est imposée, en l’occurrence, celle qui consiste à aider les enfants à gérer leurs émotions à mesure que la COVID continue de laisser son empreinte sur les communautés scolaires.

Le président-directeur général de la CSMC, Michel Rodrigue, a rappelé que les membres de la Commission savaient que les parents seraient confrontés à des difficultés cette année. « C’est pour cette raison que nous avons publié à l’automne une fiche de conseils sur comment soutenir les jeunes qui retournent à l’école. Cette fiche visait à aider les parents et les soignants dans ces moments difficiles, ces moments dans lesquels nous sommes tous, et où nous avons besoin de mots de soutien et de réconfort. »

Pour créer cette fiche de conseils, la CSMC s’est associée avec l’Institut des Familles Solides, un important prestataire de formations comportementales basées sur les compétences. Nous l’avons ensuite résumé en quelques conseils et astuces clés à coller sur un réfrigérateur ou à glisser dans le sac à dos d’un enfant en difficulté.

« Il est important que nous soyons prêts à faire participer les enfants à leur manière », a déclaré la Dre Patricia Lingley-Pottie, présidente-directrice générale de l’Institut des Familles Solides. « Il est maintenant temps de surveiller tout écart dans le comportement des enfants. S’ils semblent perturbés et inquiets ou s’ils montrent des changements d’humeur et de tendances sociales, cela pourrait représenter des signes de détérioration de leur santé mentale. »

Une perspective nouvelle
Dre Lingley-Pottie conseille aux parents et aux enseignants d’aborder le sujet avec les jeunes de manière informelle en engageant de préférence des conversations « côte-à-côte », en les écoutant sans émettre de jugements et en leur rappelant qu’il est normal de se sentir mal à l’aise et qu’ils ne sont pas seuls, puisque beaucoup de leurs amis et même d’adultes éprouvent les mêmes sentiments.

Ce sont des techniques que Sarah a commencé à utiliser avec ses filles. « Certains jours sont meilleurs que d’autres, mais nous essayons de maintenir la conversation, en gardant à l’esprit qu’il ne s’agit pas de questions qui se règlent en un seul jour. À certains moments, ma fille aînée veut parler longuement de ses sentiments, mais à d’autres moments, elle ne veut rien d’autre que se distraire, regarder un film ou jouer à un jeu. »

Dre Lingley-Pottie approuve une telle approche. « En plus d’être disponible pour écouter les jeunes, il est également important de leur parler de vos propres sentiments. » En montrant comment vous, en tant que parent, gérez efficacement le stress, explique-t-elle, vous donnez l’exemple du type de résilience que les enfants peuvent imiter.

En fin de compte, les techniques de la fiche de conseils qui sont en apparence simples renforcent l’importance d’aider les enfants et les jeunes à acquérir la confiance nécessaire pour faire face aux situations difficiles, ainsi que le vocabulaire pour en discuter ouvertement.

Pour la Dre Lingley-Pottie, « il est important de rester vigilant pour relever toute anxiété éventuelle qui perturbe de manière persistante la vie d’un enfant afin d’empêcher une anxiété ou une dépression plus grave de s’installer. Nous avons appris à l’institut des Familles Solides que les compétences qui favorisent une bonne santé mentale dès la petite enfance sont tout aussi importantes que le programme scolaire. »

Sarah abonde dans le même sens. « Mes enfants ont alterné entre l’école virtuelle et présentielle ces dernières semaines. Manquent-ils certains de leurs devoirs? Bien sûr que oui! Mais nous adoptons l’approche selon laquelle la priorité est de rester en bonne santé mentale. Bien que je ne souhaiterais à personne de contracter la COVID, cette période représente une occasion pour nous investir dans le bien-être mental de nos enfants ».

Nouvel outil pour favoriser le bien-être mental après des démêlés avec la justice

Lorsque Mo Korchinski est sortie de prison, elle n’a reçu aucune trousse d’outils pour l’aider à reprendre sa vie en main. Il n’y avait pas de guide expliquant comment s’adapter à une autonomie retrouvée. Comme plusieurs personnes avant elle, on lui a simplement remis un sac de plastique contenant ses effets personnels et un billet pour retourner d’où elle venait.

« Beaucoup de gens qui vont en prison arrivent avec un peu plus que les vêtements qu’ils portent. Ils arrivent accompagnés des traumatismes du passé et, souvent, d’une maladie mentale, d’une dépendance à des substances, ou les deux », explique Mme Korshinski qui est maintenant directrice générale de la Unlocking the Gates Services Society. « Cela ne signifie pas que l’on doit considérer que nous ne valons pas la peine d’être aidés. Bon nombre d’entre nous ont connu des moments difficiles ou ont perdu pied. L’incarcération devrait permettre d’aider les gens à faire de meilleurs choix. On devrait leur apprendre à suivre une nouvelle voie, celle de la réinsertion. »

Malheureusement, le manque de ressources, de même qu’une coordination incohérente entre les soins de santé des milieux correctionnels, les soins de santé à l’extérieur du système carcéral et les services sociaux en général contribuent à ce que plusieurs se retrouvent sans soutien autant lorsqu’ils sont en prison que lorsqu’ils en sortent.

Un tel manque de soutien entraîne des conséquences réelles, surtout si l’on tient compte de l’usage de substances et des maladies mentales au sein des populations carcérales du pays. Une nouvelle recherche menée par la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) étudie les vulnérabilités dans les établissements correctionnels du Canada et montre que 65 % à 70 % des personnes incarcérées vivent avec des problèmes d’usage de substances. Dans une précédente étude de la CSMC, on a démontré que 73 % des hommes détenus dans une prison fédérale et 79 % des femmes détenues dans une prison fédérale avaient au moins une maladie ou un problème de santé mentale.

