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Les sommets LA TÊTE HAUTE de la Commission de la santé mentale du Canada passent au virtuel

Lorsque le monde s’était arrêté en grande partie en mars 2020, la gestionnaire du programme LA TÊTE HAUTE, Fiona Haynes, était complètement démoralisée.

Les sommets LA TÊTE HAUTE sont des rassemblements interactifs qui donnent aux jeunes personnes l’occasion de s’informer sur la santé mentale et d’acquérir les outils nécessaires pour devenir des champions et des ambassadeurs de la lutte contre la stigmatisation dans leur école et dans leur communauté.

Selon Mme Haynes, « les personnes d’entre nous qui sont engagées dans le programme ont pu constater concrètement l’effet positif que nous avions, mais aussi l’ampleur du besoin — à quel point les jeunes bénéficiaient d’un espace sécuritaire pour écouter, apprendre et poser des questions. Mais surtout, nous avons également été
encouragés de constater l’immense sentiment de valorisation qu’ils ont ressenti lorsqu’on leur a demandé de proposer des solutions ». Depuis qu’elle a rejoint
le programme en 2016, Mme Haynes a assisté à sa croissance grâce au bouche-à-oreille, passant d’un seul sommet national à un programme ayant atteint des centaines de milliers d’étudiants.

Trouver un plan B

« Lorsque la pandémie a frappé, j’étais dans mon salon, terriblement inquiète à propos de la manière dont nous allions procéder pour joindre ces jeunes, pour nous assurer qu’ils sachent que nous ne les avions pas oubliés, pour leur lancer cette bouée de sauvetage et leur dire que nous étions encore là pour eux », dit-elle. « Mais j’ai vite découvert que je n’étais pas la seule à m’inquiéter. Toute l’équipe pensait que nous avions besoin d’un plan B ».

En fait, le plan B s’est mis en place tellement rapidement que Mme Haynes l’appelle désormais fièrement un « second plan A ». Elle a toujours su que l’atteinte des
communautés isolées et à accès aérien signifierait une réorganisation des rassemblements traditionnels. Toutefois, elle ne croyait pas que les nouveaux sommets virtuels, inspirés par le concept existant de LA TÊTE HAUTE avec des mesures de distanciation physique, dépasseraient nettement ses attentes.

« Nous avons trouvé l’ingrédient secret », dit Mme Haynes, qui a mentionné que les rapports d’évaluation des projets pilotes avaient indiqué un effet égal en ce qui a trait à tous les comportements positifs que les sommets en personne tentaient de promouvoir, allant de la recherche d’aide à la réduction de la stigmatisation. 

Les sommets traditionnels de LA TÊTE HAUTE fonctionnaient en rassemblant des étudiants de différentes écoles secondaires au cours d’une journée complète. Après avoir entendu d’inspirantes histoires de rétablissement, les étudiants participaient à des activités qui incitaient à la réflexion et prenaient conscience de l’influence positive qu’ils pouvaient avoir pour changer les attitudes et les comportements entourant la santé mentale. Les étudiants apportaient ensuite leurs nouvelles connaissances dans
leur propre école pour contribuer à la rendre plus sécuritaire sur le plan de la santé mentale, avec le soutien d’un mentor (professeur ou conseiller scolaire).

Bien que la formule virtuelle adopte un parcours similaire, les étudiants se joignent à jusqu’à cinq autres groupes tout en demeurant dans leur salle de classe. Dirigés par des animateurs ayant suivi une formation spécifique en communication virtuelle, les événements sont divisés en modules de 75 minutes (pour tenir compte de la fatigue causée par Zoom) qui correspondent au slogan à trois parties du sommet : (1) « Prenez courage », face à la santé mentale, au bien-être mental et à la recherche
d’aide appropriée (2) « Tendez la main », pour comprendre la stigmatisation et la remettre en question et (3) « Dites-le », pour savoir comment passer à l’action de façon significative. 

L’apprentissage par connexion

La façon dont les sommets sont présentés a une incidence directe sur ce que les participants retiennent de leur expérience. Comme l’a dit un étudiant, « J’ai appris à quel point la santé mentale est négligée, l’importance de tendre la main, d’être attentif et conscient, et de réaliser à quel point les personnes ayant une maladie mentale sont fortes et capables. »

Ce genre d’observation sincère, ajoute Mme Haynes, est probablement le résultat d’un « apprentissage fondé sur le contact », qui se produit lorsqu’un conférencier de LA TÊTE HAUTE (souvent un jeune adulte) partage son expérience sur la manière dont il a géré une maladie mentale ou dont il s’en est rétabli.

« Finalement, l’autre n’est pas aussi autre qu’il semblait être », explique Mme Haynes. « Les étudiants voient leurs peurs, leurs insécurités et leurs vulnérabilités reflétées par une jeune personne qui a réussi, qui communique bien et qui est un modèle positif, ensuite, de manière instantanée, se disent : je peux avoir de l’anxiété, je peux me sentir déprimé, je peux me sentir seul et je peux aussi être une personne valorisée qui peut tendre la main pour obtenir l’aide que je mérite. »

Une telle perspective, jumelée à la connaissance des ressources disponibles, donne également aux étudiants la confiance nécessaire pour offrir un soutien approprié et encourager leurs pairs à demander de l’aide. Les jeunes ont un rôle important à jouer, étant donné que les amis sont souvent la première ligne de défense lorsque survient un problème.

Élan d’enthousiasme
Jusqu’à présent, les trois projets pilotes de LA TÊTE HAUTE et le lancement officiel du sommet en version virtuelle ont tous généré des résultats positifs. 

« Nous avons une formule éprouvée et testée pour les sommets en personne, et le fait de voir cette formule bien se transformer en version virtuelle est un signe encourageant », indique Laura Mullaly, gestionnaire par intérim, Mobilisation des connaissances, de l’équipe de la promotion de la santé mentale. « Nous disposons d’évaluations rigoureuses qui nous démontrent que « Oui, cette formule fonctionne comme elle le devrait », et le fait de constater ces évaluations reproduites pour les
sommets virtuels signifie que nous pouvons poursuivre notre travail important, peu importe les mesures liées à la COVID-19. »

Un commentaire d’un étudiant en 10année lors du dernier sommet virtuel en dit long : « Je suis désormais mieux outillé. Je sais comment aller chercher de l’aide et je sais comment aider les autres. »

Un nouveau document d’information souligne la situation critique des parents en pleine pandémie

Il existe une « société secrète » à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), tout comme c’est le cas dans tous les lieux de travail du pays. Ses membres se reconnaissent entre eux grâce à divers signes et signaux — certains sont subtils, d’autres le sont moins.