Bien entendu, quand une personne est libérée, ces problèmes de santé mentale et d’usage de substances ne disparaissent pas; dans la majorité des cas, tout le soutien obtenu à l’intérieur des murs cesse brusquement.

Nouvelle orientation et nouveau répertoire
Afin de combler les lacunes, la CSMC vient de publier un répertoire détaillé contenant une liste des programmes en santé mentale et usage de substances dans chaque province et territoire pour les personnes qui sortent du système de justice pénale, leurs réseaux de soutien et les fournisseurs de soins de première ligne.

En plus des coordonnées des personnes-ressources et d’une brève description de chacun des services, ce répertoire interactif met en lumière les ressources mises à la disposition des populations prioritaires. Pour s’assurer que les personnes accèdent à la liste de services de soutien la plus appropriée et la plus complète possible, le répertoire sera mis à jour périodiquement.

Pour Emilie Coyle, directrice générale de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, un tel répertoire devrait avoir un impact positif auprès des personnes en transition. « Cela peut être déconcertant d’essayer de rétablir des liens dans la communauté ou d’en créer de nouveaux », explique-t-elle. « Le fait de pouvoir chercher l’aide qui se trouve à proximité et qui est adaptée à vos besoins élimine une grande partie de l’incertitude dans cette expérience qui s’avère déjà assez déstabilisante. Les mesures de soutien peuvent réduire les sentiments de frustration, d’abandon et de solitude en les remplaçant par des sentiments de sécurité, d’espoir et de motivation. »

Se débrouiller en pleine pandémie
Pour ceux et celles qui retournent dans la collectivité pendant la pandémie, il peut être particulièrement difficile de trouver de l’aide pour réintégrer la société.

« Les mesures de santé publique en place, comme la distanciation sociale, la suspension ou la fermeture de programmes en présentiel (y compris les services de réduction des méfaits) ainsi que l’accès limité aux services d’aide au logement, peuvent contribuer à empirer les risques et les obstacles auxquels les personnes en transition doivent faire face en dehors du milieu correctionnel, » précise Sandra Koppert, directrice à la CSMC, Promotion de la santé mentale.

Grâce à ce nouvel outil, Mme Koppert et son équipe espèrent offrir aux personnes qui ont eu des démêlés avec la justice une solide base pour refaire leur vie.

« Essayer de cheminer dans les services de santé mentale et d’usage de substances existants peut s’avérer une lourde tâche et la pandémie rend les choses encore plus difficiles, » ajoute-t-elle. « Pour une personne qui sort d’un établissement correctionnel, cela ajoute plus d’obstacles pour tenter d’entreprendre un nouveau chapitre. L’objectif du répertoire consiste à faciliter un peu le processus permettant de passer à autre chose. »

Pour Mme Korchinski, le fait d’aider les gens à réintégrer la société n’est pas seulement important, c’est essentiel. « Les gens ont besoin de nourriture, de vêtements, d’un abri et de soutien le jour de leur libération et non d’être mis à la rue sans endroit où aller. En aidant les gens dans leur cheminement lorsqu’ils sortent du système de justice pénale en les mettant en contact avec des ressources, on leur offre une meilleure chance de prendre de saines décisions qui leur permettront de rester en vie. »

Inclusion, empathie et guérison

Bien avant le retrait de l’Afghanistan et avant la pandémie, le besoin de soutien en santé mentale des anciens combattants était déjà criant.

Avec l’ajout de ces pressions additionnelles à une poudrière déjà prête à sauter, il est évident que le besoin n’a fait que croître. Plus précisément, devant le rapatriement d’une mission qui durait depuis 13 ans, plusieurs se sont demandé à quoi leurs efforts avaient servi.

La vétérane Sherry Lachine puise un sentiment d’utilité et de valeur dans l’aide qu’elle prodigue à ses pairs et à leurs proches pour explorer leurs émotions et apprendre des stratégies très différentes de celles qu’ils appliquaient sur le champ de bataille.

Mme Lachine est maître formatrice du programme de Premiers soins en santé mentale (PSSM) pour la communauté des vétérans de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC). Elle est également propriétaire de l’entreprise Broadmind, qui se spécialise dans les stratégies de santé mentale.

Bien que les vétérans forment une de ses principales clientèles, le soutien et les formations offerts à leurs amis et à leur famille sont également cruciaux.

« Si on élargit la perspective pour inclure l’entourage de chacun des anciens combattants, le nombre de personnes touchées par le bien-être mental des vétérans s’élève à des millions », souligne-t-elle.

La formation de PSSM pour la communauté des vétérans est conçue pour que ses participants puissent compatir aux expériences vécues par leurs pairs et former un réseau de soutien en ouvrant leurs oreilles et leurs cœurs aux autres. Depuis le lancement du programme, en 2016, grâce à un partenariat entre la CSMC et Anciens Combattants Canada, plus de 3 700 personnes ont suivi les cours en ligne et en personne.

Ce n’est pas pour moi
Chaque fois qu’elle parle du cours, Mme Lachine contredit la croyance selon laquelle la formation de PSSM n’a d’utilité que pour les personnes ayant pris les armes. « Les premiers soins en santé mentale s’adressent à tout le monde. En fait, la formation enseigne des compétences relationnelles, parentales et humaines. Des compétences dont nous avons tous besoin dans notre vie quotidienne. »

« Ce n’est pas pour moi », ce sont les mots que la mère de Mme Lachine a prononcés lorsqu’elle l’a invitée à assister à l’une des séances. « Ma mère a participé à la formation sous le couvert de le faire pour les autres, et non pour elle-même. Mais elle a rapidement compris que c’était faux, puis elle s’est mise à promouvoir ardemment le programme, presque au point d’imprimer des chandails pour le faire connaître. »

Bien que le programme soit offert en plusieurs versions adaptées à des populations précises comme les vétérans, il s’adresse aussi à toute personne souhaitant renforcer les compétences humaines énumérées par Mme Lachine.

Un espace sûr
L’humanité commune est au cœur des séances de formation PSSM réussies, affirme-t-elle. En se rappelant un cours particulièrement émouvant où un vétéran avait confié avoir honte du comportement qu’il avait eu face à ses proches par le passé, Mme Lachine raconte avoir instantanément perçu une étincelle de reconnaissance dans les yeux des autres participants.

« Quand j’ai vu le sentiment de guérison et de validation que ce vétéran a éprouvé lorsque ses pairs ont reconnu son cheminement et raconté leurs propres histoires, j’ai vécu un moment d’illumination », raconte-t-elle.

L’expérience du cours de PSSM pour la communauté des vétérans est particulièrement précieuse parce qu’elle se déroule dans un espace exempt de jugement. Souvent, les participants y rencontrent d’autres personnes ayant traversé les mêmes épreuves ou accompagné quelqu’un qui l’a fait. C’est particulièrement vrai pour les conjoints et conjointes de militaires.

Lors d’une formation donnée à Ottawa, Mme Lachine a diffusé une vidéo présentant un membre des forces armées posté au Rwanda et décrivant les difficultés qu’il a vécues lorsqu’il est rentré à la maison. Tout le monde avait la larme à l’œil en découvrant ce récit auquel tous les conjoints et conjointes s’identifiaient.

« On pouvait presque palper le soulagement des participants pendant qu’ils se laissaient gagner par le sentiment de validation, se rappelle-t-elle. L’union fait la force. Elle aide à briser l’isolement qui accompagne souvent ces difficultés. »

Un besoin de soutien continu
Dans les semaines qui ont suivi le retrait de l’Afghanistan, la communauté des vétérans a souffert.

« Il était tentant de verser dans la futilité. Les nerfs étaient à vif. Plus que jamais, au cours des derniers mois, l’accès à un espace où il est possible d’avoir du chagrin, d’exprimer sa frustration et de trouver un sens collectivement a été la planche de salut de plusieurs », soutient Mme Lachine.

En réaction à ces événements, elle a d’ailleurs modifié sa façon de faire afin de procurer aux participants l’espace dont ils ont besoin pour démêler une palette d’émotions que la plupart d’entre nous peuvent à peine imaginer.

Depuis un siècle, notre compréhension des cicatrices invisibles causées par la guerre s’est approfondie. Le diagnostic brutal de « traumatisme dû aux bombardements » à la suite de la Première Guerre mondiale a évolué vers une notion plus nuancée du spectre de blessures de stress opérationnel.

« Et avec cette connaissance, affirme Mme Lachine, vient la responsabilité de traiter ces blessures avec tous les outils qui sont à notre disposition. »

Alors que pour la plupart des gens, le jour du Souvenir représente une occasion de manifester de la gratitude pour les membres des forces armées canadiennes, il peut également susciter un trop-plein d’émotions.

Si vous connaissez un vétéran ou un membre de sa famille qui pourrait bénéficier d’une formation de PSSM, veuillez suivre ce lien pour en apprendre davantage. Anciens Combattants Canada offre des ressources additionnelles sur la santé mentale.

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Revue de If I Knew Then de Jann Arden

En parcourant seulement quelques pages du nouveau livre de Jann Arden, If I Knew Then : Finding Wisdom in Failure and Power in Aging (Si je l’avais su : Trouver la sagesse dans l’échec et la force dans le vieillissement), je suis persuadée qu’elle avait emprunté une petite partie de ma propre expérience du deuil et l’avait mise en page et déposée à ma place.

Dans la page de couverture, Mme Arden décrit sa tentative de débrancher la ligne téléphonique de son père décédé. Moi aussi, j’avais lutté contre un géant des télécommunications après la mort de mon père, et nos expériences étaient identiques. Mme Arden et moi avions toutes deux rencontré des agents de service récalcitrants qui ne voulaient pas nous aider, après avoir échoué à produire des numéros de compte impossibles à trouver, tout en étant soumis à l’indignité de la même musique d’attente impitoyable.

« Insensible », le chant de guerre de Mme Arden, aurait été un choix plus approprié, bien qu’ironique.

Même la douleur de la perte et l’enfer de la paperasserie qui s’en suit ne peuvent entacher la toile de fond d’humour macabre de Mme Arden. En tant qu’admiratrice passionnée, je m’attendais peut-être à un livre plus sérieux et plus angoissant. Mais naturellement, même les humoristes primés peuvent être de mauvaise humeur en dehors des projecteurs. Alors pourquoi une chanteuse au cœur brisé ne peut-elle pas être drôle?

J’ai lu « If I Knew Then » de bout en bout la veille de mon 42e anniversaire. Le moment était parfait! Je me sentais un peu mélancolique, et ce petit volume s’est avéré être le parfait antidote.

Deuxième réflexion sobre
Mme Arden, qui prononcera le mot d’ouverture du Congrès Questions de substance (virtuel) en novembre, organisé conjointement par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances et la Commission de la santé mentale du Canada, n’hésite pas à parler de la façon détournée dont elle s’est imposée.

Elle affiche sa sobriété comme un talisman.

C’est à travers ce regard lucide qu’elle est prête à raconter son parcours, y compris ses écueils. Son livre est un tremplin sur le pouvoir de l’échec à nous enseigner nos leçons les plus précieuses et une célébration de la perspicacité et de la force d’âme qui s’approfondissent au fur et à mesure qu’elles se développent.

Dans notre culture d’urgence, où la jeunesse est reine et où la course folle fait rêver à la place d’honneur, la prose pleine de délicatesse de Mme Arden constitue un rappel. Ralentissez. Le. Rythme.