Répondez-vous à vos appels dans le silence bienfaisant d’une voiture, dans le placard de la chambre à coucher ou dans le calme relatif de la salle de chauffage? Êtes-vous la personne qui, lors des réunions de travail, éteint sa caméra pour pouvoir remplir un bol de craquelins en forme de poisson ou donner son avis sur un dessin indiscernable représentant un chat (ou un corbeau) ? Vous entendez-vous dire : « Je vais t’aider à trouver tes chaussures, ton lapin ou ton minuscule bloc de Lego dès que j’aurai fini de rédiger ce rapport, de programmer cette réunion ou de rédiger cet article » ?

Si vous répondez par l’affirmative à l’une de ces questions, il y a de fortes chances que vous fassiez partie du club!

Les parents de jeunes enfants ont payé le plus lourd tribut en termes de stress lié à la COVID-19 — les mères en particulier. Prenons l’exemple d’une nouvelle étude de la CSMC (en partenariat avec la Société canadienne de pédiatrie), qui a révélé que les taux de dépression pendant la pandémie chez les mères de nourrissons et d’enfants (âgés de 18 mois à 8 ans) sont passés de 9 % à 42 %.

Un besoin croissant
Même avant la COVID-19, des signes indiquant la nécessité de repenser les services et les mesures de soutien offerts étaient déjà évidents, en particulier en ce qui concerne les familles confrontées à des facteurs de stress supplémentaires tels que l’insécurité financière, le faible filet de soutien social ou la discrimination raciale. Avant la pandémie, moins de 20 % seulement des familles avaient accès au meilleur moyen de combler les disparités au cours des premières années de la vie : des centres d’éducation de la petite enfance abordables et agréés.

Depuis le début de la pandémie, les familles ont dû faire face à une série supplémentaire de complications imprévues, allant de l’isolement social et des interruptions des services de garde et de scolarité des enfants aux soucis financiers et à la perte d’emploi. Il n’était donc pas surprenant de constater une augmentation des conflits familiaux, y compris des divorces.

Samantha Bennett, une maman qui travaille au service des affaires publiques de la CSMC, connaît bien cette réalité. « Au début de la pandémie, j’ai perdu ma mère, mon mari a perdu son emploi et mes enfants ont vu leur routine bouleversée », a-t-elle expliqué. « Je n’ai aucun doute que les expériences négatives auxquelles les parents sont confrontés ont des répercussions sur le bien-être des enfants. »

Les observations anecdotiques de Bennett sont corroborées par 40 % des parents en Ontario qui signalent des changements comportementaux et émotionnels chez leurs enfants et par 61 % des parents au Canada qui sont préoccupés par la gestion des comportements, de l’anxiété, des émotions et du stress de leurs enfants.

À la recherche de nouvelles solutions
Dans le but de résoudre ces problèmes concrets, notre document d’information conjoint formule des recommandations spécifiques à l’attention des décideurs.

« Nous avons besoin de services ciblés en matière de santé mentale pour les parents de jeunes enfants », a déclaré Brandon Hey, analyste principal des politiques et de la recherche à la CSMC. « Et nous avons besoin d’interventions pour réduire le stress auquel font face les parents et répondre aux besoins des aidants. »

À cet égard, le portail Espace mieux-être Canada (2020-2024) est un excellent point de départ pour les parents. Même bien avant de créer un compte, vous avez déjà accès à des informations de base sur la gestion de l’anxiété chez les adultes et les enfants. En créant un compte, vous avez accès à un éventail encore plus large de ressources, notamment des cours sur la gestion des comportements fondés sur des données probantes, des suivis individuels (ou en groupe) et des programmes autogérés qui vous permettent de suivre votre état d’esprit.

La prise de parole est le point de départ pour obtenir du soutien
Mme Bennett, qui a eu une maladie mentale avant la pandémie, a senti son anxiété monter en flèche. « L’autre jour, j’ai reçu une alerte sur mon moniteur d’activités physiques. Il affichait que mon rythme cardiaque était très élevé, mais précisait tout de même que je n’étais pas en train d’exercer d’activités physiques. Les problèmes de santé mentale sont parfois pour certaines personnes aussi évidents qu’un signal d’alarme sur leur montre, mais ils sont plutôt insidieux pour d’autres. »

« C’est pour cette raison que nous devons prendre des mesures pour relever les défis à court terme tout en réfléchissant à la manière de créer des politiques qui améliorent les résultats à long terme, dans des secteurs comme l’éducation préscolaire, les services de garde d’enfants, les compléments de revenu et la protection contre la discrimination », a affirmé M. Hey.

« La pandémie a accentué les lacunes et les inégalités qui existaient déjà dans les services », a-t-il ajouté. « Les délais d’attente sont trop longs, les praticiens qualifiés sont trop peu nombreux et les mesures de reddition de comptes sont trop faibles. »

« La lutte à laquelle les parents sont confrontés est tout à fait réelle », a affirmé Mme Bennett. « Un parent ne donne pas le meilleur de lui-même sous la contrainte, et nous savons que lorsque le stress s’accumule, nous courons le risque d’adopter un comportement loin d’être parfait ou des stratégies d’adaptation moins idéales, ce qui peut avoir de graves conséquences pour nos enfants. Mais, il n’y a aucune honte à dire : Écoutez, j’ai besoin d’aide, je ne vais pas bien. »

« Et lorsque des personnes nous tendent la main, nous devons nous assurer que la bonne personne est là pour répondre à l’appel », a ajouté M. Hey.

Le nouveau cours virtuel « Premiers soins en santé mentale » apprend aux adultes à soutenir les jeunes dans leur vie. 

Bien avant la pandémie, la nécessité de soutenir la santé mentale des jeunes était évidente. Comme 50 % des problèmes associés à la santé mentale apparaissent avant l’âge de 14 ans, les années formatrices de nos jeunes sont parmi les plus vulnérables. Aujourd’hui, cette vulnérabilité n’a fait que croître étant donné que nos jeunes doivent également faire face aux impacts de la COVID-19.