En tant que femme qui a appris de la dure manière ce que signifie la santé, l’amitié et le travail, Mme Arden ne prend aucune de ces bénédictions pour acquise.

Elle écrit dans un langage à la fois intime et informel. Il ne s’agit pas d’une prescription d’autosoins, mais plutôt d’un genre d’invitation « sans pression ». On a l’impression que l’écriture de ce livre a été aussi cathartique pour Mme Arden que sa lecture le sera pour ses lecteurs.

Trouver le succès en acceptant l’échec
Nous avons souvent des idées sur ce à quoi ressemble le succès. Mme Arden épluche sa propre ascension vers la célébrité avec poigne et humour, tout en nous assurant que même les lauréats des prix Juno peuvent se regarder dans le miroir et critiquer ce qui se cache derrière.

Le plus intéressant pour moi est la perspective que Mme Arden offre à la prochaine génération.

« Jann, dirais-je à mon jeune moi, tu vas être très dure avec toi-même et tu vas avoir honte et être embarrassée. Tu vas remettre en question ta santé mentale, ta valeur et ta sexualité, et presque toutes les décisions que tu vas prendre seront difficiles… Tu vas passer des années à avoir désespérément la gueule de bois, et tu vas échouer de manière épique, mais tu vas y arriver — tu vas même prospérer. J’aimerais pouvoir t’épargner les moments difficiles, Jann, mais alors tu ne serais pas moi, et être moi, c’est super génial. »

À propos de sa dépendance à l’alcool, Mme Arden écrit : « Pour moi, le vieux dicton selon lequel il faut toucher le fond était vrai. » C’est en revendiquant son respect de soi et en devenant une personne de parole qu’elle a fini par faire taire les doutes qui l’avaient poussée à boire au tout début.

Comme pour beaucoup de personnes ayant le don de création, l’autre médicament de Mme Arden était la musique. Et ce mémoire constitue autant une lettre d’amour au pouvoir du chant et de l’écriture de chansons qu’à sa sobriété.

Lorsque je dis que ce livre était un choix parfait à la veille de mon 42e anniversaire, je fais référence à la préoccupation de la société pour les attributs de la jeunesse, surtout lorsqu’ils sont considérés comme synonymes de beauté et d’estime de soi. Mme Arden refuse d’adhérer à un récit dans lequel les femmes régressent avec l’âge, devenant presque invisibles dans une société qui, comme elle le dit, « semblait avoir peu de temps pour les femmes de plus de trente-cinq ans, les femmes qui avaient perdu leur attrait et leur utilité ».

Pas seulement au niveau de la peau
Au contraire, elle a découvert qu’avec l’âge vient la maturité nécessaire pour manier le type de pouvoir et de sagesse qui naît des déceptions, des échecs et des pertes, le type de pouvoir et de sagesse qui remodèle sans cesse une personne pour en faire un être humain plus empathique, plus attentif et plus sensible.

Au début de sa carrière, Mme Arden a envoyé des dizaines de bandes de démonstration à une époque où le grunge régnait en maître et où une femme auteure-compositrice et interprète mettant son âme à nu, guitare acoustique à la main, aurait facilement pu se noyer. Ou pire encore, elle aurait pu se voir exclue.

Le succès de Mme Arden ne lui est pas tombé dessus du jour au lendemain. Comme d’autres, elle s’est fait dire « non » d’innombrables fois. Mais, elle a aussi compris, au plus profond d’elle, qu’il ne lui fallait qu’un seul « oui ».

Sa grande entrée sur scène n’est ni un coup du sort ni un coup de chance. Il est vrai que le choix du moment a été déterminant lorsqu’un producteur ayant récemment eu le cœur brisé a détecté le potentiel plein d’âme de Mme Arden, mais c’est la persistance inébranlable et le refus de plier sous le poids du rejet qui ont assuré son succès futur.

« Le destin n’est qu’un autre mot pour désigner la détermination », écrit-elle.

Comprendre l’échec comme un enseignant et l’âge comme l’expression ultime de sa sagesse sont au cœur du livre de Mme Arden. Elle refuse de se prosterner devant l’autel de la jeunesse et embrasse plutôt les vertus de l’« âge mûr ».

« Atteindre l’âge mûr, conclut-elle, vous donne le sens, la stabilité et le pouvoir d’être qui vous êtes. »

Renversant l’image de la vieille femme effrayante et ratatinée, Mme Arden invite les lecteurs à contempler la valeur d’une beauté qui n’est pas superficielle.

Quel cadeau d’anniversaire parfait!

PSSM m’a enseigné des compétences de vie dont j’avais besoin, mais sans le savoir

Les premiers pas
Dès ma première journée à la Commission de la santé mentale du Canada, tout le monde me faisait l’éloge de la formation sur les Premiers soins en santé mentale (PSSM). Que ce soit à la faveur d’une expérience personnelle ou d’un témoignage d’un ancien participant, il me semblait que chacun connaissait quelqu’un qui avait profité de ce cours.

Ma curiosité était grande lorsque mon tour est venu d’y prendre part. Mais je demeurais sceptique. Comme j’ai rarement le temps d’assister à des séminaires ou à des séances de perfectionnement professionnel, j’avais certaines réserves quant à ce que j’allais retirer de cette expérience. J’ai vite compris que mes doutes étaient infondés.

À l’instar des formations de premiers soins physiques, qui procurent aux apprenants les outils nécessaires pour porter secours à une personne vivant une crise jusqu’à ce qu’une aide professionnelle soit disponible, les PSSM enseignent aux participants à soutenir une personne vivant une crise de santé mentale. Fervent amateur de hockey, je connais l’importance de doter les arénas de défibrillateurs et d’apprendre à les utiliser. Mais les interventions en santé mentale m’étaient inconnues.