Il peut être difficile pour les adultes de savoir comment se comporter avec les jeunes dans leur vie, et encore moins comment les aborder au sujet de leur bien-être mental. Pour les aider à lancer ces importantes conversations, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a mis à jour sa formation PSSM – Soutenir les jeunes et l’a adaptée à un format virtuel. De plus, les adultes pourraient être surpris d’apprendre qu’« entretenir une relation » ne fait pas partie du programme d’études.

« Lorsque vous parlez à un jeune de ses expériences, il ne s’agit pas de vous », explique Denise Waligora, spécialiste de la formation et de la prestation à la CSMC. « Lorsque vous arrivez à l’âge adulte, vous aurez surmonté des épreuves et aurez appris des stratégies d’adaptation au fil du temps. Il n’en est pas nécessairement de même pour les jeunes. Vous devez être en mesure d’écouter sans minimiser leurs expériences ou les comparer aux vôtres. »

Ce type d’écoute sans jugement n’est que l’une des stratégies que les participants peuvent s’attendre à acquérir dans le cadre de la nouvelle formation virtuelle « Premiers soins en santé mentale ». Au cours de ce cours très interactif de 10 heures, ils apprendront également à reconnaître les signes de détérioration du bien-être mental, à engager des conversations autour de ces observations, à apporter leur aide en cas de crise de santé mentale ou d’usage de substances, à rechercher une aide extérieure et à prendre soin de leur propre bien-être à titre de « secouristes ».

Mettre l’accent sur l’individu
Plutôt que de proposer une approche étape par étape pour soutenir tous les jeunes, les animateurs du cours soulignent l’importance de l’individualité. « Chaque personne est caractérisée par un ensemble de comportements, d’humeurs et d’attitudes de base », a déclaré Mme Waligora. Par exemple, si la détérioration de la santé mentale d’un jeune peut se manifester par de mauvaises notes ou par des conflits avec ses amis, ces choses pourraient représenter la norme pour quelqu’un d’autre.

Le facteur le plus important à surveiller est le changement, dit-elle. « Dès que nous constatons un changement dans l’un de ces domaines, nous devons nous demander quelle est l’ampleur de l’écart par rapport à la ligne de base de cette personne et depuis combien de temps ce changement perdure. »

De même, les stratégies conversationnelles efficaces et les types de soutien peuvent également varier en fonction de l’individu. Certains jeunes sont impatients de partager leurs sentiments si on leur en donne l’occasion. Certains d’autres, cependant, peuvent se sentir gênés et avoir besoin de plus de temps. Afin de favoriser une ambiance décontractée, les participants au cours apprennent à aborder les jeunes de manière plus informelle par le truchement d’une activité, plutôt que de les confronter directement.

« Qu’il vous faille une ou cinq tentatives pour y arriver, vous démontrez à ce jeune que quelqu’un se soucie de lui. »

Une approche mise à jour
Les mises à jour de la formation PSSM – Soutenir les jeunes sont basées sur le cours original offert en présentiel, mais en plus de son adaptation au format virtuel, le contenu a également été retouché.

L’un des principaux ajouts, selon Mme Waligora, est une section consacrée aux groupes marginalisés, notamment les jeunes racialisés, autochtones et 2SLGBTQ+. « Un jeune de la communauté 2SLGBTQ+, par exemple, pourrait avoir une expérience très différente de celle de ses camarades au secondaire. Nous devons connaître et reconnaître ces différences afin d’offrir notre soutien le plus efficacement possible. »

Un autre aspect d’un tel soutien (qui représente un autre ajout au contenu du cours) est la prise en charge par les participants au cours de leur propre bien-être. Les participants sont largement formés à soutenir les jeunes qui les entourent, mais également à reconnaître que le fait de s’occuper des autres peut nuire à leur propre bien-être.

Enfin, le cours mis à jour a évolué pour inclure une approche plus holistique en regard du bien-être. Plutôt que de se concentrer sur les étiquettes, la formation suit un modèle axé sur le rétablissement, mettant l’accent sur la résilience et le bien-être général dans tous les domaines de la vie.

Notre responsabilité collective
Bien que le cours ait été conçu pour les adultes qui interagissent avec les jeunes, comme le souligne Mme Waligora, le groupe des participants est composé de bien d’autres personnes en plus des parents.

« Nous côtoyons presque tous des jeunes dans notre vie, que ce soient des proches, des voisins, des élèves ou des employés. Si vous êtes assez proche pour remarquer un changement chez une personne, vous êtes donc assez proche d’elle pour lui offrir un soutien. »

À la fin de l’année dernière, le gouvernement de la Saskatchewan a agi dans ce sens en s’engageant à verser 400 000 dollars pour offrir la formation de PSSM dans les écoles primaires et secondaires de la province.

« Notre objectif est de faire en sorte qu’au moins un membre du personnel de chaque école reçoive une formation de Premiers soins en santé mentale d’ici décembre 2021 », a déclaré le ministre de l’Éducation de la Saskatchewan, Dustin Duncan. « Nous sommes ravis de soutenir les écoles en veillant à ce que les élèves aient accès à des ressources en matière de santé mentale, et j’encourage tous les conseils scolaires au niveau provincial à y participer pour contribuer à éliminer la stigmatisation entourant la santé mentale. »

Pour Mme Waligora, l’essentiel est simple : « Nous avons la responsabilité de protéger nos jeunes. Chaque jeune mérite un refuge sûr vers lequel il peut se tourner. En tant qu’adultes, nous pouvons être ce refuge. »

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La CSMC souligne le départ à la retraite de Phil Upshall

Peu de temps après avoir été nommée présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) il y a plus de 10 ans, Louise Bradley a commencé à s’entourer d’une équipe de direction capable de guider l’organisation en faisant preuve de la sagesse de l’expérience vécue.

Selon elle, une grande partie de ce plan a pris la forme d’un « conseiller unique en son genre, irrépressible, intelligent, aux opinions très arrêtées, au cœur d’or et capable d’auto-dérision » du nom de Phil Upshall, qui, a-t-elle ajouté, était « quelqu’un qui s’assurait que la voix de l’expérience vécue soit à l’avant-plan ».

Lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois, Phil faisait partie d’un cercle de leaders visionnaires du domaine de la santé mentale « qui étaient bien en avance sur leur temps », dit-elle. « Ils comprenaient bien les coûts économiques et humains de la maladie mentale bien avant que les campagnes de sensibilisation soient à la mode. »

Phil Upshall

Mais si Phil faisait preuve d’une grande ténacité et entretenait de vastes relations, c’est sa propre expérience vécue, accompagnée d’une volonté de partager librement son histoire pour améliorer le sort des autres, qui intriguait le plus Louise.

Placer l’expérience vécue au cœur de la prise de décisions
Michel Rodrigue, qui a succédé à Louise Bradley à la tête de la CSMC en mars, est d’accord. « Nous pouvons remercier Phil non seulement d’avoir intégré une appréciation de l’expérience vécue au sein de la direction, mais aussi d’avoir fait de l’expérience vécue un élément central de l’organisation. »

« Phil m’en voudra de n’avoir suivi qu’un tiers de ses conseils, affirme Louise en riant. Mais en étant à la table de direction, Phil a fait bien plus que de nous demander des comptes. Il remettait en question notre façon de penser, et lorsque notre approche divergeait de la sienne, il nous demandait de le regarder dans les yeux et de lui fournir un argument solidement étayé. »

Pour Ed Mantler, vice-président des programmes et des priorités de la CSMC, Phil a permis à l’équipe de réfléchir objectivement. « Son expérience m’a rappelé que chaque élément de notre travail a des répercussions sur le monde réel. Phil m’a incité à devenir un défenseur encore plus grand de notre travail sur le rétablissement, et il m’a ouvert les yeux quant à l’importance de mettre en lumière le soutien par les pairs. » 

Plus grand que nature
« Phil ne s’est jamais excusé de sa franchise », a indiqué Louise, dont les souvenirs de Phil sont empreints d’une profonde affection et d’un grand respect.

« J’étais contente de savoir que nos décisions étaient approuvées par quelqu’un dont les intentions s’harmonisaient avec les nôtres, mais dont les opinons étaient honnêtement les siennes, a indiqué Ed. Phil est un animal politique, mais il est de cette race rare capable de se faire entendre au-dessus du vacarme de la politique partisane. »

« Dans le domaine de la santé mentale en général, Phil était plus grand que nature, a ajouté Michel. Il a joué un rôle déterminant dans de nombreux progrès importants, de la création de l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale à la promotion de la création de la CSMC. Mais grâce à mes interactions personnelles avec Phil, je continue d’être ouvert à entendre des vérités difficiles, d’être sensible à la force qu’il faut avoir pour être vulnérable. »

Michel n’a pas l’intention de s’éloigner de ces apprentissages. « Notre Groupe du couloir, notre Conseil des jeunes et nos nombreux membres du personnel qui incarnent la grâce et le rétablissement ont tous des histoires qui nous remettent les pieds bien sur terre, des expériences qui nous rendent humbles et une sagesse qui nous guide. Phil nous a appris à écouter ces étoiles du Nord, et cela ne changera jamais. »

Un héritage discret
Même si le rôle de Phil dans le succès de la CSMC était en grande partie en arrière-scène, c’est exactement pour cette raison que Louise estime qu’il a eu le plus grand impact.

« Phil n’a jamais demandé de reconnaissance, et il ne s’est jamais soucié que ses contributions soient criées sur tous les toits, a-t-elle déclaré. Tout ce qu’il voulait, c’était que nous fassions les choses correctement. Son mandat en tant que conseiller officiel de la CSMC touche peut-être à sa fin, mais son amitié ne faiblira jamais. »

À l’aube de la retraite de Phil, l’organisation est fière de célébrer son héritage discret, qui n’est qu’une infime partie de l’empreinte indélébile qu’il laisse sur le vaste paysage de la santé mentale au Canada.

Un nouveau sondage examine les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie

Pour Mary Bartram (Ph. D.), directrice des politiques à la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC), il est essentiel de mieux comprendre les réalités des personnes qui travaillent dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie pour améliorer les résultats en matière de santé mentale.

« Pendant beaucoup trop longtemps, aucune donnée sur ces fournisseurs de soins essentiels n’a été recueillie, a expliqué Mme Bartram. Alors que nous nous préparons à une pandémie parallèle de problèmes de santé mentale, nous devons comprendre la main-d’œuvre invisible appelée à y faire face. »

Mme Bartram a noté que, si des données détaillées sont régulièrement recueillies sur les médecins et le personnel infirmier, nous n’avons qu’une compréhension superficielle des psychologues et des travailleurs sociaux et ne savons presque rien de tous les autres types de travailleurs en santé mentale et toxicomanie, des psychothérapeutes aux conseillers en toxicomanie.

Mary Bartram

« Pour répondre à l’augmentation des problèmes de santé mentale et de toxicomanie que nous observons en raison de la pandémie, il faut savoir exactement quels sont les outils dont nous disposons, a déclaré Mme Bartram. Pourtant, nous ne savons pas où travaille cette main-d’œuvre, combien d’heures de services ces travailleurs fournissent, quelles populations ils desservent, ou quels sont leurs domaines d’expertise. » Ce manque de connaissances est préoccupant, étant donné la position unique de ces travailleurs pour répondre à ces besoins émergents pendant la pandémie.

Faire la lumière sur les lacunes en matière de soins
Heureusement, ce manque de compréhension commence à changer, selon un récent sondage mené par la CSMC et le Réseau canadien des professionnels de la santé, qui visait précisément à établir un aperçu de ce paysage encore inexploré.

Pour Mme Bartram, les chiffres révélés par le sondage sur la capacité de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie face à la COVID-19 ont déclenché des signaux d’alarme sur plusieurs fronts.

« Ce sondage révèle la nature à deux vitesses de notre système de santé. Bien que nous aimions vanter les mérites des soins de santé universels, la réalité est que 31 % des fournisseurs interrogés ne reçoivent aucun financement public pour les services qu’ils offrent. Leurs clients doivent plutôt payer de leur poche ou par une assurance privée offerte par leur employeur. »

Selon Mme Bartram, il n’est pas surprenant que les répercussions de la pandémie au chapitre des problèmes de santé mentale et de toxicomanie aient été pires parmi les populations à faible revenu. Ces personnes n’avaient pas accès à une assurance privée avant la pandémie et ont pu avoir l’impression qu’elles n’avaient aucun moyen d’atténuer leurs problèmes de santé mentale tout au long de la crise.

Comme l’a noté Mme Bartram dans un récent article d’opinion publié dans The Hill Times, alors que les deux tiers de la population ont accès à des prestations de maladie complémentaires, « le reste de la population paie de sa poche, doit faire face à de longues attentes pour des services limités financés par l’État, s’aventure dans le brave nouveau monde des services virtuels si la large bande le permet, ou s’en passe ».

En effet, les résultats du sondage indiquent que, bien que 33 % des fournisseurs en santé mentale et toxicomanie aient diminué leur capacité en raison des mesures de distanciation sociale, presque autant (28 %) ont déclaré que cette diminution était attribuable aux problèmes rencontrés par les clients relativement aux soins virtuels.

Des inégalités sur plusieurs fronts
Selon Mme Bartram, bien que l’explosion des options de soins virtuels comme le portail Espace Mieux‑être Canada soit un signe positif, nous devons nous préparer à l’importante courbe d’apprentissage chez de nombreuses personnes et comprendre aussi que cette forme de soins ne répondra pas aux besoins de tous.

« L’équité est une énorme pièce du casse-tête, a-t-elle dit. Il ne s’agit pas seulement de savoir si les gens sont à l’aise d’utiliser des services virtuels. Il faut aussi se demander si les gens ont un service à large bande et s’ils sont en sécurité à la maison. »

Une division entre les genres dans les réponses au sondage souligne également l’importance de comprendre comment les fournisseurs de soins de différents genres s’en sortent.

Dans l’ensemble, les praticiennes (qui représentent près de 80 % de l’échantillon du sondage) ont davantage diminué leur prestation de services, les « responsabilités personnelles supplémentaires » figurant parmi les principales raisons.

En revanche, un plus grand nombre de praticiens masculins ont été en mesure d’augmenter leur prestation de services en offrant des services bénévoles et en profitant d’un nouveau financement.

Selon Mme Bartram, ces chiffres concordent avec les résultats d’un récent sondage de Léger commandé par la CSMC et le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), qui souligne l’impact disproportionné de la pandémie sur les femmes.

« Les femmes assumaient davantage les soins et les responsabilités domestiques avant la pandémie, explique-t-elle. La COVID a amplifié cette disparité et ainsi, les femmes, en particulier celles qui ont de jeunes enfants à la maison, ont eu moins de temps libre et une moins bonne santé mentale que leurs homologues masculins. »

La voie à suivre
Même si certains praticiens ont pu augmenter leurs services, la demande continue de dépasser largement l’offre. Les premiers résultats d’un récent sondage conjoint de la CSMC et du CCDUS ont révélé que seulement 18 à 20 % des personnes ayant des problèmes de santé mentale et de toxicomanie ont eu accès à des services au cours du mois de février.

Pour remédier à ce déséquilibre, souligne Mme Bartram, nous devrons continuer d’étudier les fournisseurs qui offrent ces services. Les résultats de ce sondage, financé par une subvention d’exploitation des Instituts de recherche en santé du Canada, seront abordés lors d’un dialogue sur les politiques en juin. Il convient de noter que nous avons besoin de beaucoup plus qu’un sondage pour disposer du type de données nécessaires à la planification fondée sur les besoins de la population.

« Les réalités de la main-d’œuvre en santé mentale et toxicomanie ont été négligées pendant trop longtemps, a précisé Mme Bartram. Nous espérons que de les mettre en lumière nous permettra de satisfaire davantage les besoins de tous les Canadiens, y compris les fournisseurs eux-mêmes, maintenant et longtemps après la pandémie. »

La formation des premiers répondants L’esprit au travail offre aux policiers un nouveau type de protection. 

Beth Milliard

La sergente-chef Beth Milliard n’est pas étrangère à l’impact de la maladie mentale sur le travail des policiers. Issue d’une famille de policiers, elle a commencé sa carrière en s’engageant à faire de la santé mentale une priorité, pour elle-même et ses collègues.

C’est cette volonté de créer un environnement plus favorable qui l’a amenée à suivre la formation L’esprit au travail pour les premiers intervenants. Alors qu’au départ elle cherchait simplement à explorer des options pour son propre service, la police régionale de York, elle est finalement devenue formatrice principale dans le cadre du programme.

« Les policiers sont très sceptiques et très honnêtes, et pourtant, lorsque nous avons mis ce cours à l’essai dans le service, presque tous les commentaires étaient extrêmement positifs, a-t-elle déclaré, ajoutant en riant que les quelques commentaires négatifs concernaient des éléments comme la difficulté de trouver un stationnement. Après avoir reçu les premiers commentaires, il est devenu évident que nous devions rendre le cours obligatoire pour tous les membres du service. »

Le cours interactif, qui a récemment été adapté au format virtuel (jusqu’à ce qu’il soit sécuritaire de revenir à l’apprentissage en personne), vise à sensibiliser à la santé mentale, à réduire la stigmatisation, et à favoriser la résilience. À l’aide d’une approche fondée sur des données probantes, les participants apprennent à s’auto-évaluer et à parler de leur santé mentale, en plus d’utiliser des stratégies pour les aider à composer avec les difficultés et des ressources à solliciter lorsqu’ils ont besoin de soutien.

Reconnaître l’importance de la santé mentale
Bien qu’il ait fallu plus de deux ans pour former tous les membres de la police régionale de York, Beth Milliard n’est pas la seule à considérer que cet investissement en valait la peine. « Les gens qui étaient là bien avant le lancement du programme ont commencé à se demander où était ce programme il y a 10 ans. »

Le programme a connu un tel succès que la police régionale de York l’a rendu obligatoire. De plus, il a été intégré au programme du Collège de police de l’Ontario, l’organisme de formation responsable de tous les nouveaux agents de la province.

Pour Beth Milliard, cette priorité accordée à la santé mentale chez les policiers est encourageante. « Lorsque j’ai fait mes études au Collège de police, nous avions peut-être une heure de formation en santé mentale axée sur la gestion des personnes en crise. Cette situation a non seulement exacerbé la fausse idée voulant que la maladie mentale soit un problème tout blanc ou tout noir, c’est-à-dire soit vous êtes en crise soit vous allez bien, mais nous n’avons jamais appris à reconnaître nos propres signes d’avertissement, encore moins à savoir quoi faire à cet égard. »

Parler un langage commun
Pour Beth Milliard, le Modèle du continuum en santé mentale est l’un des éléments les plus importants du cours, lequel apprend aux utilisateurs à évaluer leur santé mentale à tout moment à l’aide d’une échelle de couleur : vert (en santé), jaune (en réaction), orange (blessé) et rouge (malade).