Jeter les bases
Le premier des trois modules, offert en apprentissage autodirigé, était accessible sur un portail en ligne. Le premier soir, j’ai ouvert une séance virtuelle et j’ai commencé à parcourir le contenu du cours afin d’acquérir les connaissances de base dont j’aurais besoin pour participer au deuxième module, qui serait donné le lendemain.

Très vite, je me suis rendu compte que j’avais surestimé mes connaissances sur les problèmes de santé mentale, même dans des domaines aussi simples que le langage à employer.

Je ne m’étais jamais arrêté pour réfléchir à la stigmatisation dont étaient empreints les termes que j’utilisais pour décrire le bien-être mental. La formulation « cette personne souffre de dépression », par exemple, me semblait inoffensive. Je n’avais pas compris qu’en les désignant de cette façon, je stigmatisais les personnes vivant avec une maladie mentale. Mais j’ai appris que dans la plupart des cas, un langage centré sur la personne est beaucoup plus respectueux. Au lieu de « cette personne est schizophrène », il est préférable de dire « cette personne vit avec la schizophrénie ». La distinction est fondamentale, car personne ne souhaite être défini par sa maladie.

Prenez une personne ayant des antécédents de consommation de substances. Si on désigne cette personne comme une « ex-toxicomane », nous la réduisons à sa maladie. Il est non seulement moins stigmatisant de dire qu’elle est en rétablissement, mais cela reconnaît également sa dignité.

La première partie du cours m’a permis de découvrir quelques changements simples que je peux apporter (et encourager ma famille et mes amis à apporter eux aussi), qui pourraient mener à une grande transformation des mentalités. Comme pour le hockey, cette transition exige un effort d’équipe, mais maintenant que je connais mon rôle, je suis en mesure de jouer avec confiance et détermination.

Toutefois, l’apprentissage d’un nouveau langage n’était qu’un échauffement.

Une séance en classe
Compte tenu de mes lectures éclairantes lors du volet autodirigé du cours, j’étais préparé à faire une foule de nouveaux apprentissages lors de la séance en classe.

Dès les présentations, j’ai constaté la diversité du petit groupe. Des participants venus d’un océan à l’autre, étudiants aux cycles supérieurs ou employés de sociétés Fortune 500, de tous les horizons, réunis dans un but commun : soutenir la santé mentale des personnes qui nous entourent (ou du moins, être préparé à le faire).

J’ai eu ma première révélation en visionnant un scénario montrant une personne ayant un problème de santé mentale. Nous étions invités à indiquer la réaction que nous aurions dans cette situation. Les propos de l’animateur au sujet de ce scénario ont changé ma façon de voir les choses.

Imaginez un simple spectateur assistant à une partie de hockey. Sa vision est totalement différente du regard affûté d’un entraîneur chevronné. Dans notre cas, notre « entraîneur animateur » a mis en lumière des nuances et des détails qui m’avaient complètement échappé, comme à plusieurs de mes collègues.

Lorsque la personne en détresse dans le scénario gémissait « à quoi bon essayer de continuer? », avec mon oreille de profane, je n’ai entendu qu’une exclamation spontanée. Mais pour un secouriste qualifié en santé mentale, il s’agissait d’un appel à l’aide.

J’étais sidéré.

J’ai commencé à penser à toutes les fois où j’avais entendu cette question sans jamais y prêter attention. Se pouvait-il que j’aie raté quelque chose? Ce genre de phrases (qui peuvent signaler le désespoir) apparaît rarement dans les conversations anodines. Nous avons appris à relever ces messages et à déterminer s’ils sont inoffensifs ou s’il y a matière à s’inquiéter.

J’ai toujours cru que les appels à l’aide de personnes vivant une crise de santé mentale prendraient la forme d’un cri. J’ai découvert qu’au contraire, ils peuvent être chuchotés.

Manifestement, un des moyens les plus efficaces d’aider quelqu’un dans cette situation est d’ouvrir les yeux, d’écouter attentivement et de faire preuve d’empathie.

Des discussions en toute confiance
Après une généreuse pause (et trois pointes de pizza maison), je suis retourné à mon pupitre pour le troisième et dernier module de PSSM.

Alors que les scénarios précédents nous avaient enseigné les signes à repérer et les questions à poser, ceux-ci visaient à nous insuffler la confiance nécessaire pour entamer les conversations difficiles qui s’ensuivent.

Nous avions reçu tout l’équipement requis pour nous rendre à la patinoire; le moment était venu de passer à l’action.

Le rôle d’un secouriste en santé mentale n’est pas de prodiguer des conseils professionnels aux personnes en crise. Il consiste plutôt à faire le lien avec l’aide appropriée. C’est là où la formation prend toute son importance. Comment s’y prend-on pour calmer et réconforter quelqu’un? Parfois, c’est en engageant une de ces conversations qui naissent avant qu’une personne soit prête à demander une aide professionnelle.

La première étape consiste à reconnaître si la personne traverse vraiment une crise et, le cas échéant, à déterminer les gestes à poser. Alors que tous les apprenants étaient en mesure de reconnaître les situations de crise, les solutions que nous avons proposées différaient considérablement de celles de notre encadreur.

Cette fois, la différence n’était pas attribuable à un manque de connaissances. C’est plutôt la confiance qui était en cause.

Je considère que je suis une personne confiante. En fait, tous les participants à la séance me paraissaient confiants à leur manière. Pourtant, aucun d’entre nous n’était préparé à se montrer aussi affirmé dans une situation de crise. L’ultime leçon que nous avons apprise ce jour-là est la distinction entre les situations où il faut faire preuve d’empathie et celles où il faut passer aux actes. Je peux maintenant affirmer sans réserve que je serais beaucoup plus susceptible d’agir de façon appropriée face à une crise, grâce à la confiance nouvellement gagnée et qui est ancrée dans les connaissances.