« Le continuum permet à tout le monde de parler de santé mentale en utilisant le même langage, dit‑elle, ajoutant que la police régionale de York a franchi un pas de plus en enseignant le modèle à ses psychologues, travailleurs sociaux et autres membres du personnel, favorisant la communication dans l’ensemble de l’organisation. Maintenant, lorsqu’une personne cherche une aide professionnelle dans son milieu de travail, elle n’a qu’à dire qu’elle croit être dans la zone orange pour que tous comprennent immédiatement ce que cela signifie. »

Une culture qui évolue
Lorsque Beth Milliard réfléchit au changement de culture entourant la santé mentale dont elle a été témoin tout au long de sa carrière, elle ne peut pas s’empêcher de penser à son père, un policier à la retraite ayant plus de 30 ans d’expérience. « Mon père a passé les 15 dernières années de sa carrière à s’occuper d’accidents de voiture mortels, explique-t-elle. Et pendant ces 15 années, personne ne lui a jamais demandé comment il allait ou s’il avait besoin d’un peu de repos. Pas une seule fois. »

Heureusement, dit-elle, la culture du silence et de la stigmatisation a fait du chemin, et grâce à des cours comme L’esprit au travail pour les premiers intervenants, elle s’améliore sans cesse.

« J’aime utiliser l’analogie du gilet pare-balles, dit-elle. Avant 1980, les gilets pare-balles n’étaient pas obligatoires sur le terrain. Aujourd’hui, tous les policiers diraient qu’il est impensable de sortir sans cette protection. Je pense qu’il en va de même pour ce cours. Maintenant que nous l’avons, il est presque impossible d’imaginer faire le travail sans elle. C’est une couche de protection supplémentaire. »

Pour en savoir plus sur les avantages de la formation L’esprit au travail pour les premiers intervenants pour votre organisation, écrivez-nous à l’adresse solutions@changerlesmentalites.org

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La Commission de la santé mentale du Canada publie une nouvelle ressource pour les parents et les aidants

C’est dans la nature humaine d’éviter les conversations difficiles, surtout celles qui touchent des circonstances pénibles et des sujets délicats. Mais nous devons parfois nous attaquer à ces problèmes de plein fouet.

C’est certainement le cas pour plusieurs communautés qui participent à l’initiative de prévention du suicide Enraciner l’espoir de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC).

« Une série tragique de suicides est survenue » dans l’une de ces communautés du nord, a affirmé Nitika Rewari, la directrice intérimaire des initiatives de prévention et de promotion de la CSMC. « Il peut être angoissant pour les parents, les grands-parents et les aidants d’aborder des sujets aussi douloureux. Alors, les gens nous incitaient souvent à créer une ressource pour de telles situations; une ressource qui ferait ressortir le besoin de soutenir les enfants de façon compatissante, sécuritaire et appropriée. »

Ceci dit, elle a ajouté qu’il est naturel qu’un aidant auprès d’un enfant affecté par le suicide se sente dépassé et ne sache pas comment agir.

Par où commencer
« Alors nous avons créé Parler aux enfants d’un suicide, un outil de conversation qui vise à aider les parents, les enseignants et autres à parler aux enfants, étape par étape. Puisqu’il s’agit d’une tâche difficile, nous avons voulu expliquer aux aidants comment se préparer mentalement, à quoi s’attendre (ou ne pas s’attendre), et comment répondre avec un langage approprié », a expliqué Mme Rewari.

Pour Michel Rodrigue, le nouveau président-directeur général de la CSMC, la nouvelle ressource touche une corde profondément sensible du point de vue personnel.

« Un proche de ma famille est décédé par suicidé, et cette perte tragique est survenue lorsque ses enfants étaient très jeunes. À l’époque, nous n’étions pas éclairés sur l’importance d’engager une conversation ouverte. Je sais maintenant que le meilleur chemin vers la guérison consiste à créer un espace pour le deuil, reconnaître ces émotions et permettre aux enfants de poser des questions délicates », a-t-il affirmé. 

La gestionnaire de programme Julie McKercher, qui a travaillé intensivement dans le cadre d’interventions d’urgence communautaires, a créé la ressource et a demandé à huit experts de réviser et de valider ses approches. Comme elle l’indique, l’élément clé de ce processus consiste à obtenir des informations précises. « Nous ne sommes pas nés en sachant comment soutenir un enfant en deuil, et nous avons peut-être peur qu’une conversation sur le suicide puisse implanter des idées dans la tête de l’enfant ou créer encore plus d’angoisse. Ce sont pourtant des mythes : ces idées sont simplement fausses. »

Toucher la corde sensible
L’outil Parler aux enfants d’un suicide sert non seulement à dissiper certains mythes, mais également à montrer aux aidants de simples techniques pour atténuer la pression qu’ils peuvent ressentir durant ces conversations délicates.

« Certaines petites choses sont tellement plus sensées, comme s’asseoir côte à côte avec la personne, mais on ne sait pas toujours automatiquement comment les faire », a affirmé M. Rodrigue, en faisait allusion à la technique de « conversation côte à côte » pour éliminer la pression du contact visuel qui peut permettre de parler de façon plus naturelle, soit en marchant ou en s’engageant dans une activité calme côte à côte. « Cette technique peut ouvrir l’espace permettant de dissiper la gêne. »

La ressource elle-même n’est pas si simple. « La première tâche est de vous préparer à agir en tant que soutien », a affirmé McKercher. « Et cette préparation vous demande de faire face aux sentiments que vous pourriez avoir, et de les mettre de côté pour offrir une écoute bienveillante et sans jugement. »

Chaque enfant vit le deuil de façon différente, a-t-elle ajouté, et la compréhension de la mort se développe à mesure que les enfants grandissent. Mais peu importe la réaction de l’enfant, il est très important que l’aidant puisse délicatement réaffirmer à l’enfant qu’il n’est pas responsable de ce suicide.