Veiller à sa propre santé mentale
Si j’ai pu avoir des réserves quant au cours, elles sont chose du passé. Aujourd’hui, je reconnais sa valeur aussi clairement que l’importance de munir les arénas de défibrillateurs.

Cela dit, je ne pourrais conclure sans mentionner un autre grand thème du cours : comment prendre soin de soi-même quand on aide une personne vivant un problème ou une crise de santé mentale. Un des éléments clés des PSSM est l’importance de garder l’œil sur son propre bien-être, de se fixer des limites saines et de veiller à ne pas fléchir sous le fardeau de l’autre personne.

Comme lorsqu’on s’entraîne à un sport, on ne peut pas fournir un effort maximal tous les jours sans prévoir de périodes de repos.

Devenir secouriste en santé mentale ne fera pas de vous un professionnel de la santé mentale, mais cela vous transmettra les connaissances et la confiance nécessaires pour aider une personne dans le besoin, écouter avec un esprit ouvert et intervenir avec empathie. Si cette perspective vous interpelle, vous trouverez de plus amples renseignements, notamment les dates et les heures des formations, ici.

Comme moi, vous découvrirez qu’il n’y a que des avantages à rejoindre cette équipe.

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La nouvelle trousse de mise en œuvre offre des ressources utiles pour les soins de santé mentale et d’usage de substances

Pour comprendre ce qu’est le rétablissement, il faut d’abord reconnaître que chaque personne a droit à une vie satisfaisante, valorisante et nourrie par l’espoir, et ce, même si elle est aux prises avec une maladie mentale, des problèmes de santé mentale ou des problèmes de consommation de substances. Ce droit fondamental s’accompagne d’un puissant virage dans la voie menant au bien-être qui est ancrée dans l’espoir, la dignité, l’autodétermination et la responsabilité. En termes plus concrets, la pratique axée sur le rétablissement englobe une gamme de services et de mesures de soutien conçus pour répondre aux besoins de chaque personne et pour lui permettre d’atteindre ses buts.

Les praticiens, les fournisseurs de services et les décideurs politiques du Canada (et de partout dans le monde) sont de plus en plus nombreux à reconnaître le principe axé sur le rétablissement comme étant essentiel pour améliorer les systèmes et les résultats de santé mentale. Plus important encore, ce principe est appuyé par les personnes ayant un savoir expérientiel et leurs familles, dont les valeurs et les points de vue sont d’une importance cruciale pour obtenir des résultats favorables.

Le temps est venu
Afin de faire progresser encore davantage l’utilisation de l’approche axée sur le rétablissement dans les soins de santé mentale et de traitement des dépendances, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) vient tout juste de publier le document Pratiques axées sur le rétablissement : Trousse de mise en œuvre. Cette nouvelle trousse s’appuie sur le Guide de référence pour des pratiques axées sur le rétablissement (le Guide) de la CSMC et offre un large éventail de ressources visant à expliquer à tous les intervenants du système des services de santé la manière d’appliquer les approches axées sur le rétablissement, peu importe leur rôle, leur profession, leur discipline, leur ancienneté ou leur degré de contact avec les utilisateurs des services.

La trousse explique aussi en détail la manière dont la mise en œuvre d’une approche axée sur le rétablissement pourrait fonctionner dans différents contextes, du grand hôpital de santé mentale au petit réseau de soutien communautaire, en passant par les services de santé mentale communautaires fournis par des organismes à but non lucratif de taille moyenne. Elle inclut des idées quant aux manières d’utiliser le Guide, des exemples de progression articulée en quatre phases ainsi que plusieurs outils, ressources et modèles pour soutenir ces efforts.

Les personnes ayant un savoir expérientiel considérées comme des partenaires égaux
L’importance de ces valeurs et points de vue est illustrée dans la section Comment passer à l’action. S’appuyant sur les principes de la science de la mise en œuvre, une méthode permettant de transformer les pratiques exemplaires en actions, la trousse met l’accent sur l’importance de la « coproduction » : faire intervenir des personnes ayant un savoir expérientiel en tant que partenaires égaux pour cerner des occasions d’améliorer les services de soins de santé et créer des solutions pour y arriver. La coproduction s’aligne sur les principes axés sur le rétablissement, notamment en adoptant une approche fondée sur les forces et en valorisant la participation de chacun.

Exemples concrets
Un total de huit exemples concrets traduisent ces idées de manière plus palpable grâce à des reportages qui mettent en lumière les nombreuses manières dont les principes axés sur le rétablissement peuvent être adoptés et appliqués. L’un de ces organismes place depuis très longtemps la coproduction au centre de ses activités.

L’organisme CHANNAL (Consumer’s Health Awareness Network Newfoundland and Labrador) est exploité par et pour des personnes ayant un savoir expérientiel passé ou présent depuis ses débuts, en 1989. En tant que réseau à but non lucratif offrant du soutien, de l’éducation et des conseils stratégiques, son principal objectif est de favoriser le rétablissement et l’autodétermination en fournissant un espace sécuritaire où les personnes peuvent se soutenir entre elles et apprendre les unes des autres.

Selon la superviseure de l’éducation au public de l’organisme, Monica Fletcher, « la section sur le monde réel de la Trousse transpose le concept vaste et quelque peu idéaliste du rétablissement dans le domaine du possible et le rend compréhensible et réalisable ».

Bien qu’elle soit impressionnée par la manière dont la trousse définit toutes les étapes nécessaires, elle demeure réaliste quant à ce que cela implique. « Ne vous y trompez pas », explique-t-elle, « il faudra du temps et l’engagement de tous, à tous les échelons, pour organiser, évaluer et achever la mise en œuvre. Néanmoins, cela permettra finalement d’améliorer la vie de toutes les personnes concernées. Et ces efforts en valent la peine. »

Mme Fletcher est bien placée pour parler d’une telle persévérance. En parlant du processus visant à permettre au personnel de CHANNAL d’acquérir les compétences et à lui fournir les ressources nécessaires pour adopter une pratique axée sur le rétablissement, elle a insisté sur le fait que « la formation et le soutien sont au cœur de tout ce que nous faisons. Toutes les décisions prises par l’équipe de direction tiennent compte de la rétroaction de nos pairs aidants de première ligne. Nous comptons sur eux pour nous guider. Si quelque chose ne fonctionne pas, que ce soit pour les personnes que nous aidons ou pour notre personnel, nous apportons des changements. Nous permettons à chaque membre du personnel d’assumer la responsabilité de son propre bien-être. Bien que cela puisse sembler différent pour chaque personne, cette façon de faire fonctionne bien. Ça va et ça vient constamment. »

Pour Troy, un utilisateur des services de CHANNAL qui vit avec la schizophrénie, tout ce qu’on fait est lié à son rétablissement, et non à sa maladie. « J’ai consulté des conseillers, des ergothérapeutes, des médecins de famille », dit-il. « Il n’y a qu’à CHANNAL que je ne me sens pas comme une victime. »

La croissance du rétablissement
Dans le cas de CHANNAL, l’engagement envers les personnes ayant un savoir expérientiel passé ou actuel et envers le rétablissement a donné lieu à des changements à Terre-Neuve-et-Labrador. En 2017, le ministre de la Santé et des Services communautaires a mis sur pied un nouveau conseil provincial sur le rétablissement en santé mentale et en traitement des dépendances (Provincial Recovery Council for Mental Health and Addictions) au sein duquel le directeur général de CHANNAL occupe un poste de direction. Maintenant, non seulement l’organisme conseille directement le ministre, mais ses services ont aussi connu une croissance exponentielle (ayant atteint jusqu’à 1 000 % entre 2015 et 2020).

« Il a fallu dix ans d’efforts concertés à CHANNAL pour en arriver là », dit Mme Fletcher. « Quand j’ai commencé à travailler ici il y a six ans, il y avait seulement trois pairs aidants de première ligne. Aujourd’hui, notre personnel compte 33 membres de partout à Terre-Neuve-et-Labrador que nous formons et soutenons. Plusieurs de nos pairs aidants travaillent main dans la main avec des équipes cliniques tout en mettant à profit leur formation et leur savoir expérientiel pour soutenir les personnes d’une manière professionnelle axée sur le rétablissement. »

Les organisations qui veulent entreprendre ou poursuivre le processus de mise en œuvre peuvent télécharger la nouvelle trousse en visitant la page Le rétablissement du site Web de la CSMC.

Le programme de prévention du suicide et de promotion de la vie Enraciner l’espoir pourra fleurir dans onze nouvelles communautés

Les défis engendrés par la pandémie sont à la une de tous les bulletins de nouvelles. Ils inondent le fil de nouvelles de nos réseaux sociaux et dominent nos conversations (le port du masque et la distanciation sociale sont encore en vigueur) lorsque nous croisons nos voisins au dépanneur ou à la station-service.

Mais la COVID-19 n’est pas la seule crise de santé publique à laquelle nos communautés sont confrontées. Chaque année, au Canada, le suicide emporte 4 000 personnes. Les conséquences de chacune de ces tragédies affectent une centaine de personnes : membres de la famille, amis, collègues. Le suicide entraîne une forme de dévastation bien particulière. Les personnes qui ont survécu au suicide d’un proche rejoignent un club dont personne ne souhaite faire partie.

Exactement comme nous courons tous le risque d’attraper la COVID-19, dans des circonstances défavorables, nous pouvons tous nous retrouver à avoir des pensées suicidaires. Un récent sondage Léger commandité par la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances a révélé que bien que 7 % des personnes sondées avaient eu des pensées suicidaires pendant la pandémie, ce pourcentage grimpe à 16 % chez les personnes qui étaient déjà aux prises avec des problèmes de santé mentale, et à 25 % pour les personnes ayant des antécédents de problèmes de consommation de substances.

Pour le président-directeur général de la CSMC, Michel Rodrigue, les répercussions du suicide d’un ami ne sont jamais bien loin sous la surface. « Je m’investis à fond dans la réussite de nos efforts de prévention du suicide, car nous savons que lorsque les habitants d’une région s’unissent et mettent leurs ressources, leur créativité et leur détermination en commun, nous pouvons incorporer la prévention au tissu social de nos communautés », dit-il. « Aujourd’hui plus que jamais, c’est notre responsabilité collective de veiller les uns sur les autres. »

Enraciné dans les données les plus probantes
Les efforts auxquels M. Rodrigue fait référence impliquent les cinq domaines d’intervention du modèle de prévention du suicide et de promotion de la vie de la CSMC, Enraciner l’espoir. En plus d’avoir conçu le modèle, la CSMC invite les communautés participantes à partager leurs connaissances et leurs idées et évalue les données fournies par ces communautés pour déterminer ce qui fonctionne le mieux. Lors du lancement du modèle à Ottawa en septembre 2018, sept communautés disposaient du financement nécessaire pour participer au projet.

Aujourd’hui, après avoir reçu des demandes de partout au pays, nous avons sélectionné 11 communautés supplémentaires pour faire partie de la deuxième cohorte d’Enraciner l’espoir. Connues également sous le nom de communauté des Premiers adeptes, ces communautés sont situées dans diverses régions, de la ville minière de Flin Flon, à cheval sur la frontière entre le Manitoba et la Saskatchewan, à la municipalité d’Halton dans le sud de l’Ontario.