Une longue conversation
Non seulement les enfants se rendent-ils compte des humeurs, mais ils entendent des conversations et échangent des idées avec leurs pairs. « Alors nous devons outiller les enfants avec de l’information appropriée à leur âge et à leur niveau de développement, et nous devons nous laisser guider par leurs questions », a déclaré Mme Rewari. « Lorsqu’il s’agit de parler d’un suicide, il ne faut pas s’attendre à ce qu’une seule conversation suffise. »

Une ressource comme celle-ci est importante, a affirmé M. Rodrigue, car elle met en lumière l’évolution de la compréhension des enfants au fil du temps. Par exemple, un enfant qui, à un très jeune âge, a perdu un être cher par suite de suicide peut soudainement agir de façon plus mature et sembler mieux comprendre la finalité de la mort.

Mme Rewari a ajouté : « Qu’il s’agisse de colère, de frustration, de culpabilité, d’insomnie, de troubles de concentration ou même si aucun signe n’est visible, le deuil ne se conforme pas à un tableau et ne peut s’inscrire sur un graphique. Quand bien même personne ne peut prévoir la forme que prendra ce deuil, nous pouvons toutefois offrir aux aidants une feuille de route pour engager une conversation avec un enfant si le besoin se fait sentir. »

M. Rodrigue partage cet avis. « On n’oublie jamais un suicide. On apprend à vivre avec. Et si nous témoignons de l’empathie, de l’ouverture d’esprit et de la compréhension, nos enfants apprendront, au fil du temps, à agir de la même façon. Il s’agit d’un effet d’entraînement qui pourrait se traduire par des changements transformationnels liés à notre façon de parler du suicide et d’intervenir en cas de suicide au sein de notre communauté et de notre famille. »

Le pompier Steve Jones parle des bienfaits du programme de formation L’esprit au travail, premiers intervenants

Lorsque le pompier Steve Jones a complété son cours afin de devenir formateur pour L’esprit au travail, premiers intervenants (EATPI), on lui a demandé de partager certaines notions apprises avec son équipe.

« La conversation qui devait durer 15 minutes a duré trois heures », a déclaré Steve, le chef de peloton par intérim au service d’incendie de Burlington. « Les gars ont parlé ouvertement de sérieux problèmes de santé mentale à leur sujet et dans leur famille, des problèmes dont j’ignorais totalement l’existence. J’ai compris à ce moment-là que nous connaissons tous quelqu’un dans le besoin. »

L’EATPI, qui a récemment été mis à jour et adapté à un format virtuel (jusqu’à ce que l’apprentissage en personne puisse reprendre son cours de façon sécuritaire), est conçu pour accroître la sensibilisation, réduire la stigmatisation, renforcer la résilience, et favoriser les conversations sur la santé mentale parmi les premiers répondants.

Les participants sont initiés à des outils comme le continuum de la santé mentale à code couleur pour accroître la conscience de soi, et on leur présente également des stratégies d’adaptation et des ressources pour mieux prendre soin d’eux-mêmes et des autres.

Steve remarque que même si le matériel est en apparence très simple, ses répercussions se font sentir bien au-delà de la salle de classe. « La trajectoire est un des concepts les plus importants. Une brève conversation sur la santé mentale, ou le courage de dire “j’ai besoin d’aide” peut modifier la trajectoire d’une personne de façon permanente. Voilà pourquoi ce cours est si important. »

Une série de deux poids deux mesures
La trajectoire change en partie parce que le cours insiste sur la réduction de la stigmatisation qui, comme l’indique Steve, se manifeste souvent de façon arbitraire en présence de la maladie mentale.

« Lorsqu’un employé retourne au travail après avoir subi une blessure au dos, on ne se questionne pas à savoir s’il est apte à remplir ses tâches. Nous faisons confiance au processus qui le déclare apte à retourner au travail et nous tournons la page. Mais lorsqu’un employé retourne après une blessure psychologique, cette confiance implicite fait défaut. »

Selon lui, l’autostigmatisation qui se manifeste lorsque quelqu’un admet avoir des problèmes ou demande de l’aide est encore plus généralisée; et c’est un point qu’il tient à préciser en tant qu’animateur.

« J’ai demandé aux membres de mon groupe de lever leur main s’ils croient que les membres de leur équipe s’adresseraient à eux pour parler de leurs problèmes, et la plupart des mains se sont levées. Alors, j’ai renversé la situation, et j’ai demandé lesquels d’entre eux s’adresseraient à un coéquipier pour partager leurs problèmes, et la réponse a été très différente. Les premiers répondants veulent aider les gens, mais demander de l’aide est une autre paire de manches. »

Sauver des vies commence à la station

Steve Jones wearing his fire fighter uniform

Steve Jones

Steve est devenu formateur pour l’EATPI en partie parce qu’il a réalisé que la stigmatisation nuisait aux membres de son propre département. Depuis lors, tous les membres du département d’incendie de Burlington ont suivi le cours, ce qui a entraîné un véritable changement de culture (et une utilisation accrue des programmes d’aide aux employés et à leur famille) qui a incité les autres départements à demander des conseils. 

L’enthousiasme de Steve pour l’EATPI s’explique en grande partie par son incidence positive sur les membres de son département, mais c’est surtout la transformation qu’il observe chez ses participants qui continue d’alimenter sa passion. « Il n’y a rien de plus gratifiant que lorsque quelqu’un vient me trouver à la fin du cours pour me dire : “J’en avais vraiment besoin’’ », a-t-il expliqué.

« Je crois vraiment avoir sauvé plus de vies dans mes cinq années en tant que formateur pour l’EATPI qu’en 20 ans de carrière comme pompier. »

Ce sentiment a été exprimé plus tôt lors du cours au département d’incendie de Burlington par un conférencier d’honneur surprise : un chef du service d’incendie à la retraite qui avait demandé à parler au groupe au début de la session.

« Il nous a rappelé qu’en tant que pompier, nous consacrons des heures à la formation qui assurera notre sécurité au travail. Il existe des exercices pour toutes sortes de situations, alors lorsque le plancher se dérobe sous vos pieds, vous n’avez qu’à envoyer un signal de détresse et vous serez sauvés… Mais lorsque vous êtes aux prises avec des problèmes de santé mentale, et que vous vous sentez en perte de contrôle, il n’y a pas de “signal de détresse’’. Nous sauvons des vies grâce à cette formation qui vise à protéger la santé mentale. »

Steve se souvient que tout le monde dans la pièce a été touché. Le chef à la retraite était un mentor hautement respecté, il a vu les conséquences de la négligence de la santé mentale durant sa carrière, notamment la perte d’un coéquipier par suicide.