« De très nombreuses communautés ont manifesté leur intérêt à joindre les rangs des Premiers adeptes du projet Enraciner l’espoir », a dit Ed Mantler, vice-président, Programmes et priorités à la CSMC. « Le fait que ces communautés aient trouvé le moyen de rendre cela possible montre non seulement que les besoins sont grands, mais aussi qu’elles ont la volonté d’investir le temps, l’argent et l’énergie émotionnelle nécessaires pour susciter le changement. »

Pour Angela Fetch Muzyka, agente de développement communautaire pour la ville de Stony Plain, en Alberta, ce projet est doublement intéressant. « Participer à Enraciner l’espoir représente une occasion en or de renforcer les efforts déployés dans notre propre communauté. Mais c’est aussi intéressant de savoir que nos réussites et nos échecs guideront d’autres communautés dans leur approche de la prévention du suicide.

La pandémie nous a appris que grâce à des efforts concertés, nous pouvons nous regrouper et nous protéger les uns les autres face aux dangers — même si cela implique parfois que nous prenions nos distances — et cela nous rappelle que c’est passablement la même chose en ce qui concerne la prévention du suicide.

Enraciner l’espoir permet aux communautés d’avoir accès à des mines de connaissances et d’approches fondées sur les données les plus probantes, mais ce n’est pas une formule universelle. Chaque communauté se concentre sur les populations les plus à risque dans sa région respective.

Par exemple, Pontiac, au Québec, ciblera l’ensemble de sa population en mettant un accent particulier sur les hommes. Les populations ciblées au Nouveau-Brunswick, qui seront les premières à appliquer le modèle d’Enraciner l’espoir toute la province, comprendront les jeunes, les aînés, les vétérans, les Autochtones et les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. Au Yukon, premier territoire à se joindre au programme, ce seront les populations des zones rurales et éloignées et les étudiants de l’Université du Yukon qui seront ciblés.

« On peut rapidement constater les avantages qu’il y a à regrouper les renseignements recueillis auprès des diverses communautés », dit Nitika Rewari, directrice intérimaire, Prévention et promotion. « Tout à coup, nous avons accès à des approches qui fonctionnent pour des personnes de divers âges, origines et situations ».

Faire croître l’éducation
Enraciner l’espoir repose sur l’idée de cibler les forces spécifiques et les caractéristiques uniques de chaque région.

« Le président de notre conseil d’administration, Chuck Bruce, l’a comparé à la construction de modèles réduits d’avions », se rappelle M. Rodrigue. « Le modèle arrive neutre et incolore dans une boîte, et ce sont les mains qui le construisent qui lui donnent vie. »

Compte tenu des facteurs complexes qui entrent en jeu, Enraciner l’espoir ne prétend pas pouvoir résoudre un problème aussi complexe que le suicide en une nuit. Toutefois, il est possible de tirer profit de ce que nous faisons afin de mieux servir les personnes aux prises avec des pensées suicidaires.

Par exemple, de nombreuses personnes décédées par suicide avaient visité leur médecin de famille au cours des six mois précédant leur décès. « Former les médecins, les professionnels de la santé et d’autres leaders communautaires pour qu’ils soient en mesure de reconnaître les signes et d’avoir cette difficile conversation est important pour tisser des filets de sécurité plus efficaces », affirme M. Mantler. « Il est tout aussi important de rejoindre les jeunes qui ont perdu un ami ou un proche par suicide. »

« Certaines de nos communautés nous ont dit qu’elles faisaient face à certaines hésitations quant à la bonne manière d’aborder le sujet du suicide avec les enfants », explique Julie McKercher, gestionnaire de programme au sein de l’équipe Prévention et promotion de la CSMC. « Nous avons donc décidé de créer une ressource visant à guider ces conversations d’une importance cruciale. À titre d’organisation rassembleuse ayant facilement accès à l’expertise, la CSMC peut répondre à ces besoins. »

Et bien que l’éducation soit un aspect fondamental de l’approche d’Enraciner l’espoir, la « restriction de l’accès aux méthodes » l’est tout autant. « Nous devons nous pencher sur les moyens que les gens prennent pour s’enlever la vie et essayer de créer des barrières ou de restreindre l’accès à ces méthodes », indique Mme Rewari. « De nombreuses tentatives de suicide ont lieu pendant une crise à court terme. En installant des barricades aux abords des gares ferroviaires, en limitant l’accès aux ponts élevés ou en encourageant les gens à se débarrasser de leurs médicaments sur ordonnance non utilisés de manière sécuritaire, on pourrait faire diminuer le nombre de suicides. »

L’espoir au temps de la COVID-19
« Tout comme nous avons géré la pandémie de COVID-19 en ayant recours à une campagne de sensibilisation axée sur la distanciation sociale, le port du masque et l’isolement en présence de symptômes », explique M. Rodrigue, « nous pouvons nous appuyer sur les mêmes principes pour créer une campagne de sensibilisation du public à la prévention du suicide. »

La pandémie a évidemment engendré d’innombrables défis, mais elle a également mis en lumière la rapidité avec laquelle nous pouvons canaliser les interventions communautaires pour assurer la sécurité de nos résidents. Pendant que ces connaissances sont encore fraîches dans nos esprits, nous avons l’occasion de les appliquer avec la même détermination et la même rigueur pour promouvoir des mesures qui permettent de sauver des vies, comme celles mises de l’avant dans le cadre d’Enraciner l’espoir.

Comme le dit Breanne Mellen, coordonnatrice du programme de prévention du suicide de la communauté des Premiers adeptes de Medicine Hat, en Alberta, « Si nous travaillons ensemble et respectons les connaissances, l’expérience et les capacités de chacun d’entre nous, nous pouvons faire de grandes choses, et nous le ferons. »