« Après ce jour-là, il est revenu et a parlé à tous les groupes de formation avant le début du cours. Peu importe le nombre de fois que je l’ai entendu, ses mots ont touché une corde sensible et ma trajectoire a changé un peu plus. »

Pour en apprendre davantage sur les bénéfices d’EATPI virtuel pour votre organisation, contactez solutions@changerlesmentalites.org

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Un acte de jonglerie impossible

Étant donné que les effets de la pandémie se font sentir de différentes façons, la Commission de la santé mentale du Canada, tourne son attention vers les populations touchées de façon disproportionnée — notamment les femmes.

« Les femmes représentent la majorité de notre organisation », a affirmé Karla Thorpe, vice-présidente des affaires publiques et du rendement organisationnel de la CSMC. « Tous les jours au cours de la dernière année, nous avons reçu entre autres des témoignages d’employées qui doivent jongler avec un nombre impossible de tâches, et nous devons reconnaître que ces réalités ont des conséquences sur la santé mentale. »

Mme Thorpe elle-même connait trop bien le fardeau mental émanant des tensions liées à la COVID.

« Cette dernière année a été personnellement la plus difficile à affronter. J’ai dû envoyer mes parents âgés dans une maison de soins au plus fort de l’épidémie. Lorsque je passais de longues journées à tenir des réunions sur Zoom, suivies par des visites en tant qu’aidante vêtue d’un ÉPI de la tête au pied, la normalité semblait parfois bien loin », se souvient-elle. « Je reconnais cependant ma bonne fortune. La situation est encore plus complexe pour celles ayant dû s’absenter du travail pendant une longue période sans avoir droit aux congés payés. Ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui ne disposent pas des ressources pour solliciter l’appui dont elles ont besoin. »

Un fardeau disproportionné
Les femmes connaissent bien le rôle des principaux fournisseurs de soins, voilà pourquoi jusqu’à un tiers des mères sur le marché du travail ont envisagé de quitter leur emploi depuis le début de la COVID. Et quitter le marché du travail peut être lourd de conséquences.

C’est pour cette raison que la CSMC a créé un mini-guide conçu spécialement pour favoriser le mieux-être mental des femmes qui ont été écartées du marché du travail, notamment à cause des fermetures d’entreprises dues à la pandémie, pour prodiguer des soins, ou pour assumer d’autres responsabilités.

Liz Horvath, gestionnaire de l’équipe de la santé mentale en milieu de travail de la CSMC, était prête à soutenir cette ressource dès le départ. « J’ai vécu cette expérience », a-t-elle affirmé, faisant allusion à une période sombre où cette mère célibataire travaillait comme serveuse pour subvenir aux besoins de son enfant. « J’étudiais, je travaillais et j’assumais mon rôle parental, mais je sentais toujours que ces contributions n’étaient pas appréciées, qu’elles n’en valaient pas la peine. J’étais considérée comme «juste» — juste une serveuse. Je me sentais broyée dans un engrenage.

Mais lorsqu’en quête de sens j’ai quitté ce travail, j’ai été confrontée à des obstacles importants malgré les connaissances et les compétences précieuses acquises en tant que mère célibataire, serveuse et étudiante », a-t-elle expliqué. « Cette lutte constante a affaibli ma résilience et j’ai alors été en proie à une grave dépression, à une époque où la stigmatisation était très répandue et l’accès aux services de soutien vraiment limité. »

Rajuster le tir pour le mieux-être mental
Mme Horvath a indiqué qu’il existe trois façons de se retrouver au chômage sans perdre confiance en soi et le contact avec l’extérieur. Il existe également trois façons de créer un espace pour l’autogestion de sa santé, même lorsque la balance penche lourdement vers les réalités du monde du travail. 

« Il semble banal de demeurer en contact avec l’extérieur, mais il s’agit toutefois d’un élément très important », a-t-elle affirmé. « Peu importe votre domaine de travail, qu’il s’agisse de service de première ligne ou de travail de bureau, il existe des groupes ou des forums en ligne, des possibilités de bénévolat, des services d’orientation professionnelle, et des tests d’aptitudes en ligne. J’ai adhéré à ces types de contacts lorsque j’en ai eu la chance, et ils m’ont été très utiles. »

Mme Thorpe est d’accord et ajoute qu’« en ce qui concerne les femmes, la confiance peut être une pierre d’achoppement, surtout en périodes de chômage. Voilà une raison en particulier pour laquelle nous avons conçu cette ressource afin d’aider les femmes à remanier leur façon de penser. Une période creuse dans un CV offre une chance de démontrer l’expérience acquise à l’extérieur du milieu de travail. Certaines compétences que nous avons acquises dans un domaine peuvent s’appliquer à un autre domaine — car l’important c’est notre capacité à apprendre et à nous épanouir.

Ce mini-guide est un guide de référence facile à utiliser et offre des conseils pratiques et des ressources dans tous les domaines, du soutien en santé mentale jusqu’à la culture financière.

« Cet hiver, la CSMC a créé une fiche de conseils pour aider les employeurs à soutenir et à bien accueillir les femmes qui retournent au travail après une absence », a déclaré Mme Horvath. « Nous réalisons toutefois qu’il reste une lacune importante à combler. Qu’en est-il de la santé des femmes pendant cette période sans travail? Comment pouvons-nous leur assurer un soutien? »

Se soutenir mutuellement
Pour Mme Thorpe, une femme qui exerce un rôle de dirigeante doit endosser une responsabilité supplémentaire. « En tant que femme dirigeante, je veux contribuer à faire tomber les obstacles systémiques qui nuisent constamment aux femmes en milieu de travail. Il arrive trop souvent que les femmes ne posent pas leur candidature pour un emploi. Ou bien qu’elles ne participent pas à un programme de mentorat, ou qu’elles ne parviennent pas à négocier une augmentation salariale. En tant que dirigeants, hommes ou femmes, nous avons la responsabilité de changer nos systèmes, nos processus et nos cultures au travail pour accommoder les réalités de la vie des femmes et obtenir les meilleurs talents possible. »

Mme Horvath partage ce point de vue et espère que les ressources, comme ce mini-guide, aideront les femmes à envisager leur avenir d’un bon œil. « Le fait de s’absenter du marché du travail pose de nombreux défis, mais offre également de nouveaux débouchés. Grâce à un soutien adéquat, la fin d’un chapitre peut mener à un avenir meilleur. Ce fut mon cas. »